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  • 25/03/2025
Brut a posé 9 questions simples à Gérard Araud, ancien ambassadeur de France aux États-Unis, sur la négociation en temps de guerre.

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Transcription
00:00Une négociation c'est faire des concessions et donc si vous faisiez des concessions devant
00:19votre propre opinion publique, l'opinion publique dirait mais c'est pas possible,
00:22il capitule.
00:23Il faut que la négociation soit secrète pour permettre justement ces concessions.
00:27D'abord on ne sait pas vraiment si l'autre a des instructions qui lui permettent vraiment
00:36d'aller de l'avant ou s'il est simplement là pour gagner du temps.
00:40Alors ça commence toujours par que chacun réaffirme sa position de principe donc on
00:45commence par des heures où chacun bétonne et puis ensuite on essaye de voir sujet par
00:51sujet s'il y a eu des possibilités de comprendre.
00:54Puis ensuite évidemment on sort de cette table, il y a des moments où chacun va fumer
00:59une cigarette ou chacun va pisser et là les chefs de délégation peuvent essayer d'aller
01:05bavarder l'air de rien, voir en dehors des oreilles des autres est-ce que quelque chose
01:12est possible.
01:13On fait très attention à ce que même les lieux, l'organisation ne reflète pas finalement
01:23un rapport de force qui vous est défavorable.
01:25Par exemple les Ukrainiens n'iront pas négocier en Russie et s'ils vont en Russie ça veut
01:29dire qu'ils ont perdu.
01:30Vous avez un laissé-passer accordé par le pays qui contrôle la zone et donc vous bénéficiez
01:40aussi des protections diplomatiques.
01:42Mais après est-ce qu'on les respecte ou est-ce qu'on ne le respecte pas ?
01:45A la fin des guerres de la Révolution, une délégation française au congrès de Rastatt
01:50qui a été massacrée par nos amis autrichiens.
01:52Je comprendrais bien que Zelensky ne soit pas allé parce que là vraiment il est un
01:56prix tellement énorme la prise de Zelensky, on peut penser que c'est la fin de la résistance
02:00ukrainienne.
02:01Mais théoriquement les délégations sont couvertes par les règles internationales.
02:05Vous savez une crise elle a des étapes et nous sommes à l'étape où l'agresseur
02:15pense qu'il peut gagner et donc il n'a pas vraiment intérêt à négocier sauf à
02:20obtenir la capitulation du faible et l'agressé pense qu'il peut résister et donc il n'a
02:26pas non plus vraiment de raison de faire des concessions.
02:30Le plus dangereux dans la négociation évidemment c'est l'émotion.
02:37Comme un diplomate il faut s'endurcir et essayer d'oublier ce qui s'est passé.
02:43Il faut s'assurer que le monsieur d'en face a détruit une bonne partie de votre pays et
02:47essayer de voir si on peut mettre un terme au conflit.
02:50Il arrive que le négociateur approuve un texte et que sa capitale refuse le texte.
03:01Je me rappelle avoir négocié avec les Russes sur l'accès humanitaire en Syrie lorsque
03:06j'étais au conseil de sécurité.
03:07Nous avions un accord avec l'ambassadeur de Russie qui pourtant était un dur de chier
03:12Le lendemain matin, le Russe m'appelle en me disant que sa capitale n'accepte pas le texte.
03:18Cela voudra dire aussi qu'il se sentira d'ailleurs quasiment paralysé dans la négociation d'après
03:23et qu'il ne lâchera plus rien étant donné qu'il a déjà été désavoué une fois.
03:32Dans les périodes de crise intense, vous avez à la fois des gens de bonne volonté,
03:39aussi parce que des pays veulent éviter une guerre même s'ils ne sont pas partis,
03:42vous avez une multiplication de ces contacts.
03:46C'est dangereux parce que lorsque vous êtes un des potentiels belligérants,
03:51il est difficile de distinguer ce qui est manipulation, bruit de fond de la réalité.
03:58Quel est le bon canal ?
04:00Qui en réalité est vraiment le bon interlocuteur qui exprime vraiment la pensée de l'autre ?
04:08Je crois que la logique d'Emmanuel Macron là-derrière, c'est de se dire
04:13« Gardons un canal ouvert, vérifions que Poutine me prend toujours au bout du fil si j'ose dire,
04:20Zelensky est d'accord avec moi et donc j'attends le bon moment
04:25pour essayer de renouer une négociation. »
04:29Qu'est-ce qu'une négociation ?
04:34Je dirais à 90%, la négociation c'est simplement tirer les leçons du rapport de force.
04:40Le vainqueur se dit « J'essaye de ramasser la mise comme au poker
04:45parce qu'on ne sait jamais, ça peut se retourner contre moi. »
04:49Et le vaincu se dit « Autant ne me faire des concessions parce que ça peut être encore pire demain. »
04:56En 1918-1919, les Français veulent démanteler l'Allemagne
05:00et les Anglais et les Américains refusent en disant
05:04« On a besoin de l'Allemagne face au bolchévisme. »
05:07Parce que c'est le moment où la révolution bolchévique,
05:09on a l'impression qu'elle va submerger l'Europe.
05:12Donc vous voyez, il y a des choix stratégiques qui correspondent aussi à la vision de l'après-guerre.
05:18Lorsque vous négociez une paix, vous êtes obligés aussi de penser à ce qui se passera après la paix.
05:23Est-ce qu'on aboutira au fond à une réconciliation
05:27ou est-ce qu'on recréera jusqu'à la prochaine guerre ?

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