Instaurer le dialogue entre des victimes et des auteurs de délit afin de prévenir la récidive et recréer le lien social, c'est le projet de la justice restaurative. Une pratique encore peu connue qui est mise en lumière dans le film "Je verrai toujours vos visages" de Jeanne Herry. L'actrice Adèle Exarchopoulos y incarne une victime d'inceste, elle nous raconte.
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00:00J'aimerais revoir mon frère. J'ai pas envie de le croiser par hasard.
00:03Enfin, je veux le voir pour être sûr de ne pas le croiser par hasard.
00:16Ça nous fait découvrir un système qui est trop peu connu en France
00:18parce qu'on n'a pas forcément les moyens,
00:20puis que c'est tout ce que le système n'aime pas,
00:22c'est-à-dire du temps, de l'humain, de l'argent.
00:24La justice restaurative, c'est des espaces de dialogue
00:27entre des personnes victimes d'infractions
00:29et des personnes auteurs d'infractions.
00:31Par exemple, les infractions routières,
00:33les violences sexuelles, les violences conjugales.
00:35C'est des victimes qui rencontrent des détenus.
00:37Oui, c'est ça.
00:38Ces espaces sont volontaires et sont confidentiels
00:42et accompagnés par des professionnels formés.
00:44Ces professionnels, ils ont un rôle très très important,
00:47notamment dans la préparation des victimes et des auteurs
00:50en amont des rencontres.
00:51C'était un rôle qui était vachement dans le récit.
00:52C'est quand même beaucoup de face à face avec le personnage
00:54d'Élodie Bouchès qui joue ma médiatrice.
00:56Je finis par rencontrer mon frère,
00:58mais elle est minime,
01:02même si c'est la tonte de tout ce film.
01:03Quand on pense à la justice restaurative,
01:05on pense aux rencontres, à la finalité.
01:08Mais en fait, ce n'est pas une finalité.
01:10Tout va se jouer dans la préparation.
01:13Et il serait dangereux de bâcler la préparation
01:16pour absolument faire une rencontre.
01:18Tu ne le prépares pas en fait.
01:19Moi, tu me prépares.
01:20Moi, ça fait des mois que je bosse comme une chienne,
01:22que j'ouvre tous les dossiers.
01:23Le but de la justice restaurative,
01:25c'est de permettre le dialogue
01:27entre des personnes victimes, auteurs.
01:29Après, chaque personne est différente.
01:31Chaque personne a des atteintes différentes.
01:33Mais il y a aussi un objectif plus sociétal
01:36qui est d'essayer de se comprendre
01:39dans l'idée que de toute façon, on vit tous ensemble.
01:41On fait tous société.
01:42C'est une sorte de foi en l'humanité,
01:43de se dire qu'on va confronter des gens,
01:46essayer de les faire travailler sur eux-mêmes.
01:47Je pense que c'est une réparation à travers la parole.
01:50Je pense que c'est de l'écoute,
01:51autant du côté des agresseurs que des agressés.
01:54Moi, j'ai parlé vachement avec des bénévoles
01:55ou des gens qui travaillent là-bas,
01:57l'association d'aide aux victimes,
01:59qui disent qu'il y a des affaires
02:01où ça finit avec un pardon,
02:02il y a des affaires où ça finit
02:03avec s'échanger un numéro de téléphone.
02:05Après, c'est l'humain, donc ça dépend.
02:09Il n'y a pas un résultat distinct.
02:11Mais en tout cas, il y a quand même
02:12une grande foi en l'humanité,
02:13au fait de se dire que si on s'écoute beaucoup,
02:16qu'on se remet énormément en question,
02:18peut-être qu'on va pouvoir s'apaiser
02:19et aller vers une forme de paix.
02:21C'est des personnes qui veulent avancer.
02:22Côté auteurs aussi,
02:23c'est des personnes qui veulent cheminer.
02:24De pouvoir répondre à des questions,
02:27de pouvoir poser des choses,
02:29dire des choses, essayer de comprendre des choses.
02:31J'aimerais comprendre comment on peut en arriver
02:33à faire de tels actes de violence.
02:35J'aimerais comprendre qu'est-ce que ça vous fait.
02:37J'aimerais savoir comment vous avez vécu la détention.
02:39J'aimerais savoir comment vous avez vécu le procès.
02:42J'aimerais dire que le procès ne m'a rien apporté.
02:45J'aimerais dire que le procès m'a apporté,
02:47mais que ce n'est pas suffisant.
02:48J'ai encore des choses à dire.
02:49J'ai des questions que j'ai envie de poser.
02:51Le bénéfice qui revient le plus souvent,
02:53c'est celui de l'apaisement.
02:54Quand on dit aux personnes
02:55qu'est-ce que ça vous a apporté ?
02:57L'apaisement.
02:58De par la libération de la parole, tout simplement.
03:00Ce que vous proposez à ces gens,
03:02c'est l'inverse de ce que tout le monde
03:03leur a toujours proposé.
03:05On ne parle pas à leur place.
03:07On ne suggère rien.
03:08On écoute.
03:09On accueille.
03:10Inconditionnellement.
03:11Dans une société où auteurs-victimes,
03:13c'est très clivé.
03:14On fait tout pour les séparer.
03:16Donc on part de zéro,
03:18dans un pays, voilà,
03:19sur quelque chose de nouveau
03:20et qui n'est pas dans la culture.
03:22Donc déjà, c'est compliqué à mettre en place.
03:24Et donc réussir à toucher
03:2667 millions de Français
03:27pour leur dire que ça existe.
03:29Nous, l'Institut français pour la justice restaurative,
03:32on existe.
03:33On essaie, pardon.
03:35Mais on est une dizaine
03:36avec notre petit bâton de pèlerin.
03:38Et puis il faut des choses grand public
03:40comme des films.
03:41J'ai été agressée dans le supermarché
03:42dans lequel je travaillais à 5 ans.
03:44Je suis là pour vous dire ce qui se passe
03:45pour les victimes quand vous commettez ce genre de choses.
03:47J'ai 25 ans.
03:49J'ai braqué une séparate.
03:50J'ai passé toute ma vie
03:51dans le monde des stupéfiants.
03:52Ça fait 25 ans que je fais les allers-retours
03:54entre la prison et l'extérieur.
03:55Je suis plus comme avant.
03:57Ma vie est plus comme avant.
03:59Et si je résume avant, elle était meilleure.