• il y a 18 heures
D’ingénieur à cultivateur, Michael Rogué s’est reconverti pour créer un espace accueillant pour la biodiversité. ESCUNA est une ancienne ferme autour de laquelle l’ancien ingénieur a planté une forêt, intégré des zones humides et des cultures diversifiées. Un lieu ouvert au public pour le sensibiliser à la préservation de la biodiversité.

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Transcription
00:00L'invité de ce Smart Impact c'est Michael Roguet, bonjour.
00:09Bonjour.
00:10Bienvenue, vous êtes le co-fondateur d'Escuna, alors il y a plusieurs histoires à raconter
00:15mais on va déjà poser le décor, c'est quoi une ferme familiale qui est dans le Nord,
00:20Erkinghemlis pour être précis, comment vous l'avez transformée, qu'est-ce que c'est
00:24devenu ?
00:25Oui alors effectivement c'est une ferme familiale qu'on a acheté, c'est vraiment un projet
00:29de famille dans le prolongement de son engagement avec ma femme sur les enjeux environnementaux
00:33et on l'a rachetée, c'est une ferme qu'on a achetée il y a deux ans qui n'était plus
00:36en activité depuis une trentaine d'années et on a décidé d'en faire un grand lieu
00:41de refuge pour la biodiversité en plus de notre domicile et aussi d'en faire un lieu
00:45d'accueil pour le public.
00:47Alors ça ressemble à quoi ? Présentez-nous Escuna aujourd'hui.
00:50Alors c'est une grande ferme en U dans laquelle on habite dans une partie, il y a une partie
00:55d'indépendance où on a fait un lieu d'accueil qui est hybride entre salle de séminaire,
01:00formation, gîte etc. et il y a trois hectares de terre tout autour qu'on a aménagé de
01:05différentes manières, une partie plutôt vergée et une petite partie potagée, une
01:12grande partie qu'on a commencé à reboiser pour faire une forêt sur un hectare, une
01:16petite forêt et puis une partie plutôt paysagée à visée d'agréments avec une mare et plein
01:21d'essence florale et beaucoup de présence de sauvages pour laisser place à la spontanéité,
01:27à la biodiversité sauvage.
01:29Oui évidemment, il ne faut pas que tout soit au cordeau et travaillé par l'homme.
01:32C'est quoi votre histoire professionnelle ? Comment vous en êtes arrivé à faire ce choix ?
01:36Alors moi je suis ingénieur de formation en informatique électronique, j'ai bossé
01:39pendant 15 ans dans cette industrie jusqu'à temps de quelque part me réveiller et me
01:43dire que j'avais envie de faire autre chose et moi je suis un grand amoureux de la nature
01:48et de l'environnement.
01:49Je suis d'abord parti sur les enjeux de transition écologique en entreprise où j'ai rejoint
01:52un boulanger pour monter tous les enjeux de transition écologique et accélérer les
01:58enjeux économiques circulaires avant de vraiment vouloir repartir sur les enjeux nature et
02:03construire ce projet-là.
02:06On va revenir au projet Esquina mais vous avez créé une autre entreprise d'impact
02:10qui s'appelle Chapter 2, c'est quoi l'idée, c'est quoi l'ambition ?
02:13Oui Chapter 2, moi je l'ai créé parce qu'effectivement en partant de boulanger, je voulais prendre
02:17du temps pour construire ce projet Esquina et aussi je voulais garder un lien avec les
02:22entreprises.
02:23Moi je suis convaincu que les entreprises sont un levier formidable pour accompagner
02:26les nouveaux modes de consommation.
02:27Ici aussi, on est convaincu, c'est pour ça que c'est existant.
02:29Et voilà, et ça m'a permis de garder un pas dans l'entreprise, à savoir que Chapter
02:332 que j'ai monté avec deux associés, on accompagne les dirigeants sur comment reposer
02:39leur modèle d'entreprise pour intégrer pleinement les enjeux sociétaux environnementaux
02:43en reposant l'ensemble du business model, aussi de la gouvernance, les compétences
02:47pour vraiment construire l'évolution de leur entreprise pour intégrer pleinement
02:51ces enjeux.
02:52Parce que, je reste là-dessus, ça veut dire que si on veut intégrer ces enjeux de transformation,
02:57il faut penser global, c'est-à-dire dans toute la sphère de l'entreprise, ce n'est
03:02pas seulement un levier d'un côté ou de l'autre.
03:05Nous, on appelle ça la transformation systémique, effectivement.
03:08Une entreprise, ce n'est pas qu'un business model, c'est plein de choses qui constituent.
03:13C'est des individus, c'est une dynamique individuelle et collective, c'est une culture
03:17de la performance de l'entreprise, c'est un triptyque compétence-outil-process.
03:20Et pour nous, effectivement, pour qu'une transformation réussisse vraiment pleinement
03:24et soit intégrée pour de vrai dans l'entreprise, il faut réussir à avoir l'entreprise dans
03:29sa globalité.
03:30Oui, mais il y a peut-être des leviers plus efficaces que d'autres.
03:32La politique des achats, par exemple, on dit souvent que c'est un levier de transformation
03:36très important, peut-être l'un des plus « simples » à activer.
03:42Effectivement, notamment dans le cadre de la grande distribution, le levier des achats
03:46c'est le levier principal.
03:48Moi, chez Boulanger, par exemple, quand j'y étais, 95% de l'empreinte environnementale
03:53de l'entreprise est liée aux produits qui sont vendus.
03:55Donc, effectivement, le gros impact va sur la partie achat des produits.
04:00Alors, on revient à ce projet Escuna, ça veut dire quoi ?
04:03Escuna, ça veut dire, c'est la contraction de espace, culture, nature.
04:07Comment on relie la culture et la nature ?
04:09Comment vous l'avez pensé, réalisé, vous nous l'avez décrit tout à l'heure,
04:13mais on ne s'improvise pas, spécialiste de l'environnement, de la biodiversité,
04:20comment vous avez choisi les espèces, les arbres, tout ce que vous avez mis en place
04:27et planté ?
04:28Déjà, moi, j'ai passé un an de formation en permaculture et ensuite, je me suis fait
04:33accompagner, notamment par différentes associations locales, notamment une qui s'appelle
04:37les Jardins du Cygne, qui œuvre pour la reforestation dans les Hauts-de-France et qui, effectivement,
04:42m'a conseillé, pour avoir une forêt qui soit vraiment la plus accueillante pour la
04:47biodiversité, de diversifier le plus possible avec le maximum d'essences locales endémiques.
04:54On a pris plein d'essences différentes qui vont être à la fois des grands arbres,
04:58mais à la fois aussi des arbustes et qui vont amener différentes choses.
05:02Ça peut être de l'habitat pour des oiseaux, ça peut être des baies, ça peut être des
05:06graines.
05:07On a aussi beaucoup d'essences florales, mélifères, nectarifères.
05:10Le but, c'est de diversifier le maximum pour accueillir le maximum de biodiversité.
05:16D'ailleurs, vous n'avez pas planté tout seul, c'est ça ? C'était au mois de janvier,
05:19vous en avez fait un événement un peu participatif ?
05:22Oui, dans cette fameuse forêt, il y a 5000 arbres dedans maintenant.
05:25C'est la deuxième année qu'on l'a réalisé en chantier participatif.
05:28Et là, effectivement, trois jours début janvier, on a invité toutes les personnes
05:34qui voulaient participer à ce chantier.
05:36On a planté 3000 arbres sur trois jours.
05:37Et effectivement, on ne l'a pas fait tout seul.
05:40Il y avait une vingtaine, trentaine de personnes par jour et on a planté tous ensemble.
05:45D'ailleurs, c'est un jour où il a neigé, donc ça avait un côté un peu bucolique d'ailleurs.
05:50Et d'ailleurs, toutes les personnes qui sont venues ont passé un excellent moment,
05:54à la fois faire un geste pour l'environnement et à la fois, c'était vraiment un moment extraordinaire.
05:58Vous avez démarré le projet il y a combien de temps ?
06:00On l'a démarré il y a deux ans.
06:02Est-ce que vous commencez à voir les effets sur la biodiversité ou est-ce que c'est trop tôt ?
06:05Oui, on le voit déjà.
06:07Déjà, rien que l'été dernier par rapport à l'été d'avant,
06:10on a vu effectivement beaucoup de papillons revenir, de coccinelles.
06:14On a installé une petite mare, ça a fait venir des populations qui ont besoin d'un écosystème aquatique,
06:20notamment des libellules, etc., des abeilles, etc.
06:24Donc oui, on commence vraiment à le voir, à le sentir.
06:28Globalement, quand on crée un écosystème qui est favorable pour la biodiversité,
06:34elle revient toute seule et c'est assez vite et quelque part, c'est un côté assez magique.
06:39Mais alors, vous êtes entouré de champs, d'agriculture, quel type d'agriculture ?
06:45Enfin voilà, vous imaginez les questions.
06:47Il faudrait voir la photo du ciel, mais effectivement, tout autour, c'est beaucoup de champs,
06:52plutôt en monoculture, plutôt en agriculture conventionnelle.
06:56Donc, on n'a pas un terrain tout autour qui favorise la biodiversité.
07:00Donc quelque part, c'est aussi pour ça qu'on est tombé sur cette ferme et on est tombé amoureux.
07:04On s'est dit mais ça va être l'occasion de créer ce refuge autour d'endroits qui ne sont pas propices à ça.
07:10Comment ils vous regardent, vos voisins agriculteurs ?
07:13Parce que les agriculteurs, c'est un vrai paradoxe.
07:14Ils sont à la fois en première ligne face aux changements climatiques et ils le subissent.
07:20Ils subissent aussi les effets sanitaires de certains produits qu'ils utilisent.
07:24Et puis en même temps, ils disent il y a trop de normes, c'est trop compliqué.
07:27On empile les contraintes, notamment environnementales.
07:30Comment ils voient votre projet ?
07:32Globalement, j'ai plus d'encouragement que de gens qui me huent.
07:37Et en même temps, effectivement, comme vous le dites, avec toutes les difficultés qu'ils ont,
07:41c'est compliqué à leur échelle de faire avancer les choses.
07:45Cependant, on commence à impulser des changements, notamment la recréation de haies dans certains champs, etc.
07:55Oui, ça bouge évidemment aussi du côté des agriculteurs.
07:59Ce n'est pas un modèle philanthropique ?
08:01Est-ce que l'objectif, c'est de gagner de l'argent aussi ?
08:05Le premier lieu, c'était vraiment une vue personnelle de comment est-ce qu'on recrée un refuge sur la biodiversité
08:14et comment on crée de la pédagogie autour de ça.
08:17C'est aussi un lieu de séminaire ?
08:19C'est un lieu de séminaire.
08:21C'est un complément de revenu.
08:22Ma grosse activité, c'est Chapter 2 et ça peut être un complément de revenu,
08:26même si vraiment le premier objectif, c'est surtout le refuge.
08:29Imaginons qu'une entreprise nous écoute et nous demande de faire un séminaire.
08:35Au-delà de parler boulot, qu'est-ce qu'ils vont trouver comme activité à faire chez vous ?
08:40On propose différentes activités, soit de reconnexion à la nature.
08:44On propose des circuits de balade dans Escuna, la découverte de toute la faune et la flore qui existent.
08:50Un peu de pédagogie pour remettre un peu le rôle des insectes, des plantes sauvages dans toute notre vie,
08:56dans tout notre écosystème.
08:58On propose des randonnées tout autour.
08:59On peut proposer aussi d'aller servir dans le potager, de cuisiner dans la cuisine qui est dans la salle de séminaire.
09:06Et aussi, on propose des activités plutôt pour se mettre en action et améliorer ses compétences
09:12et repartir avec un petit bout d'Escuna chez soi, avec des initiations sur la permaculture, sur le compost,
09:18sur, encore une fois, apprendre comment fonctionnent les interactions entre les insectes,
09:23les mauvaises herbes qu'on appelle qui sont plutôt utiles d'un point de vue sauvage et biodiversité.
09:29C'est un peu tout ça qu'on peut proposer.
09:31Il y a une question beaucoup plus générale sur ces enjeux de restauration de la biodiversité ou de la reforestation,
09:39parce que c'est aussi ça le projet Escuna.
09:41Les Hauts-de-France, la région où vous êtes basé, est-elle plutôt bien lotie, mal lotie en la matière ?
09:49Par rapport au reste de la France, on est plutôt mal lotie.
09:53La France, globalement, le territoire est couvert à 33% de forêt.
09:56Les Hauts-de-France, on est à 15%.
09:58Donc, on est l'une des régions les moins boisées de France.
10:00Et ce n'est pas le cas au Moyen-Âge, on était une région très boisée.
10:08Mais avec tout ce qui s'est passé sur l'urbanisation, l'agriculture,
10:12aussi les deux guerres mondiales ont fait que ça a décimé une très grande partie des forêts.
10:17Et ça se voit sur la population d'insectes qui a fortement baissé, il y a des chiffres là-dessus ?
10:24Oui, pareil, on dit qu'on a à peu près en 30 ans une baisse de 80% des populations d'insectes.
10:30Donc, c'est énorme et c'est palpable. Effectivement, on le voit et on le sent.
10:35Merci beaucoup Mickaël Roguet, bon vent à Escuna, bon retour dans le Nord.
10:40On passe à notre débat, le rôle majeur de la communication et des imaginaires pour accélérer la transition.

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