Guillaume Perrault, journaliste et historien, revient sur son rapport à l'histoire de France.
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00:00Oui, absolument. Moi, je suis né en 1972, j'ai grandi à Paris dans le 11e, autour du métro Charonne.
00:05Et dans une petite école de quartier, rue Titon, j'ai eu des institutrices en fin de carrière
00:11qui restaient indifférentes, même plutôt hostiles aux polémiques qui déjà, à l'époque,
00:16affectaient l'enseignement de l'histoire.
00:18Elles restaient fidèles, disons, à la tradition du Malais et Isaac,
00:22qui était le manuel canonique d'histoire qu'elles avaient eu dans leur propre jeunesse.
00:28Alors, qu'est-ce que ça veut dire ?
00:29Ça veut dire que moi, quand j'étais en CM1, il y avait des frises chronologiques sur les murs.
00:34On se repérait dans 2000 ans d'histoire.
00:36C'était la succession des règnes, puis des régimes, avec les batailles et les traités
00:43qui étaient la toile de fond des leçons, parce que c'était de véritables leçons.
00:48Et en CM1, c'est un exemple qui vous touchera, cher Mathieu, puisqu'il concerne le Québec.
00:54Je me souviens très bien d'une leçon très marquante où il y avait une lithographie.
00:57On voyait un général sur son lit de mort.
00:59Et c'était l'illustration d'une défaite française devant Québec en 1759.
01:06C'est la France de Louis XV qui venait d'être vaincue par les Anglais.
01:09C'était la chute de la Nouvelle France.
01:10J'avais dix ans, j'avais dix ans.
01:12Combien d'élèves entrent en sixième aujourd'hui en connaissant,
01:18en sachant ce qu'est la guerre de Sept Ans, 1754-1755, 1763 ?
01:23Moi, je l'ai appris à dix ans.
01:24C'était au début des années 80.
01:26Ce n'est pas si vieux.
01:27C'est un petit peu vieux, mais quand même pas.
01:30Et ce que je veux dire, c'est que toutes ces modes de repentance,
01:34de simplification, d'anachronisme, de regard justicier sur le passé,
01:39elles, sans doute, étaient présentes dans l'espace public,
01:42mais elles n'affectaient pas du tout le fonctionnement quotidien de l'école encore.
01:48Et quand j'ai passé le bac en 90, ça n'était pas encore le cas.
01:53J'ai eu un enseignement secondaire de l'histoire tout à fait,
01:56tout à fait traditionnel et normal qui ne portait aucune trace des modes actuels.
02:02Un dernier détail auquel je tiens, on dit parfois que l'esclavage
02:07et d'autres pages sombres de notre passé auraient été occultées
02:10ou en tout cas édulcorées, minorées jusqu'à une période récente.
02:14Je peux affirmer ici solennellement que c'est faux.
02:18En CM1, j'ai eu une leçon sur l'esclavage et la traite transatlantique.
02:23Et c'était très impressionnant parce qu'il y avait une lithographie
02:26qui était un extrait du Candide de Voltaire,
02:29où on voyait un malheureux esclave qui disait à Candide,
02:34c'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe.
02:37J'avais 10 ans, ça m'a marqué.
02:39Et donc, je suis stupéfait de voir la simplification,
02:44plus qu'une simplification, le regard faux porté sur notre passé,
02:47qui voudrait, qui fait croire à une partie de la jeunesse
02:51qu'on aurait occulté des pages sombres du passé.
02:54Je peux affirmer que ce n'est pas vrai
02:56et qu'on l'enseignait dès l'école primaire de façon équilibrée.