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À 8h20, nous recevons Sophie Binet, secrétaire générale de la Confédération générale du travail, alors que s'ouvre une discussion de trois mois, entre partenaires sociaux, sur la réforme des retraites. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-8h20/l-invite-de-8h20-du-we-du-samedi-22-fevrier-2025-7460760

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00:00A l'issue d'une semaine importante sur le plan social, nous recevons aujourd'hui Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT.
00:07Bonjour Sophie Binet.
00:08Bonjour.
00:09Beaucoup de sujets à aborder avec vous, l'emploi et les plans sociaux, le climat social, les derniers développements concernant le budget en France,
00:16mais surtout ce dossier titanesque qui va vous occuper pour les trois mois à venir, celui des retraites.
00:21La réforme de cette réforme de 2023 que vous avez tant combattue, le report progressif de l'âge de départ à 64 ans.
00:29On attend les questions, vos questions chers auditeurs au standard 0145 24 7000 et sur l'application Radio France.
00:36Les discussions sur les retraites, elles s'ouvrent jeudi avec les autres partenaires sociaux.
00:42Sophie Binet, quand est-ce que vous allez quitter la table ?
00:44Écoutez, la CGT est là pour gagner l'abrogation de la réforme et donc ce qu'il faut pour gagner cette abrogation,
00:51c'est que les salariés se mobilisent pour qu'on ait un rapport de force.
00:55Mais si c'est exclu ? Parce que je vous pose la question, parce que la Cour des comptes a publié son estimation jeudi sur le déficit attendu du système des retraites,
01:0215 milliards estimés en 2030 avec cette réforme de 2023.
01:08Si elle continue à être appliquée, ils n'ont pas examiné l'hypothèse d'un retour de la retraite à 62 ans que vous réclamez ?
01:14Oui, mais la Cour des comptes a dit qu'elle allait corriger sa copie.
01:17Et puis, par ailleurs, ce n'est pas la Cour des comptes qui est autour de la table, c'est nous.
01:21Et ce que nous savons, c'est que globalement, pour abroger la réforme, il faut trouver un peu plus de 10 milliards d'euros à horizon 2030.
01:27Donc c'est tout à fait finançable et la CGT a de très nombreuses propositions à faire valoir.
01:32Mais vous n'avez pas l'impression qu'elle est, du coup, d'emblée écartée cette hypothèse de retour à 62 ans ?
01:36Ah ben c'est sûr qu'elle est écartée et par le patronat et par le gouvernement qui n'en veut pas.
01:41Mais le gouvernement ne peut pas d'un côté dire « on ouvre des discussions et on remet tout sur la table »
01:45et de l'autre, comme vient de le faire le ministre de l'économie hier, dire « l'abrogation c'est non, ça coûte trop cher ».
01:50Sachant qu'en plus, moi je suis très choquée parce que le problème du gouvernement, c'est qu'il refuse de chercher l'argent là où il est.
01:57Jeudi, à l'Assemblée nationale, a été votée une loi qui permettrait de taxer 2% du patrimoine des 1800 Français les plus riches.
02:05C'est celle qu'on appelle la « taxe Zucman », c'est une espèce de taxe planchée pour les personnes les plus riches de notre pays.
02:10C'est ça. Et bien cette taxe, elle permettrait de faire rentrer 20 milliards d'euros chaque année dans les finances publiques.
02:16Deux fois de quoi abroger cette réforme des retraites.
02:19Donc de quoi nous parle le ministre de l'économie ? Pourquoi est-ce qu'il ne met pas en œuvre cette loi qui a été votée
02:24et que le gouvernement refuse d'appliquer, contre laquelle le gouvernement s'est élevé ?
02:29Mais si on dit d'emblée, que le gouvernement dit d'emblée « on ne va pas revenir sur l'âge de départ à 64 ans »,
02:37jusqu'à quand vous pouvez rester finalement ? C'est une ligne rouge pour vous ?
02:40Nous, l'exigence, c'est l'abrogation de cette réforme. Nous sommes dans ces discussions pour porter l'abrogation de cette réforme.
02:46Si c'est non, vous partez.
02:48C'est la stratégie du pied dans la porte. C'est une brèche qui est ouverte pour gagner l'abrogation de la réforme.
02:52Et je le dis tout simplement, c'est ce que demandent la majorité des Françaises et des Français.
02:57C'est une question démocratique. Il faut arrêter de tourner autour du pot.
03:01Et donc s'il faut un référendum pour le trancher, organisons-le sur cette question-là.
03:05Mais vous, vous avez répété, après ce rapport, vous le répétez encore à nouveau ce matin,
03:09que vous êtes vraiment sur cette ligne d'abrogation de la réforme de l'âge de départ à 64 ans.
03:14C'était le cas des autres syndicats. On n'entend plus des mots aussi clairs aujourd'hui,
03:19dans la bouche par exemple de votre conseilleur de la CFDT, Marie-Lise Léon.
03:23Le front syndical, il est encore uni sur ce sujet ?
03:26Le front syndical continue à se parler. D'ailleurs, hier, on avait une réunion intersyndicale.
03:30L'ensemble des organisations syndicales considèrent qu'il faut revenir sur les 64 ans.
03:34L'ensemble des organisations syndicales considèrent qu'il faut apporter des recettes nouvelles à notre système de retraite
03:40parce que cette réforme, elle était quand même supposée répondre aux besoins de financement de notre système de retraite.
03:45On nous avait assuré, à l'époque, que ça réglerait le problème et que pendant 30 ans, il n'y aurait plus besoin de faire une nouvelle réforme.
03:51Eh bien, aujourd'hui, ça fait à peine un an et demi que la réforme se met en place
03:55et on nous dit déjà qu'il faudrait aller plus loin et qu'il faudrait aller aux 65 ans.
03:58Parce que c'est ça le discours du gouvernement et du patronat. C'est une honte.
04:01Et donc, ça montre que le décalage de l'âge, c'est la pire des mesures.
04:05Non seulement c'est extrêmement violent et injuste socialement, mais en plus ça ne règle pas fondamentalement les problèmes de financement.
04:11Il faut, pour garantir l'avenir de notre système de retraite par répartition, il faut de nouvelles recettes.
04:18Justement, l'estimation c'est même un déficit dès cette année en fait, malgré l'application de la réforme.
04:25Est-ce que dire « il faut revenir aux 62 ans », ce qui va effectivement coûter de l'argent,
04:29c'est responsable dans un pays qui est aussi endetté que le nôtre, plus de 3000 milliards d'euros ?
04:35Oui, tout à fait. Parce que franchement, on n'a rien découvert dans le rapport de la Cour des comptes.
04:40Ça confirme ce qu'a toujours dit le Conseil d'orientation des retraites, que la situation des retraites est sous contrôle.
04:47En fait, la part de nos retraites va rester à peu près stable dans le PIB, autour de 14 points de PIB,
04:53alors que le nombre de retraités et que l'espérance de vie augmentent énormément.
04:56Et donc, qu'est-ce que ça signifie ?
04:58Le déficit de vie grandit ?
04:59Oui, marginalement. Parce qu'en fait, quand c'est exprimé en milliards…
05:0230 milliards en 2045 ?
05:03Oui, non mais d'accord, mais ça fait à peine un point de PIB en fait.
05:06Un point de la richesse produit chaque année par la France ?
05:09Exactement, par rapport à ces à peu près 300 milliards, le montant des pensions versées chaque année.
05:15Donc on voit que c'est marginal, et donc il faut y répondre.
05:18Nous avons des propositions, par exemple, si on soumettait à cotisation,
05:22si on soumettait à participation les revenus financiers des entreprises,
05:26ça permettrait de résoudre l'ensemble des problèmes de financement,
05:29et en plus de rétablir la retraite à 62 ans,
05:32sachant que la CGT souhaite aller plus loin et rétablir la retraite à 60 ans,
05:36puisqu'on sait bien que dans de très nombreux métiers, on ne peut pas travailler après 60 ans,
05:40même après 55 ans d'ailleurs.
05:41Mais Sophie Binet, vous savez ce qu'elles vont vous répondre les entreprises ?
05:43Elles vont vous dire « on a besoin d'être compétitive dans un environnement international
05:47où il y a de moins en moins de normes, où il va y avoir des distorsions de concurrence »
05:51et puis elles vont vous dire aussi « on contribue déjà cette année,
05:53il y a une surtaxe d'impôts sur le revenu des entreprises ».
05:56Elles vont forcément vous répondre ça ?
05:58Oui, mais nous ce que nous leur disons, c'est que l'État dépense chaque année
06:01200 milliards d'euros d'aides aux entreprises sans condition ni contrepartie.
06:05C'est colossal !
06:06En fait, ça dépend comment on compte.
06:08On peut même arriver jusqu'à 220 milliards.
06:10Il faut regarder, c'est les conventions de Bercy.
06:12Mais entre 170 et 220 milliards d'euros d'aides aux entreprises sans condition ni contrepartie,
06:17si on commençait à travailler là-dessus, on aurait des leviers pour transformer notre économie
06:21et pour trouver des marges de manœuvre de financement.
06:23Donc il faut relativiser les chiffres.
06:26Les 10 milliards pour la brogation de la réforme des retraites sont tout à fait possibles à trouver.
06:31La CGT fait des propositions très concrètes.
06:33Par exemple, si on faisait l'égalité salariale entre les femmes et les hommes,
06:36il n'y aurait plus de problème de financement de nos retraites.
06:39Nous serons dans la rue le 8 mars prochain.
06:41C'est très important.
06:42Pour la journée de la défense des droits des femmes.
06:43La journée internationale de lutte pour les droits des femmes.
06:45Il y aura des manifestations dans toute la France.
06:47Et pour nous, ce sera la première journée de mobilisation aussi sur la question des retraites
06:50pour exiger le retour à 62 ans.
06:52Parce qu'on sait que cette réforme des 64 ans a été très défavorable pour les femmes.
06:57Et que si on faisait l'égalité salariale, ça permettrait de revenir à 62 ans
07:01et de financer le retour aux 62 ans.
07:03Alors effectivement, si on regarde plus de salaires pour les femmes,
07:06plus de cotisations, plus d'argent qui rentre dans les caisses.
07:09Mais encore faut-il les convaincre les employeurs.
07:11Et puis, ils n'ont pas forcément l'argent disponible pour augmenter tous les salaires des femmes d'un coup.
07:16C'est une question de partage des richesses.
07:18C'est aussi une question de justice sociale.
07:20Moi, ce que je note, c'est qu'en 2024, les dividendes ont atteint un record.
07:23100 milliards d'euros en France distribués aux actionnaires du CAC 40.
07:27Donc, on voit bien que de l'argent, il y en a.
07:29Il faut savoir aller le chercher.
07:31Mais il faut savoir les garder aussi les investisseurs.
07:33Si on ne rémunère pas leur participation dans les entreprises,
07:35est-ce qu'ils ne vont pas aller chercher d'autres participations dans des entreprises qui ne seraient pas françaises ?
07:39C'est toujours le chantage à l'emploi.
07:41Et donc, ce qu'il faut, c'est protéger notre industrie et nos entreprises
07:45avec des mesures volontaristes au plan européen pour les protéger.
07:47C'est ça qui manque aujourd'hui.
07:49On entend vos propositions de financement.
07:51Aller chercher de l'argent du côté des entreprises, du côté des salaires des femmes.
07:55Il y a d'autres propositions qui sont mises sur la table par les partenaires sociaux.
07:59Par exemple, celle de la CPME qui propose de lier l'âge de départ à la progression de l'espérance de vie.
08:05Ça veut dire que l'âge de départ reculerait au fur et à mesure qu'on vit plus vieux.
08:08Qu'est-ce que vous en pensez ?
08:09Ce que nous avons dit à la CPME, c'est que l'âge de départ a déjà reculé beaucoup plus vite que l'espérance de vie.
08:15C'est-à-dire que nous avons déjà perdu du temps de retraite, nous les salariés.
08:19Parce que depuis quasiment 40 ans, on enchaîne les réformes des retraites régressives.
08:24Et donc là maintenant, il faut un retour de balancier.
08:27Ça n'est pas possible de nous voler encore deux ans de vie.
08:30L'autre petite musique, la proposition qu'on entend, c'est la contribution accrue qui serait demandée aux retraités.
08:37C'est ce qu'a dit par exemple le ministre de l'économie.
08:40On l'entend aussi côté patronat.
08:42Ça voudrait dire en gros que les pensions des retraités ne seraient plus indexées sur l'inflation.
08:47Elles ne progresseraient plus aussi vite que les prix.
08:49Donc il y aurait un impact sur le pouvoir d'achat.
08:52Mais Éric Lombard, le ministre de l'économie, dit que finalement les retraités ont un pouvoir d'achat supérieur aux autres.
08:59Et que donc, en gros, je résume, ils peuvent bien contribuer.
09:02Qu'est-ce que vous en pensez ?
09:03Écoutez, j'invite Éric Lombard à lire le rapport de la Cour des comptes.
09:06Puisque ce rapport confirme ce que dit le Conseil d'orientation des retraites.
09:10C'est-à-dire que le sujet pour les 10-20 prochaines années, c'est que le niveau de vie des retraités va s'effondrer par rapport à celui des actifs.
09:16À cause justement des réformes violentes des retraites qui se sont enchaînées.
09:20Donc il faut arrêter de laisser penser que les retraités sont défavorisés.
09:24Leur pension moyenne est autour de 1600 euros.
09:27Je ne parle pas des femmes retraitées qui touchent une retraite de 30% inférieure à celle des hommes.
09:33Et donc il faut prendre l'argent là où il est.
09:35Nous proposons la mise à contribution des dividendes et des revenus financiers des entreprises.
09:39Ça tombe bien, les dividendes flambent.
09:41Donc ça pourra rapporter beaucoup.
09:43Donc mettre à contribution les entreprises, pas les retraités, c'est ce que vous dites.
09:47Est-ce que les salariés, par exemple, pourraient payer plus de cotisations ?
09:51Est-ce que cette piste-là a vos faveurs ?
09:53Oui, pour nous c'est une piste qui ne doit pas être écartée.
09:55Nous sommes favorables à l'augmentation des cotisations, à l'élargissement de l'assiette des cotisations.
10:01Aussi pour permettre de faire cotiser l'intéressement et la participation, par exemple, qui aujourd'hui ne sont pas soumis à cotisation.
10:07Ça permettrait de faire rentrer des ressources.
10:09Et puis ça créerait aussi des droits supplémentaires pour les salariés.
10:12Parce que quand on cotise plus, on a plus de droits à retraite après.
10:16Donc c'est aussi intéressant.
10:18Mais ça veut dire une légère baisse de pouvoir d'achat dans l'immédiat pour les salariés, s'ils cotisent plus ?
10:22Eh bien non, pas forcément.
10:23Puisque les cotisations, c'est aussi des cotisations patronales.
10:26Et augmenter les cotisations, c'est augmenter les salaires.
10:29Côté patronat encore, il y a eu une question à laquelle vous avez déjà répondu un petit peu.
10:34Une dose de retraite par capitalisation.
10:37Vous vous y êtes opposé.
10:38Vous dites que ce serait jouer au poker.
10:40Est-ce que ça serait ça aussi ?
10:42Une ligne rouge, un motif pour quitter la discussion ?
10:44Ça c'est une ligne rouge, écarlate même.
10:46La discussion est ouverte pour renforcer notre système par répartition.
10:50Et pour répondre à la mobilisation de millions de salariés pendant deux ans pour exiger l'abrogation de cette réforme.
10:56Si dans cette discussion, le patronat vient en nous disant
10:59la réponse ça va être la mise en place de la capitalisation
11:02et le fait de confier l'argent de vos retraites à des fonds spéculatifs pour aller jouer en bourse.
11:07Mais ça c'est sûr que c'est une ligne rouge totale pour la CGT.
11:10Il ne faut pas se moquer du monde.
11:12Nous avons eu le temps depuis 40 ans de regarder ce qui s'est passé dans les autres pays du monde
11:16avec de nombreux fonds de pension qui ont fait faillite
11:19et des salariés et des retraités qui se sont retrouvés ruinés.
11:22Donc on ne va pas jouer en bourse avec l'argent de nos retraites.
11:25Pascaline est au Standard de France Inter.
11:27Bonjour Pascaline.
11:28Oui bonjour.
11:29Vous avez une question pour Sophie Binet.
11:31Oui juste pour lui dire que j'étais très contente de pouvoir l'avoir ce matin.
11:37Il y a des semaines et des mois que je souhaitais ça.
11:40Juste pour lui dire que j'étais une travailleuse
11:43qui faisait à peu près 50 heures par semaine pendant toute son activité professionnelle
11:48et qu'on a dit en 1982, je dis bien en 1982,
11:54Madame vous prendrez votre retraite à 65 ans.
11:59Question de Pascaline.
12:02Comment c'est possible ça Sophie Binet ?
12:04Il me faudrait plus de détails en fait.
12:06Oui c'est pas clair Pascaline.
12:07On ne comprend pas pourquoi on vous a dit de prendre votre retraite à 65 ans.
12:11Parce que j'étais travailleur indépendant.
12:13Ah voilà.
12:14D'accord.
12:15Oui tout à fait.
12:16En fait les travailleurs indépendants ont des retraites catastrophiques
12:20et donc le régime des travailleurs indépendants c'est un vrai problème.
12:24Les travailleurs indépendants sont représentés normalement par le patronat,
12:28par les artisans et la CPME notamment.
12:32Moi ce que je constate c'est qu'ils sont très mal défendus.
12:34Donc c'est une question qui ne sera pas au menu des discussions qui vont commencer jeudi ?
12:38A priori non, mais la CGT pense qu'il faut améliorer ce régime
12:42et donc avoir de meilleures cotisations qui permettent de créer plus de droits.
12:47Alors puisqu'on en est à parler gros sous, équilibre des comptes,
12:50il y a aussi le sujet du budget.
12:51On en parlait tout à l'heure, cette nouvelle taxe qui vient d'être adoptée en commission
12:55malgré l'opposition de Bercy, la taxe Zucman,
12:57qui permet donc un impôt planché sur le patrimoine des ultra-riches.
13:01Si c'est adopté dans l'hémicycle, ça viendrait s'ajouter à la surtaxe d'impôts sur les sociétés prévues cette année,
13:07on va vers plus de justice fiscale ?
13:09Oui tout à fait, mais ça serait une excellente chose
13:11et ça permettrait de financer nos services publics et notre modèle de protection sociale.
13:15Ça montre que de l'argent il y en a et qu'il faut le prendre là où il est.
13:18Encore une fois, cette taxe est très intéressante,
13:20puisque ces 2% du patrimoine des plus riches fonctionnant 2%,
13:24c'est pas grand-chose, ça concerne 1800 personnes
13:27et ça permettrait de faire rentrer 20 milliards d'euros dans les caisses chaque année.
13:31Pourquoi est-ce que Bercy refuse ?
13:33Mais Bercy dit que c'est une taxe confiscatoire.
13:36Et ben voilà en fait, ça c'est confiscatoire parce que ça s'attaque aux plus riches
13:39et par contre ce qui n'est pas confiscatoire,
13:41c'est d'aller baisser le niveau de vie des retraités par exemple ou des salariés.
13:44Il faut arrêter de se moquer du monde.
13:46D'ailleurs j'ajoute que la CGT et de nombreuses organisations syndicales
13:50appellent les retraités à se mobiliser le 20 mars prochain
13:53pour dire qu'il y en a assez de stigmatiser en permanence les retraités
13:57en faisant croire qu'ils sont défavorisés.
13:59Il faut aller prendre l'argent dans la poche des plus riches
14:02pour rétablir la justice fiscale en France.
14:04Mais on vit dans un monde ouvert Sophie Binet,
14:06qu'est-ce qui empêche Bernard Arnault ou un autre grand patron
14:09d'aller s'installer à l'étranger pour ne pas payer cette taxe ?
14:12Il y a toute une série de mesures qui peuvent être mises en place
14:14pour décourager l'exil fiscal.
14:16Et par ailleurs, ce que montrent les économistes,
14:19c'est que cette fuite des capitaux,
14:22elle reste relativement marginale en fait, malgré tout.
14:25Et puis enfin, moi j'appelle encore une fois
14:28les plus riches, les grands patrons, à un peu de patriotisme économique quand même.
14:32Ils ont une nationalité, ils ont un pays,
14:34ils doivent contribuer à l'intérêt général.
14:36Leur richesse, elle ne tombe pas du ciel,
14:38elle ne vient pas de leur intelligence qui serait surhumaine,
14:41elle vient de notre travail à nous.
14:43Elle vient de tout ce que fait la société
14:45et donc ils doivent contribuer au développement de la société
14:48et au bien-être de la société.
14:50Sophie Binet, un militant CGT a été agressé dimanche soir dernier
14:53par un commando d'extrême droite en marge d'un rassemblement.
14:56Il s'est trouvé face à une vingtaine d'hommes masqués,
14:59qui l'ont roué de coups, qui l'ont poignardé.
15:01Une manifestation aura lieu cet après-midi à 14h.
15:04Qu'est-ce que ça dit du climat actuel ?
15:07C'est très, très, très inquiétant.
15:09C'est très grave ce qui s'est passé à Paris dimanche.
15:11C'est une étape qui est franchie.
15:13Ça dit qu'aujourd'hui, l'extrême droite se sent pousser des ailes,
15:17qu'il y a une banalisation de la violence, du racisme, de la xénophobie.
15:21Et il faut que les pouvoirs publics aient un discours exemplaire et très fort.
15:26Et ce qui est très choquant dans cette situation,
15:28c'est le grand silence des autorités,
15:30qui sont pourtant le ministre de l'Intérieur
15:33et le premier à rebondir sur le moindre fait divers.
15:35Là-dessus, on n'a rien entendu sortir de sa bouche.
15:37Ça a été évoqué à l'Assemblée nationale.
15:39Il a répondu à une question à l'Assemblée nationale.
15:41Il a attendu déjà cinq jours pour en parler suite à une question.
15:44Sinon, il n'en aurait pas parlé.
15:45Et quand il en a parlé, il n'a pas condamné clairement cette violence d'extrême droite.
15:49Mais il a mis dos à dos l'extrême droite avec l'ultra-gauche, comme il dit.
15:53Comme si là, les militantes et militants qui se sont fait agresser
15:57avaient fait quoi que ce soit.
15:58Ce qui s'est passé, en fait, c'était une projection de films
16:02dans un local privé, un local associatif,
16:05qui a été perturbé par 30 néo-nazis cagoulés
16:08qui sont venus s'y attaquer.
16:10C'est quand même gravissime de faire comme si
16:13il n'y avait pas d'un côté des victimes et de l'autre des agresseurs d'extrême droite.
16:16Il n'y avait aucune provocation.
16:18C'était un événement militant qui était organisé dans une salle.
16:22– Quand vous dites que c'est une nouvelle étape, ça veut dire que
16:24les militants CGT ou les militants syndicaux en général
16:27sont cibles d'attaque, comme ça, de plus en plus souvent ?
16:31– Eh bien oui, là c'est un signal très grave qui est envoyé.
16:36Et malheureusement, nous avons des remontées sur le territoire
16:40de tensions qui commencent.
16:42C'est très inquiétant qu'aujourd'hui, l'extrême droite
16:45se sente autorisée, comme elle l'a fait dimanche soir,
16:47à circuler en plein Paris en criant, par exemple,
16:50« Paris est nazi ».
16:52Ça, c'est des choses qui avaient disparu en France.
16:55Les autorités doivent être très fermes pour dire que
16:58ces discours racistes xénophobes n'ont pas leur place dans notre pays.
17:03Ils doivent être condamnés de façon unanime
17:05par la classe politique et par les autorités,
17:07ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
17:09C'est très, très, très inquiétant.
17:11Et ça montre une nouvelle alliance à l'œuvre
17:13entre la droite et l'extrême droite,
17:15entre l'extrême droite et une partie du capital,
17:17et la grande banalisation qui est en cours
17:19à l'image de ce qui se passe aux Etats-Unis.
17:21– Je ne sais pas si on peut parler d'alliance,
17:22mais en tout cas, c'est votre analyse, Sophie Binet.
17:24Vous aviez alerté sur les plans sociaux au début de l'année,
17:27même en fin d'année dernière, vous estimiez,
17:29alors qu'il y en avait 300 qui étaient en cours,
17:32300.000 suppressions d'emplois possibles.
17:34Vous demandiez un moratoire sur les licenciements.
17:37Comment ça pourrait fonctionner juridiquement, ça ?
17:40– Eh bien, de façon très simple.
17:42Ce qu'il faut, c'est renforcer les obligations
17:44de recherche de repreneurs par les entreprises.
17:47– Ils sont déjà obligatoires, par la loi.
17:49– Oui, mais seulement pour les entreprises
17:51de plus de 1.000 salariés.
17:52Et en plus, c'est un affichage légal,
17:54mais avec très peu de prérogatives pour les syndicats,
17:56pour s'assurer qu'il y ait une recherche
17:58effective de repreneurs, en fait.
17:59Et en général, les entreprises font mine
18:01de chercher un repreneur, et puis,
18:03s'en sortent comme ça, en disant
18:04« circuler, il n'y a rien à voir ».
18:05Et donc, il faut interdire les licenciements
18:07tant qu'on n'a pas trouvé de repreneurs.
18:10Et si, à la fin, l'entreprise n'a pas trouvé
18:12un repreneur, faire en sorte que ça lui coûte
18:14très, très, très, très cher de fermer le site.
18:17Le problème, c'est qu'aujourd'hui,
18:18on a des centaines de milliers de licenciements
18:21qui sont en cours, et qui sont le fait d'entreprises
18:23qui vont bien, très souvent.
18:25Aujourd'hui, nous sommes très inquiets
18:27de la situation d'ArcelorMittal
18:29et de la sidérurgie française.
18:31C'est toute la sidérurgie française
18:33qui peut être rayée de la carte.
18:35Le problème, c'est pas...
18:37Il y a une demande d'acier qui va augmenter
18:39en 2025. Le problème, c'est que...
18:41Il est moins cher ailleurs.
18:43Oui, et donc, c'est une concurrence mondiale
18:46qui est en train d'être organisée,
18:48et ArcelorMittal veut ramener sa production
18:50aux Etats-Unis, en Inde et au Brésil,
18:52et rayer de la carte l'Europe.
18:54L'Europe doit réagir.
18:55Ce qui est intéressant, c'est de regarder ce que l'Italie a fait.
18:57L'Italie, l'année dernière,
18:59elle a mis sous tutelle une usine
19:01d'ArcelorMittal que Arcelor voulait
19:03fermer, dans laquelle il n'investissait plus.
19:05Et là, elle vient d'annoncer,
19:07au bout d'un an, qu'elle avait trouvé un nouveau
19:09repreneur, et que l'usine
19:11allait pouvoir reprendre
19:13sa voie normale. Il faut que la France
19:15fasse pareil, et arrête de laisser
19:17la bride sur le coup aux multinationales.
19:19Il faut prendre des mesures
19:21volontaristes pour protéger notre industrie.
19:23Ça passe aussi par une production
19:25à l'échelle européenne, parce qu'aujourd'hui,
19:27nous avons un dumping déloyal.
19:29Il faut limiter les importations
19:31d'acier en Europe, pour protéger
19:33l'acier européen, et imposer
19:35à toutes les entreprises européennes
19:37de recourir à de l'acier européen.
19:39On peut s'inspirer d'un gouvernement
19:41d'extrême droite, comme l'Italie ?
19:43En l'occurrence, ce n'est pas
19:45la marque de fabrique
19:47de Giorgia Meloni. C'est la marque
19:49de fabrique de l'Italie en matière industrielle.
19:51L'Italie a une stratégie
19:53industrielle, et c'est pour ça d'ailleurs que
19:55l'industrie en Italie est plus élevée qu'en
19:57France. Ce n'est pas pour rien, c'est parce qu'il y a
19:59un État qui utilise les leviers
20:01à sa disposition. Ce levier existait
20:03et n'a pas été créé par Giorgia Meloni.
20:05Vous parliez de l'Europe et de ce qu'elle peut faire
20:07ou ne pas faire. La Commission européenne
20:09s'apprête à présenter mercredi
20:11un vaste paquet législatif qui s'appelle
20:13Omnibus. C'est un drôle de nom,
20:15avec des modifications des allègements
20:17de textes, de normes sociales,
20:19environnementales, notamment le fameux
20:21Green Deal et le devoir de vigilance
20:23des entreprises. C'est celui qui oblige
20:25à maîtriser sa chaîne de production,
20:27à vérifier les conditions de travail
20:29chez ses sous-traitants. Vous pensez que
20:31c'est un retour en arrière, ce qu'on appelle le
20:33backlash ? C'est très très très grave
20:35ce qui est en train de se passer. On est à l'heure
20:37des choix pour l'Europe. Soit on
20:39court après les Etats-Unis et
20:41la grande politique de déréglementation
20:43d'Elon Musk et Donald Trump.
20:45Soit on affirme le modèle européen
20:47et on le protège. Avec
20:49cette directive Omnibus,
20:51l'Europe veut tirer tous les droits
20:53sociaux, environnementaux et fiscaux
20:55vers le bas. Elle veut permettre aux
20:57multinationales de faire ce qu'elles
20:59veulent en Europe et dans le monde entier.
21:01Cette directive sur le
21:03devoir de vigilance des multinationales,
21:05elle est très importante. Elle commence à peine à
21:07s'appliquer d'ailleurs, puisqu'elle a
21:09été votée en 2024. On la supprime
21:11avant même qu'elle s'applique. Elle permet
21:13de contrôler la responsabilité sociale
21:15et environnementale des multinationales
21:17dans le monde entier. C'est ça par exemple,
21:19qui permet à des ONG d'interpeller
21:21Total et de l'attaquer sur ce que Total
21:23fait en matière de pollution en Ouganda.
21:25C'est ça qui permet à des
21:27ONG et des syndicats d'interpeller
21:29Yves Rocher sur ce qu'il fait aux
21:31travailleuses en Turquie, avec une
21:33discrimination violente contre
21:35les travailleuses en Turquie. C'est ça
21:37qui permet d'empêcher le travail des
21:39enfants dans le monde et de garantir le
21:41travail décent. Cette directive sur
21:43le devoir de vigilance n'est pas née de nulle part. Elle est née
21:45de la mobilisation des ONG et des syndicats,
21:47suite au drame du Rana Plaza.
21:49Le Rana Plaza, c'était il y a 10 ans
21:51au Bangladesh. Un immeuble
21:53qui s'effondre avec 2000 ouvrières
21:55qui meurent. Ces ouvrières, c'était des
21:57sous-traitantes des marques de vêtements que
21:59nous portons toutes et tous.
22:01H&M, etc. C'est les
22:03vêtements que nous portons sur nous. Mais il n'y avait
22:05aucun responsable, parce que c'était des sous-traitants.
22:07Et donc la loi sur
22:09le devoir de vigilance, elle vient rétablir
22:11ça. Et donc, backlash, le mot est
22:13adapté ? Backlash, le mot est adapté.
22:15Et en plus, j'ajoute, en plus de la
22:17remise en cause du devoir de vigilance, ce que veut faire
22:19l'Europe, c'est créer un 28ème statut.
22:21Il y a 27 Etats membres en Europe. Ils veulent créer
22:23un 28ème statut, qui serait
22:25un statut de dumping social, fiscal
22:27et environnemental, et qui permettait
22:29au sein de l'Europe, aux entreprises, de choisir
22:31de s'affilier à cet Etat fictif,
22:33pour fuir les lois de leur pays.
22:35Et ce qui est très grave, c'est que le gouvernement
22:37français a non seulement validé
22:39la remise en cause de la directive de devoir
22:41de vigilance, mais aussi créé, validé
22:43la création de ce statut de dumping
22:45au sein de l'Europe.
22:47C'est très grave.

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