Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 26 février 2025 : la journaliste et écrivaine, Sidonie Bonnec. Elle publie son premier roman "La fille au pair", aux éditions Albin Michel.
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00:00Bonjour Sydonie Bodèque. Vous êtes journaliste, animatrice radio et télé avec Olivier Mine, je le dis, comme ça s'est fait, vous co-animez depuis 7 ans
00:07les divertissements culturels et quotidiens, tout le monde a son mot à dire. Vous êtes ce sourire simple,
00:12ressourçant permanent. Votre nom est également dissociable de la présentation d'Enquête Criminelle,
00:16c'était une autre époque, le magazine des faits divers, de l'émission Les Maternelles sur France 5,
00:20et de la réalisation de documentaires sur le petit écran, mais toujours en immersion, ça c'est très important pour vous.
00:25Votre regard sur le monde qui nous entoure n'a pas changé depuis votre enfance passée en Bretagne, notamment à Rennes,
00:32où vous avez grandi et fait hippocagne au lycée Châteaubriand, puis obtenu une maîtrise de lettres à l'université Rennes 2,
00:38avant d'intégrer le CELSA, donc l'école de journalisme. Aujourd'hui vous ajoutez une corde supplémentaire à cet arc déjà bien équipé.
00:46Vous publiez votre premier roman, La jeune fille au père, aux éditions Albain Michel, l'histoire effrayante d'Émilie Lou, une lycéenne somme toute ordinaire,
00:54qui a décidé de fuir sa Bretagne natale en vue d'une vie meilleure. Elle appelle ça le paradis, au début elle a l'impression d'entrer au paradis.
01:00Ça se passe à Heidengrove, en Angleterre, un lieu huppé, dans une banlieue londonienne.
01:06Au départ, elle pense que c'est une porte ouverte effectivement vers
01:11cette vie qui va changer, mais le rêve devient rapidement un cauchemar éveillé.
01:16L'angoisse, la peur, la violence psychologique vont devenir son quotidien.
01:20Ça prend au trip, cette écriture Sidonie, c'est assez bluffant, parce que quand on parcourt ce livre, quand on le lit, quand on le referme,
01:28on se rend compte que les sentiments que vous racontez, ils ont automatiquement été vécus. Et je crois que c'est ça qui frappe.
01:35C'est vrai Lodi.
01:37En fait, cette histoire, je l'ai vécue, j'avais 22 ans, je voulais en effet, comme Émilie Lou,
01:43apprendre l'anglais, parce que je n'avais pas les moyens de prendre des cours ou de partir à l'étranger.
01:48Et donc, je suis partie en Angleterre, comme fille au père, pour apprendre cet anglais. Donc, j'étais payée et je travaillais.
01:56Et ça s'est en effet mal passé.
01:58Le père a eu des gestes complètement déplacés et j'ai compris vite que je devais m'enfuir.
02:03Et donc, j'ai mis du temps, mais j'ai réussi à m'enfuir.
02:07Et je suis restée depuis 25 ans avec cette idée en moi. Et si je n'avais pu fuir ?
02:13J'ai été obsédée par cette idée, que j'ai rangée un peu quelque part. Et 25 ans plus tard, je fais parler
02:19cette jeune fille qui est restée coincée en moi, parce que c'est un traumatisme, évidemment, d'être...
02:23d'être...
02:25Je voudrais choisir les bons mots, parce que ce n'est pas une agression sexuelle, mais de sentir qu'une agression sexuelle
02:31peut se mettre en place. Mais comme j'avais été très armée par mes parents, j'ai eu la force
02:35d'inventer un mensonge et de pouvoir m'enfuir.
02:38Dès qu'on ouvre le livre, il y a marqué...
02:41Enfin, vous vous dédicacez ce livre
02:43à une personne qui est importante pour vous, et vous marquez au pourri.
02:48C'est une façon de leur dire aussi, malgré tout, je suis restée debout ? Oui. Et plus forte ? Oui, bien sûr. En fait,
02:57j'écris sur le mal,
02:58et j'en écrirai d'autres sur ce thème-là. Pas parce que je jouis des souffrances,
03:02c'est que j'aime épingler le mal et l'étudier. Et parce que c'est quelque chose d'insupportable, évidemment.
03:08On est plus ou moins tolérant à ça. Et donc, j'aime l'épingler, l'étudier et
03:14dire, tu vois, j'ai vu ce que tu fais, je vois et je comprends, et je vais l'expliquer.
03:18Comme ça, oui, en effet, peut-être, comme ça, plus personne ne tombera dans ton piège ou dans ce piège.
03:23Alors, si ça peut servir, c'est une lecture qui fait du bien, qui permet de... Est-ce que ça soulage ? Est-ce que ça
03:30repousse un peu les fantômes ? Alors,
03:32franchement, je n'ai jamais été aussi heureuse. Je me sens...
03:35Alors, bien sûr, on n'est pas heureux à chaque instant de sa vie,
03:37mais je me sens beaucoup plus équilibrée. Et je pense que j'ai libéré quelque chose qui devait être libérée, mais j'ai libéré une deuxième
03:42chose aussi. C'est que, depuis que je suis petite, j'écris.
03:44J'écris beaucoup de nouvelles, j'écris des poèmes, des chansons, des tas de choses. Et là, je me suis accordée,
03:49pour la première fois de ma vie, et pas la dernière,
03:51je me suis accordée du temps pour écrire cette histoire. Et ça y est, il y en a d'autres qui tapent à la porte de mon cerveau.
03:57Emilou, elle a des rêves d'ado rebelle.
04:00C'est ça le plan de départ. C'est vous, Emilou, là-dessus. Vous avez ce côté ado rebelle. Vous rêviez à quoi, enfant ?
04:06Alors, Sidonie, papa footballeur
04:10très connu,
04:12qui a été également entraîneur. Et puis cette maman qui vous a toujours accompagnée, finalement. Qu'est-ce qu'ils vous ont transmis ?
04:19Et dans les rêves aussi, notamment ?
04:21Alors, mes parents m'ont toujours dit
04:24réaliste et rêve. Je voulais être
04:26journaliste. Écrivain, au fond de moi, mais je savais que c'était pas possible. Économiquement, il faut pouvoir vivre et on devient pas écrivain comme ça
04:32du jour au lendemain.
04:33Et
04:34beaucoup de gens me disaient, je sais pas si vous vous rappelez de cette phrase, Elodie,
04:37mais non, mais c'est bouché, le journalisme.
04:40J'entendais ça et moi, je voulais faire, d'abord, de la radio. C'était une voie de garage.
04:43Et donc, j'étais forcément affectée par ça. J'étais en Bretagne. Bon, je me disais, bon, bah oui, c'est peut-être pas pour moi.
04:49C'est Paris, c'est tout là-bas. Enfin, voilà, alors qu'on peut être journaliste partout et écrivain partout.
04:52Et j'avais vu que mon père était devenu joueur de foot à 11 ans, qu'il avait
04:56réalisé ses rêves. Et donc, il m'a dit, réalise tes rêves. J'ai confiance en toi, tu réalises tes rêves. Et donc, j'ai foncé.
05:02Alors, bien sûr, on met du temps à se réaliser, on
05:06travaille parfois sur des émissions, des programmes, on côtoie des gens. Tout nous convient pas toujours.
05:11On peut toujours s'en sortir et progresser.
05:13Et donc, ils m'ont donné cette liberté
05:15de me construire et de pouvoir changer, si je veux, et de me faire confiance. Tu as un instinct, écoute-le. Et ça, c'est
05:22des petites choses qu'il faut donner à ses enfants,
05:24qu'il faut donner à ses amis aussi, s'ils n'ont pas eu la chance d'avoir des parents qui leur ont confié ça.
05:28Et ça, c'est important. Et donc, c'est un cadre, en fait, ce que j'appelle une sorte de cadre. Et d'ailleurs, dans les
05:33remerciements, j'ai dit qu'ils m'ont gorgé d'amour et de confiance. Je trouve que c'est la plus belle chose qu'on puisse offrir à son enfant.
05:40Et Emilou, dans La fille au père, elle n'a pas forcément eu cette chance
05:45d'être aimée et d'être poussée comme ça. Donc, elle va devoir s'en sortir d'une autre manière.
05:50Mais il y a plein de manières de s'en sortir.
05:52Effectivement, elle a des parents qui l'ont totalement délaissée. Un papa qui n'est pas là depuis très longtemps.
05:57Sa maman, elle rentre tard. Enfin, voilà, elle ne s'occupe pas réellement d'elle. Elle a d'autres rêves, d'autres envies.
06:02Inévitablement, elle veut changer sa vie.
06:05En même temps, le point de départ, c'est quand même cette envie de liberté, d'être libre et indépendante.
06:10Est-ce que c'est votre quête ?
06:13Alors, ce mot, vous me dites liberté, j'en tremble parce que c'est le mot qui m'obsède. Depuis toute petite,
06:19je ne supporte pas l'enfermement.
06:22J'ai toujours eu peur de l'enfermement, en fait. Et chaque jour de ma vie, pourtant j'ai la chance de vivre dans un pays
06:28d'une démocratie, un pays libre, d'avoir été une jeune fille libre, d'être une femme libre.
06:33Et j'ai toujours peur de l'enfermement. Et donc, chaque jour, je savoure, je me dis je peux me balader en ville et je suis
06:39libre. Je m'habille comme je veux et je suis libre. Je peux parler, dire ce que je veux, je suis libre.
06:43Ça m'obsède, ça me dévore, en fait. Parce qu'en fait, je pense que j'ai très peur de l'enfermement.
06:48Que j'ai connu, avec cette expérience de fille au père,
06:52où je me suis dit, c'est pas possible, je peux pas, c'était le rêve de ma vie.
06:56Les portes ne s'ouvrent pas, je n'ai pas d'argent, comment je sors de là ? Comment c'est possible que je sois tombée là-dedans ?
07:01Comment, alors que j'étais une petite bretonne tranquille, oui d'accord, je m'ennuyais, mais pourquoi je suis partie de chez moi ? Pourquoi j'ai cru
07:07qu'ailleurs, c'était forcément plus beau ? Voilà. Et donc, la liberté, c'est quelque chose que je chéris
07:13chaque jour, et rien que de prononcer ce nom et d'avoir la liberté de parler avec vous, waouh.
07:17Ce sourire, pour terminer, Sidonie, que vous arborez, qui fait vraiment partie de vous,
07:23il s'est nourri de ça, justement. Il est encore plus puissant parce que vous avez vécu des événements comme celui-ci ?
07:31Oui, en fait. Parce qu'il paraît indestructible, ce sourire.
07:34Oui, mais c'est une force, c'est vrai. C'est une force. En fait, un sourire,
07:38même les jours où ça ne va pas très bien, parce qu'il y a des jours où je ne vais pas très bien, rassurez-vous,
07:44je sais que si je pose ce sourire, il va déclencher quelque chose de chouette, dans les transports en commun, au travail, avec ma famille.
07:51Et en fait,
07:53même si vous allez acheter votre pingue, vous forcez à sourire alors que ça ne va vraiment pas très bien, le sourire qu'on vous renvoie,
07:58il vous emplit de... C'est tellement bon, en fait. Et puis, c'est aussi un
08:04respect pour la vie. Voilà, j'ai de la chance, je vais bien, je m'en suis sortie, je m'en suis toujours sortie et je continuerai et
08:10j'aiderai les autres à s'en sortir. Et voilà, c'est une joie de la vie.
08:15Ça peut paraître un peu naïf, mais non, je crois que c'est pas naïf, on en a besoin.