Manuel Bompard, député, coordinateur national de LFI et membre de la commission de la Défense nationale et des Forces armées à l'Assemblée nationale, le 11 mars 2025 sur franceinfo.
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00:00Bonjour Manuel Bompard, semaine décisive pour l'Ukraine, les pourparlers entre les équipes américaines et ukrainiennes commencent aujourd'hui en Arabie Saoudite.
00:08Il faut à tout prix que les Américains reviennent à bord, reviennent en soutien de l'Ukraine ?
00:12Il faudrait surtout que l'Union Européenne et la France soient autour de la table des négociations, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
00:18Je veux quand même dire que de ce point de vue là, c'est un échec assez retentissant de la politique qui a été mise en place par le président de la République depuis maintenant plusieurs années,
00:27puisqu'on a l'impression que ces discussions se font entre les Américains et les Russes, entre les Américains et les Ukrainiens.
00:33C'est de la faute d'Emmanuel Macron ?
00:35En tout cas, la politique qu'on a mise en place depuis maintenant le déclenchement de la guerre par la Russie, c'est une politique qui a conduit aujourd'hui à une situation dans laquelle on est un petit peu hors jeu du point de vue des négociations qui sont en cours.
00:49Pourtant Emmanuel Macron est allé à Washington, Emmanuel Macron...
00:52Qui gesticule, ça, ça ne m'a pas échappé.
00:55Régulièrement, Donald Trump ou Volodymyr Zelensky au téléphone ?
00:58Pardonnez-moi, mais c'est factuel.
01:00Aujourd'hui, il va y avoir en Arabie Saoudite des négociations et autour de la table, vous allez avoir des représentants du président américain et des représentants du président ukrainien.
01:10Et la semaine dernière, on a eu des discussions directes entre la Russie et les États-Unis.
01:15Et pour l'instant, malheureusement, et je le regrette, je le déplore, on est hors jeu.
01:19Maintenant, soyons constructifs, on va dire, et manifestement, il y a la possibilité d'arriver, en tout cas, ça a l'air d'être ce sur quoi ces discussions peuvent aboutir,
01:30à une trêve, incomplète, sans doute insatisfaisante parce qu'elle ne serait pas complète,
01:35qui peut être une première étape vers ce qui doit être, à mon avis, notre priorité à tous, c'est-à-dire un cessez-le-feu et des négociations qui permettent un accord de paix,
01:43qui soit un accord de paix juste et un accord de paix durable, ça doit être ça l'objectif sur lequel on doit travailler.
01:48Et j'observe, et ça m'a un peu choqué, que dans l'intervention du Président de la République la semaine dernière,
01:54en vérité, on a très peu parlé d'Ukraine et on a très peu parlé de quelles seraient les conditions d'un accord de paix juste et acceptable à notre empart.
02:01On va revenir sur la prise de parole du Président de la République.
02:04Mais d'abord, votre diagnostic sur la situation, il faut que vous nous expliquiez ce que Jean-Luc Mélenchon a voulu dire sur son blog le 1er mars, la semaine dernière,
02:12à 7h, écrivait Jean-Luc Mélenchon, la guerre d'Ukraine est perdue par les Européens. Qu'est-ce que ça veut dire ?
02:19Vous avez l'impression qu'elle est gagnée ? Depuis 3 ans, j'entends à chaque fois que nous sommes interrogés sur le sujet,
02:26je l'ai été y compris sur ce plateau par vous-même, nous disions il faut sortir de cette illusion de la victoire militaire
02:35et il faut ouvrir la possibilité de négociation le plus rapidement possible.
02:39Quand nous disions ça à l'époque, on nous disait, oh là là, on nous faisait des accusations grotesques en poutinisme ou je ne sais quoi,
02:50vous voulez capituler, etc. Il faut gagner par la voie militaire et on va obtenir le retour des troupes russes sur les frontières de la Russie.
02:58La situation sur le front aujourd'hui n'est pas celle-là, je suis forcé de le constater.
03:02Donc oui, dans ce point de vue-là, ce n'est pas une grande victoire pour la politique qui a été celle des Européens.
03:06Gagner militairement, effectivement, c'était un objectif. Empêcher que les troupes russes progressent, ça le reste encore.
03:14L'ambassadeur de France en Ukraine, Gaël Vessières, était à votre place hier et lui, il n'a pas du tout, mais alors pas du tout, la même analyse que vous, écoutez.
03:20Depuis le terrain, et puis en tant que diplomate, moi ce que je vois surtout, c'est que la Russie a déjà perdu cette guerre.
03:26Elle contrôle 20% du territoire ukrainien. L'Ukraine est un très grand pays et depuis 3 ans, ce n'est quand même pas un résultat militaire faramineux.
03:32La raison qui a été avancée par le Président Poutine à plusieurs reprises, c'était de lutter contre l'extension de l'OTAN et en réalité, des nouveaux pays sont entrés dans l'OTAN.
03:40Parce qu'ils ont peur de la Russie et l'OTAN, d'une certaine façon, a trouvé une nouvelle jeunesse ou une nouvelle raison d'exister grâce à cette situation.
03:50Donc en réalité, je pense que c'est une défaite stratégique pour la Russie, déjà, cette affaire.
03:53Donc vous entendez ce qu'il dit ? Militairement et stratégiquement, la Russie n'a pas gagné.
03:57Je ne suis pas en train de vous dire que la Russie a gagné. Je ne pense pas qu'on puisse dire que d'un point de vue militaire, l'Ukraine ait gagné non plus.
04:08Évidemment, c'est juste. Du point de vue des objectifs qui avaient été affichés par Vladimir Poutine au moment du déclenchement de la guerre, il n'a pas gagné non plus.
04:16Il avait dit qu'en quelques jours, il allait régler le problème. Donc on est dans cette situation-là aujourd'hui.
04:21Maintenant, ce qui doit, à mon avis, nous interroger, nous intéresser, nous, et sur quoi la France doit jouer un rôle, c'est ce que je vous disais tout à l'heure,
04:29et peut-être qu'il faudrait rentrer un moment dans cette discussion, c'est quelles sont les conditions d'un accord de paix qui est un accord de paix acceptable.
04:35Premièrement, il faut obtenir un cessez-le-feu. Deuxièmement, il faut obtenir la possibilité du retour des personnes qui ont dû partir, les réfugiés.
04:44Ce retour doit être sécurisé. Troisièmement, il faut trouver une solution du point de vue des territoires qui, aujourd'hui, sont occupés par la Russie.
04:52J'ai l'impression que tout le monde, désormais, est prêt à dire que ce sujet n'existe plus. Il existe.
04:56Non, ce n'est pas du tout ce cas, parce que, justement, pour le cessez-le-feu, il faut avoir à la fois Vladimir Zelensky là-dessus sur les territoires qui sont occupés par la Russie.
05:03On a dit 20% du territoire ukrainien. Lui, il dit non, il n'est pas question de céder, et c'est ce qui bloque en partie pour l'accord d'un cessez-le-feu aujourd'hui.
05:11Pour moi, la position que nous avons toujours défendue sur ce sujet, elle est très simple, c'est qu'il ne peut pas y avoir de modification des frontières sans consultation des populations concernées.
05:20Par qui ? Parce que, pardon, il y a eu des référendums russes dans ces territoires-là.
05:25Evidemment pas par des référendums russes. Evidemment, s'il doit y avoir des consultations, elles doivent être organisées par des autorités internationales, par l'Organisation des Nations Unies.
05:35L'ambassadeur qui était à votre place hier vous dirait que, aujourd'hui, c'est techniquement impossible.
05:39Je ne crois pas que ce soit techniquement impossible. Je vais même vous dire qu'en 2022, il y a eu des discussions entre la Russie et l'Ukraine.
05:48Tout ça est largement documenté, qui d'ailleurs ont échoué, parce qu'à l'époque, les Occidentaux ont dit qu'il ne pouvait pas être question de faire la paix aujourd'hui, on va gagner par la voie militaire.
05:57Et le président Zelensky, à l'époque, avait ouvert la voie à la possibilité de consultation sur ces territoires-là.
06:04Vous vous rendez compte de ce que vous dites, Manuel Bompard ? Vous dites en fait, à un pays qui a été envahi, pour savoir si vous allez récupérer vos territoires, on va faire une grande consultation des populations.
06:12Mais madame, j'observe que dans la discussion aujourd'hui, ce sujet n'est pas traité, parce que ceux qui sont en train de négocier, vous m'avez donné la position de l'Ukraine,
06:22mais la position des Etats-Unis aujourd'hui, et même la position des Européens, n'est plus la position qu'ils exprimaient encore il y a quelques mois,
06:29qui consistait à dire qu'il n'est pas question de remettre en cause la souveraineté territoriale de l'Ukraine.
06:33Clairement, ce que disent les Américains, c'est qu'il n'est pas question de revenir sur les frontières d'avant 2014.
06:39Eux, carrément, ils disent qu'ils sont sur la ligne de Poutine.
06:41Donc, pardonnez-moi, je ne suis pas sur la ligne de... Voilà, je cherche une solution qui permet à l'Ukraine d'avoir la possibilité de conserver son intégrité territoriale.
06:49Donc, je n'ai pas l'impression que ma position soit une position...
06:52Vous n'y êtes pas non plus, l'Ukraine doit maintenir ses territoires, et ce n'est pas assez non négociable.
06:56D'abord, parce que ce n'est pas à moi de le décider, et quand vous êtes sur des négociations pour un accord de paix,
07:02évidemment, c'est les parties qui sont belligérantes qui doivent déterminer quelles sont les conditions acceptables d'un accord de paix,
07:07certainement pas à moi, et moi, je dis qu'on ne peut pas accepter que les territoires passent sous contrôle russe sans aucune discussion.
07:13Voilà la position que je suis en train d'exprimer.
07:15Donc, ne me faites pas croire, ne me faites pas passer pour quelqu'un qui consisterait à demander à ce que la Russie puisse prendre possession de ses territoires,
07:21parce que c'est précisément la position inverse que je suis en train d'exprimer.