Le président s’est adressé aux Français à 20 heures pour répondre aux « angoisses » grandissantes sur la guerre en Ukraine, en plein rapprochement entre Washington et Moscou.
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00:00Vous êtes en effet, je le sais, légitimement inquiet devant les événements historiques
00:04en cours qui bouleversent l'ordre mondial.
00:07La guerre en Ukraine, qui a entraîné près d'un million de morts et de blessés, continue
00:13avec la même intensité.
00:15Les Etats-Unis d'Amérique, notre allié, ont changé leur position sur cette guerre,
00:21soutiennent moins l'Ukraine et laissent planer le doute sur la suite.
00:25Dans le même temps, les mêmes Etats-Unis d'Amérique entendent imposer des tarifs
00:29douaniers aux produits venant d'Europe.
00:31Enfin, le monde continue d'être sans cesse plus brutal et la menace terroriste ne faiblit
00:38pas.
00:39Au total, notre prospérité et notre sécurité sont devenues plus incertaines et, il faut
00:46bien le dire, nous rentrons dans une nouvelle ère.
00:49La guerre en Ukraine dure maintenant depuis plus de trois ans.
00:54Nous avons, dès le premier jour, décidé de soutenir l'Ukraine et de sanctionner
00:59la Russie.
01:00Et nous avons bien fait.
01:01Car c'est non seulement le peuple ukrainien qui lutte avec courage pour sa liberté, mais
01:05c'est aussi notre sécurité qui est menacée.
01:08En effet, si un pays peut envahir impunément son voisin en Europe, alors personne ne peut
01:14plus être sûr de rien.
01:16C'est la loi du plus fort qui s'applique et la paix ne peut plus être garantie sur
01:20notre continent même.
01:21L'Histoire nous l'a enseigné.
01:23Au-delà de l'Ukraine, la menace russe est là et touche les pays d'Europe.
01:30Nous touche.
01:31La Russie a déjà fait du conflit ukrainien un conflit mondial.
01:34Elle a mobilisé sur notre continent des soldats nord-coréens, des équipements iraniens,
01:39tout en aidant ces pays à s'armer davantage.
01:43La Russie du président Poutine viole nos frontières pour assassiner des opposants,
01:48manipule les élections en Roumanie, en Moldavie.
01:51Elle organise des attaques numériques contre nos hôpitaux pour en bloquer le fonctionnement.
01:55La Russie tente de manipuler nos opinions avec des mensonges diffusés sur les réseaux
02:00sociaux.
02:01Et au fond, elle teste nos limites.
02:03Elle le fait dans les airs, en mer, dans l'espace et derrière nos écrans.
02:07Cette agressivité ne semble pas connaître de frontières.
02:12Et la Russie, dans le même temps, continue de se réarmer, dépensant plus de 40% de
02:18son budget à cette fin.
02:20D'ici 2030, elle prévoit d'encore accroître son armée et d'avoir 300 000 soldats supplémentaires,
02:283 000 chars, 300 avions de chasse de plus.
02:30Qui peut donc croire, dans ce contexte, que la Russie d'aujourd'hui s'arrêtera à l'Ukraine ?
02:38La Russie est devenue, au moment où je vous parle et pour les années à venir, une menace
02:43pour la France et pour l'Europe.
02:45Je le regrette très profondément.
02:46Et je suis convaincu qu'à long terme, la paix se fera sur notre continent avec une
02:53Russie redevenue apaisée et pacifique.
02:55Mais la situation que je vous décris est celle-là et nous devons faire avec.
03:00Alors, face à ce monde de danger, rester spectateur serait une folie.
03:05Il s'agit sans plus tarder de prendre des décisions pour l'Ukraine, pour la sécurité
03:11des Français, pour la sécurité des Européens.
03:13Pour l'Ukraine d'abord.
03:16Toutes les initiatives qui aident à la paix vont dans le bon sens et je veux ce soir les
03:20saluer.
03:21Nous devons continuer d'aider les Ukrainiens à résister jusqu'à ce qu'ils puissent
03:26négocier avec la Russie une paix solide pour eux-mêmes et pour nous tous.
03:30C'est pour cela que le chemin qui mène à la paix ne peut pas passer par l'abandon
03:35de l'Ukraine.
03:36Bien au contraire.
03:37La paix ne peut pas être conclue à n'importe quel prix et sous le dictateur russe.
03:43La paix ne peut pas être la capitulation de l'Ukraine.
03:45Elle ne peut pas être son effondrement.
03:47Elle ne peut pas davantage se traduire par un cessez-le-feu qui serait trop fragile.
03:52Et pourquoi ? Parce que là aussi, nous avons l'expérience du passé.
03:56Nous ne pouvons pas oublier que la Russie a commencé d'envahir l'Ukraine dès 2014
04:01et que nous avons alors négocié un cessez-le-feu à Minsk et la même Russie n'a pas respecté
04:06ce cessez-le-feu et nous n'avons pas été capables de maintenir les équilibres faute
04:12de garanties solides.
04:13Aujourd'hui, on ne peut plus croire la Russie sur parole.
04:16L'Ukraine a droit à la paix et la sécurité pour elle-même et c'est notre intérêt
04:23et c'est l'intérêt de la sécurité du continent européen.
04:25C'est en ce sens que nous travaillons avec nos amis britanniques, allemands et plusieurs
04:30autres pays européens.
04:31C'est pourquoi vous m'avez vu ces dernières semaines rassembler plusieurs d'entre eux
04:35à Paris, aller les retrouver il y a quelques jours à Londres pour consolider les engagements
04:40qui sont nécessaires à l'Ukraine.
04:42Une fois la paix signée, pour que l'Ukraine ne soit pas à nouveau envahie par la Russie,
04:48il nous faut le préparer.
04:50Cela passera à coup sûr par un soutien à l'armée ukrainienne dans la durée.
04:53Cela passera aussi peut-être par le déploiement de forces européennes.
04:57Celles-ci n'iraient pas se battre aujourd'hui, elles n'iraient pas se battre sur la ligne
05:01de front, mais elles seraient là au contraire une fois la paix signée pour en garantir
05:07le plein respect.
05:08Dès la semaine prochaine, nous réunirons à Paris les chefs d'état-major des pays
05:13qui souhaitent prendre leurs responsabilités à cet égard.
05:15C'est ainsi un plan pour une paix solide, durable, vérifiable, que nous avons préparé
05:24avec les Ukrainiens et plusieurs autres partenaires européens et que j'ai été défendre aux
05:30Etats-Unis il y a 15 jours et à travers l'Europe.
05:33Et je veux croire que les Etats-Unis resteront à nos côtés, mais il nous faut être prêts
05:40si tel n'était pas le cas.
05:41Que la paix en Ukraine soit acquise rapidement ou non, les Etats européens doivent compte
05:49tenu de la menace russe que je viens de vous décrire, être capables de mieux se défendre
05:54et de dissuader toute nouvelle agression.
05:56Oui, quoi qu'il advienne, il nous faut nous équiper davantage, hausser notre position
06:03de défense et cela pour la paix même, pour dissuader.
06:08A ce titre, nous restons attachés à l'OTAN et à notre partenariat avec les Etats-Unis
06:13d'Amérique.
06:14Mais il nous faut faire plus, renforcer notre indépendance en matière de défense et de
06:18sécurité.
06:19L'avenir de l'Europe n'a pas à être tranché à Washington ou à Moscou.
06:24Et oui, la menace revient à l'Est et l'innocence en quelque sorte des 30 dernières années
06:30depuis la chute du mur de Berlin est désormais révolue.
06:33A Bruxelles demain, lors du Conseil extraordinaire qui réunira les 27 chefs d'État et de gouvernement
06:40avec la Commission et le Président du Conseil, nous franchirons des pas décisifs.
06:46Plusieurs décisions seront prises que la France proposait depuis plusieurs années.
06:51Les États membres pourront accroître leurs dépenses militaires sans que cela soit pris
06:56en compte dans leur déficit.
06:57Des financements communs massifs seront décidés pour acheter et produire sur le sol européen
07:04des munitions, des chars, des armes, des équipements parmi les plus innovants.
07:09J'ai demandé au gouvernement d'être mobilisé pour que d'une part cela renforce nos armées
07:14le plus rapidement possible et d'autre part que cela accélère la réindustrialisation
07:18dans toutes nos régions.
07:19Et je réunirai avec les ministres compétents les industriels du secteur dans les prochains
07:25jours.
07:26L'Europe de la défense, que nous défendons depuis huit ans, devient donc une réalité.
07:33Cela veut dire des pays européens davantage prêts à se défendre et à se protéger,
07:38qui produisent ensemble les équipements dont ils ont besoin sur leur sol, qui sont prêts
07:43à davantage coopérer, à réduire leur dépendance à l'égard du reste du monde.
07:48Et c'est une bonne chose.
07:50L'Allemagne, la Pologne, le Danemark, les États baltes et nombre de nos partenaires
07:56ont annoncé des efforts inédits en matière de dépenses militaires.
08:00Alors, dans ce temps de l'action qui s'ouvre enfin, la France a un statut particulier.
08:06Nous avons l'armée la plus efficace d'Europe et grâce au choix fait par nos aînés après
08:12la Deuxième Guerre mondiale, nous sommes dotés de capacités de dissuasion nucléaire.
08:17Ceci nous protège beaucoup plus que nombre de nos voisins.
08:21De plus, nous n'avons pas attendu l'invasion de l'Ukraine pour faire le constat d'un
08:26monde inquiétant.
08:27Et à travers les deux lois de programmation militaire que j'ai décidées et que les
08:31parlements successifs ont votées, nous aurons doublé le budget de nos armées en presque
08:37dix ans.
08:38Mais compte tenu de l'évolution des menaces, de cette accélération que je viens de décrire,
08:45nous aurons à faire de nouveaux choix budgétaires et des investissements supplémentaires qui
08:50sont désormais devenus indispensables.
08:52J'ai demandé au gouvernement d'y travailler le plus vite possible.
08:56Ce seront de nouveaux investissements qui exigent de mobiliser des financements privés,
09:02mais aussi des financements publics, sans que les impôts ne soient augmentés.
09:06Pour cela, il faudra des réformes, des choix, du courage.
09:12Notre dissuasion nucléaire nous protège.
09:14Elle est complète, souveraine, française de bout en bout.
09:19Elle a, depuis 1964, de manière explicite, toujours joué un rôle dans la préservation
09:26de la paix et de la sécurité en Europe.
09:28Mais répondant à l'appel historique du futur chancelier allemand, j'ai décidé
09:34d'ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent
09:40européen.
09:41Quoi qu'il arrive, la décision a toujours été et restera entre les mains du président
09:47de la République, chef des armées.
09:49Maîtriser notre destin, devenir plus indépendant, nous devons y œuvrer au plan militaire, mais
09:57aussi au plan économique.
09:59Oui, l'indépendance économique, technologique, industrielle et financière sont des nécessités.
10:04Nous devons aussi nous préparer à ce que les États-Unis décident de tarifs douaniers
10:11sur les marchandises européennes, comme ils viennent de le confirmer à l'encontre du
10:15Canada et du Mexique.
10:16Cette décision incompréhensible, tant pour l'économie américaine que pour la nôtre,
10:22aura des conséquences sur certaines de nos filières.
10:24Elle accroît la difficulté du moment, mais elle ne restera pas sans réponse de notre
10:30part.
10:31Alors, tout en préparant la riposte avec nos collègues européens, nous continuerons,
10:37comme je l'ai fait, voilà 15 jours, à tout tenter pour convaincre que cette décision
10:42nous ferait du mal à tous, et j'espère, oui, convaincre et en dissuader le président
10:49des États-Unis d'Amérique.
10:51Au total, le moment exige des décisions sans précédent, depuis bien des décennies,
10:59sur notre agriculture, notre recherche, notre industrie, sur toutes nos politiques
11:03publiques, nous ne pouvons pas avoir les mêmes débats que naguère.
11:06C'est pourquoi j'ai demandé au Premier ministre et à son gouvernement, et j'invite
11:12toutes les forces politiques, économiques et syndicales du pays à leur côté, à faire
11:18des propositions à l'aune de ce nouveau contexte.
11:20Les solutions de demain ne pourront être les habitudes d'hier.
11:26Mes chers compatriotes, face à ces défis et ces changements irréversibles, il ne faut
11:34céder à aucun excès, ni l'excès des vates en guerre, ni l'excès des défaitistes.
11:40La France ne suivra qu'un cap, celui de la volonté pour la paix et la liberté, fidèle
11:49en cela à son histoire et à ses principes.
11:53Oui, c'est ce en quoi nous croyons, pour notre sécurité, mais c'est ce en quoi nous
11:58croyons aussi, pour défendre la démocratie, une certaine idée de la vérité, une certaine
12:07idée d'une recherche libre, du respect dans nos sociétés, une certaine idée de la liberté
12:14d'expression qui n'est pas le retour des discours de haine, au fond une certaine idée
12:17de l'humanisme.
12:18C'est cela ce que nous portons et qui se joue.
12:22Notre Europe possède la force économique, la puissance et les talents pour être à
12:27la hauteur de cette époque et que nous nous comparions aux Etats-Unis d'Amérique et
12:31a fortiori à la Russie, nous en avons les moyens, nous devons donc agir en étant unis
12:37en Européens et déterminés à nous protéger.
12:40C'est pourquoi la patrie a besoin de vous, de votre engagement.
12:44Les décisions politiques, les équipements militaires et les budgets sont une chose,
12:50mais ils ne remplaceront jamais la force d'âme d'une nation.
12:53Notre génération ne touchera plus les dividendes de la paix, il ne tient qu'à nous, que
13:02nos enfants récoltent demain les dividendes de nos engagements, alors nous ferons face
13:09ensemble.
13:10Vive la République, vive la France.