Sur LCI lundi soir, face à Darius Rochebin, le Premier ministre ronronnait gentiment, en faisant étalage de sa souplesse idéologique.
Retrouvez « L'édito politique de Patrick Cohen » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
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00:00L'édito politique Patrick Cohen, François Bayrou contre la guerre civile.
00:05Sur LCI, hier soir, face à Darius Rochebin, le Premier ministre ronronnait gentiment
00:09en faisant étalage de sa souplesse idéologique.
00:12Un coup à droite, le sentiment de « submersion migratoire », un coup à gauche, l'éloge
00:17du modèle social français, une touche de spiritisme, les morts nous parlent, quand
00:21soudain, une ode à l'ouverture.
00:23Plus que cela, interrogé sur sa sympathie pour les extrêmes, François Bayrou a parlé
00:28de ses deux principaux opposants, comme aucun autre dirigeant français ne l'a fait depuis
00:32des années, peut-être des décennies, c'est-à-dire sans un seul mot de travers.
00:35Écoutons-le, Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont obtenu à eux deux 16 millions de voix
00:40lors de la dernière présidentielle.
00:41Si vous ne vous rendez pas compte que la manière dont on parle d'eux nourrit les électeurs
00:46qui les rejoignent, si vous faites de chacun d'eux l'ennemi public numéro un, vous
00:50leur apportez sur un plateau des millions de voix.
00:53Et je n'aime pas qu'on clôt aux pylories les Français, même s'ils se trompent.
00:57Voilà la profession de foi de celui qui, par la vertu du dialogue, se donne pour mission
01:01de pacifier le pays et, accessoirement, d'amendouer ses opposants pour ne pas être renversés,
01:06ne l'oublions pas.
01:07Mais il y avait hier soir quelque chose de rafraîchissant, d'inattendu, à entendre
01:11une si longue interview, sans la moindre critique, sans la plus petite pique envers quiconque.
01:16Mais je vous sens Patrick à moitié convaincu.
01:18Trois réserves, d'abord c'est bien de vouloir apaiser le débat, mais la première mission
01:21de François Bayrou, c'est d'apaiser les difficultés des Français, il est probable
01:25que c'est ce que se sont dit hier soir, les électeurs ont-ils ne dit aucun mal face
01:29à des problèmes auxquels ils n'apportent que peu de solutions ? Ensuite, son empathie
01:34à l'égard de Marine Le Pen l'a fait verser dans le fossé, qualifier d'accusation injuste
01:39le procès qui est fait à la leader du RN sur l'usage de ses assistants européens
01:43est une faute, qui revient à délégitimer par avance une décision de justice, c'est
01:48un très mauvais coup au pouvoir judiciaire, un Premier ministre ne devrait pas dire cela.
01:53C'est une archive, pas une petite phrase, une archive de 250 pages du temps passivieux
01:59où l'opposant François Bayrou ne répugnait pas à user du pillori, c'était contre Nicolas
02:05Sarkozy, « Abus de pouvoir », un pamphlet paru en 2009, où Bayrou traitait le président
02:09de l'époque d'enfant barbare, fasciné par l'argent, qui veut imposer un modèle
02:14de société fondé sur l'inégalité, dans un viol imposé à la France républicaine.
02:20Il y en a comme ça des pages et des pages à côté desquelles Mélenchon passerait
02:24pour un bisounours, Sarkozy lui a répondu 15 ans plus tard, dans un autre livre, « Le
02:28temps des combats », en accusant son rival d'avoir passé sa vie à être immobile.
02:32« Il n'y a qu'une seule façon d'échouer », disait justement Clémenceau, « c'est
02:36d'abandonner avant d'avoir réussi », Bayrou, lui, abandonne avant d'avoir commencé.
02:41Voilà, il y a 30 secondes, je me félicitais de l'absence de vacheries dans la bouche
02:44de Bayrou, j'en ai casé deux dans mon édito, peut-être une sorte de manque.