Xerfi Canal a reçu Alexandre Azoulay, Groupe de recherche en droit, économie et gestion (Gredeg), Université Côte d’Azur, CNRS, Sophia Antipolis, France, pour parler de l'hypothèse du miroir en management.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
Une interview menée par Jean-Philippe Denis.
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00:00Bonjour Alexandre Azoulay, vous êtes docteur de l'université Côte d'Azur,
00:14laboratoire Gredegg CNRS.
00:17« Breaking the mirror to face digital convergence, the role of selective mirroring in the trade-off
00:23between value creation and capture mechanisms. »
00:26Alors ça, on est typiquement dans le titre de papier académique.
00:30C'est en gros, il faut casser le miroir.
00:32Donc on va essayer de décrypter ensemble, passer de l'académique aux pratiques
00:35et aux enseignements pour la pratique et pour les professionnels.
00:39C'est quoi cette hypothèse du miroir ?
00:41Alors l'hypothèse du miroir prône un principe assez simple.
00:45Les organisations ont tendance à se structurer en symétrie des systèmes techniques qu'elles
00:50développent.
00:51Donc cette hypothèse peut s'entendre à la fois d'un point de vue interne,
00:54donc l'organisation de l'entreprise, d'un point de vue externe,
00:57les relations entre l'entreprise et ses partenaires, mais aussi plus largement,
01:00d'un point de vue industriel.
01:01Donc globalement, l'idée qu'il y a derrière cette hypothèse,
01:04c'est qu'une entreprise peut agir sur l'architecture de ses produits,
01:09leur structure interne, pour influencer, optimiser l'organisation de ses activités.
01:14D'accord.
01:14Pour bien comprendre la portée de cette hypothèse, il faut en revenir au principe
01:18de modularité qui caractérise globalement les caractéristiques d'un système qui peut
01:24être décomposé en différents éléments relativement interdépendants.
01:27Ce que souligne la littérature, c'est que la conception d'une architecture
01:32modulaire d'un système technique permet de développer une organisation modulaire,
01:38ce qui présente différents avantages, réduction des coûts de coordination,
01:42optimisation des processus d'innovation, et notamment permet de simplifier les relations
01:47avec les partenaires dans le cadre de stratégies de sous-traitance.
01:49Alors, question immédiate, vous prenez le secteur de l'automobile,
01:52pourquoi cette hypothèse est particulièrement importante dans le secteur de l'automobile ?
01:55Alors pourquoi ? Parce que depuis la fin des années 90, les constructeurs automobiles
02:00ont misé sur la modularité pour développer des stratégies de sous-traitance et organiser
02:06de vastes réseaux de fournisseurs en externalisant le développement de certaines parties de leur
02:11véhicule. C'est particulièrement vrai dans le domaine de l'électronique automobile.
02:16Les constructeurs ont développé des architectures électroniques modulaires
02:19pour pouvoir sous-traiter les développements des modules. L'objectif de ces stratégies était
02:24principalement de pouvoir se concentrer sur leur cœur de métier, la conception et l'assemblage
02:29mécanique des véhicules. Une contrepartie a été pour eux de ne pas développer en interne
02:36les compétences liées au développement électronique, mais aussi au développement
02:40des logiciels embarqués dans ces véhicules. D'accord. Quand on prend l'ensemble de ces
02:45éléments, finalement, qu'est-ce que vous identifiez dans votre travail comme levier ?
02:50Un élément important à noter dans le contexte actuel du secteur automobile,
02:56c'est la dynamique de convergence numérique. On note la multiplication des fonctionnalités
03:01numériques dans les véhicules, notamment les aides à la conduite, les systèmes d'infodivertissement,
03:05les services de mobilité. Ce qui vient bouleverser l'industrie et participe de l'entrée de nouveaux
03:12acteurs, typiquement les GAFAM. Cela pose un enjeu stratégique de première ordre pour les
03:16constructeurs qui est de reprendre le contrôle de leur logiciel. Il y a donc là véritablement un
03:20enjeu d'adaptation des constructeurs. Cet article se concentre sur l'analyse de la stratégie d'un
03:26constructeur qui brise progressivement le miroir, notamment dans l'organisation des activités de
03:33développement de ces modules électroniques. L'objectif est de développer de nouveaux modèles
03:37d'organisation des développements de ces modules qui lui permettent de réintégrer des compétences
03:43en ce qui concerne le développement de ces logiciels et de reprendre le contrôle de ces
03:48logiciels. L'article met en avant quatre modèles qui correspondent à quatre degrés de symétrie
03:52différents. Ces quatre modèles sont employés en fonction des intérêts stratégiques des modules.
03:57Ok, avant de rentrer dans ces modèles, est-ce que j'ai bon si je dis toute entreprise doit
04:03se poser la question de savoir s'il ne faut pas qu'elle brise son propre miroir ?
04:05Alors en effet, ce que montre cet article-là, c'est en accord d'ailleurs avec la littérature,
04:12qu'il y a une forme d'inertie lorsqu'il y a une situation de symétrie entre architecture et
04:17organisation. Donc toute entreprise peut se poser cette question-là, notamment quand on observe le
04:23fait que la convergence numérique touche un certain nombre de secteurs.
04:26D'accord, donc il faut parfois savoir s'auto-infliger de l'incertitude et donc briser son propre miroir.
04:33En effet, et cet article montre bien que la stratégie de symétrie sélective proposée par
04:40le constructeur constitue une véritable stratégie d'adaptation qui permet au constructeur de faire
04:45face aux enjeux de la convergence numérique.
04:46« Breaking the mirror to face digital convergence », donc briser le miroir pour faire face à la
04:52convergence digitale, c'est dans la revue Management, on va le répéter. Merci beaucoup,
04:58et donc à lire, disponible en Open Access, en accès libre. Merci à vous.
05:01Merci Jean-Philippe Denis.
05:10Merci à Jean-Philippe Denis et à l'équipe de l'Université d'Ottawa.