Benoît Payan, maire divers gauche de Marseille, était l'invité de franceinfo soir mercredi 2 avril 2025.
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00:00France Info Soir, l'invité Agathe Lambret.
00:05Bonsoir Benoît Payan.
00:06Bonsoir Agathe Lambret.
00:07Vous êtes maire d'Hivergauche de Marseille.
00:09Marine Le Pen a été condamnée lundi à 4 ans de prison dont 2 fermes et 5 ans d'inégibilité avec exécution immédiate,
00:16ce qui compromet très sérieusement sa candidature en 2027.
00:20Est-ce que son absence à la présidentielle serait une anomalie démocratique pour vous ?
00:24D'abord on n'en sait rien parce qu'elle va pouvoir faire appel.
00:29Elle a fait appel et je crois que la cour d'appel a déjà donné une date, ce qui est rarissime.
00:35Elle a un appel en juillet 2026.
00:39Une décision à l'été 2026.
00:41À ce moment-là, il y aura une décision et les juges d'appel rectifieront ou confirmeront la décision des magistrats de première instance.
00:50Au moment où on parle, ni vous ni moi ne sommes capables de dire si elle pourra concourir ou pas à l'élection présidentielle.
00:57Je dois quand même noter que c'est plutôt mal parti, c'est même très mal parti.
01:03Mais c'est quand même très rare d'avoir à 48 heures d'une décision de première instance une cour d'appel qui donne déjà une date.
01:11Est-ce que c'est une bonne chose cela pour vous ?
01:13En tout cas, ça permet de faire redescendre la pression sur la justice parce qu'au regard de ce qui est en train de se passer,
01:20au regard de la remise en cause de l'indépendance de la justice,
01:23au regard des charges médiatiques et politiques qui sont en train d'être menées sur les juges,
01:27les menaces autour des juges,
01:29au regard de la mise en cause de ces trois juges et particulièrement de la présidente de cette formation,
01:36je crois qu'il faut faire redescendre la pression, qu'il faut mettre les juges à l'écart de la pression politique.
01:42Est-ce que vous comprenez aussi que les juges tiennent compte des échéances électorales pour décider d'un audiencement plus rapide ?
01:52Je pense que pour la justice, c'est une manière de se protéger.
01:56C'est une manière de se protéger et la justice a raison de le faire.
01:59Ce que je ne comprends pas ou ne comprendrai pas, et ce n'est pas le cas,
02:03ce serait que la justice juge en fonction des échéances électorales.
02:07Néanmoins, il y a une telle politisation de la part de l'extrême droite, de la part de Marine Le Pen et de ses amis,
02:12et d'autres d'ailleurs, certains de ses séides, de cette affaire,
02:16que je crois qu'il est bon de faire retomber la pression
02:19et de faire que le jugement en appel puisse se passer de manière sereine,
02:23ça va se passer de manière rapide, elle a beaucoup de chance finalement.
02:27Ce n'est pas tout le monde qui a cette chance.
02:29La moyenne d'audiencement, c'est deux ans.
02:31C'est un peu plus long.
02:33C'est deux ans pour vous et moi, ou trois ans, ou trois ans et demi.
02:37Quelques fois c'est plus rapide.
02:39Là, il se trouve qu'on est à un an, ce qui va pouvoir lui permettre de se défendre
02:43et pourquoi pas, de pouvoir concourir à l'élection présidentielle.
02:46Et ce n'est pas un passe-droit pour vous que Marine Le Pen aurait là ?
02:50En tout cas, je crois que la présidente de la Cour d'appel a dit que ça n'était en aucun cas un passe-droit.
02:55Encore une fois, cette affaire fait qu'on a depuis 48 heures des juges qui sont menacés.
03:00On a une indépendance de la justice.
03:02C'est pas rien ce que je vous dis.
03:04On a une indépendance de la justice qui est remise en cause
03:06et je crois que les juges de la Cour d'appel ont raison
03:10de faire baisser la pression autour des magistrats
03:13et autour de cette affaire, il faut la dépolitiser.
03:15Pour Marine Le Pen, le système, elle parle du système, a sorti la bombe nucléaire.
03:20Quand le député Rassemblement National, Jean-Philippe Tanguy, dénonce des juges tyrans
03:23qui exécutent l'état de droit en place publique, c'est quoi de la part du Rassemblement National ?
03:29Tout ce qui est excessif et dérisoire.
03:32Quand on parle de juges tyrans, d'exécution en place publique,
03:35je crois qu'il faut savoir mesurer ses propos, il faut avoir raison gardée.
03:40On est très loin de la dédiabolisation.
03:42C'est quoi ? C'est une rechute de la part de Marine Le Pen et une bastille vers le Trump ?
03:46Non, c'est le vrai visage.
03:48Ils sont venus sur vos plateaux pendant des années pour nous expliquer qu'ils étaient fréquentables,
03:53qu'ils comprenaient l'état de droit, qu'ils représentaient la République,
03:57mais ils ne se conforment pas à l'image qu'ils ont voulu donner d'eux.
04:03En vérité, à quoi on assiste à Gattelambray ?
04:06Au rideau qui se brise, au rideau qui tombe sur le vrai visage du Rassemblement National.
04:11C'est-à-dire qu'ils sont capables, eux-mêmes, de remettre en cause les fondements de l'état de droit
04:16en s'en prenant un tutu personné à des juges parce que les jugements ne leur conviennent pas.
04:22Et ça, c'est extrêmement clair.
04:24Je crois que les Français sont en train d'assister à ce qu'a toujours été le Rassemblement National.
04:29Et est-ce que ça vous inquiète parce que le RN appelle à une pétition,
04:32il y a une pétition qui est déjà en ligne, ils veulent faire du tractage,
04:34ils appellent à un rassemblement dans le 7e arrondissement de Paris dimanche.
04:39Est-ce que ça vous inquiète ? Est-ce que le RN joue avec le feu après cette décision ?
04:46Je crois qu'à chaque fois qu'on remet en cause l'état de droit, que ce soit Marine Le Pen ou d'autres,
04:50on joue avec le feu.
04:52A chaque fois qu'on remet en cause les institutions de la République,
04:55c'est quelque part la démocratie qu'on remet en cause.
04:57On vient d'apprendre qu'elle pouvait aller en appel dans un an et qu'elle aurait le droit de se défendre,
05:07ce qui lui permettra éventuellement, si elle est relaxée ou si sa peine est minorée,
05:11de se présenter à l'élection présidentielle.
05:13Mais qu'est-ce qu'elle est en train de faire ? Qu'est-ce qu'ils sont en train de faire là ?
05:16Une pression sur la justice ?
05:18C'est comme ça qu'elle compte exercer le pouvoir ?
05:21Quel visage elle veut donner ? Quel visage elle est en train de donner ?
05:25En réalité, ils montrent ce que le RN a toujours été un ennemi de l'état de droit et des valeurs républicaines.
05:32Après, il n'y a pas que le RN qui est troublé par cette décision.
05:36François Bayrou, le Premier ministre lui-même, s'est dit troublé.
05:40Le Premier ministre qui a déploré aussi hier que la France soit le seul pays à faire ça,
05:45ce genre de décision avec exécution immédiate.
05:49Un Premier ministre ne devrait pas dire ça ?
05:51D'abord, permettez-moi, je ne suis pas l'avocat de François Bayrou,
05:54mais il y a quand même une différence entre parler de juges tirants,
05:57descendre dans la rue pour faire pression auprès des juges,
06:00et un Premier ministre qui dit « je suis troublé ».
06:03Ça n'a rien à voir, mais cette décision a des répliques dans toute la classe politique.
06:09Et chacun se positionne.
06:11C'est évident. Et d'ailleurs, c'est la nouvelle mode.
06:14Maintenant, tout le monde se considère apte à commenter une décision de justice.
06:18D'abord, on n'est ni les juges d'instruction, ni les procureurs de la République, ni les juges.
06:22Et c'est bien comme ça.
06:24Mais est-ce que le Premier ministre commente une décision de justice ou est-ce qu'il commente la loi ?
06:28Parce que la question derrière cela, et François Bayrou l'a précisé,
06:31ce qui le dérange, c'est la peine d'inéligibilité avec effet immédiat qui a été prononcée contre Marine Le Pen.
06:37C'est-à-dire que l'effet immédiat...
06:39C'est la loi.
06:41Effectivement, c'est la possibilité laissée aux juges par la loi,
06:43mais la loi, ce sont les députés qui la font.
06:45Donc un effet immédiat qui fait que l'inéligibilité s'applique immédiatement,
06:48que l'appel n'est pas suspensif,
06:50et donc que Marine Le Pen aujourd'hui ne peut plus présenter à une élection malgré l'appel qu'elle a fait.
06:55Est-ce qu'il faut revoir la loi ?
06:57Plusieurs voix dans la classe politique estiment qu'il faut ouvrir une réflexion sur cette loi.
07:02Oui, j'ai vu qu'Éric Ciotti, allié de Marine Le Pen, allait déposer une proposition de loi.
07:07Il la déposera, il y aura un débat au Parlement et on verra bien ce que ça donne.
07:11Encore une fois, la juge d'abord n'était pas obligée de prononcer cette exécution provisoire.
07:16Elle a considéré au regard du dossier que ni vous ni moi n'avons lu,
07:20on a lu les attendus, on n'a pas le dossier.
07:22Elle a considéré qu'il fallait qu'elle l'utilise.
07:24Évidemment que c'est très fort, évidemment que c'est très violent et qu'on peut se poser la question en chambre.
07:30Donc vous reconnaissez que cette décision pose des questions à Benoît Payan ?
07:34Mais comme toujours, c'est la beauté de la politique ou la beauté du droit.
07:40Le législateur fait le droit, il est évolutif, il évolue.
07:44On a considéré en 2016 qu'il fallait durcir les sanctions.
07:48Et ce n'est pas vous que je vais apprendre que les premiers à dire il faut être dur, il faut être dur, il faut être dur.
07:53C'est d'abord le Rassemblement National et la droite, mais j'ai l'impression que c'est plutôt quand ça les arrange.
07:58Donc en vérité, on ne peut pas avoir d'indignation à géométrie variable.
08:02En tout cas, le fait de revoir la loi s'est envisagé dans différents partis politiques.
08:07Il n'y a pas que Éric Ciotti qui propose ça.
08:10Le patron du Modem, par exemple, Marc Fesneau, a publié un communiqué dans lequel il écrit
08:16qu'il explique dans ce communiqué que ce texte aujourd'hui qui laisse la main libre aux magistrats
08:22quant au caractère immédiat d'une peine ou non peut légitimement interroger le législateur.
08:28Vous, ça ne vous interroge pas ce texte ?
08:31Il a été voté. Est-ce que je l'aurais voté ? Probablement.
08:35Vous l'auriez voté ?
08:37Probablement, je n'en sais rien.
08:39Si vous étiez député aujourd'hui et qu'une loi proposait de modifier cette loi, est-ce que vous la voteriez ?
08:44D'abord, je ne suis pas député. Ensuite, dans le contexte, certainement pas.
08:49Vous voulez dire que vous êtes trop proche de la décision de justice pour toucher à la loi ? C'est trop dangereux ?
08:54Dans le contexte, certainement pas.
08:56Néanmoins, il y a des principes auxquels on doit être attaché.
08:59La séparation des pouvoirs.
09:01Je pense qu'en aucun cas, des femmes ou des hommes politiques et encore plus des législateurs
09:06et encore plus des gens qui aspirent à la magistrature suprême de la France
09:10ne doivent s'en prendre à des juges ou ne doivent remettre en cause leur indépendance.
09:14Néanmoins, je considère que dans ce pays...
09:16Il y a un autre principe, celui que l'appel soit suspensif. Est-ce que vous êtes attaché à ce principe aussi ?
09:19Oui, c'est extrêmement important. Parce que ça veut dire quoi ?
09:21Ça veut dire que, et c'est comme ça qu'on se protège de toute erreur.
09:25La justice, par essence, elle, l'institution, est infaillible.
09:28Mais les juges sont, comme vous et moi, des gens qui peuvent être faillibles.
09:33Et c'est pour ça qu'il y a un appel.
09:35Non pas parce qu'ils se seraient trompés ou qu'ils auraient commis des erreurs,
09:38mais parce que c'est complexe de juger des humains.
09:40Et parce que c'est complexe d'apporter des jugements.
09:43C'est pour ça qu'en France, on a un premier degré.
09:45Ensuite, on a un appel.
09:46Et ensuite, on a la Cour de cassation ou on a le Conseil d'État en matière publique.
09:52Donc on comprend que vous préférez que l'appel soit suspensif.
09:56On vous réinvitera dans quelques mois quand on sera un peu plus loin de la décision.
10:01La condamnation de Marine Le Pen, en tout cas, rebat les cartes pour 2027.
10:05Vous n'êtes plus au PS, mais vous êtes un compagnon du Parti socialiste.
10:08Disons, qu'est-ce que vous attendez du congrès du PS le week-end du 13 juin ?
10:14Et est-ce que vous avez choisi votre candidat ?
10:16Bon, d'abord, je ne sais pas si ça rebat les cartes, ce qui est en train de se passer.
10:22D'abord, on ne sait pas si elle sera...
10:23Est-ce qu'elle ne peut pas se présenter ?
10:24On n'en sait rien.
10:25Ça, on le saura au moment de son appel à l'été 2026.
10:29Et de toute façon, même si Marine Le Pen ne peut pas se présenter,
10:33encore une fois, ses idées sont là.
10:34Il y aura d'autres personnes pour la représenter ou pour représenter ses idées.
10:38Je pense que la bataille culturelle qui a été menée par l'extrême droite dans ce pays
10:42et relayée par beaucoup de gens a gagné du terrain.
10:45Qu'est-ce que j'attends du congrès ?
10:46Moi, ce que je demande aux socialistes, c'est de rester unis.
10:50C'est que dans un moment où le monde bascule,
10:52dans un moment où il suffit de regarder ce qui se passe aux portes de l'Europe,
10:56avec la guerre en Ukraine, ce qui se passe au Proche-Orient,
10:58ce qui se passe aux États-Unis,
11:00fait qu'on ne peut pas se permettre de se diviser.
11:03Les forces de progrès sont trop fragiles pour se permettre de se diviser.
11:07Et ce parti qui a exercé le pouvoir pendant longtemps,
11:12notamment tout au long du XXe siècle,
11:14et qui a apporté parmi les plus grandes réformes de l'histoire,
11:17ne peut pas être un parti qui disparaît parce qu'il a décidé...
11:20Donc il faut rester unis derrière Olivier Faure, le patron du PS ?
11:23D'abord, je pense qu'il a fait correctement son travail.
11:25J'ai décidé, moi, de ne pas m'impliquer dans cette question.
11:29Il a été courageux au moment où il fallait l'être.
11:31Beaucoup de gens lui ont fait des reproches,
11:33notamment au moment de l'union de la gauche,
11:37en disant qu'il ne faut pas parler à LFI.
11:39Je crois qu'aujourd'hui, il y a une ligne très claire.
11:41LFI a décidé de sortir de l'union de la gauche.
11:45LFI a décidé de faire des socialistes des ennemis de partout.
11:48Moi le premier, d'ailleurs.
11:50Bon, je crois que chacun doit maintenant prendre ses responsabilités.
11:54Benoît Payan, une dernière question avant de rendre l'antenne avec vous.
11:57Une loi pour réformer le mode de scrutin à Paris-Lyon-Marseille
12:00au municipal était examinée ce matin en commission à l'Assemblée.
12:03C'est pour mettre fin au régime spécial de ces villes à Paris, donc Lyon et Marseille.
12:08Les citoyens élisent leurs élus des mairies d'arrondissement,
12:10mais pas ceux qui siègent à l'hôtel de ville.
12:14À un an des municipales, est-ce que c'est un incroyable bidouillage électoral,
12:18comme le dénonce Anne Hidalgo ?
12:20Non, je ne crois pas. Je pense qu'elle se trompe de mot.
12:24Je crois que le bidouillage électoral, c'est justement cette loi.
12:27Et je suis bien placé pour le savoir,
12:29puisque c'est un ancien maire de Marseille qui l'a faite deux mois et sept jours
12:32avant une élection en 1982.
12:35Il a même perdu cette élection.
12:37Il est arrivé plusieurs milliers de voix derrière Jean-Claude Gaudin
12:40et pourtant c'est Gasson de Fer qui a été élu.
12:42Même si j'ai du respect pour lui, je sais pourquoi et comment cette loi a été faite.
12:45Et donc cette loi, qui permet à quelqu'un d'être deuxième à l'élection
12:50et de devenir maire de Marseille, de Paris ou de Lyon, n'est plus possible.
12:53Bien au contraire. Je crois que la voix d'un Marseillais,
12:56ça vaut la voix d'un Bordelais, d'un Lillois ou d'un Niçois.
12:58Parce qu'avec cette loi, on peut être minoritaire en voix,
13:01mais quand même être élu maire.
13:03Oui, avec la loi actuelle.
13:04Donc vous, vous voulez, un citoyen, une voix.
13:06Je veux comme tout le monde.
13:07Il n'y a pas de raison que ces trois villes soient traitées différemment
13:10des autres villes françaises.
13:11Et elle vous arrangerait cette loi à Marseille ?
13:13Je n'ai pas l'impression.
13:14Merci beaucoup, Benoît Payan, maire d'Hivergauche de Marseille,
13:17d'avoir répondu à France Info.
13:19Et merci, Agathe Lambret.
13:20Un entretien à retrouver sur franceinfo.fr.
13:23Et Agathe, on vous retrouve tout à l'heure, 20h, pour les informer.