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Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne (BCE), était l'invitée exceptionnelle du Grand Entretien de ce lundi. Elle appelle à "une marche vers l'indépendance" de l'Europe. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien/l-invite-de-8h20-le-grand-entretien-du-lundi-31-mars-2025-1755225

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Transcription
00:00Et avec Léa Salamé, nous recevons ce matin une invitée exceptionnelle, elle est présidente
00:05de la Banque Centrale Européenne, la BCE.
00:08Question, réaction au 0145 24 7000 et sur l'application de Radio France.
00:14Christine Lagarde, bonjour.
00:15Bonjour.
00:16Bonjour.
00:17Et bienvenue au micro d'Inter, nous sommes très heureux de vous recevoir, votre parole
00:22est rare et chacun de vos mots commentés.
00:26Nous avons évidemment de très nombreuses questions à vous poser ce matin sur la santé
00:30de l'économie européenne, les lourdes menaces qui pèsent sur l'économie mondiale avec
00:35la perspective d'une guerre commerciale.
00:38Vous êtes présidente de la BCE depuis 2019, vous avez eu à gérer des crises majeures
00:44comme le Covid, comme l'explosion de l'inflation suite à la guerre d'Ukraine.
00:49Mais depuis le début de l'année et le retour de Donald Trump au pouvoir, comment qualifiez-vous
00:55le moment que nous vivons ? Crise, point de bascule, rupture, changement d'alliance,
01:01quels sont vos mots ce matin ?
01:02Aujourd'hui, on est à deux jours de modifications profondes sur le plan géopolitique et surtout
01:13géoéconomique, décidées par le président américain.
01:17Moi, j'ai essayé de qualifier ce moment-là pour notre Europe, pour la France évidemment,
01:23et je considère que c'est le début d'une marche vers l'indépendance.
01:27Lui, il appelle ça « Liberation Day » aux Etats-Unis.
01:30Moi, je considère que c'est un moment où nous devons ensemble décider de prendre
01:34mieux notre destin en main, et je pense que c'est une marche vers l'indépendance.
01:38Donc, vous voyez quelque chose de positif au fond, vous avez envie de voir quelque chose
01:42de positif dans le moment que nous vivons, d'incertitude, de fébrilité générale,
01:47et ça doit être notamment particulier quand on gère la politique monétaire de la zone
01:50euro, de se réveiller tous les matins avec une nouvelle déclaration de Donald Trump
01:54et une nouvelle décision.
01:55Comment vous gérez ça, ce contexte qui est quand même, l'économie c'est prévoir
02:00à long terme.
02:01Là, c'est tous les jours ça change.
02:02Tous les jours ça change, et vous avez raison Léa Salamé de dire que j'essaie de regarder
02:09les choses de la manière la plus positive possible.
02:11Je pense que nous sommes dans un moment existentiel pour l'Europe, où si l'on est capable
02:17ensemble d'entamer cette marche vers l'indépendance, à la fois sur le plan de la défense, qui
02:22n'est pas mon sujet, donc je ne vais pas m'exprimer là-dessus, d'autres le font
02:25beaucoup mieux que moi, sur le plan de l'indépendance énergétique, là aussi à l'échelle européenne,
02:31et sur le plan financier et numérique, qui là est beaucoup plus mon sujet, et dont nous
02:37devons absolument prendre les rênes en main maintenant.
02:42Vous disiez récemment que pour ajuster la réponse monétaire à cette incertitude,
02:47les banquiers centraux de la zone euro devront avoir une curiosité intellectuelle pour remettre
02:55en question les principes établis et la sagesse conventionnelle.
03:00Fin de citation.
03:01Curiosité intellectuelle, ce n'est pas forcément ce qu'on associe le plus aux banquiers
03:07centraux comme qualité.
03:09Que voulez-vous dire par là ?
03:10Je revendique la citation que vous avez mentionnée, et je pense qu'elle est d'autant plus légitime
03:17aujourd'hui.
03:18Curiosité intellectuelle, ça veut dire qu'il faut aujourd'hui être attentif aux questions
03:23de défense, aux questions stratégiques, aux questions énergétiques, aux questions de
03:27santé, on l'a bien vu à l'époque du Covid.
03:30Donc les économistes, que nous sommes tous, doivent impérativement ouvrir leur horizon
03:37à tous ces autres éléments, écouter les experts techniques de ces matières-là pour
03:42intégrer ces données dans leurs modèles, dans leurs raisonnements, dans leurs analyses.
03:46Et c'est seulement si nous avons ce prisme large que nous serons en mesure, non pas de
03:52maîtriser l'incertitude, mais au moins d'anticiper, de faire des scénarios, de faire des analyses
03:57de sensibilité qui prendront en compte tout cela.
04:00Et je suis très fière qu'à la Banque Centrale Européenne et avec les banques de l'eurosystème,
04:06que la démarche soit engagée et que nos modèles économétriques maintenant prennent
04:11cela en compte, de même que la méthode que nous appliquons.
04:15On a changé de méthode.
04:16Depuis un certain temps, on applique trois éléments.
04:18On regarde les prévisions d'inflation, on regarde l'inflation sous-jacente et on regarde
04:24la transmission de nos décisions vers l'économie réelle.
04:27Est-ce que ça a un impact sur les prêts consentis aux ménages, les prêts consentis aux entreprises,
04:33comment est-ce que les marchés intègrent tout cela ?
04:35Donc avec cette analyse en trois éléments et en se fondant sur les données et sur l'expertise
04:41de tous autres domaines comme ceux que je viens de mentionner, je pense qu'on arrive
04:45à affiner nos prévisions de manière plus efficace.
04:48On va venir en détail sur la guerre commerciale lancée par Donald Trump et ses conséquences
04:51à la fois sur l'inflation dans la zone euro et sur la croissance, mais d'abord un mot
04:55sur les taux directeurs puisque c'est votre principal instrument de la politique monétaire
04:59de la zone euro, qu'ils permettent de contrôler l'inflation, vous avez beaucoup joué sur
05:02les taux directeurs au moment de la crise inflationniste ces dernières années, l'inflation
05:06est revenue à peu près dans les clous, on est proche de 2%, c'est clairement fini la
05:11crise inflationniste, on est d'accord ?
05:13J'aimerais bien que ce soit clairement définitivement fini, c'est un combat de tous les jours.
05:17On est passé du plus haut à 10,6 en octobre 2022, on a une prévision de 2,3 pour cette
05:25année et en France c'est encore plus faible pour des raisons qu'on peut discuter.
05:30On est presque dans les clous, mais il faut y rester, donc c'est pour ça que je dis
05:34que c'est un combat de tous les instants.
05:35Et c'est pour ça aussi que vous ne baissez pas à nouveau les taux directeurs, la dernière
05:39fois c'était au début du mois, aujourd'hui le taux directeur est de 2,5%, c'est mieux
05:45que les 4% que vous aviez mis au pic de la crise inflationniste, mais beaucoup comme
05:49le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Gallo, dit il faut aller plus
05:53loin, il faut poursuivre l'assouplissement, aujourd'hui les marchés s'attendent à un
05:56taux d'intérêt de la BCE d'environ 2% cet été, c'est ça le scénario ?
06:00Les marchés anticipent ce qu'eux analysent et ils font leur métier.
06:04Nous notre métier, comme mon métier de présidente de la BCE et les gouverneurs des banques
06:11centrales, y compris François Villeroy de Gallo pour la Banque de France, nous faisons
06:15une analyse collective pour déterminer de quelle manière on peut maintenir la stabilité
06:20des prix.
06:21C'est notre impératif absolu, c'est le traité qui nous l'impose et qui l'exige, et on est
06:25tous absolument déterminés à arriver à cette cible qui est la cible de 2%.
06:30Le chemin pour y parvenir, certains veulent galoper, aller très vite, il y en a d'autres
06:35qui se disent allons petit trop, on attend un petit peu de voir quels sont les obstacles
06:39sur la route et comment ça se définit.
06:41Vous, vous êtes plutôt petit trop, moi je suis analyse des données au fur et à mesure,
06:46n'anticipons pas, ne faisons pas de prévision sur ce qui va venir la semaine prochaine,
06:54le mois prochain, mais enregistrons toutes les données et ayons vraiment une analyse
06:58sérieuse de la perspective de la stabilité des prix qui reste le compas.
07:03On vous sent inquiète sur la stabilité des prix, pardon de cette question néophyte,
07:09mais on avait l'impression que c'était terminé quoi, la crise inflationniste et
07:12que maintenant il faut baisser les taux et redynamiser l'économie, en gros, de cette
07:17caricature un peu rapide.
07:18Non, c'est devolant de vous, c'est jamais une caricature, c'est toujours intelligent.
07:23On est passé d'un taux qui était à 4%, qui était un impératif parce qu'il fallait
07:26faire baisser l'inflation.
07:27On a réussi à faire baisser l'inflation maintenant de manière significative.
07:31Il faut qu'elle baisse durablement, qu'elle reste faible pour que nos compatriotes, pour
07:35que les Européens en général aient des prix qui soient stables, tout simplement.
07:41Donc pour faire ça, il faut qu'on maintienne un taux d'intérêt qui va être juste bien
07:46bien calibré, au bon niveau et qui va forcément varier en fonction du degré d'incertitude,
07:52en fonction des chocs aussi que nous allons recevoir.
07:55Donc dire « ça y est, c'est terminé, c'est derrière nous », non, parce que malheureusement,
08:00on est soumis à des tas d'incertitudes et quand M.Trump décide tout d'un coup d'augmenter
08:05les taux de 25% sur le secteur automobile ou décide la réciprocité qui s'appliquera
08:10à partir du 2 avril, nécessairement ça induit des changements.
08:14Et quel impact ces droits de douane imposés par Donald Trump auront-ils ou peuvent avoir
08:22quant à un éventuel effet inflationniste dans la zone euro ?
08:26J'allais vous dire, on n'en sait vraiment rien de manière précise aujourd'hui, donc
08:33on est obligé de faire des scénarios.
08:35Qu'est-ce qui se passe s'il augmente de temps ? Si on a la réciprocité ? Ce que
08:40l'on sait à peu près, c'est qu'en l'état de ce qu'il a annoncé, ça entraînerait
08:45une baisse de la croissance mondiale certainement, et pour ce qui nous concerne en zone euro,
08:50une baisse qu'on a estimée, mais avec beaucoup d'incertitude, à moins 0,3%.
08:55Si on applique la réciprocité et si nous donc on répond avec des droits de douane
09:00qu'on appliquerait aux Etats-Unis, la baisse du PIB, c'est-à-dire de la richesse économique
09:07européenne, elle descend à moins 0,5%, mais à nouveau entourée de beaucoup d'incertitude.
09:12Cette année ? L'application en général c'est dans un
09:16délai d'un an, parce que le temps, vous voyez, il annonce ça, il en parle déjà
09:22depuis un mois.
09:23Donc une partie du dommage est déjà infligée à l'économie mondiale, parce que tout le
09:26monde se dit qu'est-ce qu'on fait ? Est-ce qu'on investit ? Est-ce qu'on achète ?
09:29Est-ce qu'on stocke ? Il annonce ça avec effet en principe le 2 avril, et puis pour
09:35certaines choses, ça ne sera que le 3 mai, parce qu'on ne s'est pas très bien calculé.
09:38Il faut savoir qu'on a quand même 15 000 lignes en nomenclature douanière.
09:42Comment est-ce que ça va s'organiser ? Est-ce que ça va être par zone ?
09:45Est-ce que ça va être par pays ? Est-ce que ça va être par secteur ?
09:48Là, à ce stade, vous ne le savez pas ? Aujourd'hui, on ne sait pas.
09:51Vous n'avez pas d'informations ?
09:52J'espère que les Américains savent, parce que normalement, ça s'applique à partir
09:55du 2 avril.
09:56Non, on n'a pas d'informations.
09:58Quels pays seraient, Christine Lagarde, les plus frappés en Europe ? L'Allemagne, par
10:03exemple, qui exporte énormément vers les Etats-Unis ?
10:07Les pays les plus frappés seront ceux qui exportent le plus, clairement.
10:10Mais une fois de plus, on ne sait pas très bien comment ça va s'appliquer.
10:15Il ne faut pas oublier une chose, c'est que même si on exporte de manière assez importante
10:20vers les Etats-Unis, le plus gros volume d'exportation, il est réalisé à l'intérieur
10:26de l'Europe.
10:27Notre plus gros client à l'exportation, ce sont les pays européens, à l'intérieur
10:31de la zone euro, à l'extérieur de la zone euro.
10:33C'est ça, nos principaux clients.
10:34Ensuite, après l'Union Européenne, ce sont les Etats-Unis et d'autres pays.
10:38Mais comment on doit faire ? Est-ce qu'il faut riposter ? Vous dites que si on ne riposte
10:42pas, on perd 0,3 à peu près de croissance, si on riposte, on perd 0,5 de croissance.
10:47Alors, est-ce qu'il faut riposter ? Il faut tendre l'autre joue ? Qu'est-ce qu'il
10:50faut faire ? Est-ce que nous, on doit augmenter nos droits de douane ? On sent bien que la
10:55Commission Européenne temporise, dit « oui, on fera, on verra fin avril » et tout ça.
10:58Il tremble.
10:59Je pense qu'il faut partir du postulat que toute guerre commerciale fait des perdants.
11:05Personne ne gagne à une guerre commerciale.
11:07Personne.
11:08Y compris les Etats-Unis.
11:10Parce que ça sera facteur d'inflation, ça sera facteur d'augmentation des prix
11:14pour les consommateurs américains.
11:16Les fabricants automobiles américains, aujourd'hui, s'arrachent les cheveux pour savoir comment
11:20ils vont fonctionner.
11:21Donc, une guerre commerciale, dans l'absolu, ne crée que des perdants.
11:24Ensuite, si l'un prend l'initiative de l'attaque, comment est-ce qu'on répond ?
11:30Ça, c'est une question de politique internationale qui doit être décidée par les gouvernements.
11:35Moi, mon rôle et le rôle du cercle des gouverneurs de la zone euro, c'est de dire « si ça
11:46intervient, on aura une baisse estimée à temps, si il y a une réplique, elle sera
11:51de temps ». Mais je pense qu'il faut, pour se mettre en position de bonne négociation,
11:55montrer qu'on n'est pas prêt à se coucher.
11:58C'est ça qu'il faut montrer clairement.
12:01Ça sera au Conseil européen de décider.
12:04Oui, mais c'est le rapport de force qu'il faut assumer.
12:06C'est une négociation qui doit s'instaurer.
12:09Mais est-ce que vous comprenez tout de même la stratégie de Trump, de son point de vue
12:13« America first » ? Y a-t-il une cohérence, une rationalité ? Est-ce qu'intellectuellement,
12:19vous comprenez ce qu'il essaye de faire avec cette guerre commerciale ?
12:25C'est parfois très difficile à déchiffrer parce que, d'abord, ça change beaucoup.
12:29C'est un facteur d'incertitude que j'évoquais tout à l'heure.
12:32Mais c'est de toute évidence, si on regarde son premier mandat, moi j'étais aux Etats-Unis
12:36à ce moment-là et je l'ai observé de tout près, cette politique commerciale qui est
12:40différente aujourd'hui.
12:41C'est un personnage qui travaille toujours dans le transactionnel.
12:45« Je fais ça, ça coûte combien, ça rapporte combien ? ». Donc il applique ce genre de
12:49principes qui sont plutôt du domaine des affaires, aux gestions des relations internationales
12:55qui sont d'une toute autre dimension.
12:57Honnêtement, vous qui le connaissez, comme vous dites, vous étiez patronne du FMI lors
13:01du premier mandat, vous avez vécu aux Etats-Unis, vous connaissez aussi le logiciel des Américains
13:05sur ce côté de transactionnel que parfois les Européens ne comprennent pas bien.
13:09Vous auriez imaginé qu'ils le fassent, les droits de douane, ou que c'était une fanfaronnade
13:13de campagne ?
13:15Je pense que c'est le début d'une histoire qui s'écrit et dans laquelle il faut que
13:19nous, les Européens, nous jouillons notre carte.
13:22Nous sommes une des plus grandes zones économiques du monde, on dispose d'atouts incroyables.
13:26Aujourd'hui, les investisseurs regardent vers l'Europe avec des yeux très différents
13:31de ceux qu'ils regardaient il y a seulement deux mois.
13:34On est une zone du monde où les règles de droit sont respectées, où on sait à peu
13:39près, lorsqu'on investit, à quelle sauce on sera taxé, comment on sera organisé dans
13:48le cycle économique.
13:50Je pense que cette carte-là, il faut la jouer avec cohésion.
13:55Donc ça c'est un point très très important.
13:58La cohésion à 27, vous la voyez ?
14:01Dans certains domaines oui, pas dans tous les domaines.
14:04Et je pense que de ce point de vue-là, les Européens et les dirigeants européens ont
14:08absolument intérêt à réviser les conditions dans lesquelles les décisions se prennent.
14:12C'est-à-dire en finir avec l'unanimité ?
14:14C'est-à-dire dans certains domaines, travailler avec des majorités qualifiées, travailler
14:18en intergouvernemental, très probablement.
14:20En arrière-plan, le plan politique, il y a une extrême hostilité de l'administration
14:27Trump contre l'Union européenne.
14:30L'UE a été conçue pour entuber les Etats-Unis, c'était l'objectif et ils y sont parvenus.
14:36Ça c'est ce que déclarait le président américain fin février.
14:40Le 24 mars, fuite d'une conversation privée qui révèle les propos du secrétaire à
14:46la Défense.
14:47Je déteste le comportement de profiteurs des Européens, c'est pathétique en lettres
14:53majuscules.
14:54Ils pensent qu'on est, nous, Européens, une belle bande de profiteurs qui veulent
15:00les entuber, pour reprendre le mot.
15:03Je leur laisse la nature et la qualité des propos.
15:10Je pense que quand on entend ce genre de propos, on ne peut que se renforcer dans cette détermination
15:16de la marche vers l'indépendance, de la cohésion, de l'indépendance à la fois
15:22en matière de défense, en matière énergétique, en matière financière.
15:25Aujourd'hui, je me bats pour la stabilité des prix, pour qu'on ait une indépendance
15:30financière qui soit fondée sur l'euro numérique et sur un marché unique des capitaux.
15:35Si on est capable de maîtriser notre finance, si on est capable de s'affranchir d'un
15:40certain nombre de dépendances actuelles, réelles, alors on pourra tenir notre rang
15:46et entendre ces propos avec dérision.
15:49Mais quand vous dites le marché unique des capitaux, où on en est ?
15:53Puisque c'est ça votre idée, c'est que pour répliquer à Trump, en gros, il faut
15:56qu'on soit fort, il faut qu'on soit unis, c'est ce que vous dites.
15:58Oui, absolument.
15:59Et aussi, il faut que les Européens investissent, mettent leur argent en Europe, et non pas
16:05à l'étranger.
16:06Aujourd'hui, peut-être le message que vous pouvez donner, parce que je crois que vous
16:09voulez le donner, c'est qu'on met trop notre argent à l'étranger.
16:13Bien sûr, bien sûr.
16:15Aujourd'hui, les Européens économisent considérablement plus que les Américains.
16:19Cette épargne va où ? Elle va en général, pour l'essentiel, sur des comptes de dépôt,
16:26soit à vue, soit à terme, qui rapportent quand même pas beaucoup.
16:29Cet argent-là, en général, est placé, pas pour la totalité, mais est placé largement
16:34en banque du trésor américain.
16:35Donc, notre épargne européenne finance l'économie américaine.
16:40On a peut-être besoin de s'interroger sur les financements qui sont nécessaires à
16:44la maison, ici, en Europe, et à la manière dont on peut les organiser.
16:47Par exemple, la politique de réarmement.
16:49Tous les pays se réarment.
16:51Et l'Union Européenne va se réarmer.
16:53On ne parle pas encore de défense européenne, mais on va vers un réarmement.
16:56Les gens qui nous écoutent, vous leur dites, et qui ont de l'argent et qui peuvent épargner,
17:00vous dites, par exemple, mettez de l'argent, faites des placements aussi sur cette politique
17:04de réarmement, ou c'est risqué ?
17:07La sécurité, c'est jamais risqué.
17:09C'est un impératif.
17:10Donc, aujourd'hui, il faut que des produits d'épargne soient conçus.
17:15C'est un appel auquel on souscrit tous les leaders européens.
17:19Moi, j'étais, il y a une semaine, à Bruxelles avec eux.
17:22La conception d'un produit d'épargne européen qui permettrait justement de financer
17:28des dépenses en matière de défense.
17:31Le fait que les marchés puissent circuler librement au sein de l'Union Européenne.
17:34Si vous faites un virement, aujourd'hui, de France en Allemagne, ça se passe facilement.
17:38Si vous voulez acheter un titre d'une société italienne ou si un Allemand veut acheter
17:42un titre d'une société française, c'est archi compliqué.
17:45Il faut absolument simplifier ce paysage et faire en sorte que l'argent puisse circuler
17:50et que les investisseurs se sentent à la fois encouragés et capables d'entrer,
17:55de développer et de sortir.
17:57Ce sont les trois impératifs qu'il faut absolument mettre en place.
18:00Christine Lagarde, beaucoup demandent la saisie des 200 milliards d'avoir russes
18:06afin de financer la résistance ukrainienne. Qu'en pensez-vous ?
18:12Trois choses. Premièrement, on a été capable de saisir les actifs de la banque centrale de Russie.
18:18C'est de ça qu'on parle.
18:20Deuxièmement, on l'utilise.
18:22Puisque les fruits de cette saisie sont affectés à la garantie du remboursement
18:27d'un prêt qui a été consenti aux Ukrainiens.
18:30Donc c'est utilisé.
18:31Troisièmement, la confiscation c'est une autre histoire.
18:34Parce que si on demande l'application du droit international,
18:37on doit respecter le droit international nous-mêmes.
18:40Or il y a des circonstances particulières dans lesquelles ces actifs peuvent être confisqués.
18:45Dans le cadre de la reconstruction d'Ukraine et dans les termes d'un accord
18:49qui soit un accord de fin, de conflit et de reconstruction.
18:53Christine Lagarde, un mot. Je sais que vous ne pouvez pas trop en dire,
18:56mais quand même, c'est votre pays.
18:57La situation budgétaire française, 5,8% de déficit en 2024,
19:01une dette qui atteint les 113% du PIB.
19:03Comment enrayer ce dérapage budgétaire français ?
19:06Faut-il travailler plus, comme le suggère Edouard Philippe,
19:08ou plus d'impôts sur les grandes fortunes et sur les grandes sociétés qui font des profits,
19:13comme le dit la gauche ?
19:14Qu'est-ce que vous en pensez, vous ?
19:17Moi, je pense qu'il appartient au pouvoir politique de déterminer les pistes.
19:20Mais il est impératif de rétablir la stabilité des finances publiques
19:25et d'avoir une dette qui soit soutenable sur le moyen et le long terme.
19:29Je me réjouis que des mesures soient déjà envisagées,
19:32mais il faut absolument les tenir et les continuer.
19:35Et deuxième élément, il faut trouver les pistes.
19:38Le choix appartiendra au pouvoir politique.
19:41Ce n'est pas à moi, mais il faut trouver ces pistes-là.
19:43Deuxièmement, je pense qu'on va aller nécessairement vers une reprioritisation,
19:48même si le mot est horrible, des dépenses publiques.
19:51Si on veut financer un effort de défense,
19:53ça ne s'applique pas seulement à la France, ça s'applique à d'autres pays de l'Union européenne,
19:57mais en France, il se trouve qu'on dépense en dépenses publiques 56% du PIB,
20:01de la richesse nationale.
20:03Il faut impérativement reprioritiser.
20:06Il y a des dépenses qui devront être réduites.
20:08Ça ne fera pas forcément plaisir, mais il faut savoir ce qu'on veut.
20:11Soit on est en sécurité.
20:13Ou quelles dépenses ? Vous prenez où ?
20:15Une fois de plus, c'est au pouvoir politique de le décider.
20:19Mais sur 56% de PIB de dépenses publiques, il y a certainement de la marge.
20:24Puisque quand on regarde ce que font nos voisins, que ce soit les Allemands,
20:27que ce soit les pays nordiques, qui ne sont pas plus mal gérés que nous,
20:30ils dépensent nettement moins.
20:31Une dernière question, et c'est une question sur l'appli d'Intar.
20:33Que pensez-vous d'Elon Musk ?
20:35Je pense qu'il a certainement eu un grand talent pour concevoir des projets innovants
20:44en matière de voitures, en matière de SpaceX et compagnie.
20:48C'est tout ce que j'en dirais.
20:50Merci Christine Lagarde.
20:53Là à l'instant, la bourse de Tokyo clôture en chute de 4%,
20:56affolée par les droits de douane américains.
20:58On va vivre ça dans les prochains jours.
21:00Il faut se préparer à un affolement généralisé sur les marchés.
21:02Marche vers l'indépendance.
21:04C'est la seule réponse.
21:05Merci Christine Lagarde d'avoir été au micro d'Inter ce matin.

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