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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 22 novembre 2024 : l’écrivain Michel Bussi. Il vient de publier un nouveau thriller "Les Assassins de l'Aube", aux éditions des Presses de la Cité.

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Transcription
00:00Bonjour Michel Bussi. Bonjour. Au départ, vous étiez professeur d'histoire géographique à l'université de Rouen, mais rapidement, l'envie d'écrire
00:06vos propres histoires a pris le dessus. Vous avez mis du temps à convaincre. Votre premier roman n'a pas été retenu par les maisons d'édition,
00:13mais rien ne vous a freiné ni découragé. Vous avez même bien fait, car vos romans sont aujourd'hui non seulement publiés dans le monde entier,
00:20ils sont traduits dans plus de 35 langues, mais ils sont aussi ceux les plus lus et les plus vendus en France.
00:27Depuis Un Avion Sans Elles, votre vie a changé. Aujourd'hui, vous publiez Les Assassins de l'Aube aux éditions des presses de la Cité.
00:33C'est un thriller différent de ceux que vous avez déjà publiés. Celui-là parle de transmission. Il mêle l'histoire, le passé, les héritages culturels et le présent.
00:43Alors l'histoire est simple. Je vais essayer de la résumer. C'est vraiment pas simple. Trois meurtres ont lieu. Trois hommes se font harponner en Guadeloupe,
00:51en pleine poitrine. On a l'impression d'y être. D'ailleurs, rien ne relie ces trois crimes, sauf un homme, un vieillard, très mystérieux, assez énigmatique,
01:00habité par des forces qu'on va dire surnaturelles, qui lui prédit presque l'avenir avec des détails d'une précision vraiment perturbante.
01:08En face, un commandant, Valéric Cancel, et ses deux complices, bien déterminés à percer les mystères et trouver les motifs et explications en plus du ou des tueurs.
01:17Vous avez vu, j'essaie de trouver des solutions pour vous épargner. Le personnage principal, Michel Bussi pourtant, n'est pas celui que je viens d'indiquer. C'est la Guadeloupe.
01:27Oui, c'est vrai que j'ai eu la chance de faire plusieurs chaises en Guadeloupe, dont un juste après le Covid. Et à un moment donné, je me suis dit, voilà, j'ai le cadre parfait pour cette histoire
01:36que j'avais depuis assez longtemps en tête. Et je me suis dit, voilà, la Guadeloupe, c'est parfait. Il y a eu un mariage entre mon intrigue policière et cette île qui est effectivement fascinante.
01:45Vous racontez l'histoire des personnages, vous racontez l'histoire des hommes qui sont décédés, vous racontez l'histoire des précurseurs, des protagonistes, mais en même temps, vous nous racontez notre propre histoire.
01:57Oui, c'est vrai que ce roman, je l'ai vraiment voulu comme un pur thriller. J'ai touché un petit peu à des genres différents, même si à chaque fois, on est dans le suspense.
02:04Là, je voulais faire un vrai thriller avec un tueur en série, avec des policiers qui courent après ce tueur en série, un jeu de cache-cache dans l'île permanent.
02:12Et donc, effectivement, ce thriller, il est écrit au présent avec des chapitres très courts, une tension permanente. Je voulais que ça cavale dans tous les sens.
02:20Après, l'enjeu, c'est quand même de garder de l'émotion, de garder des beaux personnages et surtout de garder l'histoire et la géographie des lieux.
02:27Donc, c'était ça l'équilibre. En tout cas, j'ai essayé de faire qu'on n'ait pas envie de relâcher le livre tout en étant en permanence à la Guadeloupe, en soignant les descriptions.
02:37Et puis, évidemment, le petit plus, c'est l'histoire de l'île. C'est le passé, effectivement, de l'esclavage.
02:42C'est vrai que quand on regarde une photo, du point de vue visuel, on a l'impression que tout est beau et on se rend compte que l'histoire qui a donné naissance à ces lieux-là est très lourde par moments.
02:54C'est ça que vous vouliez raconter, Michel Bussy ? Gratter le vernis ?
02:58Oui, complètement. Puis quand on va en Guadeloupe et plus encore quand on parle avec les gens ou qu'on se penche sur les livres d'histoire ou d'économie qui parlent de la Guadeloupe,
03:07tout de suite, on est ramené évidemment à l'esclavage puisque 90-95% des habitants de la Guadeloupe ont un ancêtre qui est arrivé les faire au pied en Guadeloupe sans avoir rien demandé.
03:17Et donc, même si ça remonte à deux, trois, quatre siècles parfois, néanmoins, ce passé, il est présent.
03:22Et puis, surtout, ce qui est très important de retenir, c'est qu'à l'abolition de l'esclavage, en 1848, on a dédommagé les grands propriétaires terriens puisqu'ils perdaient leurs esclaves.
03:33Et donc, ils ont récupéré l'essentiel de la richesse de l'île, l'essentiel des terres. Les autres avaient la liberté, mais évidemment, pas beaucoup d'argent, voire pas du tout.
03:41Et donc, on a vu une société très, très profondément inégalitaire, peut-être même les sociétés les plus inégalitaires que le monde ait connu.
03:47Et donc, petit à petit, même s'il y a la République française, il faut vivre quand même avec cette structure très inégalitaire au départ.
03:54Et donc, si on a effectivement aujourd'hui des émeutes en Martinique, j'espère pas en Guadeloupe demain, mais ces deux îles, évidemment, ont la même histoire.
04:03Et bien, c'est évidemment aussi lié par le fait que ces inégalités sont encore ressenties.
04:08Et donc, ce sentiment de ne pas être compris, parfois même d'être méprisé, ou en tout cas d'être utilisé, reste forcément très présent.
04:19Il y a eu des scandales récents, comme la chlordécone, qui était un pesticide avec des taux de cancer en Guadeloupe, pratiquement les plus forts au monde.
04:26Enfin voilà, donc il y a eu effectivement... Et moi, j'y étais pendant la campagne de vaccination qui s'est transformée en une campagne anti-vax en Guadeloupe.
04:34Et effectivement, c'était intéressant et très surprenant pour quelqu'un qui est de métropole de voir à quel point le discours des officiels, essentiellement des fonctionnaires blancs, il faut bien le dire,
04:45ne passait absolument pas auprès de la population locale pour quelque chose qui était pourtant dans le public, qui était de dire il faut se vacciner pour stopper cette épidémie de Covid.
04:53Et ça, ça ne passait pas. Donc, on se doute bien que pour d'autres enjeux encore plus complexes, il faut une pédagogie.
05:00Et puis surtout, je n'aime pas trop ce terme de repondance, mais je pense qu'il faut vraiment regarder le passé en face.
05:05Si on ne connaît pas le passé et si on ne connaît pas les faits, la vérité, eh bien on ne peut pas traiter l'actualité.
05:12Là, on parle d'héritage colonial aussi, Michel Bussy. Il y a encore beaucoup de douleurs, beaucoup de tabous autour de ce thème-là.
05:19Vous l'avandez frontalement, là, pour le coup. Ça aussi, c'est important d'aller quand même un peu secouer.
05:25Peut-être que c'est moi qui vieillis. Peut-être qu'en vieillissant, on n'est plus sensible à l'actualité, on a plus de révolte.
05:35En tout cas, moi, je ne me sens plus révolter aujourd'hui que je l'étais à 20 ans.
05:39Et c'est vrai que je pense que c'est cette époque qui est quand même faite…
05:43Enfin, je pense que dans la libération de la parole publique, il y a des choses que moi, je n'ai pas l'impression qu'on pouvait entendre il y a 30 ans,
05:50dans des chaînes d'information continue qui ne sont pas France Info, mais même dans la bouche d'un certain nombre d'élus
05:58ou même dans la bouche d'un certain nombre de Français, des thématiques que moi, j'estime racistes ou xénophobes
06:06ou même de réécriture, comme je le disais, du passé ou de choses où on dénie la parole des scientifiques,
06:13que ce soit sur le climat, sur l'histoire, sur la géographie, pour se contenter de rumeurs ou d'informations factices trop rapides.
06:22Et c'est vrai qu'aujourd'hui, moi, tout ça me hérisse le poil, j'ai l'impression effectivement de vivre dans un monde
06:29où on n'écoute plus les gens qui savent ou qui ont fait des études ou même parfois qui sont payés pour ça.
06:35Donc du coup, effectivement, peut-être que dans mes romans, je me sens cette envie de m'engager.
06:41Mais moi, je tiens à rester un auteur populaire. Je pense que la force de ce roman, des Assassins de l'Aube,
06:49c'est que des gens qui ont envie de lire un bon roman policier vont l'acheter et qu'il n'aurait pas été acheté un livre d'histoire de la Guadeloupe
06:56sur l'esclavage parce que, simplement, ils n'en ont pas envie, ils ont leur vie et qu'ils ont envie de passer un bon moment avec un roman.
07:01Donc moi, c'est vraiment ma priorité, c'est avant tout que les gens aiment mes livres et que si après, je peux les amener à réfléchir,
07:07ça c'est l'essentiel parce que, pour une nouvelle fois, je pense qu'aujourd'hui, on a un monde, un élément d'information
07:15qui fait qu'on n'invite pas assez les gens à réfléchir et qu'on fonctionne beaucoup sur l'émotion, l'émotion immédiate des faits divers.
07:22Alors dans mon roman, ce sont des faits divers, ce sont des meurtres, mais l'avantage du roman, c'est qu'on a 400 pages
07:27pour, au-delà du fait divers, parler d'autres choses et faire réfléchir les gens. Ce qui n'est pas toujours le cas, effectivement,
07:32d'un fait divers qui est traité médiatiquement, uniquement par l'émotion et la réaction épidermique des gens autour.
07:4012 millions de livres vendus aujourd'hui, Michel Bussi, comment vous visez ce succès incroyable ?
07:45Oh ben ça y est, maintenant, c'est... Non, je ne vais pas dire que c'est la routine, mais maintenant, j'écris mes livres chez moi, tranquille,
07:51je viens faire les médias, je commence à connaître des journalistes, comme vous, Élodie, voilà, on a notre petit rendez-vous,
07:58donc c'est très agréable et j'ai l'impression d'être rentré dans une sorte de petite routine très agréable,
08:03où je vis ma retraite d'écrivain tranquillement chez moi, avec un certain nombre de journalistes qui me connaissent, que je connais,
08:11des lecteurs qui me suivent depuis assez longtemps, même si, heureusement, j'ai quand même de nouveaux lecteurs,
08:18je pense que maintenant, la majorité de mes lecteurs sont des gens qui me suivent depuis une dizaine d'années,
08:22donc c'est très agréable et du coup, je n'ai pas l'impression du tout d'être rentré dans un star system,
08:26mais plutôt d'être rentré dans une sorte de petite, de très agréable routine, où on me laisse tranquille écrire et on attend mon roman,
08:34et après, effectivement, il y a tout ce qu'on fait là, c'est-à-dire de discussions autour d'un roman,
08:39puis surtout, on me laisse une... Ce que j'ai vraiment réussi, j'espère, à imposer à mes lecteurs,
08:45c'est « ne m'imposez rien, je vais vous surprendre ». Et mes lecteurs attendent ça. Je sais que j'ai des collègues auteurs,
08:52ils ont des flics récurrents, et donc les lecteurs, ils leur demandent toujours la même chose, quoi,
08:57et pour eux, c'est difficile de dire « oui, mais attendez, j'ai envie d'écrire d'autres choses », etc.
09:01Moi, je pense que j'ai réussi à imposer à mes lecteurs de dire « fichez-moi la paix, je vais vous surprendre à chaque fois,
09:06et faites-moi confiance », quoi, et ça, c'est très agréable, parce que je n'ai pas du tout la pression.
09:11Je pars à la Guadeloupe, la dernière fois, c'était à Rouen, la prochaine fois, ce sera ailleurs,
09:15et avec des natures de romans à suspens, certes, mais différents.
09:19Donc ça, je trouve que ça me donne une espèce de sérénité totale, j'ai plein d'histoires en tête à écrire,
09:25complètement farfelues, mais je me dis « voilà, ça y est, maintenant, c'est gagné, je pourrai les écrire »
09:31et les lecteurs, finalement, ne m'en voudront pas, même si telle ou telle histoire leur semble plus loin de leur goût, leur centre d'intérêt.

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