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Les chroniqueurs du Cercle débattent autour d'un film sortant en salles ou en diffusion sur CANAL+
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Transcription
00:00Dans « A bicyclette », l'acteur et réalisateur Mathias Mlekkus amène son vieil ami Philippe Robaud
00:06pour refaire le voyage à vélo que son propre fils avait entrepris avant de se suicider à 22 ans.
00:12Tout est vrai, tout est joué, tout est improvisé.
00:15Qu'est-ce que c'est Philippe ? C'est un documentaire du film ?
00:18Ce fils a fait ce voyage entre la Rochelle et la Turquie en vélo en 2018.
00:22En 2022, il se suicide et son père a l'idée de faire une sorte de pèlerinage en refaisant cette route.
00:29Et il invite son ami dans la vie, qui est Philippe Robaud, qui lui dit,
00:32« Mais écoute, oui, mais faisons un film, faisons un film. »
00:36Alors, l'idée, c'est que c'est spécial, c'est-à-dire que la structure, c'est la structure du voyage initial,
00:43même s'ils s'autorisent tout, c'est-à-dire qu'ils ne vont pas tout faire en vélo.
00:47De temps en temps, on les voit dans d'autres transports, mais enfin, ils vont vraiment…
00:49Mais ils improvisent, c'est-à-dire que tout est improvisé.
00:51C'est improviser cette route.
00:53Ce qui n'est pas improvisé, c'est le discours de départ,
00:55où il a réuni tous ceux qui étaient au départ du voyage du fils en 2018.
00:59Et puis, le discours de l'autre fils à la fin.
01:02Donc, ils savent où on part, où on arrive, et le milieu est improvisé.
01:06Et en fait, on les voit tout le temps, tous les deux dans le film,
01:09mais ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'il y a une équipe.
01:11Ils ne se filment pas en GoPro ou je ne sais pas quoi avec un caméscope.
01:14Il y a quand même une vraie équipe.
01:15Donc, c'est une fausse solitude.
01:18Et ce qui est intéressant, c'est que, comme dans l'extrait que je vous ai apporté,
01:22c'est-à-dire qu'on improvise à partir du terrain.
01:24C'est-à-dire qu'on va grossir un peu les situations.
01:27C'est-à-dire que là, Robo en a marre.
01:29Il trouve que la route, elle n'est pas bien pour faire du vélo.
01:31Donc, regardez.
01:33Je sais très bien faire du vélo.
01:34Là, je fais du vélo dans le mou.
01:35Mais moi, je fais très bien du vélo.
01:36Ce n'est pas pareil.
01:37Tu as 39 vitesses, j'en ai 14.
01:39J'ai 60 ans, tu en as 55.
01:42Tu as un vélo de ma boule.
01:43Moi, je suis dans la forêt, là.
01:44J'ai l'impression d'être dans les Landes.
01:46Tu comprends ce que je veux dire ?
01:47Qu'est-ce que c'est, ça ?
01:48C'est la route, ça ? C'est marqué ?
01:52On va se rebaigner, se refoutre à la flotte.
01:55Ce qui est intéressant, c'est que Robo,
01:56il est Robo tel qu'on le connaît.
01:58C'est-à-dire que c'est presque un personnage au-delà d'être un acteur.
02:02Si vous l'avez vu dans le film de Reda Kateb,
02:06il est tel qu'il est, jusqu'avec son costume.
02:10Comment peut-on imaginer faire un tour aussi loin en vélo,
02:13habillé avec un costard comme ça ?
02:16Tout est décalé.
02:18Et voyez comment il y a une dimension burlesque des corps,
02:21des pieds nickelés, et comment on va utiliser cette idée-là.
02:25Et regardez quand tout d'un coup, là, ça y est,
02:28c'est presque le Tour de France.
02:30Il est à fond dedans pour passer l'obstacle.
02:34Ce que cet extrait ne montre pas,
02:35et qui, moi, me semble intéressant dans le film,
02:37c'est qu'il y a quand même de l'émotion.
02:39Et je trouve que les moments d'émotion,
02:42qui sont des moments presque volés,
02:44sont plus intéressants que les moments...
02:46On voyait les spectateurs en sortant,
02:49il y a vraiment quelque chose de torrent de larmes.
02:52Le sujet du film, c'est quand même un père qui a perdu son fils,
02:56qui s'est suicidé et qui refait le même trajet.
02:58Donc, bien sûr qu'il y a de l'émotion.
03:00Mais je trouve que cette émotion, elle est...
03:02Comment dire ? Je ne remets absolument pas en question
03:05la sincérité du réalisateur et de son ami, bien sûr que non.
03:09Mais le dispositif gêne cette émotion,
03:11gêne ce deuil, gêne ce voyage,
03:13parce qu'en fait, on n'oublie jamais qu'il y a une équipe.
03:15Or, le film est présenté comme deux amis,
03:18seuls à seuls, qui vont se retrouver sur les routes.
03:20Il y en a un gros fumeur, il y en a un peu obèse,
03:23et ça va être dur pour eux.
03:24Mais non, parce que ce qu'on voit, en fait,
03:26c'est des plans très posés
03:27et des scènes très reconstituées aussi.
03:29On sent que c'est assez joué.
03:31Et c'est dommage.
03:32C'est dommage parce que l'instant décisif du documentaire,
03:35on ne l'a pas, à aucun moment.
03:37Vous n'avez pas été touché par cette histoire d'amitié ?
03:39Vous n'y croyez pas, Fred ?
03:41Ce que je ne crois pas, c'est que...
03:43Non, je pense que parfois, il y a de belles scènes.
03:46Il y a des moments donnés, il y a un échange.
03:48D'abord, il y a un truc intéressant.
03:49Ça veut dire, en tout cas, de masculinité.
03:51Par exemple, deux hommes d'un certain âge
03:53qui parlent ensemble de la vie, de la mort,
03:55de ce qui va leur arriver, de ce que c'est que l'amitié.
03:57On prend le temps de les écouter.
03:59Mais j'ai quand même, pendant tout le film,
04:00un peu le même problème que Marussia.
04:02C'est-à-dire qu'on est censé avoir
04:04la spontanéité d'une action,
04:06la spontanéité d'un épisode,
04:08comme ça, de ce road movie à vélo.
04:12Et on voit bien que toutes ces scènes-là,
04:13elles ont été pensées, écrites.
04:16Et il se trouve qu'à un moment donné...
04:18Donc ils n'auraient pas dû rester dans l'entre-deux ?
04:20Je me souviens, à un moment donné,
04:21il y a une scène, ils sont au bord de l'eau,
04:23au bord d'un lac et d'un étang.
04:25Ils sont là, tous les deux,
04:26et tout à coup, ils se prennent un peu
04:27la révélation de...
04:28Il était là, à cet endroit-là.
04:30Et je me suis dit, à cet endroit-là,
04:32on aurait simplement montré
04:33qu'il y avait une caméra, qu'ils étaient filmés,
04:35qu'ils se savaient filmer.
04:36Et non pas avec cette illusion de fiction.
04:39J'aurais trouvé la scène beaucoup plus forte.
04:41Beaucoup plus forte qu'à cet instant-là,
04:43où je ne comprends pas pourquoi
04:44il y a cette chose de la fiction.
04:46D'assumer trop la fiction.
04:47Si, parce que, par exemple,
04:49dans l'épisode du Airbnb,
04:50on voit bien comment ce n'est pas la même logeuse
04:55que quand il y avait eu le fils.
04:57Mais on voit bien comment, là, on est...
04:59On part dans une sorte d'approvisation.
05:02On ne sait pas exactement...
05:03On est sur les quiproquos d'une traduction
05:05avec, je ne sais pas quoi,
05:06Google Traduction et le portable.
05:08Et là, ce n'est pas préparé.
05:11Oui, mais...
05:12Là, je veux dire, on capte tout d'un coup
05:15quelque chose d'assez beau.
05:16Oui, mais en même temps,
05:17toutes les scènes clés de ce genre de voyage,
05:20à savoir, on va rencontrer quelqu'un
05:21d'un peu fou pendant le voyage.
05:23On va rencontrer un Airbnb.
05:24Forcément, la scène du drame,
05:26la scène de la dispute,
05:27parce qu'on vit ensemble pendant...
05:28Tout arrive, en fait.
05:30Et après, évidemment, ils improvisent.
05:31Et c'est plutôt bien joué.
05:33Franchement, bien improvisé.
05:35Et plein de poésie, même, parfois.
05:36Mais ils ont du mal à sortir.
05:38Et du programme...
05:39Même pas, je ne parle même pas
05:40du programme du fils.
05:41C'est-à-dire parce qu'ils suivent
05:42l'itinéraire du fils.
05:43Mais le programme, en fait,
05:44c'est de ce que peut être un voyage à deux
05:45dans des conditions difficiles.
05:47Il s'attend...
05:48Mais il n'y a pas cette scène.
05:49Ce projet-là, dans son entier,
05:51c'est aussi une manière de faire un deuil.
05:53Et je trouve ça assez original
05:54de prendre un film pour faire ce deuil.
05:57Et à aucun moment,
05:58ils nous font du chantage
05:59sur le fait qu'ils ne seraient que tous les deux.
06:01On pense qu'il y a la...
06:03On y pense, à cette équipe caméra
06:05qui les suit.

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