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Sophie Abriat, journaliste, publie un ouvrage passionnant sur le luxe "Danser sur le volcan" chez Grasset. Rencontre dans Iconic Business. 
"Vous pouvez désormais dîner Dior, voir un film Saint Laurent, dormir Armani ou lire Chanel", la mode et le luxe à la conquête de nos imaginaires. Dès lors qu'il s'agit de luxe ne jamais dire jamais !

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Transcription
00:00Iconic Business, le luxe by BFM Business, Audrey Maubert.
00:12Iconic Business, le luxe par BFM Business, un univers digital et une émission exclusive,
00:18intemporelle, mythique, responsable et déculpabilisée.
00:21Dès lors qu'il s'agit de luxe, qu'il s'agit de mode, ne jamais dire jamais,
00:26car les limites sont faites pour être repoussées, les sphères d'influence pour être pénétrées,
00:31l'espace public tout comme l'espace privé pour être investi et acheté,
00:35les icônes pour être érigées et célébrées.
00:38Sophie Abria est journaliste, elle est l'auteur de Danser sur le volcan
00:42et si on devait pitcher, on retiendrait cela.
00:45Vous pouvez désormais dîner Dior, voir un film Saint-Laurent, dormir Armani ou lire Chanel.
00:52C'est Iconic Business, bienvenue.
00:57Sophie Abria, vous êtes journaliste, auteur de cet ouvrage Danser sur le volcan,
01:03édité chez Grasset, la mode et le luxe à la conquête de nos imaginaires, bonjour.
01:08Bonjour.
01:09Si vous voulez suivre, comprendre l'interdépendance entre mode et luxe,
01:13c'est tellement plus encore, c'est absolument cet ouvrage qu'il faut lire, qu'il faut acheter.
01:17Sophie Abria, les maisons de luxe ont investi tous les espaces.
01:21Quand on parle de nous, par exemple de diversification, il s'agit de quoi ?
01:25D'influence et de soft power ?
01:27Absolument.
01:28C'est vrai que ces dix dernières années, les maisons de mode et de luxe ont investi des sphères
01:32qui sont a priori très étrangères à leur savoir-faire originel que sont la couture et les accessoires
01:37pour investir beaucoup de domaines culturels, le cinéma, la littérature, l'édition, la musique,
01:44mais aussi des sphères plus sociétales, plus géopolitiques et même des sphères plus émotionnelles,
01:52plus psychologiques, puisque ces acteurs aujourd'hui contribuent à façonner nos identités collectives
01:58et même peut-être nos imaginaires.
01:59Oui, tout à fait, parce que c'est là aussi où on retrouve tout ce discours de savoir-faire à la française,
02:03de Paris capitale du luxe, de la mode, et finalement même, on le voit dans votre ouvrage,
02:08de Paris devenue et fièrement arborée comme marque.
02:12Tout à fait. Paris est une marque. Paris attire les talents de la mode et du luxe du monde entier.
02:18C'est la fashion week la plus puissante qui se déroule à Paris, d'ailleurs plusieurs fois par an,
02:23on le demande beaucoup, c'est toujours la fashion week, c'est vrai que c'est 6 fois par an,
02:26on a l'impression d'être en fashion week un peu non-stop.
02:29Mais tout à fait, Paris, d'ailleurs aujourd'hui la mode est exposée au Louvre,
02:34donc c'est vrai que c'est un signal extrêmement important et extrêmement bénéfique pour ces maisons
02:39de voir leurs produits sacralisés dans l'enceinte du Louvre.
02:43Donc c'est vrai qu'aujourd'hui, Paris est une vraie marque et très utile pour le soft power de la mode et du luxe.
02:49Des maisons de luxe justement, ça va avec le soft power, des groupes qui ont engrossi,
02:52on cite LVMH, Kering, Richemont, il y a la puissance qui est financière, c'est la puissance, la visibilité, le rayonnement,
02:59et ces puissances, ces groupes, ils livrent maintenant des visions du monde presque clés en main,
03:04c'est tout un système de pensée.
03:06Si vous voulez, ces dernières années, ces maisons sont devenues à la fois des plateformes de divertissement,
03:13mais aussi des médias, donc elles ont émis des discours, des discours qui touchent beaucoup à nos identités,
03:18elles ont questionné les questions d'inclusivité, les questions de genre,
03:21elles ont aussi parlé d'environnement et même parfois de collapsologie ou d'apocalypse,
03:26mais en tout cas elles ont émis ces discours et elles sont devenues des médias
03:30parce qu'aujourd'hui elles sont soumises aussi à la guerre des algorithmes,
03:33elles doivent aussi capter notre attention et donc délivrer des produits culturels et aussi bien des discours.
03:39Donc c'est vrai que dans cette guerre algorithmique, dans cette économie de l'attention,
03:44elles doivent aussi assurer une grande visibilité.
03:47Des storytelling, parce qu'on parle beaucoup de storytelling pour les maisons Guth.
03:53Quand on est des maisons avec un ancrage patrimonial, il est très important de rappeler leur antériorité et leur histoire,
03:59ça permet de les ancrer dans quelque chose de profond et d'extrêmement symbolique.
04:03Oui, on a une espèce de triptyque en fait, très ficelé, passé, histoire, ça part un peu avec, mais archive et savoir-faire.
04:09Tout à fait, mais ce sont vraiment des acteurs qui ont une force de frappe en termes de narration,
04:16c'est pour ça qu'en définitive elles occupent aujourd'hui une place qui est peut-être laissée vacante par d'autres acteurs,
04:23d'autres acteurs plus institutionnels.
04:26En termes de récits, elles prennent certainement la place de récits plus traditionnels,
04:31qui ont été émis par les politiques, les syndicats et même des récits familiaux parfois.
04:35Et en cela, elles sont extrêmement présentes dans notre inconscient collectif,
04:39mais parce qu'il y a aussi une place qui a été laissée vacante par d'autres en définitive.
04:43Elles ont occupé cet espace.
04:45Elles ont occupé un espace, et aussi parce qu'un produit de lui, il contient une part transcendantale,
04:50il contient quelque part une part de sacré, quelque chose d'immatériel,
04:53qui est d'ailleurs extrêmement difficile à faire advenir.
04:56Et de par cette unicité, cette singularité,
05:00elles peuvent aussi occuper cet espace dans les récits et les narrations d'aujourd'hui.
05:04Une montée en puissance.
05:06Cet ouvrage, c'est aussi le cheminement de la mode.
05:09Oui.
05:10Un milieu sous-estimé, fantasmé, jusqu'à une surexposition de la mode.
05:15Vous parlez même d'un luxe qui s'est largement modisé.
05:18Alors, c'est vrai que si on remonte aux années 80, même aux années 70,
05:22le luxe pouvait apparaître à l'époque assez désuet.
05:25Et surtout, il était constitué de produits permanents.
05:28On renouvelait les collections tous les 2, 3, 5 ans.
05:31Et on achetait des produits de luxe pour des événements très symboliques de la vie.
05:35À partir du moment où ces maisons artisanales, familiales,
05:40ou ces institutions de haute couture ont commencé à être rachetées
05:44par des groupes qui se sont ensuite constitués,
05:46et que ces maisons ont commencé à calquer les rythmes de renouvellement de la mode,
05:51c'est-à-dire la mode qui est créatrice de désirs et d'obsolescence,
05:54ces maisons, en embauchant des designers artistiques tarifiés,
05:58ont commencé à produire beaucoup plus de collections,
06:01beaucoup plus de défilés.
06:03Et leur désir, aujourd'hui, leur désirabilité,
06:07elle passe aussi par ce pouvoir d'attraction et par ce renouvellement permanent.
06:12C'est en cela que le luxe est maudisé, finalement.
06:14Aujourd'hui, il est soumis à ce renouvellement incessant,
06:18parce que la mode, c'est quoi ?
06:19La mode, c'est l'éphémère, c'est le zeitgeist, c'est ce qui se produit là.
06:22La mode, elle apparaît, elle disparaît en même temps.
06:24Donc, en calquant, en prenant ces rythmes-là,
06:28c'est vrai qu'aujourd'hui, le luxe fusionne avec la mode.
06:31Une frénésie de la mode, on va y revenir dans un instant.
06:34Avant ça, je voudrais vous montrer cet exemple,
06:36une montée en puissance de la mode dans l'imaginaire collectif.
06:39Je vous propose cette illustration, un sac Chanel.
06:42Un anniversaire, pas n'importe lequel, c'est avec Sarah Durand.
06:46Le sac 255 de Chanel, fait de ses 70 ans.
06:49Voici cinq choses à savoir sur ce hitbag.
06:52Son nom, déjà, 255, fait référence à sa date de création.
06:57Coco Chanel l'a inventé en février 1955.
07:01Comment et pourquoi Gabrielle Chanel a eu l'idée de ce sac ?
07:04Eh bien, parce que, je cite,
07:06elle était fatiguée de tenir ses sacs à main et de les perdre.
07:10Alors, elle a décidé de les porter en bandoulière pour avoir les mains libres
07:13et elle s'est inspirée des besaces des militaires.
07:16Le hitbag a changé de look au cours des années.
07:18L'originel ressemblait à ça, avec un fermoire mademoiselle.
07:22Et puis, Karl Lagerfeld est arrivé à la direction artistique de la maison,
07:26c'était en 1983.
07:28Et c'est là qu'il a créé le 11-12, aussi appelé le classique.
07:32Et alors là, même design, avec des détails quand même qui diffèrent,
07:35notamment au niveau de la chaîne et puis surtout au niveau de la fermeture en double C.
07:40Mais malgré l'arrivée du 11-12, le 2-55 est toujours commercialisé chez Chanel.
07:45Et d'ailleurs, il a pris énormément de valeur en 20 ans.
07:47Il était vendu 1 500 euros en 2005.
07:50Il est aujourd'hui affiché à 9 700 euros.
07:53Et pour finir, sachez que ce sac a inspiré même les plus grandes maisons.
07:57Un design repris par Bottega Veneta, Yves Saint Laurent.
08:00Mais tant mieux, parce que Coco Chanel disait,
08:02pour moi, la copie, c'est le succès.
08:05Bon, il faut maîtriser ses copies quand même.
08:07Sophia Bria, Danser sur le volcan, on en parlait tout à l'heure.
08:10On suit la frénésie qui s'est emparée du luxe, de la mode,
08:13les accessoires comme nouvelles portes d'entrée,
08:16le calendrier avec ses défilés permanents, ses collections qui se renouvellent.
08:20L'offre a explosé, pas que pour le vêtement.
08:23Et la désirabilité est arrivée avec, le concept s'est installé avec.
08:28Absolument.
08:30C'est un terme d'ailleurs qui est beaucoup employé
08:32dans la communication corporelle des groupes.
08:34C'est-à-dire que c'est vraiment un but,
08:38c'est-à-dire de créer cette désirabilité, de créer des objets de désir.
08:41La question, c'est que le désir, il tend vers une action immédiate,
08:48c'est-à-dire l'achat du produit de luxe.
08:51Mais une fois que l'action est accomplie, le désir s'évanouit.
08:56C'est ça.
08:57Il y a la différence du rêve.
08:58Le rêve, c'est un idéal encore plus grand
09:01et on peut se donner toute une vie peut-être pour réaliser un rêve.
09:05Un désir, c'est très différent.
09:07Et ensuite, quand le désir s'évanouit, la satisfaction aussi du désir revient
09:14et donc on entre dans une boucle de consommation infinie.

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