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Mardi 11 mars 2025, SMART TECH reçoit Nicolas Rongeard (Consultant crypto et blockchain, KPMG) , Alexandre Bounouh (président des Instituts Carnot & directeur, CEA List) et Joelle Toledano (membre de l'Académie des technologies & Professeur émérite, Paris Dauphine)

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00:00Générique
00:08Bonjour à tous, il porte un regard asserré sur les politiques d'innovation, les choix technologiques au regard de la nouvelle géopolitique, la stratégie industrielle de la France.
00:18Je parle d'Alexandre Bounou qui est mon grand invité aujourd'hui, président des instituts Carnot, directeur du CEA List, acteur d'excellence aujourd'hui dans la recherche publique privée.
00:28Ce sera donc un jour de grandes interviews dans Smartech.
00:32Dans cette édition également, on va porter notre regard du côté des Etats-Unis avec l'actualité des cryptos et cette réserve américaine qui a été annoncée par Donald Trump.
00:40Mais d'abord, je propose trois questions sur la mésinformation à l'ère de l'IA.
00:45C'est tout de suite dans Smartech.
00:51Que d'invité prestige dans ce Smartech aujourd'hui.
00:54Bonjour Joël Toledano.
00:56Bonjour.
00:56Merci d'être avec nous, professeur émérite en économie associée à la chaire gouvernance et régulation de l'université Paris Dauphine.
01:03Vous êtes membre de l'académie des technologies ainsi que de plusieurs conseils d'administration d'ailleurs de start-up du numérique.
01:10Votre dernier ouvrage GAFA, reprenons le pouvoir, publié chez Odile Jacob en 2020, a reçu de nombreux prix également.
01:19Mais notre sujet aujourd'hui ensemble, ça va être la production de ce rapport par l'académie des technologies dont le titre est « Lutte contre la mésinformation à l'ère de l'IA ».
01:28Déjà Joël, pourquoi ce choix de vocable « mésinformation » ?
01:34Parce que l'un des objectifs au fond de ce rapport, indépendamment des propositions, c'est de faire une analyse à 360 degrés de l'ensemble du sujet
01:47et que c'est l'élégance, si vous voulez, des mots pour pas tout de suite passer vers fake news, qui est le bon, et qu'on essaye d'appeler un chat un chat, si je puis dire.
01:58Et qui a donc dans ce rapport l'idée que même si on va s'intéresser aux aspects très précis liés à l'intelligence artificielle par rapport aux fake news,
02:11on veut replacer le sujet dans le contexte, préciser de quoi on parle et pointer sur un certain nombre de points.
02:20Il y a eu beaucoup de sujets de rapport autour de la mésinformation, c'est très très important,
02:25et notre objectif, au fond, c'était d'essayer, à partir de ce sujet, de pointer précisément sur quelque chose d'assez précis, qui est le lien entre la mésinformation numérique et l'IA.
02:41Donc vous n'employez pas non plus le terme de « désinformation » ?
02:47On l'emploie dans le rapport, mais ce n'est pas le même niveau, si vous voulez.
02:52C'est intéressant de préciser les définitions, même si après, évidemment, on arrive à la désinformation, parce que c'était le cœur de notre préoccupation,
03:00et des deepfakes, mais effectivement, la mésinformation, c'est la mauvaise information, mais la mauvaise information, ce n'est pas forcément volontaire, la désinformation, c'est volontaire.
03:13Et donc il s'agissait de préciser exactement le champ. Certains analystes considèrent, par exemple, qu'en réalité, plus que la désinformation, c'est la mésinformation qui explique le fait que les gens ne disent pas toujours ce qu'est la vérité scientifique.
03:34Donc il y a l'intention derrière, qui est importante. Quand vous avez pris en main ce rapport, est-ce que l'ampleur du risque vous a surpris ?
03:43Est-ce qu'aujourd'hui, vous pensez qu'elle est sous-estimée, cette dangerosité de la mésinformation ? Ou peut-être sur-estimée, d'ailleurs ?
03:53– Non, elle n'est pas sous-estimée du tout. Elle est même, à certains égards, mais je dis bien à certains égards, à court terme, elle a été sur-estimée.
04:02Rappelez-vous, au début de 2024, on craignait que les élections européennes, que les élections américaines soient toutes complètement polluées par les deepfakes.
04:16Et les analyses aujourd'hui, alors on a bien un exemple qui est la Roumanie où ça s'est passé différemment, mais sinon tous les analystes aujourd'hui s'accordent à dire
04:27que ce n'est pas en tant que tel les deepfakes qui ont été au cœur des problèmes de mésinformation ou de désinformation.
04:37– Mais on sait que la technologie progresse en vite, que la nouvelle géopolitique change aussi pas mal de choses,
04:45donc c'est un problème auquel il faut quand même qu'on se confronte.
04:47– Oui, qu'il faut qu'on se confronte, qu'on analyse et qu'on s'outille pour aller contre.
04:52– Alors justement, ce qui est intéressant, c'est que dans ce rapport, vous proposez des outils.
04:56Ce ne sont pas juste des recommandations, c'est vraiment des propositions très concrètes.
05:00J'imagine que vous vouliez en préciser quelques-unes.
05:04Moi j'ai noté notamment le développement d'un chatpédia au sein de l'éducation nationale, ça consisterait en quoi ?
05:10– Écoutez, l'idée est la suivante, au fond, s'il y a un sujet qui est mis en avant dès qu'on parle de mésinformation et de désinformation, c'est l'éducation.
05:21Et quelle meilleure façon que de expliquer à chacun d'entre nous, au fond,
05:27mais là c'est à l'éducation nationale, dans les écoles, comment ça marche,
05:34que de fabriquer ensemble un outil qui permet de comprendre comment effectivement ça marche.
05:42Donc pour simplifier, c'est ça chatpédia, il y a eu Wikipédia pour remplacer, entre guillemets, mais un peu quand même.
05:51– Un outil en syllopédie.
05:52– Voilà, et là c'est un outil qui permet de comprendre ces fameux LLM, ces fameux langageurs,
05:59comment ça fonctionne, qu'est-ce qui fait que, et ça, ça peut se construire,
06:04on voit bien qu'il y a toute une série d'initiatives de construction de langageurs adaptés à certaines situations,
06:11et là l'idée c'est de le faire avec les professeurs et les élèves,
06:16et que ça les aide en le construisant et en l'utilisant à comprendre comment ça marche.
06:21– Oui, c'est de l'éducation au numérique finalement,
06:23il faut rentrer côté coulisses pour être plus au fait des risques.
06:29Vous parlez aussi d'imposer aux grandes plateformes l'affichage d'un score d'artificialité,
06:34alors ça moi je vote à 100% pour, mais comment est-ce qu'on pourrait imposer ça ?
06:38– Écoutez, il se trouve alors qu'aujourd'hui la question de l'artificialité
06:42elle est au cœur d'un certain nombre de questions,
06:44au point que l'an dernier d'ailleurs je crois que c'est The Economist
06:47qui avait fait un article disant qu'Internet allait devenir le monde des zombies.
06:51Donc en tout état de cause, les plateformes elles ont l'obligation de se préoccuper,
06:59et via l'IA Act et via le DSA, des productions artificielles.
07:03Donc là c'est une étape supplémentaire si vous voulez,
07:07mais qui peut très bien se concevoir à l'intérieur de quelque chose qui est le Digital Service Act,
07:13le fameux règlement sur les services numériques.
07:19– C'est ça, une précision finalement.
07:22Et puis ajouter dans le Code de la Défense
07:24un dispositif de sanction des opérations de désinformation.
07:28Aujourd'hui on a Virginie Null…
07:29– Je vais vous répondre et après je reviendrai sur une dernière proposition qui m'occupe à cœur,
07:34c'est tout simplement qu'aujourd'hui de façon étrange,
07:37si vous avez donné des fausses informations en physique,
07:43aujourd'hui le Code pénal a de quoi s'attaquer à ce genre de problème,
07:49mais ce n'est pas le cas quand c'est dans le numérique.
07:50Donc c'est juste, si je puis dire, une façon d'adapter les textes.
07:54Et l'un des autres sujets qui nous semblent importants,
07:58c'est qu'aujourd'hui on est dans un monde en réalité
08:01où ceux qui nous nourrissent en matière d'information ce sont les plateformes.
08:04Elles sont jugées parties et nous pensons qu'il y a un vrai enjeu
08:09à créer un socle d'informations numériques neutres,
08:13un incinéria numérique qui permettrait,
08:17qui ferait que quand la Commission européenne se demande
08:20si les plateformes pornographiques ont ou n'ont dépassé le nombre d'utilisateurs
08:26qui fait qu'elles sont régulées,
08:28elles n'ont pas besoin d'attendre qu'on leur dise ce qu'il en est.
08:31– Que ce soit elles-mêmes en fait.
08:33– Elles-mêmes qui demandent.
08:34Donc il nous semble important, et je sais qu'il faut être bref,
08:37de s'attaquer à ce sujet parce qu'aujourd'hui nous dépendons,
08:41pour tout ce qui concerne la compréhension du monde numérique,
08:45des plateformes elles-mêmes qui sont essentiellement opaques.
08:48– Oui, et jugées parties, vous l'avez bien précisé.
08:50Donc ce serait ce comité consultatif de l'information scientifique et technique ?
08:56– Non, ça c'est encore une autre proposition.
08:58– Ah ben on n'a pas le temps d'en parler, je suis désolée Joël Toleda,
09:01il faudra revenir dans Smartech.
09:02– Avec plaisir.
09:03– Merci beaucoup.
09:04Je rappelle que vous êtes là en tant que membre de l'Académie des technologies
09:08et je vous invite à consulter ce rapport sur la mésinformation.
09:11Merci.
09:12– Générique
09:15– Sonnet du Générique
09:18– On pourrait dire que mon invité est le parfait éclaireur
09:21des enjeux d'innovation pour les entreprises et le rôle de la recherche publique
09:24puisqu'il accompagne et accélère cette collaboration publique-privée
09:28dans de nombreux projets de recherche structurant pour la France.
09:32Bonjour Alexandre Mouneau.
09:33– Bonjour.
09:34– Bienvenue, vous êtes le président des instituts CARNO, directeur du CEA LISTE,
09:38donc l'Institut de recherche technologique dédié au système numérique intelligent
09:42au sein du CEA.
09:43On va dire quand même quelques mots du réseau des CARNO,
09:46donc c'est une association qui travaille sur la recherche partenariale,
09:51donc publique-privée, dans le but justement de faire émerger
09:56cette recherche et développement de manière très concrète.
09:59Aujourd'hui il y a 39 CARNO, c'est bien ça ?
10:02– Absolument, il y a 39 instituts CARNO qui effectivement ont une mission,
10:06la mission c'est la recherche contractuelle bilatérale,
10:09c'est-à-dire la capacité à la recherche publique
10:12à avoir un impact sur l'économie, la société,
10:15à travers ces projets de collaboration directe avec les entreprises
10:19dans tous les domaines, 39 instituts,
10:21en fait on couvre à peu près toutes les thématiques,
10:23je dirais industrielles, sociétales, de la santé à la grille agro,
10:27du numérique, du semi-conducteur, etc.
10:30– Donc on parle souvent de mettre l'excellence française
10:34en matière de R&D en avant,
10:36là c'est la mettre au service des entreprises,
10:39mais qu'est-ce qu'on appelle l'excellence aujourd'hui ?
10:42– En fait l'excellence c'est d'être en capacité de faire de la recherche
10:48qui permet de générer des innovations qui doivent se retrouver
10:52le plus rapidement possible sur le marché,
10:53au service de l'économie et de la société.
10:57Effectivement on peut tout à fait générer du savoir
10:59dans le cadre de la recherche avec des publications,
11:01ça fait partie un peu de la mission de la recherche,
11:04nous en tout cas dans le réseau des Carnot et des instituts Carnot
11:08qui sont comme vous l'avez dit 39 instituts,
11:11en fait notre rôle et notre objectif
11:13c'est effectivement de faire cette recherche appliquée
11:16parce qu'elle a une finalité
11:18et on est là pour soutenir le développement des entreprises.
11:21– Et ça veut dire concrètement vous avez des offres technologiques
11:24que vous mettez à disposition des projets privés,
11:29qu'est-ce que vous proposez ?
11:30Vous mettez à disposition des talents ?
11:33– Non, on met à disposition ce qu'on appelle des briques technologiques
11:38de l'IA, de la robotique, des technologies autour de la santé
11:45et les industriels viennent nous voir
11:47parce qu'on a déjà germé cette recherche
11:50et on projette ces briques technologiques
11:52sur des produits, sur des services
11:54et on contractualise dans un rapport partenarial
11:58dans lequel on peut, et ça arrive très souvent,
12:01former des équipes communes
12:02pour mener cette technologie de son TRL très bas,
12:06c'est-à-dire vraiment les premiers pouces de cette technologie
12:11jusqu'aux produits qu'on va retrouver évidemment
12:14chez des grands groupes comme STMicroélectronique,
12:17comme Technip, comme Total,
12:19voilà finalement toutes les entreprises
12:22et alors il n'y a pas que les grands groupes
12:24puisque 48% de nos contrats,
12:28il y en a 10 000, entre 10 et 11 000 contrats par an,
12:31ça fait à peu près une signature toutes les 10 minutes dans notre réseau
12:34et en fait 48% sont des PME.
12:37– D'accord, mais donc ça veut dire qu'en termes de budget,
12:43vous fonctionnez avec les fonds du CEA ?
12:49– On a en fait tous les…
12:50– Vous faites du chiffre d'affaires aussi
12:52avec les opérations que vous menez avec les entreprises privées ?
12:55– Absolument, en fait le réseau Carnot,
12:57c'est le premier réseau de la recherche partenariale en France,
13:01en fait il occupe à peu près 60%
13:03de ce que les entreprises financent à la recherche publique,
13:06elles financent en moyenne 1,1 million par an
13:09et nous aujourd'hui on fait à peu près 600 millions de chiffres d'affaires,
13:13ce 600 millions de chiffres d'affaires,
13:14il faut le rapporter à l'origine des Carnots, en 2006,
13:17on faisait 186, vous voyez à peu près la progression,
13:20pratiquement fois 3 et ce…
13:22– Est-ce que vous avez parlé de 1 million pour les entreprises et de 600 millions ?
13:27– 1 milliard, pardon, c'est 1,1 milliard par an
13:31que les entreprises financent à la recherche publique
13:34et sur ce 1 milliard, il y a 600 millions sur le réseau Carnot,
13:36voilà ça fait à peu près 60%.
13:38– Alors vous êtes arrivé à la présidence de ces Carnots assez récemment quand même,
13:43moi je voulais vous interroger sur les priorités que vous êtes fixées
13:46et est-ce qu'il n'y a pas une petite bascule,
13:48un changement d'orientation là au vu de la nouvelle géopolitique ?
13:52De cet appel justement à des technologies plus souveraines,
13:56à une maîtrise sur l'intelligence artificielle ?
13:58– Absolument et en fait ça ne date pas effectivement
14:01des événements de ces dernières semaines
14:03puisque évidemment le Covid premièrement était la première alerte finalement
14:07sur cette notion de souveraineté technologique
14:10puisqu'on s'est aperçu qu'on était largement dépendant
14:13vis-à-vis d'un certain nombre de pays sur ces technologies
14:15pour des produits plutôt simples mais aussi des produits de haute technologie
14:19et cette dimension de souveraineté technologique
14:22a été portée par des instituts comme les Carnots
14:25puisqu'ils sont vraiment en fronte avec cette économie et ces entreprises
14:31et aujourd'hui encore plus avec évidemment cette, je dirais,
14:35avant on parlait de la bipolarisation sino-américaine,
14:40aujourd'hui on ne sait plus réellement quels sont les amis,
14:45quels sont les ennemis,
14:46donc il faut être extrêmement vigilant sur cette capacité
14:49à ce que la France, l'Europe soient totalement indépendantes
14:53vis-à-vis d'un certain nombre de technologies
14:56parce qu'elles sont nécessaires pour évidemment développer
15:00des produits sur nos territoires et notre capacité à exporter.
15:03Vous connaissez un peu les règles extraterritoriales américaines,
15:08aujourd'hui si vous avez une technologie imbriquée dans votre produit
15:12et qu'elle est américaine,
15:14demain ce produit-là serait interdit d'exportation dans tel ou tel pays,
15:19nous voulons aujourd'hui doter les entreprises
15:22avec des briques technologiques européennes
15:24pour justement être indépendants vis-à-vis de ça.
15:26Ça change les orientations aujourd'hui,
15:29les choix que vous faites sur les projets par exemple ?
15:32Absolument, je vous donne juste un exemple,
15:36dans le domaine de l'IA et notamment l'IA embarquée,
15:40depuis longtemps les industriels utilisent des outils américains
15:44pour faire en sorte que l'IA qui est développée dans le cloud
15:48soit intégrée dans des produits,
15:51soit des produits de santé ou d'autres produits IoT.
15:55Aujourd'hui on développe une plateforme française et européenne
15:59qui permettra aux entreprises françaises et européennes
16:03de disposer d'un outil qui leur permet justement
16:06d'aller vers cette IA embarquée en toute indépendance.
16:10Et donc ça a bien changé évidemment les orientations
16:13et ça c'est un choix qui a été soutenu par l'État.
16:15C'est-à-dire même s'ils utilisent des IA
16:17ou des grands modèles de langage étrangers,
16:20ils passeront ensuite par une plateforme ?
16:23Alors en fait il y a ces modèles-là,
16:26mais aussi il y a les modèles propriétaires
16:28qui sont aujourd'hui développés par des acteurs européens,
16:31Mistral, il y a plein d'entreprises qui le font,
16:33nous-mêmes on le fait,
16:35mais au-delà évidemment du modèle,
16:38si vous utilisez aujourd'hui un outil américain
16:41pour faire ce transfert vers l'embarqué,
16:44vous allez quelque part mettre le germe
16:47d'une technologie qui n'est pas la vôtre,
16:49qui peut vous freiner dans votre développement.
16:53Et aujourd'hui on offre cette plateforme
16:55qui s'appelle DeepGreen,
16:56c'est un grand projet européen et français
16:59puisqu'il est soutenu par France 2030,
17:0125 millions d'euros,
17:02avec énormément de partenaires industriels,
17:05des secteurs de l'aéronautique, de la défense, de l'industrie.
17:09Et comment vous allez les chercher ces entreprises
17:10pour leur dire justement,
17:11nous on a ce type d'initiatives,
17:13on existe, on peut faire des choses ensemble ?
17:15Voilà, c'est un travail de tous les jours.
17:17C'est votre travail en fait ?
17:18Absolument, et puis il y a le travail
17:20d'un certain nombre de nos collègues
17:21qui sont formés pour ça,
17:23ça s'appelle les business developers,
17:25des commerciaux si vous voulez.
17:26Pourquoi vous êtes convaincu
17:28que c'est important aujourd'hui
17:29ce partenariat public-privé ?
17:33Je pense que la recherche,
17:35elle a plusieurs qualités.
17:36Je dirais originale, la création de savoir.
17:39Je pense que la science, le progrès
17:41a toujours été une valeur importante
17:46pour les sociétés.
17:47Mais on a souffert depuis très longtemps
17:49sur le fait que cette création de valeur
17:52restait dans un domaine
17:53qui est un domaine scientifique, académique,
17:57alors que derrière,
17:58on peut absolument projeter des choses
18:00qui peuvent servir la société,
18:02l'entreprise.
18:04Et donc, je dirais,
18:06ce transfert de technologie
18:07ne peut se faire qu'avec
18:09ce lien public-privé.
18:10Il est extrêmement important.
18:12Et les freins sont des deux côtés ?
18:13Absolument.
18:15Les entreprises aussi hésitent
18:17à venir voir les laboratoires
18:19de recherche publiques ?
18:21Absolument, et notamment en France,
18:22je le regrette, je le dis depuis
18:23un certain nombre de mois et d'années.
18:27Je pense que le constat aussi partagé
18:30par le ministère de la Recherche
18:33sur le fait que dans l'investissement
18:37en France de la R&D,
18:39nous pesons à peu près autour de 2,2%
18:42du PIB français,
18:43alors que ça fait à peu près 10-15 ans
18:46que toute l'Europe a un objectif,
18:48évidemment, d'atteindre le 3%.
18:50Et dans cet écart-là,
18:52en fait, ce sont les entreprises françaises
18:53qui sont un peu en recul
18:54par rapport à leurs homologues européens.
18:57Et donc, il faut un effort.
18:58Donc seulement 2% des budgets R&D
19:00aujourd'hui des entreprises françaises
19:02vont vers des laboratoires publics,
19:04c'est ça ?
19:04Non, en fait, c'est,
19:06vous prenez le PIB français,
19:09dans le PIB français,
19:11la recherche et développement
19:12ne pèse que de 2,2%.
19:14Ah, dans l'absolu ?
19:15Absolument.
19:15Donc ça, c'est déjà un effort
19:17de recherche et développement
19:18sur lequel il faut travailler.
19:19Exactement, pour atteindre les 3%.
19:21Et pour atteindre les 3%,
19:23il faudrait que les entreprises
19:25investissent dans la R&D,
19:27chez elles déjà,
19:28et aussi, évidemment,
19:29à travers la collaboration
19:31avec les laboratoires.
19:32Et alors, si on regarde plus précisément
19:33sur cette collaboration,
19:34en France, on se situe comment
19:35par rapport aux voisins ?
19:37On est en recul, évidemment.
19:39On est à peu près septième
19:41dans les pays de l'OCDE,
19:43donc on a vraiment des efforts à faire.
19:46Alors, ça tient évidemment
19:47à une culture d'aversion aux risques,
19:50puisque aujourd'hui, la R&D
19:51est quand même vue
19:51comme un centre de coûts avant tout.
19:53Et ça, il faut un changement de paradigme
19:56pour que la R&D dans les entreprises
19:58ne soit pas touchée
20:00aux maindres soubresauts économiques.
20:02Et donc, il faut vraiment être
20:03volontariste, comme le font
20:05typiquement les Américains.
20:06Les Américains, en moyenne,
20:07les grandes entreprises,
20:09les AWS, les META,
20:11ils sont entre 14% et 30%
20:13de leur chiffre d'affaires
20:14chaque année dans la R&D.
20:15On est très loin.
20:16C'est sûr, mais les tensions
20:18économiques, politiques,
20:19voilà, c'est compliqué.
20:21Quel est votre regard aujourd'hui
20:22sur la politique industrielle
20:23de la France ?
20:24Est-ce qu'il vous semble
20:26qu'on a pris la mesure des enjeux
20:28et qu'on fait les bons choix
20:29sur les bonnes technos ?
20:30Oui, je dirais qu'effectivement,
20:32on a fait un effort considérable
20:37à partir de la crise du Covid,
20:39où on a pris vraiment conscience
20:40effectivement des faiblesses
20:42des économies françaises et européennes,
20:44avec un exemple qui est marquant,
20:46qu'il faut souligner effectivement,
20:48le plan France 2030,
20:4954 milliards d'euros d'investissement
20:52dans des clés technologiques
20:54qui sont aujourd'hui communément
20:56partagées de par le monde
20:57comme étant stratégiques,
20:59l'intelligence artificielle,
21:00la cybersécurité, le numérique,
21:03le comptique.
21:04Et il y a un investissement
21:05qui est important.
21:06Et derrière, on a vu
21:09pour la première fois
21:10un mouvement des entreprises
21:12vers cette innovation
21:13de façon extrêmement forte.
21:15Et on ne peut que vraiment
21:16se féliciter de cet élan.
21:18Mais il y a encore à faire,
21:20puisqu'on vient de le voir.
21:22Il y a effectivement
21:23l'investissement de la R&D.
21:24Et puis de l'autre côté,
21:26je dirais que la recherche publique
21:28aussi a besoin de faire des efforts
21:30pour être vraiment au diapasant
21:32des, je dirais, des temporalités
21:34de l'économie et des entreprises.
21:36On a l'impression qu'aujourd'hui,
21:37il faut investir dans l'IA,
21:38investir dans l'IA,
21:39investir dans l'IA, basta.
21:41Oui, mais après, il faut...
21:44Ce n'est pas un peu un piège ?
21:45Oui, ce n'est pas un piège.
21:46Il faut d'un côté se dire
21:48que c'est une technologie clé,
21:50transformante, incontournable,
21:53dans laquelle il faut absolument
21:54être en compétition
21:55et se donner les moyens.
21:56C'est vraiment quelque chose
21:57d'assez important.
21:58Et je pense que personne
21:59ne dirait le contraire.
22:00Par contre, on subit
22:02des effets de mode, évidemment.
22:03Tout le monde fait de l'IA aujourd'hui.
22:05Depuis quelques années,
22:06il n'y a pas que l'IA.
22:07Il y a des technologies
22:09autour du quantique,
22:10la cybersécurité.
22:11Il n'y a pas d'IA sans cybersécurité.
22:13Enfin, voilà.
22:14Et puis, il y a d'autres technologies
22:16autour de l'énergie, le climat,
22:18la transition climatique,
22:19l'environnement.
22:20Donc, il y a bien d'autres technologies
22:21dans lesquelles il faut investir.
22:23Et je dirais un mot sur cette vision.
22:26C'est qu'il faut faire des choix
22:27parce qu'on ne pourra pas être bon partout.
22:29Il ne faut pas trop se disperser.
22:31Absolument.
22:32Parce qu'il faut focaliser les moyens.
22:33On n'a pas des moyens extensibles.
22:35Donc, à un moment donné,
22:36il faut du courage politique
22:38pour tracer une vision stratégique
22:40qui soit claire,
22:41pour dire l'Europe, la France
22:43doit être excellente
22:44dans tel ou tel ou tel domaine
22:46et se donner les moyens
22:47parce que se poudrer en général,
22:49on perd de l'argent et on n'avance pas.
22:51Quel domaine alors ?
22:53Je l'ai dit, l'IA.
22:54La cybersécurité ?
22:55La cybersécurité, l'IA,
22:57l'informatique quantique, l'énergie.
23:00Vous voyez bien le...
23:01Ça fait déjà beaucoup.
23:03Ça fait beaucoup.
23:03Mais si vous regardez aujourd'hui
23:06où vont les financements publics et privés,
23:09ils vont à peu près partout.
23:10C'est beaucoup plus dispersé que ça.
23:11Voilà, absolument.
23:12Il y a évidemment...
23:13Après, on peut le comprendre.
23:15Mais je pense qu'il y a aussi lieu
23:17de faire une stratégie
23:19à quatre, cinq technologies clés
23:21dans lesquelles on doit être leader mondial.
23:23Un choix politique,
23:23mais c'est aussi un message
23:25que vous passez aux entreprises, ça ?
23:28Les entreprises, en fait,
23:30leur stratégie,
23:32elle est définie par plein d'autres choses.
23:34Évidemment, il n'y a pas que la technologie.
23:37La technologie aujourd'hui
23:38est clé dans leur transformation,
23:40dans leur innovation.
23:42Mais elles aussi, en fait,
23:44elles doivent aussi choisir les marchés.
23:47Vous parlez de la situation politique.
23:50Je pense que ça va entraîner
23:52un certain nombre de choix,
23:54de territoires, d'expansion,
23:57de développement à l'international,
23:58bien précis.
24:01Et donc, il faut combiner,
24:02quelque part, les stratégies nationales européennes
24:05sur ces clés technologiques
24:07pour pouvoir, derrière,
24:09avoir une stratégie économique, industrielle
24:11qui puisse bénéficier de cet élan de financement.
24:14Tout se tient.
24:15Merci beaucoup d'être venu dans Smartech.
24:18Je rappelle que vous êtes à la tête
24:20des instituts Carnot,
24:21directeur aussi du CEA List.
24:23Alexandre Bourneau était notre grand invité aujourd'hui.
24:26Merci.
24:33On termine cette édition avec Nicolas Ronjar.
24:34Bonjour Nicolas.
24:35Bonjour Delphine.
24:36Je rappelle que vous êtes consultant crypto et blockchain
24:38chez KPMG.
24:39Et aujourd'hui, on va s'intéresser à cette annonce
24:41faite par le président américain Donald Trump
24:43de la création d'une réserve stratégique crypto
24:46aux Etats-Unis.
24:47C'était au tout début du mois de mars.
24:50Déjà, première question,
24:51quel impact a ce genre d'annonce ?
24:54Effectivement, c'est une annonce qui a suscité
24:56beaucoup de bruit
24:57et aussi beaucoup de volatilité sur le marché crypto.
25:00Peut-être, si on prend un peu de recul
25:02et qu'on donne un peu de contexte par rapport à cette annonce-là,
25:05ce n'est pas la première fois qu'on parle
25:06d'une réserve stratégique en crypto.
25:08C'est d'ailleurs un de ses sujets forts
25:10lors de sa campagne présidentielle l'année dernière.
25:13Et on a aussi, ces dernières semaines, des Etats
25:15comme l'Utah ou encore l'Arizona
25:17qui ont voté des projets de loi
25:19pour instaurer une réserve stratégique en bitcoin.
25:21Donc, ce n'est pas la première fois qu'on en parle.
25:23Maintenant, si on joue le jeu de l'analyse
25:25par rapport à cette annonce, effectivement,
25:26qui a eu lieu dimanche soir sur ses réseaux sociaux,
25:29où il a annoncé la mise en place potentielle
25:31d'une réserve stratégique en bitcoin
25:33et aussi en autres cryptos potentiellement,
25:36il y a deux points saillants pour moi.
25:37Vous dites toujours potentiel.
25:39Potentiel, effectivement.
25:40Vous pensez que ça pourrait ne pas arriver.
25:41Exactement, parce que pour l'instant,
25:43ce ne sont que des annonces.
25:44Et en réalité, il y a beaucoup d'étapes
25:46qui doivent être réalisées,
25:47notamment sur le point de vue réglementaire,
25:49parce que la mise en place d'une réserve stratégique,
25:52ça doit passer par un cadre réglementaire bien établi,
25:54par une approbation par le Congrès.
25:56Donc, il y a beaucoup d'étapes à réaliser en amont.
25:58Mais peut-être, sur les cryptos qui ont été annoncées,
26:01il y a effectivement bitcoin, sans surprise,
26:03parce qu'on en a déjà parlé sur les précédents mois.
26:07Mais il y en a aussi quatre autres.
26:08La première, là aussi sans surprise, c'est Ether,
26:10de la blockchain Ethereum.
26:12Pour le coup, pas trop de surprises sur l'Ether,
26:15parce que c'est aujourd'hui la deuxième plus grosse
26:17crypto-monnaie en termes de capitalisation de marché.
26:19Et c'est aujourd'hui là où se passe
26:20la plupart de l'activité crypto.
26:22On en a déjà parlé sur le plateau,
26:23mais en termes d'actifs tokenisés, de stablecoins,
26:26ou même de finances décentralisées,
26:28tout se passe aujourd'hui majoritairement sur Ethereum.
26:30Donc, ce n'est pas trop une surprise.
26:32Ce qui est plutôt surprenant,
26:33c'est les trois autres cryptos
26:34qui ont été annoncées par le président Trump,
26:36à savoir XRP, Solana et Cardano,
26:39qui sont bien évidemment connus des investisseurs crypto.
26:42Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, on peut se poser la question,
26:44pourquoi les mentionner ?
26:46Parce que ce sont des cryptos plus volatiles,
26:48peut-être moins utilisées.
26:49Mais il y a deux raisons, je pense, derrière ça.
26:51C'est forcément, ce sont les trois plus grosses cryptos
26:54après Bitcoin et Ether en termes de capitalisation.
26:56Et surtout, derrière ces cryptos, on a des projets américains.
26:59Donc, il y a peut-être la volonté du président Trump
27:01d'avoir ce côté souveraineté
27:03pour mettre en avant des projets américains.
27:04Et le fait de multiplier le nombre de cryptos,
27:07de ne pas faire une réserve uniquement en Bitcoin,
27:09c'est pour éliminer les risques, c'est ça ?
27:11C'est peut-être pour éliminer les risques.
27:12Mais encore une fois, on n'a aucune information aujourd'hui
27:15sur la façon dont va être constituée cette réserve.
27:17Et c'est vraiment important.
27:19Il faut bien comprendre la dichotomie entre le fait
27:21de constituer une réserve stratégique
27:23en achetant des cryptos sur le marché.
27:25Donc là, ce serait vraiment un événement majeur
27:26parce qu'on va voir des nouvelles liquidités
27:28qui vont arriver sur le marché par un gouvernement.
27:30Donc, c'est une étape vraiment nouvelle.
27:32Et de l'autre côté, on a aussi la possibilité
27:34de constituer une réserve stratégique
27:36avec le stock existant du gouvernement
27:39qui existe grâce à la saisie des cryptos
27:41qui ont été réalisées au fil des années.
27:43Donc finalement, on n'aurait pas d'achat qui serait réalisé,
27:45c'est uniquement utiliser le stock qui est déjà existant.
27:47Donc l'effet « waouh » serait un peu moins impressionnant pour le coup.
27:50En tout cas, on se dessine vers un nouveau cadre pro-crypto
27:53quand même aux États-Unis.
27:55Exactement, et c'est un peu depuis l'investiture de Donald Trump,
27:58on a effectivement un vent favorable
28:00qui se dessine pour le marché crypto aux États-Unis
28:03avec de prime abord la constitution d'un gouvernement pro-crypto,
28:06avec à la tête de l'AICC, le gendarme américain financier,
28:10une personne pro-crypto.
28:12Et puis aussi, on a le président Trump qui,
28:14lors de son investiture, a signé un décret
28:16qui vise à favoriser et mettre en avant
28:18le leadership américain sur les actifs numériques.
28:21Donc c'est une première étape et on voit que le vent tourne
28:23pour les acteurs cryptos aux États-Unis.
28:25Et on le voit d'ailleurs ces derniers jours,
28:27on a l'AICC qui a abandonné ses poursuites judiciaires
28:30contre des acteurs comme Coinbase ou encore Kraken
28:33après des années de poursuites.
28:34Donc on voit que finalement, il y a un retournement de veste
28:37pour justement le bienfait de l'écosystème
28:39et pour les acteurs du marché.
28:41Merci beaucoup Nicolas Rongelard.
28:42On continuera de suivre tout ça avec vous, bien entendu.
28:45Je rappelle que vous êtes consultant crypto et blockchain chez KPMG.
28:48Merci à tous de nous suivre.
28:50C'était Smartech sur la chaîne Bsmart4Chain.
28:52Vous pouvez aussi nous suivre en podcast, bien évidemment.
28:55Je vous dis à très vite pour de nouvelles histoires sur la tech.