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00:00« The Brutalist » Brady Corbett raconte l'avis d'un architecte juif rescapé des camps et immigré aux Etats-Unis avec sa femme
00:08qui va se lancer dans une construction ambitieuse grâce à un étrange mécène, Marie.
00:13Oui, c'est ça. Alors, je vais essayer de rester calme et vraiment de garder raison pour présenter ce film qui est un film événement très important.
00:21Vous parliez de monuments. Eh bien oui, c'est un film qui fait 3h35 avec un entracte de 15 minutes.
00:27C'est un film en pellicule et c'est un film en vista-vision qui est un format né au milieu des années 50,
00:33qui est un peu technique, mais c'est en gros le défilement du 35mm de manière latérale plutôt que verticale.
00:39Et, dit le chef opérateur, l'eau le crelait, c'est un peu comme de prendre des photos.
00:43Ça va être important parce que le film est spectaculaire et beau à l'écran.
00:49Alors, Laszlo Tos, architecte hongrois, débarque aux Etats-Unis en 1947 sans sa femme au début
00:55parce qu'elle est bloquée sur le vieux continent. Yvie Vaud, c'est un ancien élève de l'école Bauhaus.
01:00Faites rappeler que c'est un personnage fictif.
01:02Voilà. C'est un monument de fiction, par ailleurs, ce film, de fait, parce qu'il est 100% inventé.
01:07Et donc, il débarque aux Etats-Unis après le cauchemar européen goûté au rêve américain.
01:13Yvie Vaud, en Pennsylvanie, qui est une région en plein boom, est là, un millionnaire, vieille famille, etc.
01:22Lui passe commande d'un centre communautaire, il lui laisse un peu carte blanche.
01:26Et je vous ai choisi un extrait qui se passe en haut de la colline où va être bâti ce centre communautaire,
01:34dans la lumière déclinante.
01:37Et vous avez cette séquence intime d'un Guy Pearce extrêmement bienveillant qui le prend par les bras.
01:45Vous avez le corps tragique d'Adrienne Brody qui vient évidemment avec le pianiste de Polanski dans ses bagages.
01:50Et voilà, cette scène intime dans ce paysage grandiose.
01:55Et il va y avoir un contre-champ, et c'est pour ça que j'ai choisi cet extrait.
01:59C'est que ce n'est pas du tout une scène intime.
02:02C'est une démonstration de la bienveillance jouée de Van Buren,
02:12qui se met en scène devant sa cour, devant quasiment une secte de riches locaux,
02:19en bienfaiteur de l'exilé, du réfugié, qui tout à coup, regardez comme c'est beau,
02:25va rester seul au premier plan, tandis que les autres s'en vont comme ça,
02:29dans la lumière du soir avec leur champagne et leur smoking.
02:33Et la musique de Daniel Bloomberg qui vient, petite cloche, petits outils,
02:39une musique qui est vraiment fusionnée à la matière même du film.
02:43C'est quelque chose, c'est une cathédrale, quoi.
02:45Il a fallu vous sortir de la salle à la fin, Marie.
02:48Je l'ai vu deux fois, j'attends la troisième.
02:50C'est vrai que c'est un film qui est précédé par sa précédente.
02:52Voilà, on dit monument.
02:53C'est parce qu'ils l'ont vu, tout simplement.
02:55On dit chef-d'oeuvre, monument.
02:57De Venise, on a entendu des bruits dingues, moi je n'y étais pas,
03:00mais elle a pris de la mise en scène ultra méritée.
03:03Ça aurait pu être Le Lion d'or et tout ça.
03:05Et quand on voit le film, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ?
03:08Les Brutalistes et les autres films de cette semaine du mois.
03:11Pour moi, c'est une évidence.
03:13Je sens qu'à côté de vous, on n'est pas totalement d'accord avec ça.
03:16Parce que des films déjà qui savent filmer l'architecture, il n'y en a pas beaucoup.
03:21Parce que l'architecture, c'est un truc qui est immobile.
03:24Donc réussir à donner du relief et raconter la grande histoire à travers la petite histoire,
03:31c'est ça que réussit le film.
03:33Et ce n'est pas simplement un film sur l'architecture.
03:35Si on s'en fout de l'architecture, on y va quand même
03:37parce que c'est aussi une histoire de l'Amérique, c'est aussi une histoire de l'humanité.
03:40– Et du XXème siècle.
03:41– Et du XXème siècle.
03:42Et le côté monumental doit être là pour raconter ça, pour prendre la mesure de ça.
03:47Et ça passe vraiment comme un éclair.
03:50– Alors, Sabelle de Brutaliste, ça fait référence au brutalisme
03:53qui était le mouvement architectural en vogue au début des années 50
03:57quand il fallait reconstruire après la guerre.
03:59Est-ce que ça a un lien avec le brutalisme, le film ?
04:01Est-ce qu'il y a une partie sur l'architecture, un lien avec cette architecture ?
04:04– Oui, il y a une partie sur l'architecture.
04:06Moi, en le voyant pendant la première partie, je me suis dit
04:08c'est un film sur l'architecture parce qu'il y a beaucoup de temps
04:11qu'on passe à regarder, par exemple, la construction de cette bibliothèque
04:14avec des grands panneaux qui s'ouvrent.
04:16Et d'ailleurs, en fait, c'est filmé comme si on était dans un magazine de déco.
04:19Et c'est drôle parce qu'il y a cette scène qui se déroule dans une bibliothèque
04:21et après, c'est tellement bien filmé, tellement construit
04:23qu'on se dit, ah mais je suis dans un magazine de déco.
04:25– Et on veut cette bibliothèque.
04:27– Et en fait, ce n'est pas du tout la thématique
04:29parce qu'il y a 10 000 thématiques dans ce film
04:31et on ne sait pas de quoi ça parle à la fin.
04:33– Ça s'appelle un film monde.
04:35– Un film monde, ou alors moi, j'ai cru en le regardant que c'était un biopic.
04:37Parce que je me suis dit que ça avait un peu des défauts des biopics.
04:40Le personnage est raconté de manière tellement exhaustive.
04:42Donc, on connaît tous ces côtés.
04:44Mais notamment, il y a un aspect, on parle aussi de drogue dans ce personnage.
04:47Je me suis dit, forcément, c'est un biopic.
04:49Sinon, on n'aurait pas ajouté ça dans ce film, ça n'a pas sa place.
04:51Donc, c'est un film, oui, qui parle d'architecture
04:53mais de beaucoup d'autres choses, d'immigration.
04:55– Il y a beaucoup de couches, c'est un peu indigeste à un moment.
04:59– Il y en a beaucoup. Alors, moi, c'est peut-être ma réserve.
05:01Je suis désolée de péter mon temps.
05:03– Je vais vous mettre une vitre pour vous protéger
05:05parce que je sens qu'il y a des couteaux qui arrivent.
05:07– Le film m'impressionne énormément.
05:09Il m'impressionne par sa mise en scène et ce, dès la séquence d'ouverture
05:11où on est sur le bateau qui conduit, justement,
05:13le personnage de Laszlo jusqu'à New York.
05:15Et on voit d'ailleurs la statue de la liberté, la tête à l'envers,
05:18ce qui préfigure déjà du vertige du personnage de Laszlo.
05:23Évidemment, mon problème avec ce film monumentale,
05:25qui est effectivement monumentale,
05:27c'est que jamais il ne m'émeut.
05:29Or, il devrait me terrasser, me dévaster.
05:31– On l'est !
05:33– Ce que tu disais, Alix, il raconte quand même l'histoire d'un homme humilié,
05:35d'un homme, je veux dire, victime d'un antisémitisme
05:39qui s'est totalement mondialisé, d'un homme violé,
05:41vraiment dans sa chair, etc.
05:43Et ça devrait me terrasser.
05:45Et je crois que cette forme, cette massive, ce côté monumental
05:49m'a désengagée du récit et des thématiques qui le traversent.
05:52Frédéric, je vous sentais bouillir.
05:54Frédéric, il est temps d'entrer en scène, là.
05:56– Puisqu'on parle de monumental,
05:58moi, le film m'a fait penser à quelque chose,
06:00il m'a fait penser à un iceberg.
06:02Un iceberg, vous avez la forme, comme ça,
06:04qui s'impose, dont tu as parlé,
06:06qui est là, qui est immaculée.
06:08On a l'impression qu'on connaît peut-être un petit peu ce récit-là,
06:10ce récit de la pré-guerre, de ces immigrés qui arrivent.
06:13Et au fur et à mesure du film,
06:15on va découvrir la partie immergée de l'iceberg.
06:17Et à mesure qu'on découvre la partie immergée de l'iceberg,
06:19c'est-à-dire tous ces thèmes qui irriguent l'Amérique,
06:21c'est-à-dire énormément de thèmes,
06:23tu as raison, énormément de choses,
06:25on va rentrer dans les sous-couches du film.
06:27On va rentrer dans les sous-bassements de l'Amérique.
06:29On va véritablement rentrer dans les sous-bassements de l'Amérique.
06:31On va être perdu dans une sorte de labyrinthe,
06:33le labyrinthe formel, le labyrinthe…
06:35– Formel ? – Oui, mais totalement construit.
06:37– Théorique ? – Totalement construit, mais pas du tout.
06:39Et on va véritablement accompagner le personnage au fur et à mesure.
06:42Moi, écoutez, on va au cinéma quand même pour…
06:44– Soyons sérieux, deux minutes.
06:46– On va au cinéma pour voir ça.
06:48C'est ça qu'on a envie de voir. On a envie de voir ces films-là.
06:50On a envie de voir des films qui ont cette ambition-là,
06:52qui reprennent des moyens d'expression absolument extraordinaires,
06:55romanesques, des acteurs, des inventions formelles.
06:57Vous avez vu simplement la scène qu'a montré Marie.
06:59Je veux dire, c'est simple comme effet.
07:01C'est très simple.
07:02Et d'ailleurs, on peut être un peu piégé au début du film
07:04parce qu'au début, on a l'impression que c'est presque une petite forme
07:07pour une très grande forme déployée.
07:09Et au fur et à mesure, les deux vont fermer.
07:12– Mais on ne le connaissait pas.
07:13En France, on ne le connaît pas très bien.
07:14Brady Corbett, on ne s'attendait pas à ce film.
07:16– On l'a connu comme acteur, il a fait deux films
07:18et qui étaient passés un peu inaperçus.
07:20– Oui, alors son premier film, L'enfance d'un chef, en 2015,
07:23n'est carrément pas sorti en France.
07:25Et le suivant, Vox Lux, avec Nathalie Portman,
07:27est sorti en DVD en 2019.
07:29Et c'était des films très intéressants déjà,
07:31même si vraiment celui-ci est son grande oeuvre,
07:33c'est son accomplissement.
07:35Mais dans Vox Lux, il y avait déjà, c'est un cinéaste de la collision.
07:38Il parlait d'une espèce de profusion romanesque
07:40et de profusion thématique, et c'est ça.
07:42Il entrechoquait dans Vox Lux
07:44l'itinéraire d'une pop star,
07:46du terrorisme et de l'addiction
07:48pour produire quelque chose.
07:50Là, c'est la collision entre le romanesque
07:52et l'histoire avec un grand H,
07:54mais c'est effectivement à qui appartient une oeuvre.
07:56Tu peux suivre ce fil-là,
07:58à qui appartient une oeuvre, à celui qui la finance
08:00ou à celui qui la construit.
08:02Et tu peux partir sur le fil du couple.
08:04C'est pour ça que le film est inépuisable.
08:06Il y a un couple d'une immense modernité
08:08dans l'écriture du personnage féminin.
08:10Ils ont une relation intellectuelle et sensuelle
08:13d'une puissance.
08:15Le personnage qu'interprète Felicity Jones,
08:17il faut la citer, elle est merveilleuse dans le film.
08:19Il dit qu'elle voit tout.
08:21Elle est à l'autre bout du monde, elle voit tout.
08:23Je sais tout ce que t'as vécu pendant 10 ans.
08:25Mais ça, c'est les femmes.
08:27Un dernier mot, David.
08:29Que vous soyez noyés,
08:31il y a combien de grandes scènes
08:33dans ce film ?
08:35On attend d'une grande scène
08:37qu'elle te tape dans le cœur.
08:39Moi, je n'ai pas arrêté de penser à James Gray,
08:41par exemple.
08:43Ou à Paul Thomas.
08:45C'est l'équivalent
08:47de Dos Passos en littérature.
08:49Il y a presque plus
08:51un jeune Coppola.
08:53On voit à longueur d'année
08:55des films, c'est de la gnognotte.
08:57Et là, on te dit, on ira le voir.
08:59On ira le voir.
09:01Ça peut être ça, le cinéma.
09:03Énorme.
09:05Retourne le voir.
09:07J'aurais souhaité ça.

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