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  • 25/03/2025
En France, de nombreuses rues portent ces noms… Mais les a-t-on bien regardés ? Karfa Diallo se bat depuis 20 ans pour que des municipalités reconnaissent leur symbolique raciste.

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Transcription
00:00Nous sommes ici à l'angle entre la rue David Gradis et la rue Paul Broca.
00:04Ici, nous avons la continuité historique du phénomène du racisme.
00:08D'abord, David Gradis, armateur négrier, qui s'enrichit grâce à la traite de noirs,
00:13qui arme des bateaux qui sont partis en Afrique,
00:17acheter des captifs africains pour les vendre en Amérique.
00:20Et bien de l'autre côté, vous avez Paul Broca.
00:23Il fait partie de ceux qui, au 19e siècle, ont tenté de justifier scientifiquement le racisme.
00:27Selon Paul Broca, médecin bordelais, honoré d'ailleurs à l'Université de Bordeaux par un amphithéâtre à son nom,
00:33selon Paul Broca donc, la masse de l'encéphale des Blancs étant supérieure à celle des Noirs.
00:38C'est ce qui explique que les Blancs sont supérieurs aux Noirs.
00:41Donc on a ici une continuité historique.
00:43Nous ne pouvons pas comprendre le racisme d'aujourd'hui si nous ne faisons pas ce recul historique,
00:48si nous ne voyons pas que depuis le Code Noir jusqu'à aujourd'hui,
00:52nous avons des mêmes techniques de brutalisation des corps des Noirs qui continuent encore d'exister.
00:57Est-ce qu'il faut changer de nom ? La rue Paul Broca doit changer de nom ?
01:01Pour nous, le changement de nom, la débaptisation ou bien des panneaux explicatifs, tout sauf l'indifférence.
01:09Pendant ce temps-là, ce mercredi 10 juin, cinq plaques ont été posées pour rappeler les traces de l'esclavagisme à Bordeaux
01:16dans des rues portant les noms d'anciens armateurs négriers.
01:22C'est l'une des conséquences directes du mouvement Black Lives Matter.
01:25Dénoncer les symboles du racisme sur les murs de France, c'est le combat que mène Carfa Diallo depuis plus de 20 ans.
01:31Le racisme est extrêmement présent aujourd'hui dans la société française.
01:35L'ampleur des mobilisations du Black Lives Matter depuis quelques semaines le montre assez.
01:40Et bien il y a dans cette ville une concentration extrêmement importante de signes de ce passé qu'aucun Français ne veut plus aujourd'hui.
01:49Il y a une vingtaine de rues, de places qui honorent effectivement des personnalités
01:54dont la fortune, dont la prospérité s'est faite sur les Africains et sur leurs descendants.
02:00Vous avez aussi ici sur cette place ce qu'on appelle des mascarons créoles.
02:04Ce sont ces visages qui sont sculptés dans la pierre.
02:06Et si vous regardez un tout petit peu, celui qui est à l'extrême gauche et celui qui est à l'extrême droite me ressemblent un tout petit peu.
02:13Ce sont des visages avec des traits africains.
02:15C'était une véritable mode architectural au 18e siècle.
02:18Les Bordelais étaient très fiers de marquer dans la pierre le souvenir de leur propriété dans les colonies.
02:25Les Noirs faisant partie des biens que les Bordelais avaient.
02:28La ville de Bordeaux est le deuxième port négrier français.
02:32Le port négrier, ce qu'il définit, c'est le commerce triangulaire.
02:35C'est-à-dire que les bateaux quittent l'Europe, Bordeaux par exemple, vont en Afrique acheter des captifs africains
02:42à un certain nombre de chefs corrompus qui sont complices du système
02:45et vont vendre ces esclaves-là en Amérique et revenir d'Amérique avec les produits coloniaux.
02:51Ça, c'est le port négrier.
02:52Et en France, Nantes est le premier port négrier.
02:541700 bateaux ont quitté les rives de la Loire et ont fait le commerce triangulaire.
02:58Bordeaux est le deuxième port négrier.
03:00500 bateaux ont quitté Bordeaux.
03:02On a à Bordeaux une bourgeoisie qui a fait sa prospérité sur le sang, la sueur des Africains et de leurs descendants.
03:09Et c'est une bourgeoisie qui a eu beaucoup de mal à reconnaître ce passé-là,
03:13à faire sa place dans les référents culturels, dans les référents politiques,
03:17en termes d'intégration et de lutte contre les discriminations.
03:20C'est une question qui a très longtemps été taboue à Bordeaux.
03:23D'autant plus que dans la traite négrière, on peut identifier qui sont les négriers.
03:27Mais Bordeaux a surtout été un port colonial.
03:29Et dans le cadre du commerce colonial, c'est toute une ville qui s'enrichit.
03:33Et donc, c'est globalement beaucoup d'une partie de la population qui a bénéficié de ce commerce.
03:40Et donc, il est très difficile d'identifier précisément qui a fait quoi.
03:44Et donc, il y avait une chape de plomb, une responsabilité un peu collective, une culpabilité sur la ville.
03:49Et donc, progressivement, les habitants et la municipalité ont avancé sur ces questions.
03:54Et aujourd'hui, on peut dire que le déni est levé.
03:56À l'image de la statue du marchand négrier anglais Edward Colston, en Bercy à Bristol,
04:01les symboles des personnages accusés de racisme sont dénoncés partout dans le monde.
04:06Il y a un aspect que nous n'avons pas suffisamment pris en compte,
04:09un aspect que ces mobilisations contre les violences policières et contre le racisme sont en train de prendre en compte,
04:15c'est l'aspect de la trace et des symboles du racisme sur l'espace public.
04:19C'est fondamentalement de l'espace public qu'il faut aujourd'hui décoloniser.
04:23Des rues comme Bordeaux ici, des villes comme Bordeaux, des villes comme Nantes, comme La Rochelle, comme Le Havre,
04:28un quartier comme Biarritz, un quartier comme la négresse à Biarritz.
04:32Toutes ces villes françaises sont des villes aujourd'hui qui portent les traces du racisme.
04:38Pendant des décennies et des décennies, nous avons accepté que ces symboles du racisme continuent à exister dans nos villes.
04:45Et bien cette jeunesse française aujourd'hui, cette jeunesse du monde,
04:49elle comprend véritablement que la décolonisation, elle passe aussi par ces symboles du racisme sur les murs de nos villes.
04:56On l'a vu en Martinique, en Martinique des jeunes militants ont déboulonné les statues de Victor Schellcher.
05:01On l'a vu à Bristol, avant-hier, des militants ont également déboulonné la statue d'Edward Colson.
05:07On voit que partout, les jeunes du monde entier lèvent les yeux, regardent leurs murs, regardent les rues de leurs villes
05:13et se rendent compte qu'ils n'avaient pas suffisamment regardé, qu'ils n'avaient pas suffisamment vu ces symboles du racisme,
05:19qu'ils veulent que ces symboles du racisme soient expliqués, que ces symboles du racisme soient débaptisés pour la plupart.

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