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Le rapport de la commission d'enquête sur les violences sexistes et sexuelles dans le secteur culturel vient d'être publié. Écoutez la réaction de Judith Godrèche, l'actrice et réalisatrice, devenue le fer de lance de MeToo en France. Elle avait été à l'origine de la création de cette commission.
Regardez L'invité pour tout comprendre avec Yves Calvi du 09 avril 2025.

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Transcription
00:00RTL Soir, Yves Calvi et Agnès Bonfillon.
00:03Bonsoir Judith Godrech, merci beaucoup de prendre la parole sur RTL.
00:07Les violences morales, sexistes et sexuelles dans le monde de la culture sont systémiques, endémiques et persistantes.
00:13C'est le constat dressé par la députée Sandrine Rousseau, présidente d'une commission d'enquête qui a donc rendu ses conclusions aujourd'hui même.
00:19Vous avez immédiatement réagi en évoquant un constat impressionnant et terrifiant.
00:23On va prendre l'un puis l'autre si vous le voulez bien.
00:25Impressionnant en quoi vous qui suivez de près ces sujets ?
00:28Impressionnant, c'est-à-dire que ce qui est toujours impressionnant, c'est de voir écrit noir sur blanc des choses qu'on savait déjà.
00:35Ce qui est important, il me semble, par rapport à cette commission d'enquête, c'est justement qu'elle est un reflet de ce qui se passe dans la société
00:42et que ce système féodal et ces abus de pouvoir sont les mêmes dans le cinéma, dans l'église, dans les écoles.
00:52Et c'est en ça que cette commission d'enquête est un miroir à mille reflets, en fait.
00:56C'est comme des milliers de miroirs qui se reflètent les uns dans les autres et qui racontent plus ou moins tous la même histoire, dans le fond.
01:02Alors justement, Judith Goderèche, vous demandez que le travail de cette commission parlementaire se traduise en législation.
01:07Qu'attendez-vous exactement ?
01:09Ce que j'attends, alors moi, je n'ai pas d'expérience de commission d'enquête présidente.
01:12Oh oui, non, mais on en parle simplement, c'est-à-dire comment une société évolue et fait des choix.
01:16Oui, oui. Ce que j'attends d'abord, c'est qu'évidemment, ça se traduise en législation, que tout le monde prenne à la fois ses responsabilités et prenne le problème en main,
01:26qu'il y a un passage de flambeau et que ça devienne un problème collectif et que c'est grâce au collectif qu'on va y arriver.
01:32C'est de se dire, en fait, que les leaders ou que ceux qui ont le plus de pouvoir ou qui sont le mieux payés,
01:38parce que c'est les plus grosses stars sur un plateau, ils ont la plus grande caravane,
01:42ou c'est des gens sans qui on ne pourrait pas, par exemple, financer un film, d'ouvrir les yeux.
01:50Les personnes qui ont le moins de pouvoir, les personnes qui sont moins assises dans cette hiérarchie, ont besoin de l'aide des autres.
01:57Et c'est en ça qu'en tout cas, à mon endroit, à mon niveau, et parce que j'ai ce privilège qui est d'avoir eu des projecteurs braqués sur moi,
02:05c'était une responsabilité que de dire, je vais utiliser tant que je peux cette lumière, ces projecteurs braqués sur moi,
02:11pour dire ce qui se passe dans cette société-là, du cinéma, dans cette famille-là,
02:16en espérant que ça puisse avoir une incidence et ajouter ma voix à celle de toutes celles qu'on parlait avant moi.
02:23Voilà, maintenant, il faut évidemment que ce rapport ne se transforme pas en caleporte.
02:29Mais vous craignez que ça traîne sur une pile de bureaux à l'Assemblée ?
02:31Forcément que c'est une crainte, on voit bien que les préconisations de la civise ne sont pas mises en application.
02:38Il va falloir que ces préconisations soient portées par les députés,
02:43et il va sûrement y avoir des gens qui leur mettront des bâtons dans les roues, c'est sûr.
02:47Au-delà du travail que peuvent faire et que vont faire les députés,
02:53est-ce que vous pensez que les choses aussi sont en train de changer concrètement sur les plateaux de tournage, par exemple, en ce moment ?
03:00Oui et non, parce que je crois que d'après ce que j'ai entendu,
03:04il me semblerait qu'il y ait eu des témoignages très très récents de choses qui se sont passées sur des plateaux.
03:09Ce que je veux dire, c'est qu'évidemment, j'imagine une prise de conscience,
03:14ou en tout cas une espèce de petite lumière qui clignote,
03:17où on se dit que peut-être c'est moins facile de faire certaines choses,
03:20mais la prise de conscience est lente, mais c'est toujours pareil.
03:25Quand des choses sont ancrées, que des habitudes sont prises et qu'un système fonctionne,
03:30le petit grain qui vient mettre le désordre, c'est plus au grain qu'on s'attaque,
03:35le grain de sable, c'est à lui qu'on se prend.
03:37Vous voyez ce que je veux dire ? Ce qu'il faudrait, c'est plutôt éliminer le grain de sable
03:40que de faire la révolution, en fait.
03:42Donc rien ne change pour vous, en ce moment ? C'est très très lent, en tout cas ?
03:46Non, je ne serais pas aussi radicale que ça et aussi négative.
03:49Je pense que les choses vont dans le bon sens, et au contraire,
03:53moi j'ai envie d'être extrêmement optimiste.
03:55Maintenant, les remises en question, elles prennent du temps,
03:58et je peux parler pour moi, par exemple.
04:00Je veux dire, j'ai quand même fait partie aussi à ma manière d'un système.
04:03Je ne suis pas...
04:05Pardonnez-moi, mais 350 personnalités ont été auditionnées,
04:07parmi elles, Juliette Binoche, Pierre Ninet ou encore Jean Dujardin.
04:11Est-ce que tout le monde est d'accord ?
04:12Et est-ce que tout a été dit ?
04:14Est-ce que tout le monde est d'accord ?
04:17Non, je ne pense pas.
04:18Est-ce que tout a été dit non plus ?
04:19Évidemment que non, non, non.
04:21Oui ?
04:21Dites-nous, dites-nous, c'est intéressant.
04:22Non, on voit bien qu'il y avait des personnes qui n'étaient pas d'accord,
04:25qui étaient auditionnées, qui n'étaient pas d'accord.
04:27D'autres qui se sentaient, qui tenaient un discours qui n'avait rien à voir
04:30avec le discours qu'ils tiennent dans la vie de tous les jours.
04:33Frédéric Bonneau de la Cinémathèque avait été venu avec un discours.
04:36On aurait dit qu'il avait été, comment dire,
04:38briefé par une société de communication.
04:41Vous voyez, parce qu'il avait complètement changé son discours.
04:44Enfin, quasiment changé son discours.
04:45C'était peut-être le cas.
04:46Voilà.
04:48Oui, exactement.
04:49Ensuite, il y a des sujets qui, évidemment, on ne peut pas tout aborder.
04:53Ils ont fait un travail colossal.
04:55Pour moi, il y a des choses qui restent en suspens complètement,
04:57qui ne sont pas abordées, mais qui ont été abordées pendant les auditions.
05:00Comme, par exemple, le droit d'auteur.
05:03C'est-à-dire qu'il y a eu des témoignages de scénaristes femmes
05:07dont les écrits ont été volés,
05:10qui racontent comment, d'une certaine manière,
05:12il est très compliqué de défendre la maternité,
05:16pour ne pas dire la paternité de ces écrits,
05:18quand on se retrouve à travailler en amont d'un projet
05:21et qu'on n'a pas toujours un contrat.
05:23Et c'est vrai que, dans le fond,
05:25les personnes qui volent les corps volent aussi les écrits.
05:29Alors, justement, pardonnez-moi de vous interromper.
05:32Non, non, je vous en prie.
05:32Ce sera notre dernière question.
05:34La commission, notamment, appelle à interdire
05:36la sexualisation des mineurs à l'écran.
05:38Qu'est-ce que ça veut dire exactement ?
05:40C'est une très bonne question,
05:41parce qu'évidemment que c'est un vaste sujet
05:43et qu'il va devoir être...
05:45Et plus le sujet est vaste,
05:47plus il est compliqué de le rendre spécifique.
05:49Ce qui m'est arrivé sur le tournage
05:50de La fille de 15 ans, de Jacques Doyon,
05:52est-ce que ça veut dire, par exemple,
05:54qu'une fille de 15 ans,
05:56on ne peut pas la mettre nue
05:59entre les mains d'un homme de 40 ans ?
06:03Est-ce que ça veut dire que ce genre...
06:04Quelle est votre réponse à vous ?
06:05Moi, je pense qu'en effet, c'est problématique
06:07et je pense d'ailleurs qu'il est extrêmement intéressant
06:10de s'intéresser à l'œuvre,
06:12aux œuvres de certains réalisateurs
06:14et de regarder le nombre de films
06:16qui valorisent l'inceste.
06:19Et évidemment qu'il y a quelque chose d'incestueux
06:21quand un enfant de 15 ans
06:23se retrouve nu dans un lit
06:25avec un homme de 40 ans.
06:27Et qu'est-ce que ça donne à voir ?
06:28Et quelle est l'histoire que raconte
06:31cette œuvre-là dans son ensemble ?
06:35Et les œuvres de Benoît Jacot,
06:36le cinéma de Benoît Jacot,
06:38j'ai essayé de compter le nombre de films
06:40dans lesquels une jeune fille se fait violer,
06:42qu'il a réalisés.
06:44Voilà, vous voyez ce que je veux dire ?
06:45Oui, oui, on voit très bien.
06:46Si je vous dis ça, je vais me faire taper dessus,
06:48on va dire, mais qu'est-ce que c'est que cette histoire ?
06:49Elle veut faire de la censure d'œuvres de...
06:51Non, la question que je pose,
06:54c'est comment arriver à lire
06:56ou à quel regard porter sur des œuvres
06:58et des œuvres qui valorisent
07:00des comportements de violence sexuelle
07:02et qui ne sont pas, par exemple,
07:04comme la série, la mini-série Adolescence
07:06qu'on peut voir en ce moment,
07:08on voit bien que cette série est là
07:09pour faire avancer les choses.
07:11Il n'est pas en train de faire l'apologie
07:13de la violence et de la masculinité toxique,
07:16au contraire.
07:17Les choses sont claires.
07:18Merci infiniment d'avoir pris la parole
07:20Jodie Godrech sur RTL.
07:22Je rappelle que vous appelez donc
07:22à rendre concrètes les préconisations
07:24du rapport parlementaire
07:25dont nous parlions avec vous.
07:27Merci infiniment d'avoir pris la parole
07:28ce soir sur RTL.
07:29Merci beaucoup et désolée,
07:30j'ai beaucoup de choses à dire
07:31donc je parle très vite.
07:32Ne vous inquiétez pas.
07:33C'est très intéressant en tout cas.
07:34Merci infiniment.
07:35Bonne fin d'après-midi.
07:36Merci beaucoup.
07:37Merci, au revoir.
07:37Dans un ancien Marc-Antoine Lebrun.
07:41Agnès Bonfillon, RTL.

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