• il y a 3 jours
"J'espère avoir apporté quelque chose aux jeunes, en tout cas moi ils m'ont apporté énormément à ce moment-là."

Son travail d'éducateur, son arrivée en France et sa rencontre avec Wilfrid Mbappé... Lartiste raconte les moments qui ont changé sa vie.

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Transcription
00:00Bonjour, c'est l'artiste pour Brut.
00:02Mon père a toujours été un repère pour moi,
00:05même s'il n'a pas forcément été à l'école,
00:07il n'a pas forcément eu les chances que j'ai pu avoir,
00:09qu'il a pu me donner, lui.
00:11Donc je le prends toujours comme un exemple,
00:14parce que cette humilité que je pourrais avoir,
00:18par exemple, elle vient de mon père.
00:20Je l'ai toujours vu baisser la tête,
00:22et je lui disais « Pourquoi tu baisses la tête ? »
00:23parce que moi je suis un peu plus révolutionnaire,
00:25un peu plus Che Guevara dans ma tête.
00:27Je lui disais « Pourquoi tu baisses la tête ? »
00:29Quand tu n'as pas été à l'école,
00:31tu n'as pas trop le droit de parler.
00:33Et là, ça me rendait fou d'entendre ces choses-là.
00:37Et il m'a donné cette force.
00:50Un des moments qui m'ont marqué au tout début,
00:53c'est mon arrivée en France,
00:55c'est en hiver 91.
00:58C'était la guerre du Golfe,
01:00il y avait déjà beaucoup de...
01:01Je voyais que ça s'agitait,
01:02j'étais trop jeune pour comprendre,
01:03mais je voyais que ça s'agitait dans l'actualité.
01:07Et moi j'arrive dans ce pays où il fait froid,
01:09où il y a beaucoup de lumière,
01:11où il y a des escalators,
01:12des escaliers qui bougent,
01:13ça fait peur.
01:14Là j'avais 8 ans,
01:15et je revenais de Marrakech,
01:19où il faisait 40 degrés.
01:21Donc je suis passé de 40 degrés à 3 degrés,
01:23je crois, un truc comme ça.
01:24Je suis arrivé avec mes deux grandes sœurs,
01:27mon petit frère et ma mère.
01:29On est arrivés en avion,
01:31on est arrivés à l'aéroport,
01:32j'ai rencontré mon père.
01:34Je le connaissais déjà,
01:35mais je n'avais plus de souvenirs de lui,
01:37donc vraiment mon but principal à ce moment-là,
01:42c'était de voir mon père,
01:43et je voulais courir voir mon père,
01:44et dès que je l'ai vu,
01:45je l'ai reconnu.
01:46Et voilà,
01:47ça c'est un des moments les plus forts dans ma vie,
01:50parce qu'il était tout seul parmi tous ces gens,
01:53et moi je savais qu'il était tout seul
01:54depuis tout ce temps-là,
01:55donc c'était fort,
01:56c'était un moment très fort.
01:57Lui, il est arrivé avant nous,
02:00avant que je naisse même,
02:02il fait partie de cette vague d'immigration
02:05qu'on a appelée pendant l'industrialisation,
02:08la réindustrialisation.
02:09Et lui, je me rappelle à l'époque,
02:11c'était Chrysler,
02:12ensuite les Fondry,
02:13les foyers Sonacotra,
02:15tout ça,
02:16donc voilà,
02:17c'est cette génération-là,
02:18et puis cet homme tout seul qui retrouve sa famille,
02:20donc je pense que pour lui et pour nous,
02:23c'était un moment fort.
02:27Je suis allé à Montfermeil dans un poste que personne ne voulait.
02:30Je me rappelle,
02:31j'ai fait un entretien très très simple,
02:33très rapide,
02:34parce que c'était un poste d'éducateur spécialisé en musique
02:40assisté par ordinateur,
02:42de la MAO à l'époque,
02:44c'était en 2007-2008,
02:47donc on sortait des émeutes,
02:49des premières émeutes de 2005.
02:53Personne n'en voulait,
02:54personne n'en voulait de ce poste,
02:56et pourtant il y avait des financements,
02:58il y avait l'Europe qui avait mis la main à la poche
03:00pour financer quelques projets de jeunes,
03:04donc moi j'ai tout de suite accepté,
03:06parce qu'au contraire,
03:08c'est dans ces coins-là,
03:10dans ces coins reculés,
03:11où à l'époque il n'y avait pas forcément beaucoup de transport,
03:14où c'était pas vraiment bien desservi,
03:16c'était des cités un peu isolées,
03:17vraiment avec deux,
03:18vraiment,
03:19il y a une partie très riche de la ville,
03:21où c'est des beaux pavillons,
03:22et vraiment une partie très, très pauvre,
03:24où c'est concentré,
03:25où il y a beaucoup de problématiques,
03:26concentrées les unes sur les autres,
03:28mais au contraire,
03:29c'est dans ces endroits-là,
03:30pour moi c'est des viviers d'artistes,
03:32c'est des viviers de sportifs,
03:33justement,
03:34parce qu'on exprime beaucoup,
03:36beaucoup de frustration,
03:37beaucoup de rage,
03:38avec son corps,
03:39avec ses mots,
03:41avec ses punchlines,
03:43donc au contraire,
03:44pour moi c'était justement l'endroit où il fallait aller,
03:46et je ne me suis pas trompé du tout,
03:47parce que j'ai pu me mélanger à d'autres jeunes,
03:54moi-même je viens d'un quartier,
03:55mais à d'autres jeunes d'un autre quartier,
03:57qui étaient peut-être un peu plus en difficulté
03:59que dans mon quartier par exemple,
04:00à Bondy-Nord,
04:01même s'il y a énormément de difficultés dans mon quartier aussi,
04:05donc ils m'ont donné ce truc-là de solidarité,
04:11d'aller vers les autres,
04:13de créer ensemble,
04:15et ça je l'ai appris à m'enfermer vraiment,
04:17donc ça reste,
04:18moi pour moi,
04:19j'espère avoir apporté quelque chose aux jeunes,
04:22mais en tout cas moi ils m'ont apporté énormément à ce moment-là,
04:24et on n'écoute pas assez des acteurs sociaux,
04:26c'est dommage,
04:27quand une action elle est menée vraiment avec les moyens derrière tout ça,
04:31je pense que ça donne des résultats,
04:33ça donne du résultat,
04:34pas tout de suite,
04:35pas à court terme,
04:36mais à moyen et à long terme,
04:37ça donne des résultats,
04:38parce qu'on crée des vocations,
04:39moi-même j'en suis la preuve,
04:40il ne faut jamais,
04:42c'est l'erreur,
04:43l'erreur qu'on fera en France,
04:45c'est justement de sucrer les budgets de culture,
04:49de sucrer les budgets de jeunesse,
04:51et tout ça,
04:52les budgets d'éducation,
04:54pour moi c'est une solution,
04:56et c'est une solution qui fonctionne.
05:03Alors à mes 13 ans,
05:05à mes 12 ans,
05:07j'étais en moins de 13 à Bondy,
05:09et un des moments que je retiens,
05:11c'est oui,
05:12j'étais un des petits qu'entraînait Wilfried,
05:15Wilfried Mbappé,
05:17qui est le père de notre champion du monde,
05:19notre Kilian national,
05:21donc c'est une grande fierté,
05:25une grande fierté,
05:26parce que c'est un grand monsieur,
05:27vraiment au-delà de,
05:29enfin pas au-delà,
05:30mais mis à part le succès qu'a pu avoir son fils,
05:35et ses fils,
05:36parce que c'est vraiment quelqu'un qui connaît son sujet,
05:38et en même temps,
05:39voilà,
05:40un acteur social,
05:41quelqu'un qui connaît son sujet,
05:43mais pas que la technique du foot,
05:45qui sait aussi dire à un gamin,
05:47moi par exemple dans mon cas,
05:48c'est très simple,
05:49j'ai une anecdote là-dessus,
05:50c'est,
05:51j'arrive à la fin des détections,
05:53il n'y a plus de place dans le club,
05:55et il dit à mon père,
05:56je ne vais pas pouvoir lui faire de licence là tout de suite,
05:59je vais prendre des risques,
06:00mais je vais le garder,
06:01parce que je n'ai pas envie qu'il traîne dans la rue,
06:03donc pour moi que son fils réussisse derrière,
06:07c'est tout à fait normal,
06:08c'est tout à fait normal,
06:09c'est donc,
06:10ouais,
06:11je retiens ça,
06:12je retiens ça,
06:13je dis que ça marche,
06:14je dis qu'à partir du moment où quelqu'un,
06:16un acteur social est concerné,
06:18concerné,
06:19et qu'il fait son travail avec passion,
06:21et qu'il remonte les infos,
06:22je pense que ça ne peut donner que des résultats positifs,
06:25je n'arrive pas à comprendre qu'on baisse les bras en fait,
06:30voilà,
06:31parce qu'il y a des vrais exemples,
06:32tout le monde ne peut pas être Kylian Mbappé demain,
06:35mais ça peut donner de l'artiste,
06:37parce que je n'ai pas réussi dans le foot,
06:39mais peut-être qu'il m'a aidé,
06:40j'ai réussi,
06:41peut-être que cette partie-là,
06:43cette anecdote-là,
06:46dans la trajectoire de Youssef Akdim,
06:48qui devient l'artiste,
06:49c'est peut-être essentiel.

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