Cette histoire est une histoire vraie. C'est celle de la France et des Français qui se jettent à l'eau. Ce documentaire relate 50 ans de l'épopée de la Natation française, de 1967 - avec l'emblématique programme « 1000 piscines » - à nos jours. Un dessein ambitieux, d'envergure nationale, sans précédent dans l'histoire du sport français. Ou comment une vision politique a fait de la France l'une des meilleures nations mondiales dans le domaine de la natation. Par le prise de l'intime et du quotidien - qui n'a pas un souvenir lié à la piscine ? - ce documentaire nous ouvre les portes d'une histoire contemporaine qui va particulièrement résonner lors des JO 2024.
Année de Production : 2024
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00:00Elles sont apparues dans les années 70 et 80 en bordure des petites villes, et elles
00:15ont mis à l'eau un peuple qui ne savait pas nager.
00:18Elles avaient pour nom officiel « piscine-tournesol », mais pour la plupart des gens, elles étaient
00:32la piscine, tout simplement.
00:33Quand j'étais gamin, aller à la piscine, c'était assez spécial parce que c'était
00:39dans une sorte de champignon.
00:41Moi, je n'ai jamais trouvé qu'elles ressemblaient à un tournesol, alors que c'est quand même
00:47ma fleur favorite, mais beaucoup plus à un vaisseau spatial.
00:49Un peu comme dans ce film de Louis de Funès, « La soupe aux choux », où avec son casque
00:57il avait plein de boules sur le casque, on imaginait ça, on disait « tiens, ça ressemble
01:00au bonnet de La soupe aux choux ». Donc c'était vraiment quelque chose de nouveau, quelque
01:04chose d'atypique.
01:17La soupe aux choux, c'est la piscine, c'est la piscine, c'est la piscine, c'est la piscine,
01:45c'est la piscine, c'est la piscine, c'est la piscine.
02:11Moi, la piscine tournesol dans laquelle j'ai appris à nager, elle était jaune.
02:14La plupart que je connaissais étaient jaunes, jusqu'à un jour où j'en ai vu une grise,
02:18et puis après j'en ai vu une blanche.
02:19Mais quand on est enfant, c'est notre piscine, c'est la piscine dans laquelle on apprend
02:23à nager.
02:24Et on a l'impression que c'est la seule et l'unique parce qu'on a nos petits repères
02:28dès le moment où on arrive, où on passe le portail, où on passe la porte d'entrée,
02:33où on passe le vestiaire, la douche, on se sent vraiment dans ce petit cocon, et ça
02:38c'est très rassurant.
02:39Ces piscines tournesol sont le vestige d'un projet un peu fou, celui d'apprendre la natation
02:47à tous les Français.
02:48Pour beaucoup, ça signifiait s'immerger pour la première fois et apprivoiser ce milieu
02:54à la fois bizarre et dépaysant.
02:56Parfois, on attendait sur le plot, on séchait, puis il y avait ce contact avec l'eau froide.
03:04Donc voilà, c'est vraiment des souvenirs de sensations, en fait, comme j'imagine beaucoup
03:08de monde dans les piscines.
03:09Je n'étais pas très rassuré, en fait, dans l'eau.
03:12D'ailleurs, je ne suis pas un bon nageur, je ne suis toujours pas un bon nageur.
03:15Le fait de perdre le contrôle sur l'espace, c'est-à-dire de ne toucher aucun bord, je
03:22étais rassuré quand je touchais le bord ou quand je touchais le fond.
03:26Je pense que j'aimais bien barboter, mais je n'aimais pas être perdu dans l'eau.
03:31L'être humain, il n'a pas évolué pour se déplacer dans l'eau.
03:35On a évolué depuis des millions d'années pour être à la surface de la terre, sur
03:39des appuis solides, à la verticale.
03:41Et dans l'eau, on est à l'horizontale sur des appuis fuyants.
03:44Donc c'est un petit peu comme si on apprenait à marcher tous les jours, sauf que la marche,
03:48depuis le plus jeune âge, on s'y entraîne à chaque instant de notre vie.
03:51La natation, c'est quelque chose qui va demander énormément de répétition pour pouvoir
03:55ancrer ses automatismes.
03:56On apprend à se déplacer dans l'eau en flottant.
04:02Donc on apprend d'abord aux enfants, avec une frite, avec un objet quelconque, à s'allonger
04:08dans l'eau, à mettre la tête sous l'eau.
04:20J'ai toujours été passionnée d'espace, d'astronomie.
04:24La sensation de flotter dans l'eau se rapproche beaucoup de la sensation qu'on peut avoir
04:28dans l'espace.
04:30Cette apesanteur qu'on peut sentir quand on est dans l'eau.
04:33Je me souviens de sensations que j'avais quand j'étais sous l'eau, d'images que j'avais
04:38dans ma tête en me disant, ben voilà, ça y est, t'es arrivé sur telle ou telle planète
04:42et puis t'es dans ton petit monde.
04:54Avant le temps des piscines et des loisirs, tout ce qui compte quand on se jette à l'eau,
04:58c'est d'arriver de l'autre côté, quelle que soit la méthode employée.
05:04Savoir nager est un idéal qui figure, dès la Révolution, dans le programme d'éducation
05:09des bons citoyens français.
05:13Lire, écrire, nager, les fondamentaux.
05:16Ce triptyque est plus ou moins inventé par un proche de Robespierre, Saint-Just.
05:22Ce qu'il disait, c'était la capacité à se sortir d'un milieu incertain, celui de
05:27la mer, celui de la rivière.
05:29Donc l'homme, le vrai citoyen, c'est à la fois celui qui produit des idées et qui
05:33est capable de se sortir seul de l'hostilité de la nature.
05:39En pratique, peu de Français savent lire et écrire, et encore moins savent vraiment
05:43nager.
05:44Au XIXe siècle, les noyades sont courantes et tuent 3 à 5 000 personnes par an.
05:49Les premières méthodes de natation voient le jour chez les soldats de l'armée napoléonienne,
05:54avec pour objectif de traverser les rivières des territoires à conquérir.
05:59À l'armée, la question qui se pose, c'est comment apprendre simultanément à de grandes
06:05masses de soldats.
06:06D'où des inventions, parmi les plus pittoresques, par exemple un manège sur lequel on place
06:13une dizaine de soldats, on fait tourner le manège pour qu'ils aient la sensation de
06:17bouger alors qu'on est sur terre.
06:19Progressivement, les mieux outillés se lancent dans le grand bain, avec parfois quelques pertes,
06:26mais tout cela est très difficile à rationaliser jusqu'au bout du processus, donc le nombre
06:31de soldats nageurs est en réalité assez faible.
06:35En 1850, plusieurs centaines de militaires périssent dans les eaux de la Mène à Angers
06:40après l'effondrement d'un pont.
06:42Vingt ans plus tard, à Sedan, c'est la débâcle face au royaume de Prusse, et la France perd
06:48Elsa et la Lorraine.
06:49L'issue aurait sans doute été différente si les soldats avaient pu fuir en traversant
06:53la Meuse.
06:54Alors dès 1879, l'apprentissage de la natation devient obligatoire pour les garçons, avant
07:01même les lois Jules Ferry qui poseront les bases de l'école publique.
07:04Lors des débats parlementaires de 1879, deux idées fortes reviennent.
07:10L'une, dans un contexte qui est éminemment hygiéniste, c'est que la natation a cette
07:16force particulière qu'elle permet de se nettoyer, de se laver pour les plus jeunes
07:20parce qu'on est finalement dans l'eau, tout en renforçant son corps, il y a donc
07:24une dimension sanitaire.
07:26Mais il y a aussi un deuxième enjeu, un enjeu nationaliste et patriotique, parce que ces
07:31débats parlementaires ont lieu quelques années après Sedan, après la perte des territoires
07:37du Nord-Est, et l'enseignement obligatoire de la natation a par conséquent vocation à
07:42apprendre aux jeunes français à traverser le Rhin lorsque l'heure sera venue d'attaquer
07:46à nouveau l'Allemagne pour récupérer les territoires conquis.
07:50L'enseignement de la natation est donc obligatoire en théorie, mais les piscines n'existent
07:56pas encore.
07:57Les rares français qui savent nager ont appris en bord de mer ou dans des bassins, amarrés
08:02en bord de rivière, sous la supervision d'un maître baigneur.
08:05Des lieux exigus, surchargés pendant les jours d'été, mais pas chauffés, donc impraticables
08:12le reste de l'année.
08:13La technique la plus utilisée, c'est l'apprentissage de l'enseignement de la natation à terre,
08:20à sec.
08:21On apprend dans la classe, non pas dans l'eau.
08:23Les élèves sont placés sur leur siège ou sur la table, comme on l'a vu pour les militaires.
08:28Évidemment, l'efficacité d'un tel enseignement est à peu près nulle, mais les programmes
08:34sont respectés.
08:35Cet enseignement à sec restera la référence pendant près d'un siècle, et imposera à
08:43plusieurs générations la pratique d'une seule nage, la brasse.
08:47L'orientation des pieds rappelle celle du palmypède, mais pour le reste, quelle que
09:07soit leur physionomie et leur flottabilité, les petits français sont incités à imiter
09:11le batracien, qu'ils sont aussi les seuls au monde à déguster.
09:14Ils avaient une potence sur le bord de la piscine, sur un roue, et j'étais attaché
09:23avec une bouée, et j'avais le ventre qui touchait l'eau, je faisais les mouvements
09:30de la brasse, et ils avançaient, et ils revenaient, et ils avançaient, et à chaque fois ils
09:35me descendaient un peu, ça fait qu'au bout de trois semaines, un mois, ils m'ont détaché,
09:41et je suis allé jusqu'au bout de la piscine, mais j'avais encore la bouée.
09:44Apprendre à nager, c'est vraiment un sentiment de liberté, de fierté, d'épanouissement,
09:52parce qu'on se retrouve à être tout seul, sans aide à la flottaison, ni une petite
09:57planche, ni une ceinture avec un petit flotteur, ni la perche du maître nageur, donc c'est
10:01vraiment ce sentiment de liberté, de pouvoir aller et venir plus ou moins dans les trois
10:05dimensions, se déplacer avant, arrière, gauche, droite, mais aussi monter, descendre
10:10sous l'eau, c'est quelque chose que je trouve très grisant, dès le plus jeune âge.
10:31Toute petite, je me régalais à la piscine, parce que j'étais dans mon élément, j'étais
10:36vraiment comme un poisson dans l'eau.
10:39J'aimais bien faire le sous-marin, la sirène, aller au fond de la piscine, faire des bulles,
10:47m'éclater, c'était très très ludique.
10:50C'est le contact avec l'eau qui me plaisait, l'eau sur le corps, les sensations de main
10:59avec l'eau, puis quand tu grandis dans ce milieu-là, tu arrives à vraiment bien maîtriser
11:04l'eau et en faire ce que tu en veux avec les mains.
11:06C'est vraiment un sport de glisse, la natation.
11:08Dans les années 1920, les Français découvrent qu'il existe d'autres façons de nager que
11:15leurs brasses nationales.
11:16Aux Jeux Olympiques de Paris en 1924, Johnny Weissmuller remporte trois médailles d'or,
11:25avec une nage typique des Américains, le crawl.
11:27Grâce au battement des jambes couplé avec les mouvements des bras, il est le premier
11:38à boucler un 100 mètres en moins d'une minute.
11:40Le style éclaboussant de celui qui incarnera plus tard Tarzan au cinéma inspire les jeunes
11:46nageurs français.
11:47Le champion Alfred Nakach, avec sa brasse papillon, fait sensation dans les premiers
11:55bassins français aux normes de la Fédération internationale de natation.
11:58Deux nouvelles piscines de 50 mètres ouvrent à Paris.
12:05Les Tourelles, inaugurées en 1924, près de la Porte des Lilas, et Molitor, en 1929,
12:13près de la Porte d'Auteuil.
12:14Les plus emblématiques et qui m'ont marqué énormément l'esprit, c'est justement
12:19celles des années 1920, qui empruntent au vocabulaire de l'architecture art déco.
12:24Donc il y a vraiment une utilisation des matériaux emblématiques du moment et donc
12:29on les réinsuffle justement dans ces équipements sportifs.
12:32Ces bâtiments imposants n'attirent guère les foules dans les premières années, car
12:39pour les fréquenter, il faut savoir nager.
12:41A Tourcoing, où il y a une piscine depuis 1904, la mairie mise très tôt sur l'apprentissage
12:49en masse de la natation.
12:50Le champion de water polo, Paul Bulck, équipe le bassin municipal d'un système de suspension,
12:57monté sur des poulies.
12:58En débitant ses instructions en rythme, il affirme pouvoir apprendre à nager à 60 élèves
13:04par heure.
13:05Jambes fléchies, talons joints, pointe des pieds ouvertes, jambes écartées, bras en
13:15avant, jambes réunies, bras écartées, mains retournées, jambes écartées.
13:20Mais l'initiative ne se répète pas ailleurs.
13:24Tourcoing et Paris dominent la natation française de l'entre-deux-guerres, et leurs champions
13:29restent bien seuls sur les podiums des compétitions.
13:32C'est vraiment des volontés municipales et donc ça ne s'adresse qu'à une toute
13:37petite partie de la population, puisqu'il y a certaines villes qui ont les moyens de
13:41s'offrir de tels équipements, mais c'est des équipements très coûteux.
13:44Donc on n'en construit pas énormément et puis on n'est pas trop sur cette volonté
13:48encore de répandre la natation et le sport de la natation.
13:51La natation française peine à se faire une place en dehors des frontières, tant la discipline
14:01est dominée par les Américains et les Australiens.
14:03Les champions de stature internationale se comptent sur les doigts d'une main, et il
14:08faut attendre le Marseillais Jean Boiteux pour que la France décroche sa première
14:12médaille d'or olympique.
14:14En 1952, au JO d'Helsinki.
14:23Dans les années 60, tous les espoirs en natation française reposent sur une toute jeune fille,
14:28qui devient championne du monde à l'âge de 16 ans, Christine Caron.
14:38Les Français s'en tichent de cette fille d'une couturière et d'un employé des postes,
14:42qui a grandi à Montrouge, mais va s'entraîner matin et soir au Racing Club de Boulogne pour
14:46parfaire son dos crelé.
14:49Elle est la première nageuse dont tous les Français connaissent le nom.
14:53Pour me marier, j'ai tout mon temps, la compagnie de mon petit chat Kiki me suffit amplement.
15:03Mais la Kikimania cache une réalité plus sombre.
15:06Dans les années 60, il y a certes les Jean Boiteux et autres Kiki Caron, mais le nombre
15:10de médaillés olympiques est extrêmement faible.
15:14Ce sont des années noires pour la natation, comme le seront d'ailleurs les années 70 et
15:19le début des années 80.
15:21On a ici un quart de siècle où la France ne parvient pas à se rapprocher des podiums
15:27olympiques.
15:30La natation reste le maillon faible du sport français.
15:33Quand Kiki Caron remporte la médaille d'argent en 1964 au JO de Tokyo, cela fait 12 ans que
15:38les nageurs français n'ont pas ramené la moindre médaille olympique.
15:43De quoi alarmer le général de Gaulle.
15:46Je pense que ce n'est pas anodin qu'un militaire soit à l'origine justement d'une relance
15:51un petit peu sportive, parce que c'est une façon de faire briller la nation à travers
15:55des médailles, des valeurs saines, de collectivité, de l'éducation, de l'éducation, de la
16:01collectivité, de partage et d'excellence.
16:07Il y a quand même dans l'arrière-esprit d'un militaire cette idée que la natation
16:11est importante.
16:12Et puis, comme disait Orwell en 1945, le sport c'est un peu la guerre sans les fusils.
16:19Donc c'est une façon de s'opposer pacifiquement à d'autres nations et de montrer qui est
16:24le plus fort finalement.
16:26Alors en fait, il choisit ce lieu de fonds romeux dans les Pyrénées parce qu'il y a
16:30une altitude équivalente à Mexico où vont se tenir les prochains Jeux olympiques de
16:3568.
16:36Donc l'idée est assez ingénieuse de mettre un équipement à même altitude, quelques
16:41temps avant pour préparer des sportifs.
16:43Donc ça va être un grand centre sportif avec piste d'athlétisme, piscine, etc.
16:48Et donc cet équipement va arriver un peu trop tard.
16:52À l'automne 1968, Kiki Caron est la première femme française porte-drapeau olympique.
17:00Mais elle ne brille guère dans les bassins.
17:02Et ses compatriotes non plus.
17:06Seule Alain Mosconi ne rentre pas les mains vides.
17:11L'absence d'un équipement, c'est la première fois que l'équipement de l'équipe
17:17de France de natation, encore à Mexico, en 1968, une seule médaille de bronze sur
17:23400 mètres nage libre, c'était très peu, provoque une prise de conscience qui était
17:27déjà là au début des années 60 mais qui ne fait que se renforcer.
17:33Les statistiques de 1969 donnent le chiffre de 408 piscines en France.
17:39C'est à la fois considérable comparé à ce qu'on connaissait à l'époque.
17:43C'est à la fois toujours faible par rapport à ce qu'on connaît dans d'autres grandes
17:47nations sportives européennes.
17:55Le gros problème des piscines publiques qu'il y a sur le territoire à ce moment-là, c'est
17:59qu'en fait, elles ne sont pas couvertes, elles ne sont pas chauffées.
18:01Et dans le meilleur des cas, on peut l'utiliser trois, quatre mois dans l'année et c'est
18:05tout.
18:06Et c'est vraiment un problème pour le développement des piscines.
18:09Il y avait une buvette, je ne sais pas si ça existe toujours, les buvettes de piscines
18:12municipales.
18:13Mais voilà, on allait acheter des Mister Freeze, des frites à la piscine municipale.
18:17C'était super.
18:21On faisait des grillades sur la terrasse.
18:23Il y avait tout plein de tables, on faisait des belles soirées, on faisait des jeux de
18:28boulot, on faisait des jeux de boulot.
18:30On faisait des jeux de boulot, on faisait des jeux de boulot, on faisait des jeux de
18:33boulot.
18:34On faisait des jeux de boulot sur la terrasse.
18:35Il y avait tout plein de tables, on faisait des belles soirées, on faisait des grands
18:39banquets, il y avait des buffets.
18:40C'était super sympa.
18:42Et une fois, les adultes, ils avaient un peu bu de l'alcool et c'était la fête et tout.
18:48Et ma mère, elle ne sait pas nager.
18:50Et ils l'ont poussée dans la piscine.
18:52Heureusement, elle avait pied, elle a su se remettre droite.
18:55Mais c'est vrai que j'ai failli sauter ce jour-là pour aller la chercher parce que
18:59c'était compliqué.
19:01En 1969, moins d'un an après la débâcle française des Jeux de Mexico, et malgré
19:07les séances d'entraînement à sec, deux drames frappent la France en plein cœur
19:11de l'été.
19:15Il y avait eu un accident dans un centre aéré à Juinier-sur-Loire, dans le Maine-et-Loire,
19:19où justement, 19 enfants avaient péri noyés.
19:24Provoquant le décès de deux dizaines de jeunes âgés de 9 à 16 ans, emportés par
19:28le courant dans la Loire, devant les yeux des adultes qui n'ont su que faire.
19:36La même année, je crois que c'était sur le lac Léman, pareil, un bateau de loisirs
19:41avait eu un problème et donc il y avait eu 14 fillettes qui s'étaient noyées.
19:45Donc je pense que cette année 1969 avait quand même profondément marqué des esprits.
19:52Et là, il y a une sorte de deuxième prise de conscience collective.
19:55C'est vraiment une époque où on se dit que les gamins en France ne savent pas nager.
20:05Le gouvernement est en retard.
20:07Il n'a pas vu grandir les enfants du baby-boom.
20:10Ils sont de plus en plus nombreux et beaucoup habitent dans des villes nouvelles,
20:14où rien n'a été pensé pour eux.
20:16En 1968, le ministère de la Jeunesse et des Sports du gouvernement Pompidou a lancé
20:21l'opération 1000 clubs de jeunes.
20:24Des petites structures préfabriquées, produites en série et à moindre coût,
20:28qui servent de maison des jeunes et de la culture dans les municipalités
20:31qui n'avaient pas les moyens d'en construire une en dur.
20:36En 1969, Pompidou est devenu président et le gouvernement a décidé d'éliminer
20:42En 1969, Pompidou est devenu président et son secrétaire d'État à la Jeunesse et aux Sports,
20:48Joseph Comiti, s'inscrit dans la continuité de son prédécesseur.
20:52Il lance l'opération 1000 piscines, qui commence par un grand concours d'architecture.
21:00Le cahier des charges, justement, il est assez intéressant parce qu'il demande deux choses.
21:04Il demande d'abord que les piscines qui soient proposées puissent être réfabriquées,
21:08donc fabriquées de manière industrielle et ensuite montées sur place,
21:11pour des raisons de temps mais aussi pour des raisons d'économie évidentes.
21:14Puis la deuxième chose, c'est que la piscine doit être praticable en été comme en hiver.
21:21Le ministère reçoit plus de 400 candidatures au concours
21:25et retient cinq modèles destinés à la construction.
21:31Alors le concours est gagné par un architecte français qui s'appelle Bernard Schöller
21:35et qui à l'époque était salarié d'une agence d'architecture qui était connue
21:39pour faire notamment des tours de bureaux et de logements à la Défense notamment.
21:43Et en son nom propre, il va décider de répondre à ce concours avec la piscine Tournesol.
21:49C'est une piscine couverte pendant l'hiver et en même temps l'été, la piscine pourra s'ouvrir.
21:57Il est parti d'un oursin et donc il a décidé que l'oursin pourrait s'ouvrir à 120 degrés
22:03pour faire rentrer le soleil.
22:14Je pense que ce qui a marché c'est que c'est un design clairement organique finalement,
22:18universel, qui respecte les notions de proportion les plus fondamentales.
22:24Il a coché toutes les cases du grand maître du design de cette époque-là en fait.
22:28La coupole s'ouvre sur un rail posé évidemment dans le sol et donc la coupole va coulisser
22:34et donc rentrer comme ça, se superposer à la coupole fixe
22:38pour permettre justement cette ouverture durant les belles journées d'été.
22:43L'idée c'était vraiment qu'elle puisse être ouvrable sur un tiers de sa surface
22:47et qu'elle puisse suivre la course du soleil.
22:49Ce qui est très chouette justement dans cette structure c'est la clé de voûte de la coupole
22:53parce que non seulement elle fait en sorte que tous les arcs tiennent ensemble
22:56et que toutes les tuiles en plastique tiennent dessus,
22:59mais en plus c'est la rotule qui permet aux deux parties de la piscine tournesol
23:03de s'ouvrir et de se fermer.
23:05Et c'est assez impressionnant, quand la piscine tournesol est ouverte,
23:07on a l'impression qu'il manque un bout et pourtant elle tient quand même.
23:10Et tout ça fait avec une économie de moyens, une économie de matériaux
23:13qui encore une fois est remarquable.
23:17Un ingénieur du nom de Témis Constantidinis,
23:19optimise les plans de la piscine tournesol
23:21pour la faire produire comme une automobile.
23:23Les parties métalliques sont commandées à l'usine Matra,
23:26les parties plastiques à Durafour.
23:29La fabrication doit prendre plusieurs mois,
23:31mais le sens de l'urgence est tel
23:33qu'une solution temporaire est trouvée
23:35pour lancer l'apprentissage de la natation
23:37même dans les zones encore dépourvues de piscines.
23:41L'idée était un petit peu d'apporter l'eau à la piscine
23:46L'idée était un petit peu d'apporter l'eau dans des villes.
23:50J'imagine qu'à un moment donné, on a réfléchi à se dire
23:52on va tester, on va voir si ça plaît, si ça fait venir du monde,
23:56si les gens sont curieux et veulent apprendre à nager.
23:59Et en effet, ça justifierait ce grand programme des 1000 piscines.
24:02Donc c'était des bassins, je crois qu'il y en avait une cinquantaine sur le territoire.
24:08On avait la remorque d'un camion, une grande remorque.
24:11Devant, on montait un bassin, on le couvrait,
24:14on avait une couverture avec des arceaux.
24:17Le camion servait, quand on montait les escaliers,
24:21à droite, il y avait les vestiaires garçons,
24:23à gauche, les vestiaires filles, au milieu, les toilettes.
24:26Et devant, on avait monté une plage et le bassin.
24:32Donc la piscine se démontait,
24:34tous les petits morceaux étaient rangés dans le camion et on repartait.
24:41Tu sais nager ? Non.
24:43Alors qu'est-ce que tu fais ? Je potage.
24:46Tu as déjà allé dans une piscine ? Non.
24:53Pour environ 1 million de francs,
24:55des communes aux moyens modestes s'équipent pour la première fois en piscine couverte.
25:01Elles ont le choix, sur catalogue, entre plusieurs modèles.
25:05La tournesol, dont l'ouverture suit la course du soleil,
25:09mais aussi la caneton, avec des portes battantes,
25:12et d'autres modèles, aux toits coulissants.
25:19Les maires qui ne voulaient pas prendre énormément de risques,
25:21notamment par rapport à leurs administrés,
25:23choisissaient la piscine caneton, qui est un bâtiment assez classique.
25:27Ceux qui avaient envie de prendre un peu plus de risques,
25:30choisissaient la piscine tournesol, qui a l'air d'un gros champignon.
25:34Monsieur Bertrand, vous êtes le maire de Jean-Méli.
25:37Voulez-vous nous dire si le jeu en vaut la chambre ?
25:42Si tous les efforts financiers évitaient qu'un seul enfant ne se noie,
25:45nous serions payés de nos efforts ou de la nos espérances.
25:50En 10 ans, de 1972 à 1982,
25:53la France passe de 200 à plus de 1000 piscines accessibles en hiver,
25:59parmi lesquelles environ 200 piscines tournesol,
26:01qui marqueront toute une génération.
26:03La première voit le jour à Nanji, en Seine-et-Marne, en 1972,
26:07suivie par Roissy-en-Brie, puis Bonneveine, à Marseille.
26:11Partout sur le territoire,
26:13les nageurs découvrent la même piscine, tout en plastique.
26:19Il y avait la structure qui était en kit,
26:21il y avait la couverture qui était en kit,
26:23il y avait les plots de natation, le chronomètre,
26:26la bande d'accueil, les parois des vestiaires.
26:29Tout était à monter soi-même.
26:34Quand on voit par exemple les dalles de Hublot,
26:36c'est des dizaines et des dizaines sur la coupole,
26:39c'est la même qui se répète sur l'ensemble de la coupole.
26:42Donc oui, en effet, il y a cette idée d'unifier,
26:45et puis après, éventuellement, on fait réduire le format,
26:47mais ils se répètent à la même taille tout autour de la piscine.
26:50Donc évidemment, ça, ça a été un des atouts du projet,
26:53de permettre d'avoir cette maîtrise,
26:56comme ça, des coûts de fabrication.
27:00Il y avait plus de 90% des éléments qui étaient préfabriqués.
27:03Donc sur ces 90% d'éléments-là, tout se ressemblait.
27:06C'était les mêmes cloisons, le même bassin, le même carrelage,
27:10la même structure, les mêmes tuiles, les mêmes hublots, etc.
27:14Il y avait des petites cabines en plastique
27:16où on pouvait aller se changer.
27:17Ce n'était pas des vestiaires collectifs,
27:19c'était des vestiaires individuels,
27:20donc ça fait déjà pas mal.
27:21C'était l'époque des écoles, des universités,
27:23des classes de maternelle dans des préfabriqués.
27:25Donc ce n'était pas très étonnant de voir une piscine en plastique
27:29qui avait l'air mobile, comme ça.
27:31C'était le cas un peu de pas mal de bâtiments, de quartiers.
27:54Tout était très ludique.
27:56Il y avait ce banc qui faisait le tour du bassin,
27:59donc une fois qu'on avait les fesses bien mouillées,
28:02on prenait de l'élan et on s'élançait sur le banc
28:05qui tournoyait comme ça autour de la piscine.
28:07Puis cette espèce de prolongement,
28:09où en fait, par exemple, ce banc qu'on avait autour du bassin,
28:11on l'avait aussi dans les vestiaires,
28:12pour se déshabiller, poser les vêtements.
28:14Donc il y avait une espèce de cohérence comme ça, amusante.
28:17Il y avait des hublots pour observer le bassin.
28:21Il faisait bon au bord des bassins, il faisait chaud.
28:24Il y a beaucoup de bouches qui souffrent de l'air chaud,
28:26donc on mettait soit nos serviettes, soit nos maillots trempés.
28:29Dix minutes après, c'était sec.
28:31On aimait bien, après l'entraînement, retrouver notre serviette chaude.
28:33Donc on se battait un petit peu pour trouver les bons points
28:36pour mettre notre serviette.
28:39D'un seul coup, vraiment un changement dans la société.
28:42On passait de l'anatomie à l'anatomie.
28:44C'est-à-dire qu'on avait une certaine expérience
28:47vraiment un changement dans la société.
28:49On passait de la natation d'été,
28:51puisque nous avions un bassin d'été découvert,
28:54qui servait en gros trois mois,
28:58à une piscine couverte,
29:00que l'on allait pouvoir utiliser toute l'année.
29:03La plupart du temps, les maîtres nageurs de l'été
29:06faisaient un autre travail, et moins d'hiver.
29:09Donc là, d'un seul coup, on avait une possibilité
29:12d'exercer son métier à l'année.
29:17Ces piscines tournesol, plein ciel, etc.,
29:20ont été utilisées à leur maximum.
29:23Tous les créneaux horaires disponibles ont été utilisés.
29:27Elles n'ont pas couvert tout le territoire français,
29:30mais là où elles ont été implantées,
29:32ce sont des dizaines de milliers d'enfants
29:34qui ont appris à nager.
29:40Toute l'année, les piscines tournesol ne désemplissent pas.
29:43Elles voient défiler des classes de tous les âges
29:46et de tous les horizons,
29:48pour des séances de 20 minutes dans l'eau,
29:50une fois par semaine,
29:52dans le cadre de ce qui s'appelle désormais l'EPS,
29:55l'éducation physique et sportive.
29:57On a donc là une France qui,
29:59notamment pour les plus jeunes,
30:01fait du sport,
30:03une forme d'outil éducatif absolument formidable,
30:06qui propulse cette génération,
30:08les 15-20 ans globalement,
30:10vers des niveaux de pratique
30:12qu'on ne connaissait pas
30:14et qui apporte davantage à une élite.
30:16Quand j'étais petit,
30:18je me rappelle avoir attendu
30:20dans les bancs bleus autour de nous,
30:22assez longtemps,
30:24et la spécificité de ces bancs,
30:26qui sont en béton et qui ont un petit creux,
30:28c'est que ces bancs retiennent l'eau,
30:30et donc on pataugeait toujours,
30:32dans nos maillots de bain,
30:34dans une petite flaque d'eau.
30:36Et ça, je ne sais pas pourquoi,
30:38ça reste un souvenir qui pourrait être désagréable,
30:40mais qui est quand même une sorte
30:43C'est vrai que c'était un peu la matière
30:45où je pouvais briller à la piscine.
30:47Lorsqu'il fallait traverser,
30:49faire les 25 mètres,
30:51ça ne me posait aucun souci,
30:53je pouvais les faire en apnée
30:55ou en surface.
30:57Et puis on attendait que cette séance termine
30:59pour pouvoir jouer,
31:01on avait un temps libre à la fin.
31:03C'est vraiment des souvenirs d'enfants,
31:05de jeux et de plaisir dans l'eau,
31:07tout simplement.
31:09Depuis 1968,
31:12on n'enseigne plus l'imitation de la grenouille.
31:16L'eau est un élément à apprivoiser,
31:18où tout le monde,
31:20même sans savoir nager,
31:22peut apprendre à flotter.
31:28Cette nouvelle dynamique
31:30qui articule équilibre, respiration, propulsion,
31:32ça donne lieu à des expériences
31:34avec des élèves,
31:36développées tout au long des années 70,
31:38et cela fonctionne.
31:41La maîtrise du milieu aquatique
31:43est désormais aussi aboutie
31:45que bien d'autres activités physiques
31:47ou non sportives.
31:51C'est la connaissance de l'eau,
31:53aimer l'eau et se débrouiller dans l'eau
31:55pour se déplacer,
31:57avec pas obligatoirement
31:59des mouvements qu'on connaît,
32:01plutôt petits chiens,
32:03peu importe,
32:05mais que l'enfant puisse échapper
32:07à la noyade.
32:11Dans des villes où jusque-là
32:13on ne faisait que du foot ou du vélo,
32:15la natation devient une activité
32:17comme une autre.
32:19Dans ces piscines,
32:21on n'apprend pas seulement
32:23à éviter la noyade,
32:25on nage aussi de plus en plus vite.
32:27Plus de 150 clubs de natation
32:29voient le jour entre 1972 et 1985.
32:34Cette piscine, pour moi,
32:36est très liée à cette période de vie
32:38où je commençais à prendre mon autonomie,
32:40où je pouvais retrouver une famille élargie
32:42au-delà de celle de mes parents.
32:44C'était une sensation
32:46d'appartenir à une équipe
32:48et de porter tous le même bonnet,
32:50le même maillot.
32:52C'est surtout ça qui m'a marquée.
32:57Ça m'a appris à avoir confiance en moi.
32:59Je ne m'assumais pas.
33:01Quand j'étais ado,
33:03j'étais très timide, introverti,
33:05très réservé.
33:07J'allais à l'entraînement tous les jours.
33:09Dans une tenue où on est en maillot de bain,
33:11quand on n'assume pas son corps,
33:13c'est assez paradoxal.
33:15Je me trouvais beaucoup plus à ma place
33:17avec mes copains d'entraînement
33:19et sur des stages et des compétitions
33:21qu'au sein du collège ou du lycée.
33:25On avait des super résultats
33:27au Championnat de France,
33:29au Championnat d'Europe.
33:31C'était un grand club,
33:33mais on s'entraînait dans une petite piscine.
33:35C'était un petit club.
33:39Même si on faisait partie d'un petit club,
33:41il y avait des nageurs de très haut niveau
33:43qui sont sortis aussi de petits clubs.
33:45On avait ça aussi dans la tête.
33:47Pourquoi pas nous ?
33:49Il faut quelques années
33:51pour que les nageurs des petits clubs
33:53rattrapent ceux des grands.
33:55J'ai longtemps nagé à Sifour,
33:57dans un bassin tournesol,
33:59une piscine tournesol.
34:01J'ai fait beaucoup mes gammes là-bas
34:03jusqu'à préparer les Jeux Olympiques
34:05de 1992 à Barcelone.
34:07Je les ai préparés dans une piscine comme ça.
34:11On n'avait pas le droit
34:13de rater une séance.
34:15Tous les jours, c'était vraiment du costaud
34:17et c'était un peu à la manière
34:19de Rocky Balboa.
34:21Ce que j'aimais en tout cas,
34:23c'était partir de chez moi en scooter
34:25le matin à 6h15,
34:27faire une demi-heure de route,
34:29tout seul sur la route,
34:31il faisait noir,
34:33garer mon scooter,
34:35arriver à la piscine.
34:37J'avais la piscine pour moi.
34:39Les femmes de ménage qui faisaient
34:41le ménage qui nettoyait,
34:43on se disait bonjour.
34:45Je m'installais, j'attendais mon entraîneur.
34:47C'était un peu un retour au calme pour moi
34:49et quand mon entraîneur arrivait,
34:51je me levais, on commençait l'entraînement.
34:53C'était une sensation de sérénité,
34:55de calme avant l'entraînement.
34:57J'aimais bien ces moments-là,
34:59être dans ce coin-là,
35:01tranquille et paisible
35:03et attendre mon entraîneur.
35:09Il y avait une particularité
35:11dans ce bassin,
35:13c'est que c'est la première fois
35:15qu'on voyait un bassin
35:17et on se cognait la tête
35:19quand on faisait les virages.
35:21C'est une technique particulière
35:23pour faire des virages.
35:25Il faut être concentré,
35:27être tout petit, la tête rentrée.
35:37Je garde en moi
35:39un peu comme une rage
35:41de me dire que j'ai appris
35:43à nager dans ce bassin
35:45et que c'était incroyable
35:47mais on y mettait
35:49beaucoup de cœur et de volonté
35:51et je mettais beaucoup de cœur
35:53et de volonté à m'entraîner
35:55tous les jours alors que je savais
35:57que dans le monde entier,
35:59mes concurrents nageaient
36:01dans des belles universités américaines
36:03ou dans des beaux bassins
36:05en Australie et moi,
36:07je nageais dans un bassin comme ça.
36:15En 1992,
36:17Franck Esposito remporte
36:19le bronze olympique
36:21après s'être entraîné uniquement
36:23en piscine tournesol.
36:25Un an plus tard, il décroche l'or
36:27au premier championnat du monde
36:29en petit bassin.
36:31Il inaugure une moisson de médaille internationale
36:33pour les nageuses et nageurs
36:35de la génération des mille piscines.
36:45En 1998,
36:47à Perth, en Australie,
36:49Roxana Maracinianu
36:51boucle le 200 m d'eau
36:53en 2 minutes, 11 secondes
36:55et 26 centièmes.
36:59Elle devient sans s'y attendre
37:01la première championne du monde
37:03de natation de l'histoire
37:05du sport français.
37:07Une jeune nageuse de 14 ans
37:09lui écrit pour lui dire son admiration.
37:11Elle s'entraîne à Amberieux
37:13en Bugey,
37:15dans une piscine tournesol elle aussi.
37:33L'or Manodou n'a que 17 ans
37:35en 2004 aux Jeux Olympiques d'Athènes
37:37et son village de Villelois-Molon
37:39suit ses performances sur grand écran.
37:41Avec ses 3 médailles olympiques
37:43dont une en or,
37:45l'or Manodou devient une star
37:47comme peu de sportives françaises avant elle.
37:51Alors que la kikimania ne s'était pas traduite
37:53par une fréquentation des piscines,
37:55encore trop peu nombreuse,
37:57les françaises et les français ont désormais
37:59les moyens d'imiter l'or Manodou
38:01juste à côté de chez eux.
38:03Je m'habite dans une région à 20 km de Marseille
38:05où l'Olympique de Marseille vient de remporter
38:07la coupe d'Europe de foot.
38:09Je suis allé faire du football
38:11et le fait qu'il y ait cette piscine
38:13vraiment très proche,
38:15ça a aussi facilité la démarche
38:17de nos parents avec mes soeurs
38:19de nous laisser libre cours
38:21à aller et venir sur des entraînements réguliers
38:23et à me faire une bande de potes
38:25à retrouver tous les soirs à l'entraînement.
38:29Le 14 août 2008,
38:31Alain Bernard prend place sur le plot de départ
38:33du 100m nage libre des Jeux Olympiques de Pékin.
38:39Sur les dernières parties de la course
38:41j'ai des flashs et je vois toute ma vie défiler
38:43et je revois parmi ces nombreux flashs
38:45du moment où je suis avec ma famille
38:47et les parents
38:49ou quelques semaines avant les Jeux Olympiques
38:51je suis en mode dépression au bout du bassin
38:53en me disant que je n'y arriverai jamais.
38:55C'est vraiment toute ma vie qui défile
38:57et je revois malgré ces nombreux flashs
38:59ces séquences où j'apprends à nager
39:01dans la piscine tournesol à Aubagne
39:03de là où est née cette passion
39:05où j'étais plus à l'aise
39:07à faire certains exercices par rapport à mes copains
39:09et d'autres j'étais beaucoup plus en difficulté
39:11ne serait-ce que de faire une culbute dans l'eau
39:13avec l'eau qui rentrait dans le nez
39:15ça ne me plaisait pas du tout
39:17et bien voilà, ça fait partie de mon histoire, de mon parcours
39:19et je sais que je suis intimement lié
39:21à la piscine tournesol.
39:24Alain Bernard décroche le plus beau des titres !
39:34C'est lui qui a gagné aux Olympiques de Pékin en 2008
39:39Il a fait quoi exactement ?
39:41Nager !
39:43Et vous savez où il a appris à nager ?
39:45Ici !
39:48Quand il gagne en 2008
39:50la piscine où Alain Bernard a appris à nager
39:52est toujours debout
39:54mais ce n'est malheureusement pas le cas partout.
39:58Sur les 1000 piscines qui étaient prévues
40:00il y en a entre 600 et 700
40:02qui ont été construites
40:04en fait évidemment à l'époque on ne le savait pas
40:06mais c'était la fin des Trente Glorieuses
40:08ensuite il y a eu les chocs pétroliers notamment en 73
40:10juste après les premiers prototypes de piscines tournesols
40:12et comme c'était des bâtiments
40:14qui étaient beaucoup faits en dérivés pétrochimiques
40:16ça a posé un problème
40:18vis-à-vis des coûts des matériaux etc.
40:20Très rapidement les piscines tournesols
40:22ont été un peu limitées
40:24dans leur espace
40:26c'est-à-dire que c'est un bâtiment qui est très compact
40:28c'est plutôt intéressant
40:30mais du coup on ne pouvait absolument pas les faire évoluer
40:32c'est compliqué d'imaginer un bassin supplémentaire
40:34dans une piscine tournesol
40:36c'était des bâtiments qui finalement étaient peu évolutifs
40:38et puis finalement
40:40il ne s'en est pas construit autant que prévu.
40:44La construction de la piscine de Caro
40:46dans les Alpes-Maritimes en 1982
40:48marque la fin du programme des 1000 piscines
40:50et depuis
40:52les tournesols se fannent une à une.
40:56La même scène se reproduit à Flers
40:58à Carvin
41:00à Blois
41:02ou encore à Manosque.
41:04On me téléphone en disant
41:06la piscine a brûlé
41:08il y a un feu à la piscine
41:10feu à la piscine donc je repars
41:12feu à la piscine pour moi ça devait être
41:14la chaufferie qui avait dû exploser
41:16ou quelque chose comme ça
41:18et j'arrive ici
41:20il y avait plein de morceaux de la coupole
41:22qui avaient fondu
41:24après le feu s'est entretenu
41:26avec tout ce qu'il a eu à proximité
41:30alors on était effondrés
41:32en pleurs
41:34c'était notre
41:36notre raison de vivre presque
41:38et le lundi l'après-midi
41:40on a donné rendez-vous à tous les parents du club
41:42on les a réunis
41:44je ne savais pas quoi leur dire vraiment
41:46je leur ai dit il va falloir trouver
41:48une autre façon de s'entraîner
41:52lorsqu'on regarde un peu les tuiles
41:54qui constituaient la coupole
41:56ouvrant de ces piscines on se rend compte
41:58qu'il y a comme une sorte de mousse à l'intérieur
42:00je ne suis pas une spécialiste
42:02de ces matériaux mais j'ai l'impression
42:04que les feux se déclaraient essentiellement
42:06dans l'interstice autour de ces mousses
42:08très synthétiques
42:10et puis l'autre problème c'est que
42:12il y a beaucoup de joints d'étanchéité
42:14qui ont tendance à s'abîmer avec le temps
42:16et ça pose évidemment des problèmes
42:18d'entretien
42:20Ouvrez la piscine !
42:22Ouvrez la piscine !
42:24Ouvrez la piscine !
42:26Ouvrez la piscine !
42:30Jusque dans les années 2010
42:32les piscines tournesols ne bénéficient
42:34d'aucun statut particulier
42:36quand elles deviennent trop abîmées
42:38elles s'avèrent plus faciles à détruire qu'à rénover
42:40mais elles restent présentes
42:42dans les souvenirs de ceux qui les ont fréquentées
42:46Quand j'étais enfant on appelait ça la piscine coccinelle
42:48elle était rouge
42:50d'où le nom de coccinelle
42:52j'ai dû nager dans ma piscine d'enfance
42:54jusqu'à la fin des années 90
42:56et après j'ai plus du tout pensé
43:02j'ai déménagé
43:04et je suis tombée née à née avec la piscine
43:06de mon enfance
43:08c'est là qu'ils avaient déménagé
43:101000 kilomètres plus loin
43:12c'était vraiment étonnant
43:14et c'est comme ça je pense que l'obsession
43:16la lubie est née
43:20j'ai commencé à faire la liste des piscines
43:22qui étaient les plus proches de chez moi
43:28il y en avait qui avaient déjà été détruites
43:30et la plus proche était à Bousanville
43:32quand je suis arrivée
43:34les bulldozers étaient là
43:36en train de la détruire
43:40et donc ça a ajouté une urgence à la quête
43:42et à partir de là j'ai commencé
43:44à avoir envie de voir toute l'épicine
43:46qui était encore debout
43:52il y a certaines structures
43:54qui sont vraiment très corrodées
43:56parfois perforées
43:58ensuite pour ce qui est de la couverture
44:00par contre là c'est clair c'est plus étanche
44:02les hublots sont cassants, la résine est cassante
44:04c'est l'étanchéité
44:08les piscines avaient une expérience de vie de 30 ans
44:10et puis finalement ça fait 50 ans qu'elles sont debout
44:12parce qu'il y en a eu beaucoup
44:14qui ont simplement été démolies
44:16parce qu'elles étaient vétustes
44:18quand on s'aperçoit finalement
44:20qu'il n'y en a plus que quelques unes
44:22il s'agit de prendre conscience
44:24qu'on a quand même une oeuvre vraiment spectaculaire
44:30tous les témoins de ce mouvement architectural
44:32que ce soit la bulle de Jean Manval
44:34que ce soit la Futuro House de Mathieu Chironen
44:36ou l'Hexacube de Georges Candilis
44:38ce sont des pièces qui ont été éditées
44:40qui ont été fabriquées parfois
44:42à l'aide de commandes publiques
44:44ou par des groupes industriels
44:46mais la piscine Tournesol est l'emblème
44:48vraiment l'apothéose
44:50la consécration pour l'architecte dans le sens
44:52où il y a eu une commande de 183 bâtiments publics
44:54donc on a passé le stade du prototype
44:56ou de la série limitée
44:58on est dans de la grande série
45:02c'est pas toujours possible
45:04de la garder en tant que piscine
45:06mais moi j'ai pas mal de conversations
45:08avec des responsables de bassins
45:10avec des maires qui cherchent des idées
45:12parce qu'ils voudraient la garder
45:14parce que maintenant ils ont pris conscience
45:16que ça avait un intérêt architectural
45:18il y a des gens le week-end qui viennent
45:20prendre des photos de la piscine Tournesol
45:22ce qui était un peu je pense impensable
45:24il y a 20 ans
45:26Les piscines Tournesol sont aujourd'hui
45:28considérées comme un patrimoine à part entière
45:30des innovations parfois spectaculaires
45:32permettent de garder l'ouverture sur l'extérieur
45:34tout en adoptant les normes d'aujourd'hui
45:36en termes d'isolation
45:38et d'économie d'énergie
45:40Elle a été reconstruite
45:44elle ne pouvait pas être refaite
45:46à l'identique
45:48donc voilà ils ont fait appel à quelqu'un
45:50qui a fait cette structure
45:54Les maquettes et les éléments architecturaux
45:56d'origine sont devenus des pièces de musée
45:58qui racontent un pan d'aventures collectives
46:02celui de l'apprentissage de la natation
46:04par tous les français
46:06L'opération 1000 piscines
46:08a permis de démocratiser
46:10la natation
46:12en ce sens ça a permis
46:14à des jeunes gens de découvrir une discipline sportive
46:16la natation qu'ils n'auraient peut-être
46:18pas découvert autrement
46:22Ce qui est intéressant
46:24c'est le temps long
46:26que l'on a laissé à ce programme
46:28Il va falloir entre le général de Gaulle
46:30et les premières médailles presque 40-50 ans
46:32et ça c'est vraiment des choses
46:34qu'on ne fait plus et c'est très dommage
46:36parce qu'on voit que les fruits sont récoltés
46:38lorsque le temps long est possible
46:40Il faut du temps parce qu'il faut
46:42installer les clubs, former des formateurs de qualité
46:44qui vont pouvoir entraîner correctement
46:46les enfants et les nageurs en général
46:48ensuite organiser des compétitions
46:50faire monter comme ça progressivement le niveau
46:52jusqu'à avoir les premiers résultats
46:54à échelle internationale
46:58Peu à peu
47:00à partir des années 90
47:02on va commencer à s'afficher
47:04sur les podiums olympiques
47:06des championnats du monde
47:08avec des nageurs comme Franck Esposito
47:10Alain Bernard puis les Manaudoux
47:12et la grande équipe de France
47:14que l'on a connue par la suite
47:16avec Jérémy Stravius
47:18tous ces grands nageurs issus des piscines Tournesol
47:20Les champions sont aujourd'hui en première ligne
47:22pour défendre à leur tour
47:24l'apprentissage de la natation
47:26par le plus grand nombre
47:28et peut-être éviter
47:30une nouvelle vague de drame
47:32En France, grâce au programme
47:34des 1000 piscines
47:36le nombre de noyades a fortement diminué
47:38mais il plafonne à 1000 par an
47:40et les noyades restent la première cause
47:42de mortalité par accident
47:44chez les moins de 25 ans
47:46Une noyade
47:48c'est silencieux
47:50ça fait pas de bruit
47:52c'est pas comme dans les films
47:54on entend quelqu'un crier
47:56avec les bras en l'air
47:58une noyade c'est un gamin
48:00qui peut se noyer dans 30 cm d'eau
48:02et qui fait pas de bruit
48:04et qui perd pied
48:06et qui boit la tasse une fois
48:08et qui boit la tasse deux fois
48:10et au bout de 30 secondes
48:12où il a bu de l'eau
48:14il faut être vigilant
48:16il faut se prémunir avec des protections physiques
48:18mais encore une fois
48:20le meilleur moyen de ne pas se noyer
48:22c'est d'apprendre à nager
48:24Combien ça coûte une vie d'un enfant de moins de 12 ans ?
48:28Est-ce que ça coûte 10 centimes par habitant ?
48:301 euro par habitant ?
48:3210 euros par habitant ?
48:34Est-ce qu'on n'a pas moyen de répercuter ça sur le contribuable
48:36qui nous toutes et tous
48:38profitons de ces équipements ?
48:4050 ans après le programme
48:42des 1000 piscines
48:44la natation en France est à nouveau
48:46à la croisée des chemins
48:48face à la hausse des prix de l'énergie
48:50et la vétusté des anciens bassins
48:52cette fois-ci il n'y a pas de réponse
48:54centralisée ou préfabriquée
48:56mais une multitude d'initiatives
48:58autour d'une nouvelle philosophie
49:00du rapport à l'eau
49:06Aujourd'hui l'initiative privée
49:08ou l'initiative publique privée
49:10a pris le relais avec
49:12des espaces différents dans lesquels
49:14le jeu, le festif
49:16les toboggans
49:18les saunas
49:20les vagues ont remplacé
49:22l'eau un peu aseptisée, plate
49:24des piscines des années 60 et 70
49:26c'est un nouveau modèle
49:30Sur un bassin de population
49:32je prends un exemple de 100 000 habitants
49:34avant on pouvait voir 3 petites piscines
49:36aujourd'hui on n'en voit qu'une seule
49:38qui est beaucoup plus grande
49:40avec l'offre qui a évolué
49:42parce que c'est une piscine qui accueille
49:44100% de la pyramide des âges
49:46du plus petit bébé nageur jusqu'au senior
49:48de l'apprentissage au loisir au bien-être
49:50il y a un panel d'activités qui sont proposées
49:52qui sont fondamentales
49:54et donc on est loin de cette petite piscine
49:56de 25 mètres de base dans laquelle on fait tout
50:00C'est très important parce que ce sport
50:02qui est la natation on peut l'emmener
50:04avec nous jusqu'à la fin de notre vie
50:06à part la marche et la natation
50:08il y a peu d'autres activités physiques
50:10qu'on peut pratiquer jusqu'à un âge avancé
50:14ça tient à cette sensation de légèreté
50:16d'apesanteur et de mobilité
50:18extrême qu'on peut avoir dans l'eau
50:20et qu'on ne peut pas avoir
50:22quand on est en gravité sur la terre
50:24ça nous fait revenir finalement
50:26à un âge de bébé
50:28quand on était dans le membre de sa mère
50:30et ça fait vraiment des révélations
50:32aussi bien pour des petits-enfants
50:34qu'on emmène dans cette apesanteur
50:36que pour des familles, que pour des femmes
50:38ou des hommes âgés
50:40on arrive à leur faire vivre
50:42la même expérience aquatique
50:44pour peu qu'on leur propose des exercices
50:46comme ça en immersion
50:48et qu'on leur fasse vivre
50:50la même expérience aquatique
50:52qu'on leur propose des exercices
50:54comme ça en immersion et en flottaison
50:56le fait de flotter c'est vraiment
50:58quelque chose de magique pour ces deux extrêmes
51:00j'allais dire d'âge
51:12La France compte aujourd'hui
51:14plus de 2000 piscines publiques couvertes
51:1610 fois plus qu'au tournant des années 70
51:18quand un oursin devenu soucoupe volante
51:20a conquis un pays
51:22et inspiré toute une population