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Emmanuel Macron évoque les "dividendes de la paix", une expression de Laurent Fabius en 1990, soulignant l'importance de réorienter les budgets militaires vers des dépenses sociales. Cette notion, ancrée dans l'histoire économique, rappelle les critiques de Keynes sur le traité de Versailles.

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Transcription
00:00On passe à votre choix du 20h BFM, Christophe Barbier, les dividendes de la paix, c'est une expression qui a été utilisée hier par Emmanuel Macron, qu'est-ce à quoi ?
00:09Il l'a mise à la fin de son allocution pour bien marquer les esprits et ça a marché, ça a soulevé la curiosité.
00:14On va la réécouter pour voir exactement comment il l'articule cette expression.
00:19Notre génération ne touchera plus les dividendes de la paix.
00:23Il ne tient qu'à nous que nos enfants récoltent demain les dividendes de nos engagements.
00:30Paix, engagement, retenez bien ces deux termes.
00:32Les dividendes de la paix, c'est une expression employée par Laurent Fabius.
00:36En 1990, il était alors président de l'Assemblée nationale.
00:39Son raisonnement était simple, puisque l'ours russe, après l'effondrement de l'Union soviétique, n'avait plus de griffes, plus la peine de dépenser trop d'argent dans les dépenses militaires.
00:48Chic, opportunité, on allait pouvoir réorienter ses budgets vers des dépenses sociales et freiner sur les dépenses militaires.
00:56Et de fait, ça a fonctionné, puisque le budget militaire était déjà passé de 2,97% du PIB en 1982 à 2,6% environ en 1989.
01:10Après, il va dégringoler jusqu'à 1,56% en 2013, juste avant l'année 2014, où ça s'est envenimé entre l'Ukraine et la Russie.
01:21En tout cas, ce n'est pas juste une métaphore, ça décrit une réalité économique.
01:25On a fait des vases communiquants, on a vidé le budget militaire pour mettre de l'argent ailleurs.
01:29Aujourd'hui, on est à 2,1%, mais à 1,6% seulement du PIB si on enlève les retraites payées aux anciens combattants.
01:37Mais il faut regarder le fond de l'analyse, parce que ça remonte bien plus loin.
01:39Comment bien profiter de la paix pour faire des calculs économiques ?
01:42Ça remonte à 1920, avec un livre de l'économiste britannique John Maynard Keynes, un livre qui s'appelle « Les conséquences économiques de la paix ».
01:50Il y critique le traité de Versailles, il y attaque Georges Clemenceau.
01:55« Vous avez été trop durs avec l'Allemagne, vous allez la saigner à blanc, elle ne pourra pas payer les réparations,
02:01donc même l'économie française en souffrira parce que l'argent ne reviendra pas,
02:05et surtout, l'Allemagne ne va penser qu'à une chose, déclencher une autre guerre pour prendre sa revanche. »
02:10Polémique en France, un historien nationaliste, action française, royaliste, lui répond.
02:16Il s'appelle Jacques Bainville et il écrit « Les conséquences politiques de la paix ».
02:20Et lui, il dit « On a été beaucoup trop gentils avec l'Allemagne, on aurait dû leur demander encore plus d'argent.
02:25D'ailleurs, je vous préviens, l'Allemagne va finir par annexer l'Autriche et s'entendre avec la Russie pour découper la Pologne. »
02:32Prophétie de 1920 qui sera réalisée en 1938 et en 1939.
02:36Deux analyses contraires, Keynes-Bainville, la même conclusion, nous allons vers la guerre.
02:42Alors qu'a-t-on fait en 1990 ? Peut-être la même chose.
02:45On a cru en désarmant, assouplir complètement les relations internationales, se détendre avec la Russie.
02:50De toute façon, c'était Francis Fukuyama, l'historien nous le disait, la fin de l'histoire,
02:55la démocratie allait s'imposer sur toute la planète, il n'y aurait plus la guerre.
02:59Aujourd'hui, on sait qu'on s'est trompé, pari perdu, comment y répondre ?
03:03Et là vient le deuxième mot, il y avait le mot « paix » au début et il y avait le mot « engagement ».
03:09On écoute Macron.
03:11« Notre Europe possède la force économique, la puissance et les talents pour être à la hauteur de cette époque.
03:17Et que nous nous comparions aux États-Unis d'Amérique et a fortiori à la Russie, nous en avons les moyens.
03:23Nous devons donc agir en étant unis en Européens et déterminés à nous protéger.
03:30C'est pourquoi la patrie a besoin de vous, de votre engagement. »
03:34« I need you ». L'engagement, il prend quelle forme ? La conscription ?
03:37Allez, on est tous enrôlés dans l'armée, comme en 1792.
03:40On voit bien que ce n'est pas sérieux, ça ne correspond plus aux conflits modernes.
03:44Le service national universel de Macron, il était civique et pas politique.
03:48Alors il y a aussi l'armée de réserve, on l'a vu tout à l'heure,
03:50c'est une possibilité pour beaucoup de Français d'aider.
03:52Peut-être aussi la défense civile en cas d'attaque, il faut protéger les civils.
03:56Et puis il y a évidemment la mobilisation financière, on l'a étudiée avec l'épargne.
04:01Ah oui, l'épargne, ça on s'en est servi régulièrement au Moyen-Âge
04:05pour payer la rançon des rois quand ils étaient kidnappés
04:07et ensuite pour financer les guerres qu'on déclenchait
04:09ou bien réparer les ruines quand on avait perdu.
04:12Est-ce qu'on peut le faire aujourd'hui ?
04:13Peut-être, mais à condition de dépenser l'argent dans la bonne direction.
04:17Emmanuel Macron en identifie trois directions.
04:20Alors face à ce monde de danger, rester spectateur serait une folie.
04:24Il s'agit sans plus tarder de prendre des décisions pour l'Ukraine,
04:29pour la sécurité des Français, pour la sécurité des Européens.
04:32Un champ de bataille, l'Ukraine.
04:34Un sanctuaire inviolable grâce au nucléaire, la France.
04:37Et au milieu, un territoire un peu flou et mal défendu,
04:41mal défendu peut-être jusqu'à ce soir, qui s'appelle l'Europe.
04:44Alors est-ce qu'on arrivera à éviter le pire, le retour de la guerre ?
04:47Mais dit-on une autre phrase du fameux économiste Keynes.
04:50Cette phrase-là, elle nous dit, ce qui arrive en fin de compte,
04:54ce n'est pas l'inévitable, c'est l'imprévisible.

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