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00:00L'invité d'ici matin, Panchika Lopepé, la directrice du collège catholique bilingue Saint-François-Xavier à Eustaritz,
00:05un établissement montré du doigt après les révélations sur les violences commises à Bétharame, violences physiques, sexuelles, psychologiques,
00:12un collectif de victimes d'ailleurs de Saint-François-Xavier s'est exprimé devant la commission parlementaire pour dénoncer ces pratiques de notre temps,
00:18dont ils ont été victimes de 1960 à la fin des années 90, si je ne suis pas trompé.
00:23Panchika Lopepé, bonjour.
00:24Égou Nohan, bonjour.
00:25Merci d'avoir accepté notre invitation, vous êtes la directrice de l'établissement depuis 2020.
00:30À titre personnel, quel regard portez-vous sur ces révélations de ce qui serait passé à Eustaritz entre 1960 et le début des années 2000 ?
00:40C'est très difficile à entendre, bien sûr. En tant qu'éducatrice, je ne peux qu'éprouver qu'un grand malaise, de la honte aussi de savoir qu'on a laissé faire ou couvert des faits inacceptables.
00:52J'éprouve aussi une colère froide et surtout une immense compassion parce que des jeunes d'hier, aujourd'hui adultes, ont été abîmés dans leur dignité, parfois dans leur intégrité.
01:05Donc, entendre ces témoignages, c'est bouleversant.
01:08Je vous propose d'écouter le témoignage de Michel Echevery, il a 62 ans aujourd'hui, il a été élève à Saint-François-Xavier à Eustaritz entre 1974 et 1976.
01:18J'ai été victime de violences, j'étais peut-être un enfant un peu difficile.
01:24Ils nous corrigeaient, les curés ou les surveillants nous corrigeaient, ils nous faisaient mettre à genoux sur les règles.
01:30Ce qui m'a marqué beaucoup, c'est d'être mis dans le noir, c'est d'être à genoux, c'est de prendre des grandes corrections, mais pas juste une tarte, de prendre une série de tartes, de coups de poing, voilà.
01:43Alors, moi, c'était des agressions physiques, sexuelles, non, mais par contre, il y avait un curé qui, tous les soirs, nous faisait lever la couverture, parce qu'à l'époque, il n'y avait pas de couettes,
01:52on levait la couverture et le drap, il nous faisait baisser le pantalon de pyjama, voir si on dormait avec le slip avec lequel on avait passé la journée, mais en disant que c'était pour l'hygiène.
02:01Maintenant, avec tout ce qu'on arrive à entendre, je me dis que finalement, il regardait des petits kikis tous les soirs, il regardait sans petits kikis, puis voilà.
02:12Et la même chose sous la douche, c'est sûr qu'à l'époque, on a 12 ans, 13 ans, on pense que c'est normal, puis c'est un adulte qui oublie de faire ça.
02:19Je veux le dire, parce que je trouve que c'était exagéré à l'époque, et je ne veux pas que ça arrive à d'autres personnes.
02:24En fait, j'espère que ça n'arrive plus.
02:27Pancicalo Pépé, ça n'arrive plus, ça ne peut plus arriver aujourd'hui ?
02:31Ah non, ça ne peut plus arriver, il y a depuis plusieurs années, dans l'éducation nationale et dans l'enseignement catholique, il y a une vraie prise de conscience.
02:39On a des outils, des référents, des cellules d'écout, des formations.
02:44Au collège d'ailleurs, nous avons engagé un travail sur la bientraitance éducative depuis plusieurs années,
02:49mais je crois que la vraie vigilance, vous savez, ce n'est pas qu'un dispositif, c'est aussi un état d'esprit partagé.
02:54Et ça, c'est un travail collectif permanent, parce qu'aucune structure n'est à l'abri.
02:59À l'internat aujourd'hui, je crois qu'il y a une cinquantaine de places dans votre établissement, des filles, des garçons,
03:04l'intimité de chacun est respectée, les règles sont claires pour tout le monde ?
03:08Tout à fait, tout à fait, oui.
03:09Dans son témoignage, M. Echeverry évoque les coups, vous l'avez entendu, les brimades et à tout le moins le voyeurisme
03:15entre méthode éducative d'un autre temps et puis la déviance des hommes.
03:19On est au cœur de ce qui a fait le scandale de Bétharame, le scandale, on peut le dire, à Saint-François-Xavier,
03:25d'autres établissements aux Pays-Basques sont ciblés. C'était une époque, une autre époque ?
03:30C'est une autre époque, mais ça ne veut pas dire qu'on peut taire la souffrance de ces personnes.
03:38Ou en tout cas, voilà, on peut écouter leur témoignage et il n'y a rien de normal.
03:43Et vous avez été en contact avec d'anciens, d'ustarites, d'anciens élèves qui vous ont sollicité ?
03:49Tout à fait, dès les premiers articles de presse, plusieurs m'ont cherché à me contacter et moi-même j'ai essayé d'en contacter directement certains.
03:57D'ailleurs, d'autres recherchent des bulletins, nous appellent, cherchent une trace de leur passage au collège.
04:03L'équipe actuelle essaie de répondre à chaque demande de recherche d'archives et je les remercie parce qu'on est quand même dans un fonctionnement aussi normal de l'établissement.
04:11Ça prend beaucoup de temps et l'établissement essaie de répondre à chaque demande dès lors qu'on a suffisamment d'informations sur qui la demande et uniquement sur les personnes elles-mêmes.
04:20Et même si l'établissement continue à fonctionner à plein régime, on essaie de répondre à chacun parce qu'on sait que c'est important, c'est leur mémoire.
04:27Ici Pays-Basque, il est 8h21, notre invité ce matin, Panchika Loupepe, la directrice du Collège Catholique Bilingue Saint-François-Xavier à Eustaritz.
04:33Est-ce que cette mémoire a interpellé les collégiens d'aujourd'hui ? Est-ce qu'ils ont été demandeurs à ce sujet-là ?
04:40Ou est-ce que c'est vous qui avez pris l'initiative de leur en parler ?
04:43Alors en fait, l'affaire s'est révélée pendant les vacances de février, donc au retour des vacances, on a choisi de prendre un temps dès la première heure avec les élèves.
04:53L'enjeu, c'était en fait de dire les choses clairement, sans détour, mais avec mesure.
04:57Parce que finalement, le niveau d'information de ces jeunes était très variable.
05:01Donc on leur a rappelé ce qu'ils vivent aujourd'hui, ici, maintenant.
05:05C'est peut-être le même lieu, mais c'est pas tout à fait le même collège.
05:08On a insisté sur tous les espaces déjà en place pour recueillir leurs paroles.
05:13Tout ce qui existe au sein de l'établissement.
05:15Justement, un élève qui serait en difficulté aujourd'hui, il peut y avoir le relationnel avec les adultes,
05:20mais il y a aussi le relationnel entre collégiens.
05:22Un élève qui serait en difficulté aujourd'hui, auprès de qui peut-il s'épancher ?
05:29Auprès de qui peut-il solliciter une aide ?
05:31Je pourrais dire que c'est auprès de qui et où.
05:34C'est-à-dire qu'il y a des lieux et des espaces qui sont identifiés.
05:37Il y a des temps, il y a de nombreux espaces sacralisés, on va dire, qui sont dans leur quotidien, qu'ils ont identifiés.
05:46Il y a des entretiens qui sont institués tout au long de l'année avec les élèves.
05:51Il y a des éducateurs qui sont là, des référents, des boîtes à lettres anonymes, des groupes de paroles, un atelier émotion.
05:58Il y a beaucoup d'espaces où leurs paroles comptent.
06:01Et la communauté éducative de Saint-François-Xavier, qu'est-ce qu'elle a retenu de ces révélations ?
06:06On a évoqué ces questions en équipe.
06:08J'essaie de tenir au courant les enseignants et les éducateurs des contours des témoignages que je peux recevoir,
06:13sans entrer dans les détails, bien sûr.
06:15Mais l'idée, c'est que chacun mesure l'ampleur des faits, ou en tout cas l'ampleur du sujet,
06:20parce que je crois que nommer, c'est déjà commencer à penser.
06:23Et on va dire qu'il y a un temps un petit peu plus formel de retour qui est prévu un peu plus tard.
06:28Mais est-ce que cela peut être de nature à remettre en cause un engagement ?
06:32Être enseignant, c'est quelque part un engagement.
06:34Être enseignant en école privée, c'est aussi un engagement.
06:39Est-ce que cela peut être de nature à remettre en cause cet engagement et la sensation de l'enseignant ?
06:46Alors, de remettre en cause, non.
06:47Je crois qu'en revanche, ça nous permet de réinterroger,
06:50mais c'est vrai pour tous les enseignants, qu'on soit dans le public ou dans le privé,
06:53de réinterroger l'écart entre ce qu'on peut faire et ce qu'on a le droit de faire.
06:57Parce que chaque éducateur, chaque enseignant,
07:00comprend bien que la relation éducative entraîne une exigence éthique très forte.
07:05Panchika Lopépé, cette affaire, ça doit aller au bout.
07:09On élargit en dehors de Saint-François-Xavier, mais il faut aller au bout de la démarche aujourd'hui.
07:14Oui, je crois qu'il faut aller au bout.
07:16Le processus de libération de la parole est important.
07:18Je l'ai dit tout à l'heure, nommer les choses, c'est commencer à les penser.
07:22Et il faut savoir faire de cette histoire, je crois, quelque chose d'un peu plus grand
07:26et interroger finalement le système de protection de l'enfant.
07:29Merci Panchika Lopépé d'avoir accepté notre invitation
07:33et d'être venue expliquer la démarche que vous avez mise en place au sein de votre établissement.
07:38Merci à vous, bonne journée.
07:40Si vous êtes arrivé en cours d'interview, on vous met évidemment tout ça sur le site ici.fr
07:44pour le podcast et la vidéo.