Mal logement : la Fondation Abbé Pierre rend son 30e rapport et dénonce une situation alarmante. Regardez Christophe Robert, délégué général de la Fondation.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 04 février 2025.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 04 février 2025.
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00:00RTL Matin
00:03Avec Amandine Bégaud et Thomas Sautot
00:05Il est 8h16, l'interview d'Amandine Bégaud. On n'en parle pas souvent et pourtant le mal logement est un drame quotidien pour des millions d'entre nous qui y sont confrontés.
00:12La preuve avec ce nouveau rapport de l'ex-Fondation Abbé Pierre qu'on appelle désormais la Fondation pour le Logement des Défavorisés.
00:19Ce matin vous avez choisi Amandine de recevoir Christophe Robert qui est le délégué général de l'organisation. Bonjour et bienvenue.
00:25Bonjour Christophe Robert. Et merci d'être là ce matin. J'ai épluché les chiffres de ce rapport et on va revenir en détail sur chacun d'eux.
00:31Mais il y en a un qui m'a tout particulièrement frappé. 30% des Français ont eu froid chez eux l'hiver dernier. Près d'un Français sur trois.
00:39C'est énorme, on est en France en 2025 et il y a encore des gens qui ont un toit sur la tête mais qui ont froid.
00:45Oui et ce qui est encore plus inquiétant dans ce chiffre c'est que 30% c'est une augmentation forte parce qu'en 2020 c'était 14%.
00:55Presque deux fois plus. Oui c'est ça. Donc on voit à la fois l'impact de l'insuffisance des rénovations thermiques pour faire que les logements soient plus performants
01:04et donc qu'on puisse se chauffer à moindre coût et mieux, mais aussi l'augmentation des prix de l'énergie.
01:10C'est-à-dire que pour beaucoup c'est plus possible dans les conditions actuelles du prix de l'énergie de pouvoir se chauffer convenablement.
01:15Et tout est conséquent sur la santé, l'isolement social aussi parce que souvent on a honte donc on ne montre pas dans quelles conditions on vit.
01:22Mais c'est très difficile cette question de la précarité énergétique, ça touche à peu près 12 millions de personnes dans notre pays.
01:27Il y a pourtant eu un soutien de l'État, le fameux chèque énergie entre 47 et 277 euros selon les cas, ça ne sert à rien ?
01:34Non, ça ne sert pas à rien. Toute aide qui peut venir soutenir à un moment les ménages les plus pauvres, les ménages modestes, les ménages des classes moyennes et inférieures est utile.
01:42Mais vous voyez, le chèque énergie c'est 150 euros à l'année pour un peu plus de 5 millions de ménages.
01:50Mais quand vous voyez la flambée des prix de l'énergie, ce chèque énergie, le problème c'est qu'il n'a pas évolué depuis plusieurs années.
01:57Or les coûts de l'énergie eux ont flambé.
02:00Alors l'électricité va baisser, moins 15% en tout cas pour quelques 20 millions de foyers, il était temps, c'est ce que vous dites ce matin ?
02:07Oui mais c'est quand même les stop and go, c'est-à-dire qu'on reste quand même à des niveaux très très hauts.
02:11Vous voyez c'est comme l'inflation, on dit que l'inflation a ralenti en quelque sorte.
02:16Mais les prix, ceux qui avaient flambé de 20% en un an, de 30% en un an, ils restent encore à un niveau très élevé, c'est comme l'histoire du logement.
02:24Pourquoi on est face à cette difficulté de logement aujourd'hui ?
02:26C'est que le coût du logement est devenu le premier poste de dépense des ménages.
02:30Parce que les prix d'immobilier ont flambé, les prix d'éloignement ont flambé et les charges ont augmenté considérablement.
02:36Donc vous avez beau dire maintenant l'inflation elle est à 1 ou elle est à 1,5, sauf qu'on est resté à des niveaux très hauts,
02:40dans la mesure où les ressources de nos concitoyens, elles n'ont pas augmenté de la même manière.
02:44Donc il y a un écart entre les deux.
02:46Alors dans ce rapport annuel, il y a bien sûr la question de l'énergie, on l'évoquait à l'instant.
02:51Mais tous les voyants sont au rouge, ça aussi c'est extrêmement frappant.
02:55735 personnes mortes dans la rue, c'est du jamais vu depuis 12 ans.
02:59350 000 sans domicile, là aussi c'est un record.
03:03Record aussi pour les expulsions locatives, pour les demandeurs de logements sociaux.
03:08Qu'est-ce qui ne va pas dans notre pays ?
03:10Oui, c'est un triste rapport.
03:13Quand on a fini le rédigé, il fait plusieurs centaines de pages,
03:17quand on le condense, après qu'on reprend les éléments fondamentaux, les chiffres clés,
03:21on se dit, waouh, c'est dur.
03:23On a l'impression que c'est de pire en pire.
03:25Oui, sur le logement c'est de pire en pire, il n'y a aucun doute là-dessus. Pourquoi ?
03:28Alors, on l'a dit, depuis une vingtaine d'années, les prix ont augmenté.
03:31Et là on est dans une situation, on paye en partie l'instabilité politique, des choix politiques, pour faire vite.
03:37On construit beaucoup moins de logements.
03:40Donc on manque de logements.
03:42Prenons l'exemple du logement social, qui sert les ménages modestes, les plus pauvres, mais aussi les classes moyennes inférieures.
03:48On construisait 125 000 logements sociaux en 2016, aujourd'hui c'est 85 000.
03:54Donc, il n'y a pas photo, quand vous faites 40 000 logements sociaux en moins, c'est 40 000 familles que vous ne pouvez pas loger.
03:59Pourquoi ?
04:01Il y a eu des coupes, alors d'abord il y a eu l'augmentation des coûts de la construction,
04:04mais il y a eu aussi des coupes budgétaires de l'État, c'est 1,3 milliard de ponctions sur les bailleurs sociaux par an.
04:10Donc il n'y a pas photo, il y a un moment où vous avez moins de ressources,
04:13ce modèle économique ne peut pas fonctionner, il ne peut pas produire plus, il ne peut pas rénover davantage s'il y a moins de ressources.
04:18Mais Christophe Robert, pardon, ça ne va pas s'arranger, en tout cas pas dans l'année qui vient,
04:21quand on voit le budget 2025, il n'y a pas d'effort quelconque sur le logement.
04:27Ça vous met en colère ça ?
04:29Evidemment que ça nous met en colère, ça nous rend surtout très tristes par rapport à toutes les souffrances que nous on voit à la Fondation tous les jours.
04:36Des personnes sans domicile, dont vous parliez tout à l'heure, on a annoncé ce nouveau chiffre de 350 000, un doublement depuis 2012.
04:43Donc c'est les personnes qui sont à la rue ou en hébergement d'urgence.
04:46Et pourtant, et on écoutait dans le journal de 8h tout à l'heure, tous les présidents ou candidats ces dernières années,
04:52je pense à Emmanuel Macron, mais je pense aussi à Nicolas Sarkozy, Lionel Jospin aussi en avait fait la promesse, zéro SDF.
04:57On est très très très loin du compte.
04:59Oui, parce qu'en fait, je pense qu'il y a une forme d'honnêteté là-dedans.
05:03On va me dire « Oh, quelle naïveté M. Robert ! »
05:05Mais je crois que personne ne se satisfait de penser que dans notre pays, dans un pays comme le nôtre, il y a des personnes qui vivent à la rue, donc il y a une intention.
05:12Mais en fait, on ne regarde pas du bon côté.
05:14Pourquoi il y a des personnes à la rue ?
05:16Parce qu'on ne fait pas assez de prévention, il y a plus d'expulsions, vous l'avez dit.
05:19Parce qu'il manque de logements sociaux, mais on a coupé dans le budget du logement social.
05:22Parce qu'il y a des personnes qui sortent de l'hôpital, qui sortent de l'aide sociale à l'enfance, à l'âge de 18 ans,
05:27et ils n'ont pas de solution de logement et on ne les accompagne pas.
05:30Donc il faut bien regarder tout ce que traduit cette augmentation, ce doublement du nombre de personnes sans domicile,
05:37et nous dire « Est-ce que c'est ça qu'on veut dans le pays ? »
05:40Regardez-nous, par exemple, le Président de la République m'avait demandé de co-animer le Conseil national de la refondation sur le logement,
05:46avec Véronique Bédagle, la directrice générale de Nexity.
05:49Tous les acteurs du logement avaient fait des propositions, et franchement, qui étaient raisonnables, qui étaient intelligentes,
05:54chacun avait un peu oublié d'où ils venaient, pour se dire « Voilà, on se préoccupe de la situation de nos concitoyens, du logement dans notre pays. »
06:00Pas suivi des faits, on paye là l'instabilité politique.
06:038 ministres du logement...
06:04Le censure, la dissolution ?
06:06Oui, et puis 8 ministres du logement, depuis qu'Emmanuel Macron est à la présidence de la République.
06:10Qu'est-ce que vous avez envie de dire ce matin à nos politiques, Christophe Robert-Stobbe, ça suffit ?
06:13Deux choses.
06:14On ne peut pas laisser les personnes à la rue,
06:16donc nous on demande de mettre en place des commissions immédiatement dans les secteurs tendus,
06:20sous la responsabilité des préfets, pour identifier tous les bâtiments vides,
06:23donner les moyens aux associations de les aménager,
06:26mettre à l'abri les personnes, pour les accompagner vers des solutions plus durables.
06:29Ça c'est le premier sujet.
06:31Mais, plus largement, il faut vraiment que nos responsables politiques,
06:35gouvernements, parlementaires, fassent de cette question du logement,
06:39de ce chantier du logement l'un des 3-4 chantiers prioritaires de la nation.
06:42Parce que son impact c'est sur le logement, mais c'est aussi la santé,
06:45la scolarisation des enfants, c'est la vie de la famille,
06:48vous voyez ce que je veux dire ?
06:49Réquisitionner les logements vides, c'est quelque chose qu'on entend depuis des années et des années.
06:52Alors les bâtiments publics, oui très bien, on peut le faire.
06:54Les lycées qui sont vides aujourd'hui, d'ailleurs ça se fait, mais faisons-le davantage.
06:58La fondation Abbé Pierre est, on le disait, devenue récemment fondation pour le logement des défavorisés.
07:06Christophe Robert, c'était inéluctable ce changement de nom après les révélations de ces derniers mois ?
07:12Oui, oui.
07:14Quand on a eu ce premier témoignage avec le mouvement Emmaüs,
07:17c'est qu'on a choisi d'ouvrir une cellule d'écoute pour voir s'il y avait d'autres victimes.
07:22On a missionné un cabinet spécialisé dans les violences sexuelles,
07:25et là on a découvert en juillet 7 nouvelles situations,
07:2814 en septembre et puis encore d'autres en janvier,
07:31des situations extrêmement graves d'agissements de l'Abbé Pierre.
07:35Vous aviez eu des mots très durs, ça a été un choc terrible, une déflagration disiez-vous,
07:39ça a suscité chez moi beaucoup de tristesse, beaucoup de colère.
07:41Oui.
07:42Je lui en veux.
07:43Oui.
07:44Est-ce que vous diriez aujourd'hui que l'Abbé Pierre a abîmé votre combat ?
07:48Il a d'abord abîmé des femmes, celles qui sont victimes de ces violences,
07:52et oui, c'est plus difficile aujourd'hui,
07:55mais notre combat ne change pas,
07:57nos missions ne changent pas, nos statuts ne changent pas,
07:59les besoins, grâce à la générosité du public, aux dons,
08:02nous, ces 97% de nos ressources, on finance 900 projets par an,
08:06pour les mal logés, les personnes sans domicile,
08:08les personnes dans leur logement qui ne s'en sortent pas,
08:10pour le rénover, pour le mettre en sécurité.
08:13Donc ce combat il va continuer.
08:15Ça a eu par exemple un impact sur les dons, cette année.
08:17Moins 30%, vous comprenez que les gens ne donnent plus ?
08:20Alors il y a une forme d'attentisme, il y a des gens qui disaient
08:22« Quand vous changerez de nom, je vous redonnerai ».
08:25Oui, je crois que la société française a été bouleversée,
08:28quand je parlais de tristesse et de colère.
08:30Je crois qu'il y en a d'autres, on n'est pas les seuls,
08:32et oui, ça crée une espèce d'instabilité,
08:35donc je crois que le sursaut des donateurs va revenir,
08:39qu'on pourra continuer à agir, et c'est ça l'essentiel.
08:41Maintenant ce combat il continue.
08:44On ne nie pas l'héritage de l'abbé Pierre,
08:46mais ce qu'il a fait est tellement violent,
08:48qu'il nous fallait ouvrir une nouvelle page,
08:50c'est ce que nous faisons aujourd'hui.
08:52En tout cas, sachez que nous on est vraiment très très motivés
08:54pour mener ce combat avec tous les bénévoles,
08:56les salariés, avec les mal logés.
08:58Une fondation qui s'appelle donc désormais
09:00« Fondation pour le logement des défavorisés ».
09:02Merci beaucoup Christophe Robert.
09:03Merci à vous.
09:04La situation sur le logement est de pire en pire.
09:06On paye notamment l'instabilité politique.
09:08Avec 8 ministres du logement depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Elysée en 2017,
09:12c'est ce que disait à l'instant Christophe Robert.