Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 9 avril 2025 : l'actrice et réalisatrice Marilou Berry. Elle joue dans le film "Doux Jésus", de Frédéric Quiring, qui sort mercredi.
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00:00Bonjour Marie Louberry, à six ans après une chute lors d'un spectacle de danse devant votre premier public, vous avez décidé de raccrocher le tutu et donc d'arrêter la danse classique.
00:09Dix ans plus tard, alors que vous étiez en rejet total des études, vous annonciez à votre mère Josiane Balasco et votre père Philippe Berry que vous vouliez être actrice.
00:16C'est le cinéma qui vous a attiré plus tard, qui vous a permis de solidifier et d'imposer votre personnalité pleine d'originalité, de simplicité et surtout d'humour.
00:24Alors, le franc parlé fait aussi partie de vous, vous avouez avoir du mal avec les films où les femmes ont un rôle de faire valoir, ils sont juste là pour montrer leur nichon.
00:32Alors oui, vous prenez le temps de bien choisir chacun de vos rôles, d'être vilaines parfois, l'une des reines du ring aussi, Joséphine également, d'incarner les nouvelles aventures de Cendrillon.
00:43En gros, vous refaites l'histoire.
00:45Aujourd'hui, vous avez posé votre double casquette pour une coiffe de bonne sœur.
00:49Vous êtes sœur Julie au sein du couvent Sainte-Marie.
00:55Vous consacrez à la vie contemplative, à prier.
00:58Vous n'avez aucun contact avec l'extérieur, sauf une visite médicale une fois par an.
01:02Et c'est justement une consultation médicale qui va jouer un rôle d'électrochoc et de remise en question avec une pré-ménopause.
01:09Le silence dans lequel vous étiez emmuré va se briser.
01:12Votre abstinence va s'éteindre au point de vous séparer du Christ pour retrouver votre premier amour, contrarié par une mère très autoritaire.
01:20Marie-Lou Béry, ça veut dire qu'il faut croire au miracle ?
01:23Ah oui, je pense qu'il faut croire au miracle, surtout pendant ces temps-ci.
01:27Il faut croire au miracle.
01:28Mais je trouve que c'est vraiment un film qui parle de la foi.
01:31Ce n'est pas un film sur une bonne sœur.
01:33Ce n'est pas un film sur la religion.
01:34On voit très peu sa vie au couvent, finalement.
01:36C'est vraiment un film sur la liberté, sur la quête de liberté, sur la remise en question et la foi.
01:42Parce que la foi, finalement, elle appartient à tout le monde.
01:45On n'a pas besoin d'être dans un lieu de culte pour avoir la foi.
01:48Et ne serait-ce qu'enfant, on croit tous en quelque chose.
01:51Et quand on a de la chance, on continue de croire quand on est grand.
01:55Et Lucie, c'est ce personnage-là aussi.
01:57C'est quelqu'un qui est en quête de liberté, qui se remet en question et qui se demande.
02:02Et finalement, ça aussi, c'est des questions qu'on se pose tous.
02:04On n'a pas besoin d'être bonne sœur pour se demander si on a fait les bons choix de vie,
02:08si on a pris les bons chemins.
02:09Et c'est ça, moi, qui m'a beaucoup touchée dans ce personnage,
02:13qui est très solaire, très candide et qui, malgré toute la dureté du monde
02:18qu'elle va se prendre en pleine face, garde la foi en l'humanité, en elle.
02:23Et c'est ça que j'ai trouvé très beau et très drôle aussi par l'écriture de Frédéric Kiering,
02:30qui a écrit une vraie comédie, en même temps tendre,
02:33qui n'est pas juste une suite de gags,
02:35où il y a aussi un peu une histoire d'amour, de contes.
02:39J'ai trouvé ça super bien mené, en fait.
02:41Ce film, c'est un regard léger et drôle sur la foi, effectivement,
02:45mais avec toujours un vrai respect.
02:48C'est-à-dire que les sœurs du couvent Sainte-Marie
02:51consacrent leur vie à cette contemplation.
02:53Elles ont fait vœu de chasteté,
02:54donc elles ont décidé de ne pas être maman,
02:57ce qui est finalement un acte quasiment héroïque.
03:00C'est extrêmement lourd de consacrer sa vie à un être supérieur.
03:06Il raconte ça aussi, ce film ?
03:08Il raconte vraiment...
03:09Des sacrifices.
03:10Le sacrifice, mais que peuvent faire toutes les femmes.
03:13C'est en ça où je pense qu'il n'y a pas besoin d'être bonne sœur
03:15pour se poser ces questions-là.
03:16Toutes les femmes se demandent,
03:18est-ce que j'ai envie d'avoir un enfant ?
03:21Est-ce que j'ai vraiment envie d'avoir un enfant ?
03:23Moi, je me suis posé cette question.
03:25Est-ce que ce n'est pas la pression sociale ?
03:27Est-ce que ce n'est pas ce que les autres nous montrent ?
03:30Alors oui, l'humanité est faite pour se reproduire,
03:32à un moment donné, c'est aussi ça.
03:34Mais je pense que toutes les femmes se posent cette question.
03:37Et même s'il y a des femmes qui, dès le plus jeune âge,
03:39se disent « moi, plus tard, je serai maman »,
03:41moi, par exemple, ce n'est pas quelque chose que je me suis dit enfant.
03:44Je ne me disais pas « plus tard, je serai maman ».
03:46Et la question s'est posée assez tardivement, d'ailleurs, pour moi.
03:50Et c'est ça qui m'a plu,
03:51c'est que le film, il résonne vraiment au-delà de juste la religion
03:55et d'être une bonne sœur.
03:56Et je pense que toutes les femmes font des sacrifices.
03:58Il n'y a pas besoin d'être bonne sœur pour faire des sacrifices.
04:01Il n'y a pas besoin d'être bonne sœur non plus
04:02pour avoir à mener des vies extrêmement compliquées.
04:06Aujourd'hui, on demande aux femmes d'être en même temps femmes au foyer,
04:09en même temps d'avoir une carrière,
04:11enfin, de mener tout de front.
04:13Et je trouve que ces remises en question
04:15et ce questionnement-là, personnel,
04:17et cette quête et de liberté et d'indépendance,
04:20c'est des questions que toutes les femmes se posent finalement
04:23et que tout le monde se pose.
04:25Le métier d'actrice que vous avez choisi d'épouser à 16 ans, c'est ça ?
04:30Je ne l'ai pas épousée à 16 ans.
04:32À 16 ans, je l'ai formulée, on va dire.
04:35Je suis rentrée dans des cours de théâtre.
04:37Je suis rentrée au conservatoire du 7e
04:39avec Daniel Berluc,
04:41c'est un super prof de théâtre
04:42de l'école Balashova.
04:44Et en fait, c'est lui qui m'a dit
04:46« Tiens, il y a une directrice de casting qui est venue.
04:49Elle cherche des jeunes femmes de ton âge,
04:51inconnues, grosses, de 20 ans.
04:54Est-ce que tu voudrais passer le casting ? »
04:56Et moi, je voulais à la base
04:57rentrer dans l'autre école de théâtre
04:59avec mes potes pour continuer à faire du théâtre avec eux.
05:01Et il m'a dit « Mais tu sais quoi ?
05:03Vas-y, fais-le comme un exercice. »
05:05Et je pense que c'est un des secrets de la réussite,
05:07c'est d'en avoir rien à faire.
05:08Je suis vraiment allée à ce casting
05:09sans savoir pour qui c'était.
05:10Et en me disant « J'y vais vraiment comme ça, histoire de dire. »
05:15Et c'était le film d'Agnès Jaoui et de Jean-Pierre Bacry.
05:18Donc, il y a une énorme part de chance
05:21et il y a une énorme part aussi de non-pression
05:24parce que je n'attendais rien de ce casting.
05:27Et c'est vrai que...
05:28Et puis, il y a aussi le fait que
05:29quand je suis arrivée dans ce métier,
05:31il y avait deux, trois, quatre rôles principaux
05:33où ils cherchaient des jeunes comédiennes grosses
05:37d'une vingtaine d'années
05:38et il n'y avait pas d'actrices pour les jouer ou très peu.
05:40Et il y avait des castings.
05:41Donc, j'ai eu un mélange de tout ça
05:43et du coup, j'ai commencé comme ça
05:44et je n'ai plus jamais arrêté de travailler.
05:47Dans tout ce parcours, Marie-Lou,
05:48vous avez toujours gardé effectivement cette personnalité
05:50mais surtout ce regard sur le monde.
05:52C'est-à-dire que vous n'avez jamais...
05:55Vous n'avez jamais pas dit ce que vous pensiez.
05:58Il y a toujours eu ce franc-parler.
06:00Ça aussi, c'est la partie de votre personnalité,
06:02le fait de dire les choses.
06:03Oui, vraiment, ça, je ne peux pas faire autrement.
06:06Je sais.
06:07On sent le constat désespéré.
06:09Alors qu'au contraire, ça fait avancer les choses.
06:12Oui, mais je pense qu'on a tous une responsabilité.
06:15On vit dans une société.
06:17Donc, on a tous une part de responsabilité,
06:20quelle que soit notre échelle.
06:22Donc, encore plus,
06:22quand on est une personnalité publique,
06:26dans les extrêmes, en temps de guerre,
06:28tous les artistes ont pris parti
06:29ou tous les gens ont caché des personnes,
06:33ont sauvé des enfants.
06:34Voilà, là, c'est le côté extrême.
06:36Mais je trouve qu'à la plus petite échelle
06:37d'une société qui est moins dans l'urgence,
06:40même si on y arrive un peu,
06:44on a tous une responsabilité.
06:47Et puis moi, déjà, je suis une femme en plus.
06:49Donc, bon, je reste une femme blanche,
06:52hétérosexuelle.
06:53Donc, je ne fais quand même pas partie
06:54de toutes les minorités.
06:55Mais c'est important de les représenter quand même.
06:58Vous représentez aussi vos parents indirectement.
07:01Quand vous leur avez annoncé à ses ans
07:03que vous vouliez être actrice,
07:04comment ils l'ont pris au premier abord ?
07:06Votre père, notamment, comment il a réagi ?
07:08Mon père, je ne pense pas que ça allait enchanter.
07:13Après, mon père, le truc cool avec mon père,
07:16c'est qu'il était très compréhensif vis-à-vis de l'école.
07:20C'est-à-dire que ce n'est pas quelqu'un qui disait
07:21« Écoute, lâche-nous la grappe, écoute tes profs,
07:23ils ont raison ».
07:24Et c'est quelqu'un qui a toujours été de mon côté
07:26quand il estimait que j'avais raison,
07:28parce que, bon, quand je faisais des conneries, voilà.
07:30Mais c'est quelqu'un qui a toujours été de mon côté.
07:33Par exemple, j'ai un souvenir de lui
07:35où j'étais tombée, j'étais en école,
07:37une école publique primaire en CM1, CM2,
07:40et j'avais une maîtresse qui ne voulait pas
07:42qu'on mette de basket en classe.
07:43École publique, communale.
07:45Donc, c'était quand même problématique
07:46de demander à des enfants de 12 ans
07:48qui changent de pied, de taille de chaussure
07:51tous les six mois,
07:52de mettre des chaussures de ville
07:53pour aller faire la récré après.
07:54Enfin, c'était complètement absurde.
07:56Et donc, je rentre à la maison
07:57avec 100 lignes à copier,
07:59je ne mettrai pas mes baskets en classe.
08:01Et mon père me regarde et dit
08:02« Mais c'est quoi cette connerie ? »
08:03Je dis « Bah, c'est la maîtresse,
08:04elle m'a donné ça. »
08:05Elle me dit « Mais enfin, ça ne va pas ou quoi ?
08:06Tu ne vas pas faire ça ? »
08:07Arrête immédiatement.
08:08Et le lendemain, il est allé voir la maîtresse,
08:10habillée de sa tenue la plus dégueulasse d'atelier,
08:13parce qu'il était sculpteur,
08:14avec ses chaussures toutes pourries,
08:15son pantalon couvert de merde,
08:17son pull tout plein de peintures et tout.
08:19Et il est allé la voir en lui disant
08:20« Mais enfin, qu'est-ce qu'il vous prend ? »
08:22Et j'ai encore des échanges
08:23de cahiers de correspondance
08:24que j'ai gardés précieusement,
08:26de cet échange entre ma mère,
08:27mon père et la prof,
08:29où ma mère dit « Mais enfin,
08:30est-ce que c'est comme le Tchador ?
08:31Vous n'allez pas bien ou quoi ? »
08:33Les baskets.
08:34Et malheureusement,
08:35j'étais la seule qui avait le droit
08:36de porter des baskets
08:37et qui n'avait pas de lignes.
08:39Ça, c'est le côté bête de la vie, quoi.
08:41Parce que j'aurais bien aimé
08:43que toute la classe puisse en porter.
08:44C'est pour ça que je le vivais assez mal, du coup.
08:47Donc, j'ai eu cette chance-là
08:48d'avoir des parents très compréhensifs
08:49et qui m'ont défendue
08:52quand ils pensaient que c'était juste.
08:55Donc, quand j'ai dit ça à mes parents,
08:58déjà, j'étais quand même en dépression,
09:00en échec scolaire.
09:01J'avais fait tous les types d'écoles
09:03possibles et imaginables.
09:05Je n'arrivais pas à m'intégrer,
09:06ni socialement,
09:07ni rentrer dans cette manière
09:10d'apprendre, de fonctionner
09:11qui est très particulière
09:12à l'école française.
09:13Je n'arrivais pas, quoi.
09:16Donc, quand on m'a dit
09:17« OK, tu peux faire autre chose »,
09:20là, j'ai découvert vraiment
09:21le plaisir d'apprendre.
09:22Mais vraiment,
09:23quand je suis rentrée en cours
09:24du conservatoire du 7e,
09:26j'ai découvert le plaisir
09:27de travailler, d'apprendre,
09:29d'être avec un groupe,
09:31d'avoir une vie sociale,
09:32de tout ça, d'avoir des amis.
09:33Moi, avant, mes amis,
09:34c'était « friends » à la télé.
09:36Ce n'était pas...
09:36Et je pleurais en regardant
09:37les épisodes.
09:39Donc, non, non,
09:39ça m'a vraiment permis
09:41de pouvoir justement
09:42rentrer dans la vie, quoi.
09:44C'est marrant,
09:44parce qu'il y a toujours
09:45un peu un cordon ombilical,
09:46quelque part,
09:46dans chacun de vos films,
09:47dans les rôles
09:48que vous incarnez,
09:49ce qui est plutôt assez drôle.
09:51Vous gardez quoi,
09:52d'eux, de vos parents ?
09:54Qu'est-ce qu'ils vous ont
09:54le plus transmis ?
09:55On garde plein de choses
09:56de nos parents.
09:56On est constitué
09:58de nos parents,
09:58techniquement parlant.
09:59On est les cellules
10:00de 50, 50 environ
10:03de nos parents.
10:04Donc, on ne peut être
10:04que finalement nos parents,
10:05nos arrière-grands-parents,
10:07nos grands-parents,
10:07enfin voilà,
10:08notre lignée,
10:09génétiquement parlant.
10:10Donc, ils m'ont transmis
10:11justement ce franc-parler,
10:13cette liberté,
10:16cette notion du plaisir,
10:20de prendre du plaisir
10:21dans son travail,
10:23de ne pas se laisser marcher
10:24sur les pieds.
10:26Et moi,
10:26je n'ai jamais été empêchée
10:28ni par mon corps,
10:29ce qui ne veut pas dire
10:30que je l'aime
10:31en tout point de vue,
10:32mais en tout cas,
10:32il ne m'a jamais empêchée
10:33ni d'aller à la plage,
10:34ni d'aller à la piscine,
10:36ni de mettre des robes,
10:37ni de jouer
10:38tel ou tel personnage.
10:39Quand il y a de la gêne,
10:40il n'y a pas de plaisir.
10:41Et moi, j'aime le plaisir.
10:43Donc, du coup,
10:43je pense qu'ils m'ont transmis
10:44cette notion-là.