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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h, 21h, Pascal Bellator Dupin.
00:05Bonsoir Béatrice Brougère, je suis très heureuse de vous accueillir sur ce plateau,
00:08vous êtes magistrate, c'est vrai je ne crois pas qu'on ait l'occasion, pourtant je sais
00:10si j'ai fait des plateaux télé sur les chaînes d'info notamment, mais je n'ai pas eu l'occasion
00:14de vous recevoir, je suis très heureuse que vous soyez là.
00:16Merci.
00:17Vous êtes secrétaire générale du syndicat Unité, magistrat FO et auteur de ce livre
00:21« Justice 2 points, la colère qui monte », plaidoyé pour une refondation aux éditions
00:27de l'Observatoire.
00:28Votre point de vue est très intéressant, parce qu'on s'interroge évidemment sur
00:32la justice des mineurs, ça fait des semaines, voire des mois qu'on parle de cette justice
00:37des mineurs, bien sûr l'affaire Elias a relancé ces questions.
00:42Elias, c'est horrible, je pense à ses parents, il aurait eu 15 ans aujourd'hui, vous vous
00:47rendez compte Béatrice Brougère, moi je suis maman, vous êtes maman, je pense aux
00:51mamans qui écoutent, aux pères bien sûr, comment les parents d'Elias peuvent-ils comprendre
00:56que ces deux mineurs, qui étaient évidemment, enfin je dis évidemment parce que ça a été
01:01précisé, connus des services de police, qui n'avaient pas le droit d'entrer en contact,
01:07étaient dans la nature, et il s'est passé le drame, le drame qui s'est passé, comment
01:14on explique ça à des parents, comment la justice française, qui a déjà eu affaire
01:17à ces gamins, répond peut-être aux parents qui s'interrogent ce soir ?
01:22En vrai il n'y a pas d'explication, j'allais dire, qui soit à la hauteur de ce que ces
01:26parents peuvent vivre, moi ce que j'en retire en premier évidemment, c'est qu'on ne peut
01:34pas se contenter de dire d'une part, et ce qui est vrai d'ailleurs, mais on ne peut pas
01:39s'en contenter, on n'a pas le droit de s'en contenter, la justice des mineurs souffre
01:44comme d'ailleurs d'autres parties de la justice, d'un manque de moyens, je pense qu'on ne peut
01:48pas entendre ça...
01:49C'est la première fois que j'entends ça, bravo Béatrice Brugère !
01:51Je n'ai pas dit que ce n'est pas vrai, je n'ai dit qu'on ne peut pas s'en contenter.
01:54Non mais ça je suis d'accord avec vous, je suis mille fois d'accord avec vous, peut-être
01:58je repartirais de l'argent différemment peut-être ?
02:00Alors d'abord, vous avez raison, les budgets sont des choix de société, ça c'est une
02:05réalité, donc il y a trop longtemps que la justice est en souffrance, et on la charge
02:11en permanence, et on ne fait pas que la charger parce qu'on est aussi dans une société qui
02:16est très difficile, qui subit aussi beaucoup de maux, et on demande finalement à la justice
02:22de réparer tous ces maux, c'est un peu la voiture ballée, vous savez, l'éducation
02:26ça ne va pas, les addictions, la psychiatrie, les familles, etc.
02:31Et donc la justice est là, et on mise...
02:34C'est un exutoire pour les français ?
02:36Non mais il y a une grosse attente dans la justice, et elle est normale, et moi je suis
02:41exigeante, et je crois qu'on a une responsabilité collective, bien sûr ici il n'y a pas question
02:46de citer quelqu'un particulièrement, et c'est une exigeance d'une société comme
02:53la France, de protéger ses enfants, de protéger ses mineurs...
02:57Et même de protéger ses mineurs contre des mineurs, c'est ça Béatrice Bouchbougère !
03:00Alors ça c'est la première chose, donc cet argument qui est vrai ne peut pas être audible,
03:05et il faut y répondre, et c'est une exigence.
03:09Le deuxième argument qui consisterait à dire que la loi a été appliquée, on a bien
03:17fait notre travail, c'est pareil, moi je suis toujours à la recherche de l'amélioration
03:23du système.
03:24Si on n'a pas été capable, si on n'arrive pas à protéger, alors bien sûr, on va vous
03:28dire qu'il y a un aléa, bien sûr, vous ne pouvez pas empêcher les crimes, mais vous
03:34pouvez améliorer le système.
03:36Donc je suis dans cette réflexion d'amélioration du système, et c'est pour ça, et on va en
03:42parler tout de suite, que je pense qu'on peut faire des choses.
03:45D'abord juste la proposition de loi de Gabriel Attal qui vise à durcir la justice pénale
03:50des mineurs.
03:51Elle a été votée hier.
03:53Moi j'aime pas ce mot que vous reprenez, durcir, mais vous avez raison de le reprendre parce
03:59que c'est comme ça qu'elle est présentée.
04:01Moi je préfère une loi qui vise à réparer, justement, peut-être une faiblesse de notre
04:09système qui la rend plus perfectible.
04:13La question c'est pas d'être sévère ou de ne pas être sévère, la question c'est
04:16d'être efficace, la question c'est de répondre à certaines menaces.
04:20Et dans la justice des mineurs, et heureusement c'est qu'une minorité, mais c'est une minorité
04:25agissante, on a une petite minorité de mineurs ultra violents.
04:30Ultra réitérons.
04:31Mais vraiment une petite minorité, parce que quand on voit l'actualité, Béatrice Brugère
04:34c'est terrible, mais on a le sentiment, j'ai bien dit le sentiment, c'est pas les chiffres
04:38comme vous, mais qu'il y a des rixes de mineurs partout, que ces mineurs ont des couteaux.
04:42On entend des histoires à Boisminor.
04:44Vous vous souvenez à Marseille, le mineur qui avait été recruté sur internet par
04:48une crapule en prison et qui avait tué un chauffeur VTC, pour voir ce que ça faisait
04:53de tuer 14 ans.
04:55En fait tout est relatif.
04:56Moi quand je dis que c'est une minorité, je rappelle, parce que c'est toujours intéressant
04:59quand même de voir les chiffres, on a 20 millions de mineurs en France.
05:02On a 20 millions de mineurs en France.
05:04On n'a pas 20 millions de mineurs qui portent des couteaux, qui tuent, qui font des rixes.
05:08On en a plusieurs milliers, peut-être plusieurs dizaines de milliers.
05:11Alors c'est trop, mais ce qui est intéressant, entre guillemets, c'est que un, ça augmente.
05:15Pour ceux qui disent que ça augmente, c'est pas vrai.
05:18Deux, ils sont de plus en plus jeunes.
05:19Trois, ils sont de plus en plus armés avec des armes blanches.
05:22Et quatre, et c'est ce que dit le professeur, le médecin pédopsychiatre Maurice Berger
05:28qui est très courageux et qui a écrit beaucoup de livres là-dessus, et c'est son domaine
05:32de spécialité, c'est pour ça que je m'appuie dessus, qu'on a aussi des mineurs qui n'ont
05:37plus d'empathie, qui tuent, qui passent à un jeu vidéo, qui reviennent, qui vont aller
05:41au McDo.
05:42Mais qui sont ces mineurs ?
05:44Et justement ces mineurs-là, ces mineurs dont on parle, c'est pour ça qu'il ne faut
05:47pas faire d'amalgame.
05:48Si on applique à ces mineurs un traitement, j'allais dire classique, normal, qui ne soit
05:55pas adapté, alors un, on rate son effet, deux, ils vont recommencer, et trois, ils
06:00vont s'ancrer dans la délinquance.
06:01Et là, on va avoir de plus en plus de violences.
06:04Donc il faut les stopper avec des outils, on va en parler, qu'ils soient ceux de la
06:11rapidité, ceux de la crédibilité.
06:13Alors quels outils ? Expliquez pour les auditeurs et auditrices d'Europe.
06:16Nous on avait fait des propositions parce qu'on s'est aperçu après, par exemple,
06:20ces émeutes de Naël, vous savez, en juin, qu'il y avait à peu près 30% de mineurs
06:25qui avaient participé avec beaucoup de violences à ces émeutes, casse, etc.
06:30Tout le monde s'en était ému, et on avait vu que ces mineurs, souvent d'ailleurs de
06:35famille monoparentale, de parents dépassés, tout ça on connaît, c'est un petit peu
06:38documenté maintenant, il fallait aussi peut-être s'intéresser à la réalité criminelle
06:44qui était en train de monter dans notre pays.
06:46Et donc on avait fait des propositions qui allaient à l'encontre de la loi qui venait
06:51d'être votée, et sur laquelle on avait déjà critiqué cette loi, parce que cette
06:56loi...
06:57Mais quelles propositions, Béatrice Beaugerne ?
06:58C'était de 1.
06:59Les juger plus vite.
07:00Oui, bien sûr.
07:01Pour ces mineurs-là.
07:02Plus vite, ça ne veut pas dire être dur et faire mal, c'est-à-dire juger mal.
07:06Moi j'ai entendu ce matin, on m'a posé la question, on m'a dit « oui mais juger en
07:09comparaison immédiate, c'est mal jugé ». Non, en fait on confond le temps de l'audiencement
07:17c'est-à-dire on va vous juger non pas dans 9 mois, mais peut-être dans 10 jours ou dans
07:1924 heures, mais ça ne veut pas dire qu'on va les juger en 5 minutes.
07:23Ça veut dire qu'on va répondre rapidement aux faits, premièrement.
07:27Et deuxièmement, il faut nous donner les moyens, nous les magistrats, et on nous les
07:31a enlevés, de pouvoir sécuriser les autres, et de pouvoir mettre ces mineurs, j'allais
07:38dire, même à l'abri d'eux-mêmes, en renforçant les possibilités de mettre en détention.
07:44Oui mais la détention pour des mineurs, il faut créer des centres spéciaux peut-être, non ?
07:48Trice Bougère, vous êtes magistrate, je vous rappelle.
07:51En fait, on a des problèmes de place dans les centres éducatifs fermés, mais en détention
07:55on n'a pas tellement de problèmes de place, parce qu'on met très peu de mineurs en détention.
07:59Mais ces mineurs qui sont extrêmement dangereux, dont on sait que les mesures de contrôle,
08:03de contrôle judiciaire, etc., ne sont pas suffisantes, à ce moment-là, il faut nous
08:08donner la possibilité de pouvoir les mettre en détention.
08:10Or, la dernière loi, notamment celle de Nicole Belloubet, interdit les courtes peines,
08:16et surtout complexifie à l'infini la possibilité de mettre en détention des mineurs de moins
08:23de 16 ans.
08:24Or, c'est cette tranche d'âge, aujourd'hui, qui commette des délits très graves, parfois
08:28de violence, d'agression aux autres, sur lesquels on a très peu moyen de contrôle.
08:33Alors Béatrice Bougère, vous voulez rester avec nous ?
08:35Oui.
08:36Bon, alors vous restez avec nous, on revient dans une toute petite minute pour le journal
08:40Permanent 19h26 sur Europe 1.

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