Cette semaine dans "Ici l'Europe" Caroline de Camaret reçoit Teresa Ribera, vice-présidente exécutive de la Commission européenne et commissaire à la Transition propre, juste et compétitive.Puis dans une seconde partie, Caroline de Camaret et Thibault Henocque reçoivent Sandro Gozi (Renew, France), Victor Negrescu (S&D, Roumanie) et Dominic Grieve (ancien député britannique conservateur) pour un débat sur le thème : « Pour les 5 ans du Brexit : les Britanniques se rapprochent de l’UE ? ». Année de Production :
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00:00France 24 LCP. Public Sénat présente.
00:05...
00:25Bonjour à tous et à toutes.
00:27Nous sommes à Bruxelles pour notre émission « Ici l'Europe ».
00:31Le 29 janvier, la Commission européenne a présenté sa boussole pour la compétitivité.
00:37Elle veut un choc de simplification pour les entreprises,
00:40des mesures de soutien à court terme pour l'automobile et l'industrie propre.
00:44L'enjeu est d'agir vite face au retour de Donald Trump
00:48et au ralentissement de la croissance européenne.
00:50Nous avons le plaisir d'être aujourd'hui au Berlaymont,
00:53qui abrite la Commission européenne,
00:55pour parler à la première vice-présidente exécutive de cette Commission,
01:00Teresa Ribeira. Bonjour.
01:01Je précise que vous êtes en charge de la transition juste, propre et compétitive.
01:07Vous êtes espagnole, issue des rangs socialistes,
01:10puisque vous avez été ministre pendant six ans du gouvernement de Pedro Sánchez,
01:15en charge justement de cette transition écologique,
01:18alors que le constat est celui d'un décrochage de l'Union européenne
01:21par rapport aux Etats-Unis, à la Chine, en matière de compétitivité.
01:26Est-ce que cette boussole européenne va nous remettre sur les rails et surtout vite ?
01:31C'est l'intention.
01:32C'est ça qu'on essaye de faire, d'identifier quels sont les léviers,
01:37les sujets qui puissent nous accélérer
01:40et une compétence, une capacité meilleure de l'industrie européenne
01:46pour les marchés internationaux.
01:49C'est sûr qu'il y a beaucoup de choses sur lesquelles il faut se concentrer,
01:53il faut agir pour avoir une compétitivité qui dure pendant les années à venir,
02:00mais qui est capable aussi de donner des réponses à court terme
02:04pour assurer que l'industrie européenne,
02:07que la capacité de produire en Europe reste une capacité innovante
02:14et qui croit des emplois de qualité pour les Européens.
02:17La Commission annonce pour le mois prochain un grand texte qualifié de « omnibus »
02:24qui va apporter des simplifications substantielles
02:27aux précédentes lois de devoirs de vigilance de reportines extra-financiers des industries
02:33qui devaient mesurer l'impact écologique et social de leur activité.
02:37L'objectif, c'est d'épargner des effets cascades,
02:40en particulier sur les toutes petites entreprises et les PME.
02:45On nous parle de simplification depuis des années
02:47sans jamais réussir à enlever les couches du millefeuille.
02:49Qu'est-ce qui va se passer de mieux ?
02:51C'est toujours le cas.
02:52Comment on peut arriver, comment on peut achever une simplification
02:56qui donne l'essence, la direction qu'on veut soutenir
03:00et en même temps qui soit capable de faciliter la vie aux entrepreneurs
03:06et en particulier les plus petites.
03:08Et c'est vrai que ces paquets dont on parle,
03:11c'est un paquet qui a été conçu pour assurer que les gens puissent investir
03:17et ne pas gaspiller l'argent.
03:19Comment on fait des investissements qui sont sages,
03:22qui peuvent durer dans le temps ?
03:26C'est quelque chose qui a été développé en France autour de l'Accord de Paris
03:31il y a pas mal de temps.
03:33Et c'est vrai que parfois on doit nous rappeler
03:38comment on peut assurer qu'on fait un investissement qui soit intelligent.
03:41Mais en même temps il faut simplifier,
03:43il faut faire qu'il soit facile pour n'importe qui, pour tout le monde.
03:48Quand vous dites simplifier, ça ne veut pas dire déréguler ?
03:52Parce que véritablement ces textes européens qu'on veut simplifier
03:55ont été adoptés il y a moins d'un an.
03:57Ils imposent plus de rapports et d'obligations aux grandes entreprises en particulier.
04:03Veiller à ce que leurs activités et celles de leurs sous-traitants
04:06respectent les droits humains et la protection de l'environnement.
04:09Est-ce qu'on est pas en train de, sans le dire, sacrifier le fameux pacte vert ?
04:13C'est très important de souligner qu'on ne veut pas sacrifier le pacte vert.
04:17Les mêmes raisons qui nous ont mené à comprendre
04:20comment les parcours économiques, la prospérité,
04:24les développements devaient changer vers quelque chose de beaucoup plus durable,
04:28restent encore plus fortes.
04:30On a déjà vécu des expériences traumatiques autour des dérèglements climatiques.
04:36Alors il faut accélérer cette transition.
04:38Mais en même temps, cet exercice d'apprentissage,
04:41comment on apprend à investir mieux l'argent à la place de gaspiller l'argent,
04:45quelque chose que la présidente de la Commission insiste tous les jours,
04:50c'est que les buts, les objectifs, leur horizon est encore là.
04:56La manière dont on définit les parcours doit être suffisamment facile
05:01pour que tout le monde puisse joindre à cet exercice.
05:04Il y a quand même des critiques autour du pacte vert.
05:07Elles se font d'ailleurs de plus en plus virulentes,
05:09y compris dans la bouche d'un Premier ministre polonais, Donald Tusk,
05:12alors que la présidence du Conseil de l'Union Européenne va à la Pologne
05:17avec 37 millions d'habitants qui demeurent dépendants
05:20à 63% pour sa production d'électricité du charbon.
05:23La droite, cette droite du PPE Donald Tusk,
05:26l'extrême droite aussi, en veulent au pacte vert.
05:29Est-ce que votre commission va réussir à décarboner ?
05:34Je pense que c'est l'intention.
05:36C'est ça qu'on veut faire, agir et être capable d'identifier
05:40les choses en concret sur le terrain qui nous facilite
05:44ces compromis d'une manière qui bénéficie à tout le monde.
05:48C'est vrai que parfois il y a des malentendus
05:51dans la discussion politique, dans la discussion publique,
05:56mais on sait bien que l'énergie propre facilite des prix
06:00beaucoup plus bas et beaucoup plus prédécibles
06:04que l'énergie qui dépend des importations de fossiles fuels.
06:08En plus, il a un impact meilleur sur la santé des citoyens.
06:12Ça donne une opportunité pour produire les équipements,
06:16pour produire les systèmes et les services qui nous facilitent
06:21une énergie beaucoup plus autonome
06:25et qui ne dépend pas des importations de l'extérieur.
06:29Tout ça, ce sont des bénéfices pour les citoyens.
06:32Est-ce qu'on va changer d'avis ? Non, bien sûr que non.
06:36Comment peut-on assurer que dans la transition,
06:39il n'y ait pas d'impact négatif sur les citoyens
06:43ou sur les consommateurs industriels qui ont moins de ressources
06:46mais qui doivent payer plus parce qu'on essaie de refléter
06:49sur les prix, les coûts réels de la pollution ?
06:52Cela dit, les usines à charbon en Pologne,
06:55comment mettre l'argent sur la table pour pouvoir réformer
06:59cette industrie dépendante aux deux tiers ?
07:03Ça reste compliqué.
07:04Ça a été le débat pendant des années et des années.
07:07Mais il faut dire qu'en Pologne aussi, il y a des changements
07:10très profonds dans les systèmes énergétiques.
07:12Je pense que c'est une bonne chose.
07:15Ils essaient de faire un changement très rapide.
07:18Ils proportionnent des chiffres beaucoup plus meilleurs
07:21qu'il y a 10 ans ou 5 ans, mais c'est vrai que ça prend du temps.
07:24Et en même temps, il y a un facteur culturel.
07:27Pendant des générations, ils ont développé une capacité,
07:30une solidarité qui est très importante.
07:34Alors comment on peut rendre tribut, hommage à ce qu'ils sont
07:39une richesse pour la région mais qui, en même temps,
07:42ont envie de combiner pas seulement la durabilité à long terme
07:46mais arriver à la fin du mois avec un salaire, avec un boulot,
07:50avec quelqu'un qui puisse soutenir les familles ?
07:54C'est la question.
07:55C'est une transition juste et si c'est important.
07:57Imaginez comment on peut répondre les questions,
08:00les doutes des travailleurs mais aussi des consommateurs.
08:03Vous avez mentionné, Teresa Ribeira,
08:06que nos prix de l'énergie sont très hauts,
08:09sont 2 à 3 fois supérieurs à ceux des Américains.
08:12Un plan d'action pour une énergie abordable va donc proposer
08:15de nouvelles méthodologies en matière de tarifs
08:18et puis la facilité de conclure de grands accords d'achat.
08:21C'est vrai que la France se plaignait, qu'on ne prenait pas en compte
08:25le fait qu'elle avait dans son mix énergétique beaucoup de nucléaires.
08:28C'est vrai que vous, en Espagne, vous avez beaucoup de renouvelables
08:31et que tout est aligné sur les prix du gaz.
08:34On est un peu dans l'aberration en matière énergétique et de prix.
08:37C'est vrai, on a vécu déjà ça.
08:41Il y a des ans, on avait vécu l'impact des prix des gaz naturels
08:44sur l'électricité.
08:46Ils avaient pollué les prix de l'électricité
08:49et les coûts de produire l'électricité n'étaient pas exactement
08:52les mêmes prix que les prix d'opportunité du gaz naturel.
08:55Et ça, c'est quelque chose sur lequel il faut s'évadre.
08:59On avait pris des mesures qui ont un impact à long terme.
09:02On sait bien que le fait qu'il y ait eu un développement
09:05sur les énergies renouvelables pendant les dernières années
09:08permettait aux Européens d'éviter un paiement
09:11de 59 milliards d'euros pendant la crise.
09:15Ça, c'est quelque chose très important
09:18mais on sait bien qu'il y a encore un parcours devant nous
09:21qui n'est pas achevé.
09:24Alors, comment on peut jouer avec les différents éléments,
09:27les infrastructures, les interconnexions
09:30qui nous permettent d'avoir une coordination
09:34des éléments de production complémentaire ?
09:37Comment on peut favoriser la production électrique
09:40sans carbone, bas carbone, dans tous les pays de l'Europe
09:43qui puissent nous mener à un développement
09:46qui puisse nous mener à un prix d'électricité
09:49beaucoup plus prédécible ?
09:53Et ce sont une bonne partie de ces plans d'action
09:56pour l'énergie à bon prix
09:59qu'on va adopter à la fin du mois de février.
10:02La Commission va publier d'ailleurs en 2026
10:05de nouvelles lignes directrices
10:09pour l'évaluation des fusions acquisitions
10:12ouvrant la voie à la constitution de champions européens
10:15capables de rivaliser avec les Américains et les Chinois.
10:18On a presque envie de dire qu'il était temps.
10:21Est-ce qu'on n'a pas été les grands naïfs du village global
10:24en finalement empêchant les monopoles
10:28ou les positions dominantes chez nous de constituer des géants
10:31et un peu moins d'ailleurs en régulant beaucoup moins à l'étranger ?
10:34Je pense qu'il faut se demander
10:37est-ce qu'on serait content
10:40d'être un citoyen moyen qui habite en Chine
10:44ou un citoyen moyen qui habite aux Etats-Unis
10:47où on apprécie la manière dont on vit en Europe ?
10:51Je suis convaincue que pour une grande majorité des Européennes
10:54on apprécie le mode de vie en Europe.
10:57C'était déjà passé le temps où c'était les Européennes
11:00qui marquaient les prix, la demande, l'offre
11:03et on était les grands joueurs
11:07dans les marchés internationaux.
11:10Maintenant il y a beaucoup plus de pays
11:13qui essaient de participer dans les marchés internationaux
11:16y compris de venir aux marchés européens.
11:19Il est très segmenté pour nous.
11:22Il faut continuer à développer les single markets
11:26les marchés européens uniques
11:29qui nous permettent de nous bénéficier
11:32de ces marchés uniques
11:35à l'échelle des 450 millions de personnes
11:38mais en même temps si les marchés de référence
11:41ne sont pas les marchés européens mais les marchés globals
11:45il y a de la place pour faciliter
11:48un rôle aux championnes européennes.
11:51Si par contre ce sont des marchés et des productions
11:54qui sont plutôt dans les contextes européens
11:57il faut faire attention à ne pas faciliter des concentrations
12:01qui pourraient avoir un impact négatif sur les consommateurs
12:04consommateurs privés ou consommateurs industriels.
12:07C'est un peu compliqué mais c'est vrai
12:10qu'on a déjà commencé à actualiser la manière
12:13dont on comprend que le rôle de la production
12:16et de la consommation ne peut plus seulement
12:20être coincé dans des limites géographiques
12:23comme il s'était traditionnellement.
12:26Comment on peut rester un marché ouvert
12:29et en même temps assurer que les industriels européens
12:32qui font attention aux droits des travailleurs
12:36aux standards environnementaux
12:39et à la santé publique ne sont pas battus
12:42par des producteurs qui n'ont pas les mêmes standards
12:45dans des questions si importantes pour nous.
12:48Revenons à votre pays, l'Espagne
12:51et aux terribles inondations du 29 octobre 2024
12:55qui ont fait 222 morts et ont affecté
12:58de vastes zones du pays valencien.
13:01Elles sont l'effet du réchauffement climatique
13:04parce que le climaticisme qui est prôné
13:07par Donald Trump de l'autre côté de l'Atlantique
13:10semble-t-il aussi augmenter en Europe ?
13:14C'est peut-être le danger
13:17de la manière dont on manipule la perception des gens.
13:20Le réchauffement a des conséquences terribles
13:23et alors ils préfèrent y croire
13:26qu'il n'existe pas, mais il existe.
13:30Il a des conséquences humaines horribles, catastrophiques
13:33mais il a des conséquences économiques catastrophiques aussi.
13:36Les inondations et la récupération
13:39des terroirs, des activités économiques
13:43et bien sûr la perte de vie humaine,
13:46la capacité de faire sonner les alarmes
13:49quand il faut est terrible.
13:52Mais on les voit aussi à Los Angeles
13:55et alors on voit à quel point les assureurs
13:59ont sonné l'alarme déjà il y a très longtemps
14:02pour dire qu'on voit,
14:05qu'il y a des réalités qui s'amontent
14:08avec des pertes économiques.
14:11Il faut faire attention et ne pas se tromper de la réalité
14:14et là il faut se préparer pour éviter
14:18les conséquences les plus dures.
14:21En tant que vice-présidente de la Commission européenne
14:24au moment des auditions devant le Parlement européen
14:27vous avez été très chahuté par la droite espagnole
14:30le parti d'opposition au Parlement européen
14:33et le gouvernement Sanchez dans la gestion de la crise
14:37cette gestion qui est évidemment plutôt à la région
14:40qui était dominée par la droite espagnole.
14:43Quelle leçon vous tirez de toutes ces polémiques aujourd'hui ?
14:46Il ne faut pas se moquer de la réalité.
14:49Il faut insister sur le fait que c'est réel,
14:53c'est important, c'est grave.
14:56Il faut être préparé et il vaut toujours mieux
14:59avertir, souligner, donner l'occasion
15:02et ne pas dire que c'est moins important que ce qu'il est.
15:05Les développements des systèmes d'alarme,
15:09la capacité de connecter avec les gens,
15:12la capacité d'apprendre ce qu'il faut faire dans des situations
15:15qui seront de plus en plus fréquentes dans nos géographies
15:18sont très importantes.
15:21La capacité de bâtir, de construire la résilience à l'Europe
15:25est aussi importante.
15:28Il y a des rapports qui montrent déjà que les changements climatiques
15:31et les situations où une bonne partie des Européennes
15:34pourront mourir.
15:37Et à la fin des siècles, si jamais on ne réagit pas,
15:40pas seulement pour réduire la chaleur, le réchauffement,
15:44mais aussi parce qu'on doit s'investir vers l'adaptation,
15:47vers la capacité de devenir beaucoup plus résilients.
15:50En tant que première vice-présidente de cette commission,
15:53Thérésa Ribéra, le 15 janvier dernier, vous avez dû remplacer Ursula von der Leyen
15:56qui était victime d'une très mauvaise pneumonie.
15:59Vous avez présidé le collège des commissaires.
16:03Mais tout de même, il y a eu beaucoup de critiques autour du silence initial
16:06de la commission. Est-ce qu'il ne faut pas plus de transparence sur ces questions ?
16:09Je pense qu'elle était convaincue qu'elle pourrait se récupérer plus tôt
16:12et que les choses se sont développées de manière, on pourrait dire, normale.
16:15C'est vrai, en même temps, que les systèmes pour assurer
16:19la capacité d'action de la commission existent.
16:22Mais c'est vrai aussi que c'était un peu plus
16:25à la hauteur de la capacité de la commission
16:28et c'était un peu plus impactant parce que c'était au début du mandat.
16:31Alors on attendait une capacité de réaction
16:34vis-à-vis de l'accès international
16:38beaucoup plus visible.
16:41Et ça a été comme ça.
16:44Mais je pense que c'était joué dans le contexte, on dirait, de la normalité.
16:47Merci à vous, madame la première vice-présidente Thérésa Ribéra,
16:50d'avoir été en notre compagnie aujourd'hui.
16:54L'émission continue avec un débat
16:57sur les cinq ans du Brexit.
17:01Les relations se réchauffent entre Britanniques et Occidentaux.
17:04On en parle tout de suite avec des eurodéputés au Parlement européen.
17:12Bienvenue au Parlement européen pour reparler
17:15de nos amis britanniques. Ils sont sortis de l'Union européenne
17:18il y a cinq ans tout juste.
17:22Un anniversaire au 1er février dans une atmosphère qui a changé.
17:25Les bénéfices supposés du Brexit se font encore attendre
17:28à tel point que plus de 55% des Britanniques regrettent cette sortie.
17:31Un phénomène qu'ils ont baptisé, non sans humour,
17:34le re-Brexit.
17:37Elle est conservateur, responsable d'avoir convoqué
17:41et perdu le référendum sur la question en 2016,
17:44puis d'avoir négocié avec l'Union européenne un divorce très dur.
17:47Ils ont d'ailleurs été renvoyés dans leur foyer
17:50aux dernières élections de juillet.
17:53Le ministre Keir Starmer s'est donné pour mission
17:56de réinitialiser les relations entre Royaume-Uni et Union européenne,
18:00d'autant que le contexte se prête à la recherche d'amis ou d'alliés
18:03avec la guerre en Ukraine à l'est
18:06et puis un Donald Trump imprévisible à l'ouest.
18:09Jusqu'où un rapprochement pourrait aller ?
18:12Nous en parlons tout de suite avec vous, Sandro Gozzi.
18:16Bonjour. Eurodéputé français du groupe Renew.
18:19Vous présidez la délégation... Enfin, élu en France.
18:22Vous présidez la délégation UE Royaume-Uni
18:25au Parlement européen et vous êtes en compagnie
18:28de Victor Negrescu, eurodéputé roumain
18:31du groupe des Socialistes et Démocrates,
18:35vice-président du Parlement européen.
18:38Enfin, avec nous, depuis le Royaume-Uni,
18:41Dominique Grieve, ancien député conservateur.
18:44Vous avez servi au ministère de la Justice sous David Cameron
18:47et vous avez été exclu du parti pour avoir critiqué le Brexit
18:50au Royaume-Uni. Bonjour à vous. On commence par vous.
18:54Vous parliez, au moment du Brexit, de suicide national.
18:57Il a eu lieu, ce suicide ? Quel bilan ?
18:59C'est certain que le pays n'est pas en bon état
19:02et, en partie, c'est le résultat du Brexit.
19:05Je suis sûr que nous aurions souffert
19:09les mêmes problèmes qui viennent du Covid,
19:12qui viennent de la guerre en Ukraine,
19:15mais il est évident, quand on regarde la situation
19:18au Royaume-Uni et particulièrement la situation économique,
19:21c'est que nous souffrons, à mon avis, plus
19:24que nos partenaires européens et la remise en marche
19:28de notre économie n'a pas, pour l'instant, lieu.
19:31Et ça présente un grand challenge
19:34pour le gouvernement et il est évident
19:37que le public devient de plus en plus impatient
19:40de savoir quels seraient les bénéfices du Brexit,
19:44qui, à mon avis, n'existent pas.
19:47Et ça nous laisse quand même avec un problème,
19:50parce que c'est une chose de dire que le Brexit ne marche pas,
19:53c'est une autre chose de faire une politique
19:56qui essaie de renouveler les liens
19:59avec nos partenaires européens.
20:03Et c'est là où ça devient beaucoup plus compliqué
20:06pour le gouvernement travailliste de Keir Starmer.
20:09C'est compliqué vu de notre côté aussi, de l'Europe,
20:12puisque 5 ans après, le Brexit était supposé booster
20:15l'économie britannique.
20:18Qu'en est-il et qu'en est-il de la nôtre aussi?
20:22Le Brexit était un échec flagrant.
20:25Les exportations britanniques vers l'Union européenne
20:28ont baissé de 25 %.
20:31Les Britanniques ont dû payer plus de 30 milliards
20:34pour sortir et pour rien faire, finalement,
20:38parce qu'ils disaient qu'ils étaient libres de transformer
20:41le Royaume-Uni en une Global Bretagne,
20:44un partenaire global, ça ne s'est pas passé comme ça.
20:47L'accord avec l'Australie, le seul accord nouveau
20:50du Royaume-Uni a amené à un avantage de 0,1 %.
20:53Donc c'était un échec flagrant.
20:57Évidemment, ce n'était pas positif pour nous non plus
21:00parce que nous aurions préféré que le Royaume-Uni reste
21:03dans l'Union européenne, mais je crois qu'il a du sens
21:06aujourd'hui de se poser la question de comment nous pouvons
21:09redémarrer dans un partenariat, dans l'intérêt commun
21:12avec l'Union européenne.
21:16La question qui se pose, c'est d'écrire une nouvelle page
21:19avec le Royaume-Uni. Est-ce que vous jugez
21:22que le retour des travaillistes au pouvoir, là-bas,
21:25est de nature à réchauffer les relations
21:28entre le pays et le continent ?
21:32Je pense que le retour des travaillistes
21:35a réchauffé les relations avec l'Union européenne.
21:38Je pense qu'on va dans une bonne direction
21:41pour les travailleurs européens qui vivent au Royaume-Uni
21:44parce qu'il y en a beaucoup qui ont beaucoup d'attentes
21:47de la part du gouvernement travailliste,
21:51mais également de la part de l'Union européenne.
21:54Pour l'instant, on n'a pas trouvé la manière d'aller en avant.
21:57Il faut trouver une modalité afin qu'on ait un rapprochement,
22:00mais en même temps qu'on ne permette pas au Royaume-Uni
22:03seulement de choisir ce qu'il veut en termes de coopération
22:07avec l'Union européenne. Il faut trouver un juste milieu.
22:10Il y a vraiment un support pour renforcer ces relations-là
22:14et on attend de venir avec des projets concrets.
22:17Ca a été un peu la stupeur à Bruxelles
22:20puisqu'on reparle de la réintégration des Britanniques
22:23dans un marché avec des droits de douane préférentiels.
22:26C'est Maros Šefković, le commissaire européen au commerce,
22:30qui a tendu la perche fin janvier dans une interview à la BBC.
22:33Je cite...
22:41Et en réponse, le lendemain, Rachel Reeves,
22:44ministre des Finances britannique, a confié à nos confrères de Sky News,
22:47je cite...
23:04Alors, Sandro Gozzi, il ne s'agit pas d'union douanière,
23:07de quoi s'agit-il avec cette convention panoraméditerranéenne ?
23:10C'est une convention qui facilite les échanges commerciaux
23:13en travaillant sur un peu les douanes,
23:16un peu les règles d'origine, mais en fait,
23:19la question politique, c'est que les Britanniques ont compris
23:23que c'était une très mauvaise affaire d'équiter les marchés uniques
23:26et je crois que les travailleurs sont allés un peu trop loin
23:29pendant les élections britanniques à dire
23:32qu'on ne va pas rejoindre les marchés uniques,
23:35qu'on ne va pas rejoindre l'union douanière.
23:38Donc, ils ont restré un peu les marchés de manoeuvre
23:42et maintenant qu'ils veulent rétablir une nouvelle relation commerciale
23:45avec nous, on est en train de voir quels sont les domaines,
23:48quelles sont les conventions, quels sont les traités
23:51qu'on peut réutiliser. Maroschevkovic a fait ses propositions,
23:54nous la soutenons, la plupart des membres de la délégation
23:58que j'ai l'honneur de présider soutiennent cette initiative.
24:01C'est un pas en avant. D'après moi, ce n'est pas la réponse
24:04à la question de la rémunération des marchés uniques.
24:07On est pas là pour une mesure plutôt symbolique ?
24:10Est-ce que le vrai changement, ce ne serait pas de revenir
24:13dans ce fameux marché unique ? C'est possible ou c'est un tabou
24:17et une ligne rouge même pour les travaillistes ?
24:20Pour l'instant, c'est un tabou pour les travaillistes,
24:23bien sûr pour les conservateurs, et même les libéraux-démocrates
24:26n'en parlent pas particulièrement.
24:29C'est une peur du public, une peur que si on le suggérait
24:33ce serait d'admettre que le Brexit a finalement échoué
24:36et qu'on veut revenir au sein du marché de l'Union européenne.
24:40Parce que la vérité, c'est que si nous rejoignons
24:43le marché unique, il n'y a aucune raison à ce moment-là
24:46pour ne pas réintégrer l'Union européenne totalement.
24:49C'est ça le problème.
24:52Et à mon opinion, ça va arriver,
24:56mais ça va prendre une durée.
24:59Ça va arriver, mais ça va prendre une dizaine d'années
25:03parce que ça va seulement marcher si ça progresse de pas à pas.
25:06C'est difficile pour l'Union européenne,
25:09c'est difficile pour nous.
25:12Je comprends bien que donner des concessions aux Britanniques
25:15qui semblent leur donner un statut spécial
25:19a toujours été difficile pour l'Union.
25:22Mais à mon avis, si l'opinion au sein
25:25de l'Union européenne et du Parlement
25:28c'est que l'arrivée ou le retour du Royaume-Uni
25:31serait bon pour l'Europe,
25:34que ce soit la sécurité ou l'économie,
25:38il faut essayer de faire marcher quelque chose dans ce sens.
25:41Parce que si nous le faisons, je suis persuadé
25:44que d'ici une quinzaine d'années, vous aurez
25:47une participation totale du Royaume-Uni.
25:50Le 28e membre.
25:54Justement, Victor Negrescu, on sait que le continent
25:57est désormais cerné de problèmes.
26:00A l'est, c'est l'expansionnisme forcené,
26:03la guerre hybride de Vladimir Poutine.
26:06A l'ouest, les incertitudes géostratégiques
26:09levées par Donald Trump.
26:13Le Royaume-Uni a intérêt à se rapprocher
26:16de l'Union européenne et réciproquement.
26:19On invite même Kerstermer à la réunion informelle
26:22des 27 sur la défense.
26:25Je pense qu'elle réussit à renforcer la relation
26:28avec le Royaume-Uni.
26:32Mais le Royaume-Uni va gagner beaucoup plus
26:35si elle réussit à trouver une modalité
26:38de coopérer avec l'Union européenne.
26:41Pourquoi ne pas parler de la réintégration
26:44du Royaume-Uni au niveau de l'Union européenne ?
26:48Il faut avoir du courage.
26:51Je connais très bien les travaillistes.
26:54Les citoyens britanniques et européens
26:57ont une perspective claire.
27:00Il y a des contraintes et des raisons géopolitiques
27:03qui nous poussent à avancer plus rapidement.
27:07La guerre en Ukraine ou le Royaume-Uni
27:10fait énormément de choses.
27:13Ils croyaient avoir une relation spéciale.
27:16Vous pensez qu'elle est abîmée par l'arrivée de Trump ?
27:19Il y a des difficultés pour le Royaume-Uni
27:22par rapport à ce qu'on fait envers Trump.
27:26Mais il faut renforcer ce continent
27:29et travailler avec le Royaume-Uni.
27:32En relation avec les Etats-Unis, on va réussir
27:35à faire beaucoup plus de choses.
27:38Il y a une volonté de rapprochement.
27:42Sur quel sujet peut-on avancer dans l'intérêt des Européens ?
27:45On parle des programmes de questions de migratoire.
27:48Est-ce qu'on peut avancer sur ce sujet ?
27:51Je pense qu'il faut avancer dans le domaine de la sécurité.
27:54La sécurité militaire et la coopération policière.
27:57Il faut lutter contre les crimes organisés
28:01et contre la migration irrégulière.
28:04Il faut voir ce que sont prêts les Britanniques
28:07pour avancer dans la défense.
28:10C'est un domaine dans lequel nous pouvons avancer.
28:13Nous voulons avancer sur les opportunités pour la jeunesse.
28:17Si on doit construire un avenir commun
28:20pour que les jeunes générations se connaissent, se rencontrent,
28:23c'est pour cela qu'on dit qu'il faut établir des échanges
28:26entre les gens apprentis, les gens du service volontaire...
28:29Ils ne sont plus dans Erasmus.
28:32Erasmus, pour les Britanniques, ça veut dire élite,
28:36les 2 % qui vont à l'université.
28:39La jeunesse, c'est pas seulement les 2 % qui vont à l'université,
28:42c'est les apprentis, les gens chômeurs, etc.
28:45Nous voulons avancer là-dessus.
28:49Je ne vais pas crier à la trahison en disant
28:52que c'est la liberté des mouvements.
28:55Ce n'est pas la liberté des mouvements,
28:59c'est les bons sens qui ont manqué en 2016
29:02et qui devraient revenir peut-être en 2024.
29:05Il y a 3 lignes rouges du gouvernement britannique
29:08qui sont excessives et qui limitent leur manoeuvre.
29:11Ils ont raison de leur frilosité à aborder ouvertement
29:15le thème de la réinitialisation.
29:18Ils ont dit non aussi à la liberté des mouvements.
29:21A chaque fois qu'on parle d'échange, ils ont peur
29:24qu'il y ait le farage prêt à les attaquer.
29:27Il faut les aider, c'est pour ça que je ne parle pas
29:30des mouvements, je parle d'opportunités pour la jeunesse.
29:34Les échanges entre lycéens, 2 semaines à Edimbourg,
29:372 semaines à Bordeaux pour les lycéens britanniques et français,
29:40ça va aider énormément à préparer un avenir meilleur ensemble.
29:43La grosse pomme de la discorde depuis 5 ans
29:46se trouve dans la Manche, du côté de la migration,
29:49mais aussi et surtout du côté de la pêche.
29:53Là encore, Bruxelles s'apprête à traîner le Royaume-Uni
29:56devant la justice pour la pêche au lançon, l'anguille des sables.
29:59On doit renégocier le cadre de cette pêche pour 2026.
30:02Cela s'annonce particulièrement ardu.
30:05Les pêcheurs britanniques défendent depuis ce Brexit
30:09leur zone exclusive contre vent et marée.
30:12Oui, c'est juste.
30:16Sur la question des lançons, il faut comprendre
30:19que ce n'est pas un désir du gouvernement britannique
30:22de permettre aux lançons seulement d'être pêchés
30:25par les pêcheurs britanniques, parce qu'on empêche
30:28de pêcher les lançons à tout le monde.
30:32C'est une question de l'environnement.
30:35Il va falloir que ce soit résolu devant la cour de justice,
30:38mais je crois que le gouvernement britannique
30:41a des raisons pour empêcher la pêche aux lançons.
30:44Pour la pêche générale, vous avez raison.
30:47Les pêcheurs britanniques voudraient une exclusivité,
30:51mais ils sont aussi réalistes parce qu'ils savent
30:54qu'ils peuvent seulement vendre leurs produits
30:57dans les marchés européens s'il y a un accord.
31:00Donc, ça devrait être possible de faire un nouvel accord.
31:03Victor Negresco, un mot peut-être pour conclure.
31:07En fait, les 50 cette année,
31:10dans cinq ans, où pourrait être la relation
31:13entre l'Union européenne et le Royaume-Uni ?
31:16Vers quoi peut-on se projeter ?
31:19Je pense que le Royaume-Uni et l'Union européenne
31:22vont se rapprocher. On peut parler de l'entrée
31:26du Royaume-Uni dans le marché commun,
31:29de plusieurs coopérations dans le domaine de la défense,
31:32de plus de droits pour les citoyens européens
31:35qui vivent au Royaume-Uni et les citoyens britanniques
31:38doivent avoir du courage, être plus ambitieux,
31:41discuter avec les gens et pas éviter les débats difficiles
31:45et pas avoir peur de farage.
31:47Les Britanniques et les politiciens ont trop peur
31:50de l'extrême droite. Ici aussi, en Europe,
31:53il faut aller en avant et proposer un projet concret
31:56avec des opportunités pour les deux côtés.
32:00J'ai envie de poser une question pour finir.
32:03Est-ce qu'on est tellement pressés de les reprendre ?
32:06Est-ce qu'il faut faire un grand plan de relance post-Covid
32:09ou est-ce qu'ils nous auraient empêché de le faire
32:12parce qu'ils ne veulent jamais dépenser d'argent ?
32:15Ce serait plus difficile, mais les Britanniques
32:19ne demandent pas aujourd'hui de rejoindre l'Union.
32:22Par contre, en parlant d'extrême droite, je voudrais rappeler
32:25qu'en 2016, il y avait deux dames européennes
32:28qui s'appelaient les Champagnes et les Prosecco,
32:31quand les Britanniques ont quitté l'Union européenne
32:34et qu'ils se sont rendus plus discrets cinq ans après.
32:38Et nous voyons aujourd'hui pourquoi.
32:41Dans cinq ans, un peu de politique fiction,
32:44où est-ce qu'on pourrait être ?
32:47Je pense que dans cinq ans, nous aurons une coopération
32:50beaucoup plus serrée que nous avons à présent.
32:54Je pense que pour la défense, particulièrement avec Trump,
32:57il y aura une nécessité de coopération à l'échelle européenne.
33:00Le gouvernement, en ce moment, en Angleterre,
33:03ne veut probablement pas contempler, mais il va falloir le faire.
33:06Et si nous sommes sages, collectivement,
33:09sur la question de la coopération économique
33:13et de faciliter les échanges,
33:16je crois que vous verrez que l'opinion publique
33:19au Royaume-Uni va continuer à se pencher
33:22de plus en plus vers la fin du Brexit.
33:25Et c'est ce que je souhaite,
33:29et je crois que c'est tout à fait possible.
33:32Merci à tous d'avoir très bien illustré cette relation.
33:35Je t'aime, moi non plus,
33:37entre l'Union européenne et les Britanniques, aujourd'hui.
33:40Merci, Caroline, et bonne suite de programmes sur nos antennes.