Aujourd'hui, dans « Les 4 V », Télématin revient sur les questions qui font l’actualité avec Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l'étranger.
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00:00Et bonjour Laurence Amartin, bienvenue dans les 4EV.
00:06On va d'abord parler de droite douane parce qu'après le Mexique, le Canada, la Chine,
00:09Donald Trump s'en prend également à l'Europe maintenant avec des droits de douane supplémentaires de 25%
00:13notamment sur l'acier et l'aluminium.
00:16Alors la réponse de l'Europe et de la France, il faut dire qu'elle est assez timide voire inexistante pour l'instant.
00:21Quand est-ce que l'Europe va répondre à Donald Trump et comment selon vous ?
00:24D'abord il faut regarder ce qui se passe depuis maintenant plusieurs jours voire plusieurs semaines.
00:28Il y a beaucoup d'annonces et vous voyez bien finalement que ces annonces ne sont pas qu'une question commerciale
00:33et qu'une question de droit de douane et qu'elles viennent souvent s'insérer dans des négociations plus larges.
00:37On a vu les discussions qui avaient eu lieu entre les Etats-Unis par exemple et ses voisins, le Mexique et le Canada.
00:43Beaucoup d'annonces et après on suspend les menaces.
00:47Chacun a bien compris et Donald Trump l'avait déjà fait dans une certaine mesure lors de son premier mandat
00:51que ça s'intègre dans des négociations plus larges.
00:54Il ne faut pas céder à la panique tout d'abord, il ne faut pas sur-réagir.
00:58D'abord parce que la France et l'Europe croient dans le commerce international
01:01et affirment depuis le début qu'une guerre commerciale ne serait dans l'intérêt de personne.
01:05À commencer par les Etats-Unis directement qui seraient pénalisés
01:09et qui verraient une inflation évidemment augmentée s'ils avaient des droits de douane trop importants sur leurs propres importations.
01:15Pourquoi aussi la reculée sur le Mexique et le Canada parce qu'en face il y a eu des gens qui ont montré les muscles ?
01:21D'abord ce sujet des droits de douane sur l'acier et l'aluminium, ça ne concerne pas que l'Europe,
01:25ce sont sur toutes les importations.
01:27Mais là où vous avez raison, c'est que si l'Europe ne montre pas une capacité de réponse et de rétorsion,
01:34c'est-à-dire de contre-mesure, alors effectivement elle sera faible.
01:37Et là je vous rejoins.
01:39Hier j'étais en réunion avec l'ensemble de mes homologues européens,
01:42nous avons autour du commissaire Maros Cefcovic qui est en charge du commerce extérieur,
01:47nous avons justement eu ces réflexions-là et l'Europe devra apporter des réponses concrètes
01:54comme elle l'a déjà fait d'ailleurs en 2018, souvenez-vous.
01:57L'Europe avait mis des contre-mesures en place et ça a permis de protéger nos propres industries
02:02et ça a permis aussi de montrer que nous sommes capables de créer un rapport de force avec les États-Unis.
02:05C'était assez symbolique à l'époque avec notamment les Harley-Davidson, les jeans, ce genre de choses qui étaient taxées.
02:09Mais c'était plus que symbolique, ça a montré que l'Europe savait répondre
02:12et je crois qu'il faut que l'Europe soit ferme dans sa réponse.
02:16Si les droits de douane effectivement venaient à s'appliquer.
02:18Donc là on ferait comment ? Il faudrait mettre des droits de douane également équivalents en France ?
02:21Comme nous l'avons fait encore une fois en 2018, nous savons le faire à l'échelle européenne
02:25et peut-être que cela devra être fait sur d'autres produits, sur d'autres mesures.
02:29Nous avons un mois pour y travailler à partir du moment où les mesures de droits de douane américaines sont mises en place.
02:35Elles doivent entrer en vigueur dans un mois, le 12 mars ?
02:37Oui mais nous avons à nouveau une position, vous comprenez bien, de rapport de force à créer mais aussi de fin de naïveté.
02:45Est-ce que l'Europe veut enfin se réveiller et être unie par rapport aux Etats-Unis, par rapport à la Chine,
02:50par rapport au reste du monde aussi qui s'adapte à cette nouvelle donne commerciale mondiale ?
02:54Cela veut dire quoi à la fin ? Cela veut dire que nous ne serons jamais pour une guerre commerciale.
02:59Nous ne serons jamais ceux qui créeront en premier le conflit sur ces sujets des droits de douane
03:04parce que c'est tout simplement mauvais pour la croissance, c'est mauvais pour l'emploi
03:08et c'est mauvais d'ailleurs pour ceux qui l'initient, c'est-à-dire les Etats-Unis.
03:12Mais s'il y a effectivement confirmation de hausse de droits de douane qui viendrait impacter nos exportations,
03:18alors il faudra savoir répondre, c'est tout simplement un rapport de force commercial.
03:22Si l'Europe se montre faible, vous savez comment fonctionne Donald Trump,
03:25alors il continuera à appuyer, il ne rentrera pas justement dans une logique de discussion et de négociation.
03:30Et le problème c'est que l'Europe est pour l'instant très divisée sur ces questions-là.
03:33L'Italie parle directement à Donald Trump, l'Allemagne n'est pas dans une situation politique très facile,
03:37la Hongrie j'en parle même pas.
03:39La pire des réponses européennes, c'est que chaque pays fasse son dialogue dans son coin avec le Président Trump.
03:44Et c'est précisément ce qu'il faut éviter, c'est ce que cherche évidemment le Président Donald Trump.
03:49Et donc vous l'avez bien dit, si l'Europe n'est pas capable de s'unir avec une réponse cohérente,
03:54et qui démontre d'ailleurs, c'est un réveil, j'ai coutume de dire que c'est un peu un coup de pied derrière pour l'Europe aussi,
03:59cette arrivée de Donald Trump pour un nouveau mandat.
04:02On va regarder sur un certain nombre de sujets, le commerce mais pas que, aussi les sujets de défense,
04:07comment l'Europe va pouvoir franchir un nouveau palier en termes de solidarité, d'unité et de capacité de réponse coordonnée.
04:12Un mot des conséquences que pourraient tout de même avoir ces hausses de droit de doigt,
04:15notamment de 25% sur l'acier, l'acier français va déjà pas très bien, européen également,
04:18ArcelorMittal n'est pas dans une très bonne situation, ça pourrait avoir des conséquences en termes d'emploi ?
04:22Nous avons des capacités de réponse qui permettent de protéger justement nos industries françaises,
04:26mais européennes, vous comprenez bien que tout cela est à l'échelle européenne.
04:29Ce n'est pas tant le sujet des exportations françaises sur l'acier et l'aluminium en volume qui est à craindre,
04:34c'est le dérèglement commercial mondial que cela pourrait créer.
04:37Je l'ai dit, les Etats-Unis, aujourd'hui, ont un discours de protectionnisme.
04:41Le protectionnisme, ça ne toucherait pas que l'Europe, mais aussi la Chine,
04:45qui a des capacités industrielles immenses et qui viendraient se détourner vers l'Europe.
04:49Attention, là-dessus, effectivement, une réponse européenne comme continent est nécessaire.
04:54La France n'est pas perçue seule dans le monde, elle est perçue comme européenne.
04:57L'Allemagne n'est pas perçue seule, elle est perçue comme européenne.
04:59Et donc, on a besoin nous-mêmes d'avoir une réponse en continent ensemble.
05:02Laurence Amartin, l'Ukraine, vous étiez sur place l'année semaine dernière à Kiev.
05:06Et là, on a vu Donald Trump qui a directement parlé à Vladimir Poutine ces dernières heures.
05:10Est-ce que le risque, ce n'est pas que l'Ukraine se règle sans les Ukrainiens
05:14et sans les Européens qui seraient complètement laissés sur la touche ?
05:17Ça serait hors de question.
05:18Que le président Trump parle à Vladimir Poutine, à Volodymyr Zelensky, est une chose.
05:23La résolution et la recherche d'une paix juste, durable, d'abord, ne peut se faire qu'aux conditions des Ukrainiens,
05:30qui, je le rappelle, sont le peuple et le pays qui a été agressé il y a trois ans.
05:34Donc, il faut que Volodymyr Zelensky soit autour de la table.
05:35Deuxième point, évidemment, mais évidemment, et avec ces conditions.
05:39Et le deuxième point, c'est que rien ne peut se passer sans l'Europe autour de la table.
05:43Pourtant, c'est le cas pour l'instant.
05:45Mais qu'il y ait du dialogue bilatéral est une chose.
05:48La résolution pour une paix juste et durable ne peut pas se passer sans les Européens.
05:51Est-ce que la France doit reparler, par exemple, à la Russie ? Essayer de reparler en direct à Vladimir Poutine ?
05:55D'abord, la France et ses voisins européens ont un discours constant.
05:59C'est le soutien indéfectible à l'Ukraine et renforcera autant que nécessaire son soutien indéfectible.
06:04C'est aussi ce que je suis allé dire aux autorités ukrainiennes la semaine dernière.
06:07Mais il faut reparler à la Russie, directement.
06:09La diplomatie, nous verrons comment elle va évoluer dans les prochaines semaines et dans les prochains mois.
06:14Aujourd'hui, la position de la France et de l'Europe, elle est claire.
06:17C'est que, d'abord, ce sont les conditions ukrainiennes qu'il faut entendre.
06:20Il n'y aura pas de paix juste et durable sans l'écoute des conditions ukrainiennes
06:25et sans la place de l'Europe autour de la table.
06:27Un mot de politique en France, tout de même, puisque la présidentielle est déjà dans la tête de pas mal de monde.
06:31On a Gérald Darmanin, ce matin, dans Le Parisien, qui fait un pas, clairement,
06:34en vue d'une possible candidature à la présidentielle 2027.
06:37Il a dit aussi, le ministre de la Justice, votre collègue au gouvernement,
06:40qu'il fallait peut-être une primaire dans le bloc central pour départager tout le monde.
06:43Est-ce que ça peut être une bonne façon d'éviter qu'il y ait trois, quatre candidats à la prochaine présidentielle ?
06:49Vous voyez de quoi on parle, Jean-Baptiste Marton.
06:51On est à l'aune d'une guerre commerciale qui secoue les grands équilibres mondiaux.
06:55On est à l'aune d'un nouvel ordre économique mondial.
06:58Et nous, on se projette, en 2027… Pardon.
07:01Ça se prépare aussi.
07:02C'est complètement à côté de la plaque.
07:04On a besoin d'être unis, là, aujourd'hui.
07:06On a besoin de regarder comment on peut protéger l'Europe,
07:08comment on peut la rendre plus souveraine, comment on peut la renforcer.
07:10On a eu un sommet sur l'intelligence artificielle avec 109 milliards
07:13pour construire, justement, une technologie qui nous rend puissants.
07:16Et vous, vous me parlez…
07:18Mais ce sont vos collègues du gouvernement.
07:19Attendez, Bruno Rotailleau, Gérald Darmanin, c'est eux qui se projettent.
07:22Pardon, mais je crois qu'on doit agir, travailler.
07:24Moi, je suis membre du gouvernement.
07:26La seule chose que je peux vous dire, comme membre aussi de ce bloc central
07:28et de cette majorité, dont, effectivement, je suis solidaire et fier,
07:33c'est qu'à la fin, s'il n'y a plus d'un seul candidat à l'élection présidentielle 2027,
07:38le second tour risque de se passer sans nous.
07:41Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon.
07:42Et donc, que cela soit par un candidat plus naturel, c'est toujours la meilleure solution.
07:46Ça permet d'éviter les conflits internes que l'on peut craindre lors d'une primaire.
07:50Mais s'il faut passer par des mécanismes de départage comme une primaire,
07:53à la fin, ce qui compte le plus important, c'est qu'il y ait un candidat ou une candidate
07:56et que l'ensemble de notre famille politique puisse être solidaire
08:00et essayer, effectivement, de lutter contre les extrêmes jusqu'en 2027 et au-delà.
08:04Dernier mot, quand vous dites un seul candidat dans le bloc central,
08:06c'est le bloc central plus la droite.
08:08Parce que s'il y a un candidat du centre, un candidat de droite, un candidat de gauche,
08:10ce sera les extrêmes.
08:12Mais aujourd'hui, nous voyons bien que nous avons construit un bloc,
08:15un socle commun, comme on le dit maintenant,
08:17qui va effectivement de la gauche social-démocrate
08:21jusqu'à cette droite républicaine qui est aujourd'hui incarnée par LR.
08:25Et donc, à la fin, s'il faut lutter contre les extrêmes ensemble, nous devrons le faire.
08:29Ce qui est sûr, c'est que si nous sommes divisés, là aussi,
08:32c'est comme pour la réponse aux États-Unis au niveau commercial.
08:35La division, ça crée rarement le succès, que ce soit en politique ou en politique commerciale.
08:39Laurent Saint-Martin, ministre délégué chargé du commerce extérieur,
08:41qui nous a notamment parlé de la réponse à venir et possible de l'Europe
08:45face à la guerre commerciale que souhaite peut-être Donald Trump.
08:48Merci, bonne journée.
08:49Merci à vous.