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Aujourd'hui, dans « Les 4V », Jean-Baptiste Marteau revient sur les questions qui font l’actualité avec Marc Ferraci, ministre chargé de l'Industrie et de l'Énergie.
Aujourd'hui, dans « Les 4V », Jean-Baptiste Marteau revient sur les questions qui font l’actualité avec Marc Ferraci, ministre chargé de l'Industrie et de l'Énergie.
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00:00Bonjour Marc Ferracci, vous ne rôlez pas en Tesla ?
00:04Non pas du tout.
00:05Emmanuel Macron reçoit donc tout à l'heure à Paris les chefs d'état-major de pays européens
00:10qui sont prêts à aider à cette future paix en Ukraine.
00:12Jeudi ce sera au tour des industriels de l'armement d'être reçus là également à Paris.
00:17Est-ce qu'il faut aller vite, fort ? Est-ce qu'il y a urgence Marc Ferracci ?
00:20En tout cas il faut s'adapter à une donne qui a changé et ça il faut le faire effectivement
00:23assez vite.
00:24La donne elle a changé du fait de l'agression russe en Ukraine, elle change aussi parce
00:27que notre allié américain montre des signes d'imprévisibilité, d'instabilité, il pourrait
00:32se retirer d'un certain nombre d'actions communes menées notamment au sein de l'OTAN.
00:36Et donc face à cette nouvelle donne, il faut s'adapter, il faut s'adapter assez vite,
00:41il faut aller vers ce que le président Macron appelait l'autonomie stratégique dès 2017.
00:44Il faut quand même se rappeler que cette vision elle vient de loin et ça, ça suppose
00:49de sortir d'une forme de dépendance, ça suppose d'investir dans notre défense, dans
00:53notre force de dissuasion, non pas pour faire la guerre parce que nous ne sommes pas en
00:56guerre, mais bien pour garantir la paix.
00:58Sauf que Marc Ferrachi, l'indépendance militaire de l'Europe, on en est encore très loin,
01:01regardez ce chiffre qui a été publié hier, les pays européens membres de l'OTAN dépensent
01:05plus de 60% de leur armement aux Etats-Unis en achetant de l'armement américain, ce chiffre
01:10il a doublé en cinq ans, est-ce que l'importation d'armes américaines, comme ça on peut s'en
01:15passer, est-ce que l'Europe peut être moins dépendante des Etats-Unis ?
01:19Ce qui est certain c'est qu'il faut aller vers moins de dépendance, pourquoi ? Parce
01:22que quand vous achetez des armes américaines, vous courez le risque de ne pas pouvoir
01:26les utiliser, parce que ça dépend du bon vouloir sur certains systèmes d'armement
01:30de celui qui vous a vendu les armes.
01:32C'est le cas sur les F-15 par exemple, les avions de chasse.
01:34Les F-35, les F-40, tout à fait.
01:35Donc on a besoin en européen d'avoir une stratégie commune, une stratégie qui est
01:40évidemment une stratégie qui engage le long terme, parce que vous avez raison de dire
01:43que ça prendra du temps de reconstruire à l'échelle européenne une base industrielle
01:48de défense très forte.
01:49Ça prendra combien de temps ?
01:50Ecoutez, ça c'est d'abord aux militaires d'exprimer les besoins, et ensuite aux industriels
01:54et aux financiers de répondre aux besoins.
01:56Mais ce que je veux vous dire, c'est qu'en France, nous nous sommes le pays qui est le
02:00mieux positionné par rapport à cette base industrielle de défense.
02:02Deuxième exportateur d'armes après les États-Unis, la France.
02:04Tout à fait.
02:05Nous avons une base industrielle composée de 4000 entreprises, avec des grands donneurs
02:09d'or, de grandes entreprises, mais aussi un tissu de PME très actif, c'est 200 000
02:13personnes qui travaillent dans la défense, et ça c'est un atout.
02:16C'est un atout que nous devons aussi au mouvement de réindustrialisation que nous avons mené
02:20ces dernières années, que nous allons poursuivre, parce qu'un certain nombre d'entreprises
02:23dans cette base de défense travaillent à la fois pour l'armée et pour le civil.
02:27Mais est-ce que la France justement a la capacité industrielle de faire mieux, de devenir le
02:30principal fournisseur, notamment en armement, des pays européens ?
02:33Ce qui est certain, c'est que la France est très bien positionnée.
02:36Évidemment qu'on peut faire mieux, et on a d'ailleurs déjà commencé à faire mieux.
02:39En 2022, quand la Russie attaque l'Ukraine, le président de la République a mis les industriels
02:44de défense français sous pression, si je puis dire, et leur a donné un cahier des
02:48charges qui a abouti à ce qu'on multiplie par 3 la production de canons, César, qu'on
02:53multiplie par 4 la production de missiles, donc on voit qu'on est capable de monter en
02:56charges, on est capable de monter en volume.
02:58Maintenant, il faut des financements, il faut de la visibilité sur les commandes pour permettre
03:02à nos industriels de s'engager dans des investissements.
03:04Des financements, de la visibilité, est-ce que ces entreprises ont également les moyens
03:07d'investir, notamment aussi en termes de recrutement ? Est-ce qu'il y a les employés
03:11très qualifiés qui sont nécessaires pour ce genre de mission ?
03:14Il y en a, il y en a partout sur notre territoire, il y en a dans les industries de défense,
03:18il y en a aussi dans les industries civiles qui parfois peuvent agir pour la défense.
03:21J'étais il y a quelques jours en Haute-Marne pour saluer la reprise d'une entreprise d'acier
03:25qui s'appelle Hachette & Drioux, c'est 300 salariés qui sont sauvés, dont le modèle
03:29économique est pérennisé, qui va se repositionner sur les enjeux de la défense et du nucléaire.
03:33Et je peux vous dire que les gens sont extrêmement qualifiés et qui sont surtout extrêmement
03:37engagés.
03:38Mais c'est le problème, effectivement, que vous êtes en train de pointer, c'est qu'en
03:40fait, pendant ce temps, on dit effectivement qu'il faut faire mieux, qu'il faut produire
03:42plus, mais certaines entreprises sont en grande difficulté.
03:44Vous citiez effectivement cette entreprise que vous avez visitée, il y en a une autre
03:48qui attend effectivement la main de l'État, c'est le cas de Vancorex.
03:52Alors c'est dans l'ISER, c'est une société qui alimente le nucléaire civil et militaire
03:57et qui est placée en redressement judiciaire il y a quelques mois seulement pour retrouver
04:00un repreneur.
04:01Et vendredi, sur ce plateau, la patronne de la CGT, Sophie Binet, vous demandait de nationaliser
04:05temporairement Vancorex.
04:06Est-ce que vous allez le faire ?
04:08Alors non, le Premier ministre l'a déjà dit, on ne va pas nationaliser cette entreprise.
04:12Pourquoi ? D'abord parce que c'est une entreprise qui, comme beaucoup d'entreprises de la chimie,
04:16est confrontée à une concurrence extrêmement difficile de la part des Chinois et son modèle
04:20économique est compliqué et donc les pertes qui seraient générées dans les prochaines
04:24années sont très importantes.
04:25Et puisque vous évoquez ces sujets de souveraineté, le nucléaire et les industries de défense,
04:31nous avons pris toutes les précautions en lien avec le ministère des Armées, mes propres
04:35équipes et en lien également avec les entreprises qui sont en aval, c'est particulièrement
04:38le cas de Framatome, pour s'assurer que les possibilités d'approvisionnement en les composants
04:43essentiels à la production seraient toujours préservées, même dans le contexte des difficultés
04:50de Vancorex.
04:51Mais pour cette entreprise Vancorex, comme pour les autres qui sont en difficulté, est-ce
04:53que la situation qui a changé, vous le dites, depuis maintenant une semaine, ne nécessite
04:57pas qu'on fasse d'autres choses, qu'on vienne en aide, même temporairement, pour
05:01aider ces entreprises ?
05:02Vous savez, il faut d'abord raisonner au cas par cas, d'abord chercher des solutions
05:05industrielles.
05:06Ici, il y a des solutions industrielles qui peuvent être trouvées sur les approvisionnements
05:10et ensuite, il faut soutenir de manière plus générale nos filières.
05:13La filière de l'acier, la filière de la chimie, elles se soutiennent, au niveau français
05:16mais aussi au niveau européen, elles sont confrontées, je le disais, à une concurrence
05:19très dure.
05:20Moi, j'ai organisé, il y a quelques jours, à Bercy, un sommet européen sur l'acier
05:25pour soutenir notre filière sidérurgique qui a besoin de plus de protection commerciale
05:29vis-à-vis, par exemple, de l'acier chinois qui est massivement subventionné.
05:32Ce sera la même chose pour la chimie et donc, on a une approche à la fois dossier par dossier,
05:36on regarde au cas par cas et parfois, on soutient les entreprises quand elles ont besoin d'être
05:39soutenues mais on a aussi une approche européenne et une vision globale pour soutenir notre
05:43industrie.
05:44Justement, produire, c'est une chose, avoir les commandes qui suivent, c'en est une autre
05:47et quand on regarde le rapport Draghi sur la compétitivité en Europe qui a été publié
05:51il y a quelques mois seulement, en septembre dernier, il montre notamment qu'il faudrait
05:55pour les industries européennes de défense de passer à des commandes communes, que tous
05:59les pays européens se mettent ensemble et pas chacun dans son coin.
06:02Est-ce qu'on va vers ce genre de philosophie pour l'industrie européenne ?
06:06Ça, c'est des décisions qui seront envisagées et discutées dans les prochains jours et
06:11moi, je ne vais pas me positionner là-dessus parce que ça ne va pas m'enregistrer.
06:14Mais c'est une nécessité pour les entreprises que vous défendez ?
06:15Je pense qu'il y a déjà l'enjeu qu'on évoquait tout à l'heure d'acheter européen et d'ailleurs,
06:20la politique industrielle européenne, qu'elle soit de défense ou plus large, a fait des
06:24pas en ce sens puisque des annonces ont été faites avec le principe d'une législation
06:27qui va s'appeler le Buy European Act, c'est-à-dire acheter européen.
06:31Il faut déjà que tous les pays sortent de la dépendance vis-à-vis de fournisseurs
06:34dont on disait tout à l'heure qu'ils sont moins fiables, moins stables qu'ils ne pouvaient l'être.
06:37C'est notamment le cas des États-Unis.
06:39Marc Ferracci, vous êtes aussi ministre en charge de l'énergie après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
06:43C'est vrai que la Commission européenne avait fixé comme objectif de se passer complètement
06:46du gaz russe à partir de 2027.
06:48On en est où aujourd'hui ?
06:49Sachant que la France achetait quasiment l'intégralité de son gaz à la Russie il y a encore
06:53quelques mois, quelques années, est-ce qu'on consomme encore aujourd'hui beaucoup de gaz russe ?
06:57Alors, il y a du gaz russe qui rentre en Europe et qui d'ailleurs, parfois, rentre par la France
07:00parce que nous avons des terminaux méthaniés.
07:02Mais on se passe progressivement du gaz russe avec l'objectif d'être parfaitement ou quasiment
07:09autonome par rapport au gaz russe dans les trois ou quatre prochaines années.
07:13Pourquoi est-ce qu'on a besoin de se passer du gaz russe ?
07:15Parce qu'on voit bien que cette dépendance coûte très cher.
07:18Elle coûte très cher en termes géopolitiques.
07:19Elle coûte très cher en termes économiques.
07:21L'Allemagne l'a expérimenté à ses dépens.
07:23Donc, nous, notre stratégie, c'est d'abord de diversifier nos improvisionnements en gaz
07:27et puis aussi de défossiliser notre économie, c'est-à-dire simplement de consommer
07:30moins de gaz.
07:31Donc, avec plus de nucléaire ?
07:32Alors, avec plus d'électricité.
07:33Notre électricité, elle est à 95% décarbonée parce qu'on a fait le choix du nucléaire
07:38d'une part et des énergies renouvelables d'autre part.
07:40Ça, c'est une stratégie qui est une stratégie de souveraineté et d'indépendance.
07:43Défossiliser notre économie, défossiliser nos consommations, eh bien ça, c'est ce
07:48qui nous permettra demain de ne plus dépendre de fournisseurs qui ne sont géopolitiquement
07:52pas stables.
07:53Pour finir, Marc Ferracci, on parle évidemment des menaces russes.
07:56Le président de la République en a longuement parlé.
07:57Il a dit clairement à la télévision la semaine dernière.
07:59Vous entendez tout de même ceux qui n'y croient pas, qui disent qu'effectivement, Moscou
08:04n'est pas une réelle menace, que les chars russes ne débarqueront pas à Paris et que
08:08là, en fait, la Russie, ce n'est pas vraiment si grave que ça.
08:10Vous l'entendez ?
08:11Vous savez, la menace russe, elle est réelle, elle est multidimensionnelle et d'ailleurs,
08:15tout le monde le dit aujourd'hui, même les extrêmes, à l'extrême gauche, à l'extrême
08:18droite, le Rassemblement national, c'est une menace qui se traduit par des attaques
08:22cyber, c'est une menace qui se traduit par des campagnes de désinformation, qui se traduit
08:25maintenant même dans les airs par des chasseurs russes qui viennent déstabiliser un drone
08:31français.
08:32Ça a été constaté ces derniers jours.
08:33Donc, on voit bien que cette menace, elle est là et elle ne va pas s'arrêter là.
08:37La Russie dépense 10 % de son PIB dans la défense.
08:39Quand on fait ça, eh bien, ça n'est pas pour s'arrêter en chemin.
08:42Et donc, il faut se préparer en Europe et il faut garder son sang froid.
08:46Il ne faut pas agiter les menaces.
08:47Il ne s'agit pas de faire peur aux Français, mais il faut encore une fois se préparer à
08:52ce qui est devant nous.
08:53Marc Ferrati, ministre chargé de l'Industrie et de l'Énergie, qui était l'invité des
08:56quatre V aujourd'hui.