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  • 25/03/2025
Abandonnée dans l'aéroport d'Orly, elle a été trouvée seule dans sa poussette. C'était en 1994. Ce bébé dont on ne savait rien, on lui a donné un prénom. 26 ans plus tard, Émilie raconte son histoire.
Réalisé par Yohann Malka.

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Transcription
00:00J'ai été abandonnée à l'aéroport d'Orly, c'était le 17 septembre 1994.
00:12Une jeune femme qui travaillait à un desque de location de voiture a trouvé une poussette
00:20et dans la poussette il y avait une petite fille qui gazouillait, cette petite fille
00:25c'était moi.
00:26Pour Brut, on a rencontré Émilie, un bébé abandonné dans un aéroport il y a 26 ans.
00:39Aujourd'hui adulte, Émilie ne connaît ni sa date de naissance, ni son lieu de naissance,
00:43ni même son prénom de naissance.
00:44Une quête d'identité qu'elle a accepté de nous raconter.
00:47Quand on me demande d'où je viens, je dis que je viens d'Ardèche, c'est ma terre
00:56natale.
00:57On est en Pyrénées, en Ardèche, mes parents adoptifs sont végénaires de ce village et
01:07donc j'ai grandi toute mon enfance.
01:09D'où je viens, c'est la question je pense qu'on m'a le plus posée, moi je répondais
01:17toujours « je viens d'Ardèche » et les gens me disaient « non mais ça se voit que
01:25tu as des origines d'ailleurs ». En grandissant, j'ai vraiment senti ce côté mystérieux
01:38autour de mon abandon.
01:41Ce n'est pas anodin de laisser un enfant comme ça.
01:44J'ai été trouvée dans une poussette grise, elle était en plutôt bon état, un sac allongé
01:59avec à l'intérieur des vêtements, la tenue dans laquelle j'ai été trouvée, une couverture
02:07Hello Kitty, la police de l'air est intervenue, ils ont épluché les vols en arrivée et
02:17au départ d'Orly ce jour-là, ça n'a rien donné et du coup comme ils ne savaient
02:22pas trop quoi faire de plus que ça, j'ai été prise en charge et j'ai été emmenée
02:28en pouponnière.
02:29La directrice m'a donné un prénom.
02:33A priori, j'ai eu le prénom le 19 septembre, c'est la Saint-Émilie, donc mon prénom
02:39a été décidé comme ça, donc c'est vraiment une identité fabriquée.
02:43Je suis restée six mois jusqu'à ce que je sois adoptée par mes parents.
02:49Ils s'appellent donc Monique et Philippe, donc ils sont tous les deux hardéchois.
02:54Avec ma mère tout de suite, je suis allée vers elle, tout de suite ça a été très
03:02fusionnel entre nous.
03:03Ça c'est notre première rencontre, c'était la première fois.
03:06Je lui ai touché la main et en fait elle est venue dans mes bras et là elle est restée
03:10pendant au moins une demi-heure sans bouger, contre moi quoi.
03:15Cette rencontre, c'était une logique.
03:20Quand j'avais vers les sept ans, j'avais vraiment cette douleur très profonde et cette
03:31détresse de me dire elle est où ma maman, pourquoi elle m'a laissée et pourquoi mon
03:37papa il m'a laissée, ça je m'en rappelle.
03:40Le soir on allait faire la lecture et le bisou, elle me disait maman j'aimerais bien voir
03:43ma mère.
03:44Alors moi je faisais bonjour, ma mère est là et tout, mais elle me dit non mais pas
03:48toi je veux voir l'autre, ça lui revenait en plein fouet quoi.
03:53J'ai aucune information sur le bébé que j'étais avant d'être trouvée et c'est
03:59ça en fait qui est obsédant, c'est qu'il y a tellement de possibilités que je me dis
04:03c'est laquelle la possibilité parce que je comprends pas.
04:06Le 25 juillet 2017, avec mes parents, on a ouvert mon dossier d'adoption qui était
04:22dans les bureaux de l'aide sociale à l'enfance, anciennement l'ADAS, dedans il y avait le
04:27procès verbal qui a été établi à la suite de mon abandon.
04:32On ouvre les premières pages et vraiment je prends conscience à ce moment-là qu'il
04:39n'y aura rien de plus et je me dis ok bon ben ça fait 23 ans, personne m'a cherché.
04:50Quand elle a ouvert son dossier, tous les trois on a pleuré parce qu'en fait on s'est
04:58rendu compte de tout ce qu'elle avait dû vivre pendant cette période en fait où elle
05:05a été laissée, cette période-là c'était vraiment une période qui l'avait marquée
05:14très profondément.
05:15Quand on a ouvert mon dossier, après avec mes parents on en a discuté et je leur disais
05:28cette poussette du coup on en a fait quoi et en fait c'est là qu'ils m'ont dit qu'elle
05:34est dans le grenier.
05:35L'été 2017 avec ma mère on l'a sortie un jour et on l'a retournée dans tous les
05:44sens pour essayer de voir s'il n'y avait pas un petit mot, un indice, quelque chose
05:50qui pouvait nous donner des informations ou une marque, quelque chose comme ça et
05:57on n'a rien trouvé.
05:58C'est le néant, quand tu lis la définition de ce que c'est le néant, tu te dis ouais
06:08c'est un océan de vide quoi le truc et ça te prend là et tu te dis mais c'est angoissant
06:17de se dire t'es rien quoi.
06:21Ça fait 26 ans que les questions d'Emilie restent sans réponse.
06:24En avril 2020, alors que la France est confinée, Emilie lance un appel sur les réseaux sociaux.
06:29Une bouteille à la mer pour retrouver ses parents biologiques.
06:31Je regardais un film et en fait il y avait une dame qui disait quelque part il y a quelqu'un
06:36qui sait quelque chose, cette phrase a été le déclic, je me suis dit pour moi aussi quelque
06:41part il y a quelqu'un qui sait quelque chose, il faut que je trouve cette personne.
06:44Je surfais beaucoup sur internet, je voyais qu'il y avait plein plein plein de gens connectés
06:51tout le temps, je me suis dit je vais essayer de faire avancer mon histoire.
06:56S'il vous plaît aidez-moi à partager ce message et ces photos sur les réseaux partout
07:03et à tout le monde, je suis sûre que quelque part quelqu'un sait quelque chose.
07:07Donc je le partage vers 20 heures le soir et en fait à minuit je crois il y avait déjà
07:1310 000 partages.
07:14Au bout de 2-3 jours on est à 30-40 000 partages et au bout d'une semaine je crois qu'on avait
07:23atteint 130-140 000 partages.
07:26Au départ je reçois beaucoup de messages surtout de La Réunion et de l'île Maurice,
07:34après aussi Madagascar, après plus ça s'étend du coup plus ça voyage loin.
07:39Là les gens m'écrivent en me disant c'est sûr tu me ressembles, tu ressembles à ma
07:45mère, tu ressembles à ma soeur, tu ressembles à ma cousine.
07:51Dans tous les messages que j'ai reçus il y a beaucoup beaucoup de gens qui me disaient
07:54en fait avec ton histoire au point où t'en es, le moyen le plus efficace pour pouvoir
08:00obtenir des informations c'est faire un test ADN.
08:03J'ouvre donc les résultats et là je me rends compte que du coup je suis métisse,
08:10que j'ai 50% de mes origines qui viennent de l'Inde, que je suis 15% à peu près turc,
08:1835% européenne et du coup je suis 9% française.
08:25Moi je me sens totalement française, j'étais super contente de voir que j'avais vraiment
08:35des origines françaises dans mon ADN parce qu'être français il y a des gens qui pensent
08:39qu'il faut être blanc alors que je pense que la France est métissée.
08:44On va dire moi j'ai fait tout ce que je pouvais faire pour que je sois visible et que les
08:54personnes qui m'ont laissée, si elles veulent se manifester un jour, elles puissent me trouver,
08:59savoir où je suis et savoir que je m'interroge.
09:03Moi j'ai fait ma part du chemin.

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