Louise, adolescente de 11 ans, avait disparu vendredi après-midi en sortant de son collège en Essonne. Son corps a été retrouvé quelques heures plus tard dans un bois, non loin de chez elle. Écoutez Jacques-Charles Fombone, ancien général de gendarmerie, expert en procédure criminelle.
Regardez L'invité de Yves Calvi du 10 février 2025.
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00:00RTL soir avec Yves Calvi et Vincent Derosier.
00:03Bonsoir, Jacques-Charles Choufambone, merci beaucoup de prendre la parole sur RTL.
00:07Vous êtes ancien général de gendarmerie et expert en procédures criminelles.
00:11Nous revenons avec vous sur le meurtre de la petite Louise, 11 ans.
00:14Son corps a donc été retrouvé samedi dans un bois à Longemont en Essonne.
00:18Le drame a choqué et mutoue tous les Français.
00:20La principale information ce soir est donc l'interrogatoire en cours d'un homme de 23 ans et de sa mère.
00:25Il est mis en cause pour meurtre sur mineur de moins de 15 ans.
00:28J'imagine que le simple intitulé est déjà extrêmement grave.
00:32Ah oui, le simple intitulé est extrêmement grave puisque ces personnes,
00:36si elles sont reconnues coupables, ont cours la peine maximum,
00:39c'est-à-dire la réclusion criminelle, à perpétuité.
00:42Le ministère public indique que des vérifications sont en cours
00:45afin de déterminer leur éventuelle implication dans la mort de l'enfant.
00:49Quelle est votre réaction ? C'est en tout cas une suspicion très sérieuse, on est d'accord.
00:53Alors, il faut quand même modérer les propos.
00:57Le code de procédure pénale autorise un officier de police judiciaire
01:01à placer un suspect en garde à vue à partir du moment où il existe contre cette personne
01:07des raisons plausibles de penser qu'elle a commis l'infraction.
01:10Des raisons plausibles, on va dire que ça peut être très peu de choses.
01:13Le fait de se trouver sur les lieux, le fait d'avoir un comportement bizarre à l'arrivée des enquêteurs,
01:18le fait d'être sur les lieux et par exemple d'avoir été condamné dans ce cadre-là
01:22pour des agressions sur mineurs ou pour des délits à caractère sexuel.
01:26Donc, pour le moment, ça ne va pas plus loin.
01:29Comment apportons-nous une enquête de ce type ?
01:32On l'aborde toujours à partir des constatations.
01:35Dans une enquête criminelle, on peut quasiment tout recommencer.
01:39J'ai même vu refaire des autopsies dans les cas où elles avaient été mal faites.
01:44Mais les constatations, on ne peut jamais revenir dessus.
01:46Parce qu'une fois que la scène de crime a été polluée, c'est terminé,
01:49on ne sait plus ce qui peut intéresser l'enquête.
01:51Donc, c'est ça la clé majeure et les premiers actes de constatation.
01:56Ensuite, vont se mettre en œuvre un travail périphérique,
02:02c'est-à-dire l'environnement, l'environnement de la petite,
02:05ses appels téléphoniques, éventuellement les réseaux sociaux sur lesquels elle a l'habitude d'aller
02:09pour voir si elle n'aurait pas fait une mauvaise rencontre
02:11à la suite d'un rendez-vous de pédophile, par exemple.
02:14Et puis ensuite, vous savez, la technique de l'escargot, on le dit souvent,
02:17c'est-à-dire les gens qui auraient pu être témoins parce qu'ils sont dans ce bois à ce moment-là,
02:22les gens qui habitent à côté, éventuellement des marchands ambulants, etc.
02:26C'est-à-dire, dans un minimum de temps, tous les gens qu'on va pouvoir rencontrer et entendre.
02:31– Les autopsies mal faites, vous venez d'évoquer cela, ça existe vraiment ?
02:36– Oui, ça existe vraiment. – C'est quoi, c'est bâclé ?
02:37C'est une erreur de base ?
02:39Enfin, comment peut-on qualifier une autopsie du fait qu'elle ne soit pas aboutie ?
02:43C'est intéressant.
02:45– Eh bien, parce que, par exemple, on n'a pas trouvé les causes de la mort
02:48et on a ensuite, par exemple, un suspect, quelqu'un qui passe aux aveux
02:52et qui donne une description des coups qu'il a pu porter, par exemple.
02:57Or, les coups ont pu... Effectivement, on est passé à côté, ça veut dire que là, tu as été mal fait.
03:01À ce moment-là, on va recommencer avec toute la difficulté que vous imaginez.
03:06Par exemple, il y a une analyse toxicologique qui n'aura pas matché positivement,
03:11qu'on va pouvoir recommencer dans certaines circonstances en refaisant un prélèvement sanguin,
03:15en refaisant un prélèvement d'urine, en refaisant un prélèvement d'une tronche d'organe, par exemple.
03:20C'est quand même assez rare et puis, vous imaginez bien que c'est très difficile à refaire.
03:24Mais, théoriquement, on y arrive.
03:26– Le corps de cet enfant a littéralement été martyrisé.
03:30Est-ce que ça nous dit quelque chose de celui qui est passé à l'action ?
03:37– Alors, il faut évidemment être très prudent dans ce genre de domaine,
03:41mais je dirais que l'expérience enseigne...
03:44Alors, il y a des parents, il y a des gens qui nous écoutent,
03:46il faut être très, très mesuré dans les propos.
03:49Mais je dirais que l'expérience enseigne que les coups de couteau,
03:53notamment s'ils sont donnés dans un grand nombre,
03:56sont, vous allez me comprendre, un palliatif à une sexualité généralement défaillante.
04:01Il n'y a pas de règle absolue, évidemment,
04:03mais on va dire que ça peut être une première orientation d'enquête.
04:05– On a retrouvé le portable de la jeune fille, c'est important pour vous ?
04:10– Ça va être l'élément majeur, parce que ça peut épuiser la première hypothèse
04:15qui est celle d'un rendez-vous donné par un pédophile.
04:18Ça va permettre de géolocaliser ses appels,
04:20ça va permettre de trouver éventuellement des correspondants,
04:23des interlocuteurs téléphoniques que la famille, que les amis, que personne ne connaît.
04:27Ça, c'est un travail que les unités de PJ savent évidemment faire.
04:31La DRPJ de Versailles est un excellent service de police judiciaire, vous l'imaginez.
04:36– Comment va-t-il être exploité concrètement ce téléphone ?
04:40Il y a beaucoup de choses à nous dire, par définition ?
04:43– Oui, le téléphone, c'est l'appareil qui a le plus de choses à nous dire sur notre vie.
04:50Alors, nous qui appartenons à une génération où on est né sans portable,
04:54on s'en sert comme un outil.
04:56Mais les gamins à 10, 12, 11 ans, comme la malheureuse petite,
05:00s'en servent toute la journée et l'ensemble de leur vie est dans la boîte.
05:03– Vous évoquiez, il y a quelques instants, la possibilité d'un rendez-vous de pédophile.
05:07Ça aussi, ça peut apparaître dans le téléphone ?
05:10Enfin, on peut remonter un fil de cette façon ?
05:13Je sais que c'est très délicat pour vous de donner des détails,
05:16et ça n'est pas mon propos, mais on a envie de comprendre, je dirais, le fonctionnement général.
05:20– Oui, le fonctionnement général, c'est qu'on va dire que d'une façon générale,
05:24ça dépend des marques, ça dépend des modèles,
05:26on va dire que d'une façon générale, on va pouvoir remonter des interlocuteurs sur des sites
05:31et remonter des interlocuteurs sur des appels téléphoniques.
05:34– La police scientifique sera importante dans cette enquête ?
05:37– Oui, dans ce domaine, dans le domaine de l'exploitation des éléments numériques.
05:42Et puis, pour revenir à ce qu'on se disait en commençant,
05:45elle est fondamentale sur les éléments de constatation,
05:48c'est-à-dire la partie médecine légale pour déterminer la nature des blessures
05:52et des causes de la mort, ça je pense que c'est fait.
05:54Et puis, sur tout ce qui aura été récolté sur la scène de crime,
05:57essayer de trouver un élément qui amène sur un ADN,
06:00qui amène sur un élément d'identification.
06:02Compte tenu des lieux, c'est-à-dire à l'extérieur, au milieu des bois,
06:06et là en plus, beaucoup plus, le cercle des éléments indiciaires est évidemment un peu plus limité,
06:12c'est-à-dire qu'on n'aura pas de traces de pas,
06:14on n'aura pas de choses qui pourront être caractéristiques.
06:16En termes d'empreintes digitales, je pense que ça peut être extrêmement difficile,
06:20mais on n'est jamais à l'abri d'une bonne surprise sur de l'ADN par exemple,
06:24d'autant plus que maintenant, il en faut des quantités infinitésimales
06:27pour arriver à une identification.
06:31Et puis il y a l'arme du crime, qui n'a pas été retrouvée.
06:34La grande question que vous vous posez ce soir, vous en tant qu'enquêteur
06:39et spécialiste de ces questions, quelle est-elle ?
06:42Il y a une question de sécurité publique, c'est-à-dire le mec rôde encore,
06:46il est peut-être encore dans le périmètre.
06:49Ce qui n'est pas certain, parce que sauf le plaisir de voir la détresse des victimes
06:54et de rester à proximité, quand on a commis un acte comme ça,
06:57on part le plus loin possible.
06:59Après la question, c'est qui est-il ?
07:01Est-ce que cette personne a déjà commis une infraction délictuelle ou criminelle
07:05à caractère sexuel, pour lequel il a été poursuivi et condamné ?
07:11Et donc enregistré dans le fichier des délinquants sexuels et dans le fichier ADN,
07:16et à ce moment-là, si on retrouve quelque chose, on pourra faire un rapprochement.
07:19Sinon, à défaut de témoins, à défaut d'éléments classiques, ça va être extrêmement difficile.
07:26L'adolescente, vous l'évoquiez il y a quelques instants, a été frappée près d'une dizaine de fois
07:30par un objet pouvant être un couteau au niveau du torse et du cou.
07:35On est dans l'acharnement ? Dans l'extrême violence ?
07:39On est ou dans l'acharnement ou dans l'extrême violence,
07:42mais cette extrême violence, on la rencontre plutôt dans des règlements de comptes
07:48ou au moins dans des choses de la colère à une grande part, dans le mobile des faits.
07:54Là, comme je vous le disais en commençant, je pense,
07:58mais c'est vraiment une observation vue par téléphone, depuis très loin de l'enquête.
08:05Mais souvent, c'est quand même caractéristique d'une pulsion sexuelle
08:09qui ne peut pas être assouplie par le fonctionnement normal.
08:13La violence et le nombre de coups de couteau, pour vous, en tout cas,
08:18peuvent avoir une interprétation à caractère sexuel ?
08:21Oui, parce que je ne vois pas comment et dans quelles circonstances
08:24on pourrait s'acharner par vengeance, par colère contre une gamine de 11 ans.
08:29Je cite toujours les sources officielles de très nombreux coups piquants et tranchants.
08:34Pardonnez-moi, mais qu'est-ce que ça signifie ?
08:37C'est des détails sordides, mais vous faites bien de poser la question,
08:42parce que c'est des questions techniques.
08:44Piquant, ça veut dire tout simplement que l'on frappe comme avec un poignard,
08:48c'est-à-dire en enfonçant la lame dans l'écherre, en frappant avec la pointe du couteau
08:53ou avec la pointe d'une baïonnette, avec la pointe d'un objet tranchant.
08:56Et puis tranchant, au contraire, c'est un coup qui traverse,
09:00c'est-à-dire comme un coup de rasoir, si vous voulez.
09:02On va ouvrir l'écherre selon, non pas un trou en profondeur,
09:05mais une ligne superficielle qui pourrait être très longue, 10, 15, 20 centimètres.
09:10Il est de la charge aussi de la gendarmerie d'accompagner la famille ?
09:14Oui, évidemment.
09:15Est-ce qu'il y a des psychologues ou des psychiatres qui sont désignés
09:19ou qui accompagnent dans de tels moments les familles ?
09:25Autant ils sont parfois faciles et aisés d'imaginer cela dans des grandes villes françaises,
09:31quand on est dans une ville plus éloignée ou en province,
09:35est-ce qu'aujourd'hui on a les personnes qui accompagnent ?
09:38Oui, alors là vous avez bien vu que c'était une enquête de police,
09:41c'est la DRPG Versailles, mais il n'y a pas de prise en compte officielle.
09:46C'est une vraie question parce que, vous savez, dans un procès pénal,
09:50les victimes, la famille des victimes, c'est la partie civile.
09:54C'est-à-dire qu'on va dire que dans la poursuite du procès,
09:57il y a le ministère public représenté par le procureur de la République
10:00et la personne qui est mise en cause,
10:02et la victime est véritablement, je dirais, annexe à ce règlement pénal.
10:08Cela signifie tout.
10:10Cela veut dire qu'en fait, pendant des années,
10:12le droit pénal n'a jamais pris en compte la douleur des familles.
10:15C'est en train évidemment de changer,
10:17mais pas de façon officielle, et c'est très difficile.
10:21Moi, les choses les plus difficiles que j'ai eu à faire dans ma vie,
10:24ça a été quand vous êtes sur une affaire criminelle
10:27et qu'il faut aller par exemple perquisitionner dans la famille,
10:31et que vous êtes dans ce cas-là, évidemment,
10:33obligé d'annoncer à la famille, aux parents,
10:35que leur fils, leur fille ou leur parent ne reviendra pas
10:39parce qu'il est mort, et en plus dans des circonstances criminelles.
10:42C'est abominable, et il faut évidemment que des structures se mettent en place
10:48qui permettent de prendre en compte les gens qui sont frappés par un tel malheur.
10:52Merci infiniment Jacques-Charles Fontbonne,
10:54ancien général de gendarmerie, expert en procédures criminelles.
10:57Merci aussi de la dignité avec laquelle vous avez abordé
11:00toutes ces questions si délicates que nous vous posions ce soir.
11:03Bonne soirée et merci d'avoir pris la parole sur RTL.
11:06Dans un instant, les toutes dernières informations
11:08de notre journal de 18h30, puis à 18h40,
11:11nous reviendrons sur la possible, je dis bien possible,
11:13nomination de Richard Ferrand comme président du Conseil constitutionnel.
11:17Rien n'est encore officiel, mais les critiques pleuvent déjà
11:20sur l'impartialité de ce proche du président Macron.
11:23Les oppositions ont-elles raison de crier au scandale ?
11:25Serait-ce un vrai problème démocratique ?
11:27Explication dans moins d'un quart d'heure
11:29avec le spécialiste de notre Constitution,
11:31Jean-Philippe Derosier.
11:33A tout de suite sur RTL.