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Quand il a renoncé au bac, quand ses parents sont devenus ses producteurs, son travail avec les jeunes exclus de leur école... 3 moments qui ont changé la vie de Kheiron.

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Amusant
Transcription
00:00On dit souvent, genre, non mais quoi que tu fasses, il y a un plan B, on ne sait jamais à côté ce qui peut se passer, etc.
00:04Je suis d'accord, je ne juge personne et je ne donne de conseils à personne.
00:07Mais moi, je me suis empêché d'avoir un plan B à ce moment-là,
00:10pour être coincé et obligé de réussir dans l'artistique, en fait.
00:23Je ne pouvais physiquement pas être là le jour de mon oral d'anglais,
00:25parce que j'avais un concert à donner, moi, à Cannes.
00:28C'était une salle qui s'appelle La Licorne.
00:31Et il a fallu faire un choix entre mon bac et ma passion.
00:36Et j'ai choisi d'aller sur scène, d'assouvir ma passion, d'aller au bout et de me priver d'un plan B.
00:42Et mes parents étaient en vacances, ils étaient au Vietnam pendant ce temps-là.
00:45Ils sont partis pendant le moment du bac,
00:46m'en disant, mais ça va, il va y avoir son bac, il va l'avoir tranquille, il n'y a aucun souci.
00:50Et quand ils sont rentrés, je n'ai pas osé leur dire que je n'avais pas été.
00:53Donc, ils m'ont dit, alors, c'était comment, en parlant du bac ?
00:55Moi, j'ai dit, ça s'est très bien passé, en parlant du concert.
00:58Et ça a duré jusqu'au rattrapage, jusqu'à ce que vraiment,
01:01même les mecs qui ont passé le rattrapage, ils aient leurs résultats.
01:04Là, je leur ai dit, écoutez, j'ai pas osé vous le dire parce que ça va vous toucher,
01:06mais je n'ai pas été.
01:08Et voilà, j'ai fait un concert.
01:09Ils ne m'ont plus parlé pendant quelques temps.
01:11Pour eux, c'était un milieu inaccessible de l'artistique, de la musique, etc.
01:15Donc, à aucun moment, ils se sont dit que je pouvais fonctionner là-dedans.
01:18Ils viennent de métiers plus traditionnels.
01:21Et donc, ils étaient en panique, ils avaient peur pour moi.
01:23Pendant plusieurs mois, ils ne m'ont pas adressé la parole.
01:25Ils mentaient à leurs amis, ils disaient que j'allais à la fac et tout.
01:28C'est eux qui mentaient, tu vois, c'est pas l'enfant qui mentait sur sa vie,
01:31c'est les parents qui mentaient sur sa vie.
01:38Ça arrive à plein d'artistes, ça m'est arrivé aussi.
01:40J'ai eu une mésaventure avec une ancienne production avec laquelle je travaillais.
01:44Et j'étais vraiment, à ce moment-là, j'étais pas bien
01:47parce que c'est une production avec laquelle je travaille depuis un moment.
01:50Et je me suis dit, mais comment je vais faire maintenant ?
01:52Ce milieu est trop compliqué, moi, il faut que je sois sur l'artistique.
01:55Il faut que je trouve un autre producteur, mais comment faire confiance ?
01:58On ne sait jamais ce qui peut se passer, on redémarre une histoire à zéro.
02:00Et j'étais pas très bien.
02:02Et mes parents, ils m'ont dit, on va le faire.
02:03Ils m'ont dit, mais comment ça ? Vous allez faire quoi, en fait ?
02:05Ils m'ont dit, on va te produire.
02:08Je dis, mais déjà, à quel moment ? Vous ne connaissez rien à ce milieu.
02:12Et ils ont dit, on va apprendre.
02:14Après, je sais qu'ils ont une faculté d'adaptation qui est hors normes, mes parents.
02:18Ils arrivent en France à 30 ans, tu vois.
02:2330 ans plus tard, ils gagnent bien leur vie.
02:25C'est pas genre, moi, fils d'immigré, j'ai réussi et j'offre un statut à mes parents.
02:30Ils n'ont pas besoin de moi pour avoir leur maison, ils n'ont vraiment pas besoin de moi.
02:33Ils se sont débrouillés tout seuls, mon père dans la médiation, ma mère dans l'urbanisme.
02:36Et ils m'ont dit, oui, on a des lacunes.
02:38Aujourd'hui, on ne sait pas, on ne maîtrise pas ce milieu-là, mais on va apprendre.
02:41Et nous aussi, dans notre parcours, on a aussi une expérience et d'autres choses
02:45qu'on peut peut-être mettre à profit dans cette nouvelle discipline.
02:48Et j'ai dit, de toute façon, on peut y aller, j'ai confiance qu'en vous, en vrai.
02:51Et puis surtout, il y a un autre domaine qui est intéressant, c'est que,
02:54en vrai, quand tu grandis, tu as de moins en moins d'excuses ou de raisons de voir tes parents.
02:59C'est-à-dire qu'à un moment donné, il y a un décalage.
03:02Un mec de 70 ans, on n'a pas mille trucs à se dire, tu vois.
03:05Même si c'est ton père, tu l'adores, ce que tu veux.
03:07À un moment donné, les discussions, elles tournent en rond.
03:09Il ne connaît pas les musiques que j'écoute, je ne connais pas les philosophes qu'il lit.
03:13Le fait de travailler ensemble et de plus se voir seulement une fois par semaine,
03:16le dimanche midi pour déjeuner ensemble, ça nous permet d'être continuellement en contact
03:19et de partager une passion commune.
03:27Ma carrière commence à fonctionner.
03:28Et mon père me dit, j'ai un truc à te proposer.
03:31Il me dit, écoute le projet, tous les enfants qui vont être exclus dans la ville de Pierrefitte,
03:36au lieu de rester chez eux et dans le meilleur des cas, jouer à la play toute la semaine
03:42et juste rester chez eux et ne pas apprendre, ne rien faire de leur temps, perdre leur temps
03:45et de revenir à l'école sans avoir compris la sanction,
03:48pourquoi il y avait un problème avec le prof, est-ce qu'eux ont une part de responsabilité ?
03:50Il n'y a pas de dialogue.
03:52Ça, c'est dans le meilleur des cas.
03:53Et dans le pire des cas, ils sont dehors, un pied de plus dans la délinquance, dans les lycées, etc.
03:57Au lieu qu'il y ait ça, on se met d'accord avec les trois collèges de la ville,
04:00ils vont envoyer tous les élèves exclus dans une salle
04:04et il y aura donc un psychologue pour parler avec eux,
04:09il y aura un prof de soutien scolaire et il faudrait quelqu'un pour chapeauter ce projet.
04:13Est-ce que tu veux le faire ?
04:15J'ai dit évidemment que non.
04:17Je suis dans ma carrière, laisse-moi tranquille.
04:19Il m'a dit viens voir les petits, viens passer deux heures avec eux, parle avec eux et tu verras.
04:23Et j'ai été et je suis resté quatre ans.
04:25À force d'être face à des gamins qui ne lâchaient rien ou qui ne lâchaient pas les bonnes infos,
04:29j'ai commencé à les observer et j'ai commencé à observer les mains qui se grattent,
04:33les mouvements, le truc, les yeux qui partent, un dégloutissement à un moment particulier.
04:38Et j'ai commencé à observer vraiment, je les ai observés eux.
04:41Et je me suis rendu compte que le soir, quand je jouais dans ma petite salle,
04:43je prenais de plus en plus de plaisir à laisser la lumière allumée pour observer le public.
04:47Et mon style d'aujourd'hui, d'impro, quand je dis que je suis mentaliste,
04:50je ne suis pas mentaliste, je suis observateur.
04:52Mais tout ce truc-là, c'est grâce à eux.
04:55Et ce que je faisais le soir, le fait de connaître le public,
04:58de savoir ce qui fait rire, ce qui ne fait pas rire, les malaises,
05:01de comprendre ces trucs-là, ça me servait avec eux la journée pour les aider justement.
05:04Donc, j'étais en circuit fermé, c'était incroyable.

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