Les cahiers de doléances restent inaccessibles six ans après leur rédaction. Des élus locaux, collectifs et personnes issues du milieu associatif appellent à soutenir une proposition de résolution qui sera examinée le 11 mars à l'Assemblée Nationale pour rendre ces doléances publiques. On en parle avec Fabrice Dalongeville, maire de Auger-Saint-Vincent, dans la Somme.
Regardez Les trois questions de RTL Petit Matin avec Jérôme Florin du 11 mars 2025.
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00:00Il est 6h14, c'est le sujet à la Une, cet après-midi à l'Assemblée Nationale,
00:08les députés vont débattre d'une résolution pour demander que les cahiers de doléances
00:11issus des Gilets jaunes soient rendus publics et visibles par tous, ce que s'était engagé
00:16à faire Emmanuel Macron en 2019 et on attend toujours en fait.
00:21Bonjour Fabrice Dalongeville.
00:22Bonjour.
00:23Vous êtes le maire d'Auger-Saint-Vincent dans l'Oise, une commune de 500 habitants
00:26et vous bataillez depuis 6 ans pour que ces doléances, 247 000 contributions, 680 000
00:34pages, soient enfin prises en compte, mais d'abord comment prendre en compte une telle
00:39matière ?
00:40En la rendant accessible en fait, tout simplement.
00:45Alors elle est visible, je le précise puisqu'il faut quand même dire les choses, c'est archivé
00:52dans les archives nationales et départementales, mais il faut y aller et on ne peut pas tout
00:56voir.
00:57Alors déjà sur les archives nationales, il faut que vous ayez une autorisation, parce
01:02que là il n'y a qu'une demi-douzaine de chercheurs en France qui ont accès à l'ensemble
01:06du corpus et aux archives départementales, effectivement vous pouvez y aller, mais vous
01:11n'aurez accès qu'aux cahiers manuscrits, tout ce qui est numérisé et aux archives
01:16nationales.
01:17Alors je le disais tout à l'heure, c'est vous qui êtes un peu à l'origine de ces
01:19cahiers, vous aviez lancé l'opération dans quelques communes rurales ?
01:23En fait oui, à l'époque c'est l'Association des maires ruraux de France qui était présidée
01:28par Vannick Berberian à l'époque, qui avait, face à l'enfermement dans lequel était Emmanuel
01:33Macron, nous on avait lancé l'opération Mairie Ouverte, parce que face à la crise
01:38sociale, c'était le 17 novembre 2018, on a lancé ça le 8 décembre de la même année,
01:44et à l'époque on a récolté 3500 cahiers, parce que ça a duré un mois à peu près,
01:50et à la suite, c'est le grand débat qui est parti, qui s'est lancé.
01:54Donc c'est suite à cette idée qu'Emmanuel Macron a demandé à tout le monde d'aller
01:59remplir ces cahiers de doléances, ces cahiers vous les avez lus, et pas seulement dans votre
02:03commune, vous avez aussi sillonné la France, qu'est-ce qu'on y lit, qu'est-ce que
02:06les gens y ont dit ?
02:08On y lit une énorme intelligence citoyenne, moi c'est de ça qu'ils continuent de m'époustoufer,
02:18parce que je fais encore beaucoup de projections-débats autour du documentaire qu'on a réalisé
02:22avec Hélène Desprengues, et ce qu'il y a dedans, c'est à la fois une vraie description,
02:28c'est une photographie du corps social français.
02:30Mais concrètement, les gens demandent quoi ?
02:33Ils demandent de la justice sociale, de la justice fiscale par exemple, alors le premier
02:38élément qui sort c'est le rétablissement de l'ISF, mais à travers ça, c'est toujours
02:42en débat aujourd'hui, mais à travers ça c'est vraiment la notion de justice, et les
02:47textes sont, vous avez les services publics, vous avez l'accès aux soins, vous avez tout
02:53ce qui ne va pas dans notre pays, mais en même temps beaucoup de propositions, et c'est
02:58deux éléments qui sont extrêmement intéressants à observer, tout comme il est extrêmement
03:03rassurant aussi que 95%, je dis ça comme ça, mais peut-être même plus, les textes
03:12sont profondément républicains, et ils sont très respectueux aussi, c'est-à-dire que
03:17les gens reconnaissent que ce qu'à l'époque avait fait le président de la République,
03:22et nous aussi d'une certaine manière avec Maire Ouverte, quand on a dit « mais venez
03:26en mairie, exprimez ce qui ne va pas », les gens l'ont fait, et ont remercié parce
03:31qu'on leur a donné la possibilité de le faire.
03:32Donc c'est pour ça que c'est vraiment, enfin moi je le vis assez, ça fait six ans
03:37que je bosse sur, que je me mobilise là-dessus, parce que c'est un énorme gâchis en fait,
03:43et puis ça provoque de la défiance, une énorme défiance entre nos concitoyens.
03:47Et bien justement, on parlait d'un sondage tout à l'heure dans l'émission, il n'y
03:52a plus que 26% des Français à faire confiance à leurs représentants politiques, c'est
03:57le dernier baromètre du Cevipof qui le dit, et ça, ça trouve ses germes dans la non-prise
04:03en compte de ces cahiers de doléances, notamment ?
04:05Oui bien sûr, bien sûr, parce qu'en fait c'est comme dans l'amour, il faut des preuves
04:11d'amour pour y croire, donc quand vous lancez, et puis en plus symboliquement en France,
04:16dans l'histoire politique de notre pays, parce que ça remonte à l'ancien régime
04:19les cahiers de doléances et les états généraux, et ça a été repris par la suite, en 1945
04:24il y en a eu aussi, parce qu'on les oublie souvent, les états généraux et les cahiers
04:28de doléances, et quand ça arrive en 2018-2019, ça n'arrive que de toute façon quand il
04:34y a une grande crise, une crise puissante.
04:37Qui sont les gens qui sont venus consigner leurs doléances dans votre mairie par exemple ?
04:42Dans ma mairie, il y a une quinzaine de personnes qui sont venues à l'époque, il y a un peu
04:48de tout, vous avez des petits retraités, alors quand je dis petit, c'est lié à l'indemnité,
04:54au salaire qui est versé, jusqu'à un architecte, un médiateur des assurances, en fait il y
05:02a un biais, parce que les jeunes ne se sont pas forcément beaucoup mobilisés, mais sinon
05:09en corps social c'est assez varié.
05:11Pour conclure, vous souhaiteriez quoi aujourd'hui Fabrice Dalongeville ? Qu'on fasse quoi de
05:16tous ces cahiers ?
05:17Que vous et moi puissions avoir accès au corpus, tout simplement, que vous puissiez
05:23vous exercer votre métier dans de meilleures conditions quand vous vous intéressez à
05:27ce que disent les Français et non pas à travers un biais des sondages, parce que les
05:32sondages fabriquent des biais et ça il faut bien en avoir conscience, et là c'est une
05:35déclaration spontanée des gens, donc quand c'est une déclaration spontanée, ils décrivent
05:40ce qu'ils vivent.
05:41C'est pour ça que les questions d'immigration et de sécurité ne représentent qu'une petite
05:45partie de ce que vivent les gens, contrairement à ce qu'on entend en continu.
05:50Donc ça permet de rétablir un peu la hiérarchie des besoins et des attentes de nos concitoyens,
05:56et ça c'est extrêmement précieux quand il y a une… Vous savez, on a toujours l'expression
06:00« les Français pensent que… », mais quand j'entends ça je me dis « oh là là c'est
06:04mal engagé cette affaire ».
06:05Oui, parce que c'est de la matière brute tous ces cahiers de doléances, il n'y a
06:09pas de filtre, il n'y a pas d'intermédiaire.
06:11Voilà, c'est ça, exactement.
06:12Merci beaucoup Fabrice d'Allongeville, maire d'Auger-Saint-Vincent dans l'Oise, et donc
06:17je rappelle que les députés débattent de la possibilité de rendre accessibles à tous
06:21ces cahiers de doléances.
06:23Le débat aura lieu cet après-midi à l'Assemblée.
06:26Merci beaucoup, bonne journée.
06:27Merci.