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00:00Et vous écoutez Culture Média sur Europe 1 9h30 11h avec Thomas Hill et avec votre invité ce matin Thomas.
00:06Oui je reçois ce matin le sportif et ancien champion de tennis fauteuil Michael Jeremias également président et cofondateur de l'association Comme Les Autres
00:13puisqu'il y a 20 ans jour pour jour le 11 février 2005 était promulguée la loi handicap.
00:18D'abord parce que tout le monde ne la connaît pas forcément cette loi c'était quoi l'idée de départ ?
00:23C'était de promettre l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
00:28Donc il y avait deux piliers principaux c'était l'accessibilité universelle et la compensation.
00:33Cette loi de 2005...
00:34L'accessibilité à tous les lieux publics c'est ça ?
00:36A tous les lieux publics mais aussi à l'école, à l'éducation, à la santé, à l'emploi, à tout.
00:41En fait l'accès à la citoyenneté pleine et entière.
00:43En fait cette loi sur le papier elle est très bien, elle est même très audacieuse il y a 20 ans.
00:47Elle était à l'initiative de Jacques Chirac qui était lui-même très concerné par ce sujet.
00:50D'ailleurs c'est souvent comme ça, il faut être très concerné pour s'impliquer sinon c'est un truc dont on se fout quand même assez royalement.
00:56Et le problème de cette loi c'est qu'elle devait être appliquée en 2015.
00:59Et donc il y a eu de cesse depuis des reports, des dérogations, des gens qui refusent d'appliquer la loi.
01:06Sauf que moi dans le pays dans lequel je vis quand on n'applique pas la loi, quand on respecte pas la loi pardon,
01:10ben en fait on est sanctionné pour ça.
01:13Et donc aujourd'hui on est dans des situations assez dramatiques.
01:16C'est qu'on nous a promis 100% des bâtiments publics accessibles à tout le monde.
01:19Aujourd'hui on en est à peine à 47% 20 ans plus tard.
01:23Il y a un exemple qui est flagrant, c'est qu'il y a eu un budget de 300 millions d'euros qui a été alloué pour justement les commerçants.
01:29Pour pouvoir rendre accessible leur commerce.
01:31Et une partie de ce budget n'a même pas été demandée par les commerçants.
01:34C'est-à-dire qu'on leur donne de l'argent, on leur propose de l'argent ?
01:36On vous donne de l'argent, c'est-à-dire qu'on vous impose, enfin on vous demande, on vous propose de rendre accessible votre établissement.
01:42Mais comme on sait que vous n'avez pas forcément tous les moyens, on vous donne de l'argent pour le faire.
01:46Et même à cet endroit-là, tout le monde ne s'en est pas saisi.
01:49Donc c'est plus qu'un problème de loi et d'application de la loi, c'est aussi un problème de société.
01:53De société et de regard.
01:54C'est comment à un moment on se dit, mais attends moi je suis commerçant, je fais des métiers de service, je propose telle...
01:59Et je ne me suis pas dit que n'importe qui peut venir chez moi.
02:01Donc c'est presque, c'est plus que de la discrimination passive.
02:04C'est-à-dire que quand vous avez cet outil-là et que vous ne le faites pas, c'est que vous n'en avez rien à faire.
02:07Donc notre combat il est évidemment d'exiger de l'État d'appliquer la loi de manière extrêmement stricte.
02:13Donc de durcir aussi les sanctions contre tous ceux qui ne la respecteraient pas.
02:16Et ensuite, c'est aussi de demander à la société de faire sa révolution, de se poser la question du monde dans lequel on a envie de vivre.
02:21Et c'est pour ça que vous avez manifesté hier avec de nombreuses personnalités,
02:25comme Artus, Philippe Croison, Frédéric Lopez, vous avez manifesté Place de la République,
02:29avec l'idée de vous faire entendre un petit peu plus fort.
02:32Il y avait 54 associations aussi qui étaient réunies, Mickaël Jérémias.
02:36Est-ce que cette manifestation a été à la hauteur de vos espérances, malgré la pluie ?
02:41Oui, on n'a pas eu de bol, on aimerait bien que la loi soit le 11 juin 2005,
02:44mais on a voulu l'organiser la veille, il faisait très froid et il pleuvait beaucoup.
02:48Et puis on a un souci, c'est que nous quand on veut manifester,
02:50en fait on a des centaines de milliers de personnes qui voudraient manifester, mais qui ne peuvent pas manifester.
02:54Moi j'ai reçu des messages de personnes qui ne peuvent pas venir, qui ne peuvent pas se déplacer.
02:58C'est-à-dire qu'il y a la question de l'autonomie, il y a la question d'avoir un chez-soi.
03:02Il y a des gens qui sont aujourd'hui encore en foyer, en institution,
03:05parce qu'ils ne peuvent pas habiter dans un logement dans lequel ils peuvent aller et venir comme ils le veulent.
03:08Puis la question des transports publics, et pas qu'à Paris, même si le métro est encore quasiment complètement inaccessible.
03:14Donc oui, on était content, il y avait quelques milliers de personnes hier, vous l'avez dit, des personnalités,
03:18et puis un engagement plutôt fort, et je tiens à saluer des médias,
03:21qui ont tous été un relais de cette manifestation et de cette mobilisation.
03:26Depuis quelques jours, moi j'ai fait le tour un peu de tout ça,
03:29parce qu'en fait c'est un problème universel.
03:31Chaque fois que je rencontrais des journalistes, des rédacts chefs, on est tous concernés.
03:35Vous avez 12 millions de personnes handicapées, vous avez quasiment 10 millions d'aidants,
03:38si vous rajoutez à ça les aimants, comme j'aimais les appeler,
03:41moi les gens qui m'entourent ne sont pas mes aidants, ce sont mes proches,
03:43mais ils sont concernés, vous avez plus d'un tiers de la population française,
03:46donc on n'est pas une petite minorité.
03:48J'étais touché par le monde qu'il y avait, par les personnalités qui se sont engagées,
03:52vous les avez citées pour un certain nombre d'entre elles,
03:55et pour nous, c'est le point de départ, on l'espère, d'une mobilisation nationale,
04:00où on va être beaucoup plus exigeant qu'on ne l'a été.
04:03Sauf que j'ai l'impression qu'on parle souvent de ce point de départ,
04:06on en a parlé aussi pour les Jeux Paralympiques qui ont été un succès absolument phénoménal,
04:10mais après on a toujours l'impression que ça retombe,
04:12et qu'on en parle ponctuellement, on en parle là à l'occasion de ces 20 ans,
04:17mais la peur c'est que derrière ça retombe et qu'on n'en parle plus le reste de l'année.
04:20Les Jeux Paralympiques, quand je ne faisais pas d'illusions,
04:22c'est uniquement dans le meilleur des cas un accélérateur pour changer le regard,
04:25pour transformer la société, mais ce n'est pas ça qui fait ou un film comme
04:30ce sont autant d'outils qui contribuent à changer le regard et à ouvrir un peu nos chakras.
04:34Mais s'il n'y a pas d'engagement politique fort dans la foulée,
04:36s'il n'y a pas de prise de conscience collective, il ne se passe rien.
04:39Là nous, ça fait 50 ans depuis la première loi sur le handicap,
04:42qu'on se bagarre depuis 1975,
04:45si en fait cette année, après justement, ces Jeux Paralympiques,
04:4840 millions de téléspectateurs, un petit truc en plus, 11 millions de téléspectateurs,
04:52si on n'arrive pas à se fédérer, parce qu'on a aussi ce problème là,
04:55c'est qu'il y a 12 millions de personnes handicapées,
04:57et il y a des milliers d'associations qui représentent un certain nombre de handicaps différents.
05:00Il y a 5 grandes familles de handicaps, mais il y a autant d'handicapés que de pathologies quasiment.
05:04Et donc nous, on a un vrai sujet aussi, chez nous, c'est qu'on arrive à ne faire qu'un.
05:08Même si nos problématiques sont très différentes,
05:10les problématiques de quelqu'un qui a une maladie invalidante,
05:12un handicap invisible versus quelqu'un qui est étrapolégique,
05:15ou quelqu'un qui est autiste, ou qui est schizophrène,
05:19évidemment les problématiques sont extrêmement différentes.
05:21Le point commun, c'est la discrimination pour ce que vous êtes.
05:24Donc il faut arriver à faire qu'un, avoir qu'une voix qui porte,
05:27qui impose au gouvernement et à l'État de faire ce qu'il s'est engagé à faire il y a 20 ans,
05:31parce qu'aujourd'hui ce n'est pas le cas.
05:32Donc c'est aussi à nous de durcir nos actions, de mobiliser au plus large,
05:35et puis d'espérer peut-être qu'un jour, chacun, chacune, qui nous écoute,
05:38se dise peut-être ce soir chez eux, en famille,
05:40qu'est-ce qu'on fait nous au quotidien ?
05:42Qu'est-ce qu'on a fait dans nos quartiers, dans nos clubs de sport,
05:46quand on a vu un jour une personne avec un handicap,
05:48ou quand on a été confronté dans notre entreprise à quelqu'un qui avait une maladie invalidante ?
05:51Est-ce qu'on s'est toujours bien comporté ?
05:53Est-ce qu'on s'est toujours rassuré que cette personne-là
05:55pouvait avoir une vie sociale épanouie comme la nôtre ?
05:57Et si on arrive à faire ça, il se passera quelque chose,
06:00sinon effectivement, moi je pense que jamais on n'y arrivera,
06:02et que donc pendant encore des centaines d'années,
06:06les personnes écapées passeront à côté de leur existence,
06:08parce que c'est ça qui se passe aujourd'hui.
06:09Donc c'est bien un changement politique,
06:11mais c'est un changement de société que vous réclamez,
06:13on le comprend Michael Jérémia,
06:14de changer de regard sur le handicap,
06:16et espérant que cet anniversaire de la loi
06:18puisse faire enfin un peu bouger les choses,
06:21et qu'on ne se retrouve pas dans 20 ans avec le même triste constat.
06:24Restez avec nous, Michael Jérémia,
06:25pour suivre l'actu des médias dans un instant.