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Mercredi 26 février 2025, retrouvez David Lévy (Co-responsable du groupe de travail LCB-FT, CNB) dans LEX INSIDE, une émission présentée par Arnaud Dumourier.

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Transcription
00:00On poursuit ce Lex Inside et on va parler des déclarations de soupçon des avocats
00:14en matière de LCBFT avec mon invité David Lévy, co-responsable du groupe LCBFT au CNB.
00:22David Lévy, bonjour. Bonjour Arnaud.
00:24Nous allons nous intéresser au rôle des avocats en matière de lutte contre le
00:28blanchiment de capitaux et le financement de terrorisme. Tout d'abord, quelles sont
00:33les principales obligations de vigilance que les avocats doivent respecter dans le cadre de la LCBFT?
00:39Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme,
00:44qui est prévue dans le Code monétaire et financier, les avocats ont globalement deux
00:48grandes obligations. D'abord des obligations de vigilance et d'identification et ensuite des
00:54obligations de déclaration de soupçon de blanchiment. La vigilance et l'obligation de
00:59vigilance, c'est quoi pour l'avocat? C'est se poser des questions et les questions qu'il se pose,
01:03il doit les poser à son client. Pourquoi il fait ça? Pour obtenir des renseignements,
01:08pour vérifier un certain nombre de choses afin de ne pas être instrumentalisé dans le
01:14cadre d'opérations auxquelles on va lui demander de participer. Et donc, très concrètement,
01:19la vigilance revient à faire quoi? Elle revient à vérifier l'identité du client,
01:24l'identité du bénéficiaire effectif qui est celui qui va de manière ultime bénéficier de
01:30l'opération à laquelle l'avocat va travailler. Identifier également les flux financiers,
01:35l'origine des fonds qui vont être utilisés dans le cadre de l'opération. Vérifier aussi
01:41l'opération en elle-même, sa régularité, sa réalité, sa consistance. Et enfin aussi,
01:47et ça on l'a bien développé depuis février 2022, vérifier l'existence éventuellement de
01:54sanctions financières ciblées dans un dossier. Et pour toutes ces obligations de vigilance,
01:59toutes les réponses que l'avocat obtient, il doit les conserver, il doit les documenter,
02:04il doit les mettre à jour régulièrement pendant la relation d'affaires avec le client afin de
02:09démontrer qu'il a rempli ses obligations de vigilance. Alors maintenant, on en sait plus
02:13sur les obligations de vigilance, mais comment les avocats peuvent-ils identifier les activités
02:20suspectes qui pourraient être liées au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme ?
02:25Alors cette identification, il y a plusieurs moyens de le faire. Le conseil national des
02:29barreaux a mis à disposition des avocats un certain nombre d'outils de cartographie que
02:34les avocats peuvent utiliser à partir du site internet du conseil national des barreaux. D'abord
02:38un outil de cartographie du dossier en lui-même. On va rentrer un certain nombre de paramètres du
02:43dossier et on va avoir un traitement de ce que nous avons donné et la réponse va nous dire le
02:49niveau de risque auquel on se situe et ce qu'il va falloir mettre en face pour contenir le risque.
02:56Il y a aussi des outils de cartographie, un outil de cartographie plus général sur l'activité du
03:00cabinet en fonction de la typologie de la clientèle, leur origine géographique, etc. Ensuite, comme je
03:07viens de le dire, on identifie une opération et la réalité de ce qu'on nous demande de faire en
03:12posant des questions, en interrogeant les clients. Et on se réfère également à des
03:19typologies de blanchiment. En pratique, ce qu'on observe, c'est que pour la profession d'avocat,
03:26à la fois les avocats eux-mêmes et les CARPA, car les CARPA aussi sont soumises aux obligations
03:31LBCFT, la profession a donc mis en place un certain nombre de mécanismes qui vont assurer sa
03:36vigilance face aux risques de blanchiment et qui ne vont pas la rendre attractive aux yeux des
03:42blanchisseurs qui veulent blanchir le produit de leurs infractions. Un exemple très simple.
03:48Lors d'une réunion récente du conseil d'orientation pour la lutte contre le blanchiment,
03:54le COLB, le parquet, des représentants du parquet qui étaient présents, ont présenté des schémas de
04:00blanchiment par des systèmes de compensation qui font intervenir un réseau de sociétés de
04:07personnes morales frauduleuses. Et les représentants du parquet ont été interrogés et ils ont clairement
04:13dit et répondu, les blanchisseurs, dans les cas que nous vous présentons et que nous avons étudié,
04:19les blanchisseurs n'ont pas recours aux avocats pour ce type de schéma. Donc ça montre bien qu'à
04:25un moment donné, ce qu'on a mis en place sert et est utilisé par les confrères et dissuade.
04:31Alors on va s'intéresser aux obligations de déclaration que vous avez mentionnées.
04:36Quelles sont les conséquences si jamais un avocat ne respecte pas cette obligation ?
04:40Alors d'abord, pour qu'il y ait déclaration, il y a un certain nombre de conditions dans lesquelles
04:46on doit se situer. D'abord, la déclaration de soupçon ne va pas intervenir quand l'avocat
04:53effectue pour son client une consultation juridique ou est dans le cadre d'une procédure
04:57juridictionnelle. D'accord. Ça, c'est des exceptions importantes. Ensuite, il y aura
05:02déclaration de soupçon quand l'avocat ne sera pas en mesure d'avoir levé le doute qui surgit
05:09dans son esprit quand il reçoit les réponses aux questions qu'il pose à son client. Et quand
05:14il n'est pas capable de déterminer que ce qu'on lui raconte correspond à la réalité. D'accord.
05:20C'est ça l'idée. C'est lever le doute et être certain que ce qu'on nous raconte correspond à
05:26la réalité. Maintenant, la déclaration de soupçon en elle-même, c'est une procédure très
05:30particulière. L'avocat doit déclarer un soupçon sur la plateforme Hermès, mais il ne la déclare
05:37qu'à son bâtonnier. Et donc, l'avocat n'est jamais en contact direct avec Tracfins parce que le
05:42bâtonnier, il s'interpose en tant que garant du secret professionnel. Et donc, si on venait à
05:49reprocher à l'avocat de ne pas avoir respecté ses obligations de déclaration, il y aura la
05:57possibilité de poursuites pénales, poursuites disciplinaires et déontologiques. Et enfin,
06:02à la main du conseiller de l'Ordre également, des sanctions administratives qui pourraient être
06:07prononcées telles qu'une injonction de mettre fin au comportement, une interdiction de diriger
06:13une structure d'exercice ou le cas échéant, une amende pécuniaire. Donc des sanctions qui
06:18peuvent être importantes. Qui peuvent être importantes, mais des sanctions qui doivent
06:22aussi être analysées à l'aune de la politique, de la profession et des ordres en matière de lutte
06:28contre le blanchiment parce que les ordres vont, dans les cabinets d'avocats, vérifier sur place,
06:32sur pièce, si les avocats et les structures remplissent bien leurs obligations à le BCFT.
06:37Alors le Conseil d'État s'est prononcé sur les obligations déclaratives dans un avis du 25
06:43janvier dernier. Quels sont les principaux points abordés par le Conseil d'État concernant les
06:48obligations déclaratives des avocats ? Alors cet avis est problématique à la fois sur la forme et
06:55sur le fond. Sur la forme, certes, on nous dira que ça tient à la procédure qui a été mise en
07:00oeuvre pour avis, mais aucun élément contradictoire. Aucune audition d'entités assujetties, notamment
07:10de la profession d'avocat. Et le Conseil d'État nous dit qu'il se base sur les seuls éléments qui
07:14lui ont été donnés. Par qui ? Par le gouvernement. Ça nous pose, nous, en tant qu'avocat, un problème
07:20de contradictoire. Parce que c'est notre ADN, on a un vrai problème de contradictoire ici,
07:24et c'est une manière de procéder qui, pour nous, ne va pas sans difficulté. Maintenant, sur le fond,
07:29quel est le sens de ce que dit le Conseil d'État ? Le Conseil d'État dit que les entités assujetties
07:36doivent déclarer des soupçons de blanchiment, mais aussi déclarer l'infraction primaire,
07:44l'infraction sous-jacente à partir de laquelle on a ensuite du blanchiment. Et ça, ça pose un
07:52certain nombre de problèmes. Pourquoi ? Très simplement parce que d'abord, le Conseil d'État
07:56ne tient pas compte du champ d'assujettissement, notamment des avocats, aux obligations LBCFT.
08:05Ensuite, le Conseil d'État semble oublier que la profession d'avocat, par exemple, bénéficie de
08:09deux exemptions que j'ai citées tout à l'heure. Pas de déclaration de soupçons quand on est en
08:14procédure juridictionnelle ou qu'on donne une consultation juridique. Ensuite, le Conseil
08:20d'État nous dit, nous, on va faire une interprétation stricte de la déclaration de soupçons et de la
08:27procédure, mais en réalité, il aboutit à faire une interprétation totalement extensive du dispositif.
08:35Le considérant 5 de son avis, le paragraphe 5 de son avis dans lequel il donne la solution
08:43déclaration du blanchiment et de l'infraction sous-jacente, c'est une affirmation de principe.
08:47Il n'y a aucune motivation. Il n'y a pas de raisonnement qui soutient ça derrière. Donc,
08:51on a là un vrai problème. Autre problème de fond, pas le moindre non plus. Le Conseil d'État se
08:58réfère aux directives de 2015, cinquième directive et autres. Et il semble totalement oublié qu'il y
09:06a un sixième paquet anti-blanchiment qui a été publié par l'Union européenne en juin 2024. Et
09:11que dans le cadre de ce sixième paquet, il y a une discussion de fond que l'on va avoir sur le
09:18point de savoir si oui ou non, en plus du blanchiment, on doit déclarer l'infraction
09:22sous-jacente. Pourquoi ? Parce que les textes européens eux-mêmes ne sont pas clairs.
09:27Et à partir du moment où ils ne sont pas clairs, il faut qu'on en discute. Et ça va entraîner
09:31forcément une modification du code monétaire et financier. On va terminer là-dessus. Merci
09:36David Lévy. Je rappelle que vous êtes co-responsable du groupe LCBFT. Merci à toutes
09:41et à tous pour votre fidélité. Restez curieux et informés. A très bientôt sur Bismarck Fortune.

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