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00:0011h-13h sur Europe 1, Pascal Praud.
00:03Alors, nous allons parler de l'intelligence artificielle.
00:09Est-ce que ça vous inquiète ?
00:10Et on est heureux de recevoir Jean-Gabriel Ganassia
00:12qui est professeur à la Sorbonne à l'université.
00:14Bonjour monsieur.
00:15Bonjour.
00:16On est tous passionnés évidemment par cela, en tout cas intéressés.
00:20Quand vous êtes entré dans ce studio, je vous ai dit
00:23tous les gens que j'interroge sur l'intelligence artificielle pour le moment
00:30j'apprends rien.
00:31En fait, je me suis fait la révision, j'apprends rien.
00:33Ils ne me disent que des banalités.
00:35Je n'arrive pas précisément à savoir ce qui va changer.
00:38Quand je pose des questions précises,
00:40bon, moi je comprends que oui, ça va être une béquille formidable,
00:43que ça va t'aider, que tu vas aller plus vite,
00:45que tu travailles plus vite.
00:46Bon, tout ça, mais tout le monde le sait déjà.
00:48Tout le monde le sait déjà.
00:50Et je n'arrive pas précisément à comprendre, par exemple dans mon métier,
00:54qu'est-ce qui va changer dans le métier ?
00:56Est-ce que quelqu'un dans cinq ans sera à ma place,
01:00en train de faire le même métier que je fais là ?
01:04Ou est-ce qu'au contraire, il y aura peut-être un ordinateur,
01:07une voix qui aura été fabriquée
01:10et que le journalisme, pourquoi pas, sera fait par des machines ?
01:16Peut-être commencez par dire que votre métier a changé du tout au tout.
01:21Alors peut-être que vous ne vous rendez pas compte,
01:23mais le web, c'est le couplage des réseaux de télécommunication
01:26avec un modèle de mémoire qui est de l'intelligence artificielle.
01:29Or le web a changé beaucoup de choses dans votre activité.
01:31Je sais tout ça, j'ai d'accord avec vous.
01:32Bien sûr.
01:33C'est maintenant, je sais tout ça.
01:34Le monde d'aujourd'hui est un monde qui est transformé par l'intelligence artificielle.
01:39Alors vous me demandez d'être devin.
01:41Et je ne peux pas.
01:42Pourquoi je ne peux pas être devin ?
01:43Parce que les technologies nous surprennent.
01:46Qui par exemple, vous vous en souvenez,
01:48il y a longtemps, il y a deux ans et trois mois,
01:52avait imaginé chaque GPT,
01:54c'est-à-dire une machine qui soit capable d'échanger avec vous
01:57comme votre voisin.
01:59Personne.
02:00Qui, il y a quinze jours,
02:02avait imaginé que ces modèles de langage
02:05qui coûtaient énormément d'argent
02:08et surtout de puissance de calcul
02:10pour être mis en place,
02:12tout d'un coup,
02:13pouvaient être faits avec 20%,
02:161% de la puissance de calcul
02:18que ce qu'il y avait aux Etats-Unis,
02:19ce qu'ont montré les Chinois avec DeepSeek.
02:21Donc, les technologies...
02:22Vous voyez ce que vous venez de dire là ?
02:23Ce que je viens de dire, c'est que l'innovation...
02:25Je n'ai pas compris en fait.
02:26Je n'ai pas compris ce que vous venez de dire.
02:28Ah, alors vous savez que, en Chine,
02:31on a sorti un nouveau modèle de langage
02:33qui s'appelle DeepSeek,
02:35qui a à peu près les mêmes performances que chaque GPT,
02:38mais qui, pour être mis au point,
02:40a demandé 100 fois moins de puissance de calcul.
02:43Alors ça, ça change énormément.
02:45Parce que, ça veut dire que
02:47là où on pensait qu'il fallait des investissements colossaux,
02:50et bien il se peut que les investissements...
02:52Mais c'est quoi ce langage DeepSeek ?
02:54C'est quoi ?
02:55Alors, c'est une application que vous pouvez télécharger
02:58sur votre téléphone portable.
02:59Mais qu'est-ce qu'elle fait ?
03:00Ah, la même chose que fait chaque GPT,
03:03c'est-à-dire que vous pouvez dialoguer avec elle.
03:05Dialoguer, qu'est-ce que vous appelez dialoguer ?
03:07Alors, ce qu'on appelle dialoguer,
03:09c'est une très bonne question.
03:10C'est échanger avec des petits textes,
03:13vous poser une question,
03:15et puis la machine vous répond.
03:17C'est comme grog sur, par exemple, Twitter.
03:18Par exemple.
03:19Mais grog, c'est formidable.
03:20Ce que je veux vous dire, c'est que grog, c'est formidable,
03:22mais ça donne des informations
03:25à une vitesse extrêmement importante,
03:29mais ça change parce que c'est plus pratique,
03:32c'est plus rapide,
03:33mais en soi, ça ne change pas fondamentalement.
03:36Ça me fait gagner du temps.
03:38Ça sert à ça, faire gagner du temps.
03:40C'est quand même le plus important, non ?
03:42Je suis d'accord avec vous, mais ça ne change pas.
03:44Ce que je veux vous dire,
03:46ça ne change pas mon métier.
03:48Ça fait simplement qu'il va plus vite.
03:50Alors, ce qui change votre métier,
03:52c'est le fait d'abord que
03:54vous avez énormément d'informations
03:56qui circulent sur les réseaux sociaux
03:58et qui rivalisent d'une certaine façon
04:00avec les médias de masse.
04:02Ça, c'est le premier point.
04:03Et puis, le deuxième point,
04:05c'est que peut-être avec l'intelligence artificielle,
04:07vous allez pouvoir,
04:09à partir de cette immense quantité d'informations,
04:12essayer de trouver celles qui sont fausses
04:14et celles qui sont vraies.
04:15Donc, oui, ce que ça change, c'est la pratique.
04:17Disons-le autrement.
04:19Est-ce que nous allons supprimer les métiers ?
04:21Est-ce que nous allons dans un monde
04:23de chômage de masse ?
04:25Je ne crois pas.
04:26Et d'ailleurs, on n'a aucun élément
04:27qui permette de laisser entendre
04:29que nous n'aurons plus d'emploi.
04:31En revanche, ce qui se passe,
04:32c'est que certaines tâches vont être automatisées.
04:35D'autres tâches vont être accélérées.
04:37Et donc, la pratique des métiers
04:39va être un tout petit peu différente.
04:41Et ça, j'ai envie de dire, ça fait un grand temps que ça se passe.
04:43Ça fait bien plus que 50 ans que ça se passe.
04:45Et c'est l'histoire de l'humanité.
04:46Ah, c'est l'histoire de l'humanité, bien sûr.
04:48Donc, on va de plus en plus vite
04:49et que l'industrialisation
04:51permet de...
04:53Dans le temps, c'était les lavandières
04:55qui avaient les chemises.
04:57Et aujourd'hui, c'est une machine à laver.
04:59Vous avez tout à fait raison.
05:00Et je crois que souvent,
05:02on exagère
05:04les transformations qui sont induites
05:06par l'intelligence artificielle.
05:07Plutôt, les craintes
05:09ne sont pas justifiées.
05:10Mais en même temps, il faut bien comprendre
05:12que ça a un effet massif.
05:13Regardez les professions.
05:14Par exemple, les traducteurs.
05:16Quand vous les voyez, vous vous rendez compte
05:18qu'ils ont un problème.
05:19Parce que la traduction,
05:21c'est un travail qui demande beaucoup
05:23de subtilité, de finesse,
05:25de connaissance de la culture.
05:26Mais aujourd'hui, les entreprises
05:28qui ont besoin de traducteurs,
05:29elles utilisent ces machines automatiques.
05:31Puis, quelquefois, elles se rendent compte
05:32que ce n'est pas très bien.
05:33Et elles vont voir les traducteurs et elles disent
05:35« Est-ce que vous pouvez juste me relire ? »
05:36Mais bien sûr, c'est beaucoup moins cher
05:37que la traduction au départ.
05:39Et donc, ça change pour ces personnes
05:42énormément de choses dans leur activité.
05:44Jean-Gabriel Ganassia est avec nous.
05:46Il est professeur à la Sorbonne Université.
05:48Vous êtes sur Europe 1.
05:49Il est 12h26.
05:51Il reste avec nous encore quelques secondes.
05:53Vous avez peut-être quelques questions
05:54également à lui poser.
05:56Madame Desse dans une seconde,
05:58bien sûr, également pour les actualités.
06:00A tout de suite.
06:0101 80 20 39 20 21
06:03Pour poser vos questions, notre invité,
06:05Jean-Gabriel Ganassia.
06:07Hola !
06:08A tout de suite sur Europe 1.
06:10Oui, nous sommes sur Europe 1.
06:11Et nous sommes avec Liane Follies
06:13qui sera du 21 mars au 12 avril
06:16sur scène avec son spectacle
06:18« La folle » repart en thèse
06:20au théâtre de la Tour Eiffel à Paris.
06:22Bonjour chère Liane Follies.
06:24Bonjour, Pascal, bonjour à tous.
06:26Mais puisque nous parlons de l'intelligence artificielle
06:29avec Monsieur Ganassia,
06:31professeur à l'université,
06:32et que je vois que Jean-Jacques Goldman
06:34et 34 395 artistes
06:37ont signé une tribune sur les dangers
06:39de l'intelligence artificielle.
06:41Je ne sais pas si vous avez signé ou pas cette tribune.
06:43Bien sûr, absolument.
06:44Et pourquoi considérez-vous
06:46qu'elle vous met en danger ?
06:48Parce que c'est une usurpation totale
06:51de notre créativité, de notre création au départ.
06:54Et quand on compose des chansons,
06:57qu'on écrive des textes,
06:58ça nous appartient.
07:00Il y a des droits pour ça.
07:02L'Assasem est un temple
07:04qui nous a depuis des années
07:06tellement protégés en France.
07:08On a la meilleure institution à ce niveau-là
07:10comme la Dami,
07:12ou des choses qui ont été montées comme ça,
07:15qui sont pour nous salvateurs
07:17et qui nous protègent, vraiment protecteurs.
07:19Et tout d'un coup arrive ce tsunami
07:22qui fait qu'on peut faire n'importe quoi,
07:25monter les musiques, les couper,
07:29ne plus même, si vous voulez,
07:32respecter la vraie création.
07:35On peut prendre les visages,
07:37on peut faire dire des choses.
07:38La voix, c'est vraiment mon instrument.
07:42Avec la voix, il est vrai que,
07:44alors moi qui suis imitatrice,
07:46je peux, pour rigoler comme ça,
07:48faire des blagues, appeler des gens,
07:50mais là, c'est du vrai, c'est sur l'image,
07:52on trompe les gens.
07:54Et là, vraiment.
07:55Oui, mais qu'est-ce que vous voulez faire ?
07:56Alors, M. Ganassia, d'abord,
07:57est-ce que Mme Folli a raison d'avoir peur ?
08:00Est-ce que ce qu'elle exprime là est juste ?
08:02Ou est-ce que c'est un fantasme ?
08:04Non, elle a tout à fait raison.
08:05Aujourd'hui, les grands acteurs du numérique
08:08aspirent, siphonnent l'ensemble du patrimoine
08:11et ensuite, les utilisent pour entraîner leur modèle.
08:15Ça peut être des générations d'images,
08:17ça peut être des générations de textes,
08:18ça peut être des générations de sons.
08:20Et ils font...
08:21On ne sait pas très bien ce que c'est.
08:23C'est du pastiche, c'est du plagiat.
08:24C'est pas tout à fait du plagiat,
08:25parce que le plagiat, c'est la réutilisation telle quelle.
08:29Là, effectivement, c'est nouveau.
08:31Et en même temps, ça ressemble.
08:32Et il y a une atteinte,
08:33non seulement aux droits patrimoniaux,
08:35mais ce qui est beaucoup plus grave,
08:36aux droits moraux.
08:37Mais il est vrai que nous sommes dans un pays
08:39où nous avons cette notion-là
08:41qui n'existe pas dans d'autres pays.
08:44Ce qui est dangereux, pardon,
08:45mais ce qui est dangereux,
08:46c'est qu'on peut vous faire dire n'importe quoi.
08:49C'est même pas qu'on puisse reconstruire une voix.
08:54C'est pas du tout ça.
08:55On n'est pas là-dedans.
08:56On est que l'intelligence artificielle
08:58se permet de vous faire dire,
09:01avec votre voix, votre visage,
09:03des choses que vous n'assumez pas.
09:05Bon, alors parfois, il y a des gens qui disent n'importe quoi.
09:07Ils n'ont pas besoin d'intelligence artificielle pour ça.
09:09Mais peut-être que justement,
09:11ce qui va sauver justement cela,
09:13c'est peut-être le spectacle vivant.
09:14Parce que quand vous êtes sur scène,
09:16quand vous allez être à la Tour Eiffel,
09:18c'est vous que les gens viendront voir.
09:20Et ils voudront simplement vivre ce moment unique
09:24de partage ensemble avec un être vivant
09:28qui n'est pas un être de cinéma ou d'image, etc.
09:32Et ça, je pense que ça perdurera, Liane Follies.
09:36Jean-Jacques Goldman,
09:37qui est vraiment quelqu'un de très visionnaire
09:40et que je connais bien,
09:41me l'a dit il y a des années,
09:42quand les réseaux ont commencé à sortir,
09:47on a changé, nous aussi, de vie.
09:49Enfin, je veux dire, cette génération.
09:51On a vraiment été obligés de s'adapter.
09:53Et Jean-Jacques m'avait dit un truc,
09:55je m'en souviens très bien.
09:56Il m'avait dit, de toute façon,
09:57le gagnant, ce sera le spectacle vivant.
09:59Et c'est totalement vrai.
10:01C'est aussi ce que je fais à longueur de temps.
10:04Moi, je suis toujours sur scène,
10:05donc c'est ce que j'aime et c'est ce que je fais.