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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:10Eh bien voyez-vous, il y a des choses à ne pas faire si vous ne voulez pas qu'on vous prenne
00:15pour un fou. Exemple, ne pas payer les traites de ses meubles, rosser à coup de bâton l'huissier
00:22qui vient les saisir et le jeter dehors. Il faut savoir se retenir de rosser l'huissier.
00:28Albert Pell, horloger à Montreuil, ne put pas se retenir et on l'enferma à Sainte-Anne pendant
00:35quinze jours. Vous me direz qu'un jour c'est pas beaucoup et si ça l'a soulagé après tout,
00:39on peut l'admettre. Peut-être. Cela dit, je ne vous conseille pas de rosser un huissier parce
00:46que si vous êtes comme Albert Pell, votre avenir et celui de vos proches m'inquiète beaucoup.
00:53On commence par rosser un huissier et on se retrouve avec son nom écrit en
01:00grosses lettres au firmament des dossiers extraordinaires.
01:03Avant toute chose, voyons un peu à quoi ressemble Albert Pell, notre rosseur du huissier. Il est
01:30élevé par sa maman et, à l'époque de sa vie qui nous intéresse, il a 23 ans et il vit avec elle.
01:38Madame Pell a acheté, rue Rochejoire à Paris, un fonds de commerce d'horloger pour son fiston.
01:44Elle a cru bien faire en lui donnant la possibilité d'exercer le même métier que son papa. Seulement
01:50pour faire un bon horloger, il faut être passionné d'horlogerie, de mécanique de
01:55précision, avoir l'amour du temps qui s'égrène au rythme des balanciers. Albert Pell a d'autres
02:02passions bien mystérieuses. Parfois, il reste enfermé dans sa chambre des semaines entières.
02:08Il n'ouvre à personne, se nourrit de quillons de pain et de morceaux de fromage. Par moments,
02:14on l'entend jouer de l'orgue. Madame Pell se rengorge. Mon fils adore la musique. C'est un
02:22musicien né. Mais quand l'orgue se tait et que la porte reste fermée, à quoi joue donc Albert
02:30Pell ? On ne sait pas. Ce qui est sûr, c'est qu'il ne répare guère les montres qu'on lui apporte et
02:37que la boutique ne fait guère de bénéfices. Les rares fois où Albert Pell sort de chez lui et
02:42parle à des étrangers, il leur raconte n'importe quoi. Qu'il est médecin ou électricien ou sauveteur
02:48homologué ou mathématicien de génie ou philosophe. C'est évidemment un mythomane.
02:54Et qu'est-ce qu'un mythomane ? C'est le plus souvent un individu instable, vaniteux,
02:59sans personnalité et volontiers théâtral. Les enfants sont quelquefois mythomanes pour
03:06attirer l'attention sur eux en général, parce qu'ils manquent d'affection ou croient en manquer.
03:10Albert Pell, dont les parents avaient divorcé très tôt, était peut-être dans ce cas-là.
03:15Le mythomane peut également être pervers et faire du mal aux autres, mais en général,
03:20il a toujours un but précis. Soit se faire remarquer, soit récupérer de l'argent.
03:27Albert Pell a deux buts dans la vie. Se faire remarquer et récupérer de l'argent.
03:33C'est un personnage intéressant. Il faut dire que la nature ne l'a pas gâté. Il est laid,
03:39maigre, goitreux, le teint est grisâtre, l'œil sournois. Le tout agrémenté d'une barbiche et de
03:46lunettes de myope. Ce signalement est extrêmement curieux d'ailleurs pour un homme qui, tout au
03:52long de ce dossier, va s'occuper exclusivement de femmes, en tirer sa subsistance et sa notoriété.
03:57À 23 ans, la première femme de sa vie, c'est encore sa mère. Mais Mme Pell est malade. Depuis
04:03plusieurs semaines, elle se plaint de vertiges, de maux de tête et d'horribles douleurs au vent.
04:10Albert apparemment s'en soucie comme d'une guigne. Un matin, une femme sonne à la petite maison rue
04:15de Charonne. C'est une amie de Mme Pell qui vient prendre de ses nouvelles. Elle la trouve bien
04:19malade et va tambouriner à la porte d'Albert. Des flots de musique lui répondent. Elle insiste et
04:26il finit par entr'ouvrir sa porte l'œil maussade. « Qu'est-ce que c'est ? » « Albert, je viens voir
04:32votre maman, elle est très mal. Il faut faire venir un médecin. » « Il est déjà venu hier.
04:36Qu'est-ce qu'il a dit ? Qu'il reviendrait ? » « On ne reviendra pas. Ça ira mieux demain. » Et la
04:41porte se referme sur le mystère de la chambre d'Albert et son indifférence totale à la maladie
04:47de sa mère. Le lendemain, l'amie se présente à nouveau rue de Charonne. Cette fois-ci, Albert
04:52ouvre la porte, toujours aussi indifférent. « Ça y est ! » annonce-t-il. « Elle est morte. »
04:57La visiteure sursaute et s'empresse, désireuse d'aider ce pauvre Albert qui doit être bien
05:02malheureux. En fissément qu'il est sûrement, elle propose d'aider à l'ensevelissement.
05:06« Sûrement pas. On ne touche pas aux mortes. » En réalité, seul dans la maison, Albert fouille
05:13les meubles, soulève les parquets dans l'espoir de découvrir le magot de sa maman. Il ne trouve
05:18rien et ne se prive pas d'étaler sa déconvenue devant le voisinage interloqué. « Je n'ai rien
05:22trouvé. Elle avait du coup de l'argent dans sa jupe. On l'a enterré avec, c'est bien ma veine. »
05:27On commence à le trouver vraiment bizarre, cet horloger. D'ailleurs, il décide très vite qu'il
05:33n'est plus horloger. Maintenant que maman n'est plus là, il n'y a aucune raison de se forcer.
05:37Alors il décide qu'il est professeur à la Sorbonne ou peut-être organiste à la Trinité. C'est plus
05:42chic. Il dépense à tort et à travers l'héritage de son père, ne paie pas ses meubles et c'est là
05:47qu'il rosse l'huissier. Et c'est là qu'on l'interne quinze jours à Saint-Anne. Il s'y
05:52tient très très sage et assure qu'il n'est pas fou. On le relâche, la conscience tranquille. Vous
05:58pensez, si l'on devait enfermer à vite les rosseurs du huissier, les psychiatres ne seraient
06:02plus où donner de la tête. Mais les psychiatres ne savent pas. Ils ne peuvent pas savoir qu'ils
06:09viennent de rendre la liberté à un homme libre. Je m'explique. Albert Pelle, en effet débarrassé
06:15de sa mère, dans des conditions bizarres d'ailleurs, est désormais un homme libre,
06:18libre de ses instincts, de mythomanes et des autres. Il n'a pas d'argent, mais il se met en
06:25tête de commanditer un théâtre, les délassements comiques. Et en même temps, il se fait passer
06:30pour médecin et électricien, ce qui n'a rien à voir. Et en même temps, il prend une maîtresse
06:33et une bonne à tout fait. La maîtresse, Eugénie Meyer, n'est pas très belle. Elle est couturière,
06:38elle a dix ans de plus que son amant. Mais l'amant est laid. Il faut savoir se contenter
06:43de ce que la vie vous apporte. Albert a promis le mariage et Eugénie Meyer s'installe à
06:48la demeure, en même temps que la bonne Marie. À demeure, cela veut dire dans un petit pavillon
06:53fort isolé, au Ternes, que les huissiers ne connaissent pas et où Albert Pelle s'enferme
06:58de nouveau. Il prétend qu'il travaille dans le génie et la chimie. Il ne veut voir personne,
07:03on lui passe son courrier sous la porte. Des flots d'orgues s'élèvent à nouveau,
07:08passant par les fenêtres closes, inquiétant vaguement les passants. Des fumées étranges
07:12s'échappent de l'unique cheminée. Mais les voisins les plus proches sont à 200 mètres et nul ne
07:17s'inquiète de ne plus voir sortir les deux femmes. C'est que Eugénie est malade. Bien malade,
07:24au dernier degré de la phtisie, prétend Albert à la bonne qui s'inquiète. Et la bonne est malade
07:28aussi. Marie, pourtant vigoureuse, a mal au ventre et vomit pour un oui ou pour un non.
07:34Quinze jours passent. Un matin, Marie sort du pavillon. Elle est verte. Elle tient à peine
07:41debout. Mais elle a décidé de se rendre à l'hôpital. Elle y arrive, s'y tient quelques
07:45jours et en ressort guérie. Elle se précipite au pavillon pour prendre des nouvelles de sa maîtresse.
07:50Albert ouvre la porte, toise Marie. « Qu'est-ce que c'est ? » « Madame Eugénie va mieux. » « Elle va
07:56tellement mieux qu'elle est partie. » « Alors vous n'avez plus besoin de moi ? » « Pas vraiment. »
08:01Marie ne saurait dire pourquoi, mais l'air de son patron, la barbiche qui pointe dans la porte
08:09entrebrayée, elle se sauve. Les places de bonnes, ça se trouve toujours quand on a la santé. « Cet homme-là,
08:16a l'air d'un diable. » « Oh ! qu'elle a raison, Marie. » « Elle ne le sait pas encore, mais qu'elle
08:23a raison. » La porte s'est refermée sur le pavillon, désertée par les femmes d'Albert
08:28Pell, et il reste seul là pendant six mois. Et tout d'un coup, il déménage. Personne ne lui
08:35demande où il va, mais il se croit obligé d'annoncer à la cantonade qu'il va se reposer
08:38dans le midi. En réalité, il reprend Avenue Cléber, son métier d'horloger. Ça ne le pensionne pas,
08:45mais il a découvert qu'il pourrait prendre des apprentis. À un voisin de sa boutique, qui
08:49s'étonne de le voir prendre des apprentis femmes, il explique « C'est plus pratique. Elles me font
08:54ma cuisine, et puis j'en ai trois. Deux dans une chambre, la troisième avec moi. Tous les soirs,
09:01on t'y ressort. » Un coquin, ce vilain horloger. Et ça ne lui suffit pas. Il va prendre femme,
09:07et cette fois-ci pour de vrai. Il épouse une autre Eugénie, la deuxième de sa vie. Eugénie
09:13Buffereau, qui lui apporte 4000 francs de dot et une belle-mère. Les portes de la maison se
09:18referment à nouveau sur la jeune épousée et son diable d'époux, qui se remet à jouer de l'orgue.
09:35Donc Albert Pelle, ce diable d'horloger, a épousé Eugénie Buffereau le 26 août. Le 24 octobre
09:41suivant, elle est morte. Douleurs d'entrailles, vomissements, déshydratation. Le médecin,
09:50mandé par la belle-mère, a parlé de champignons, de gastro-entérites et d'impuissances à enrayer
09:55la maladie. On enterre Eugénie, et sa mère réclame la dot. Deux mois de mariage, c'est trop
10:01peu pour 4000 francs. « Albert Ricane, vous pouvez vous fouiller ? Une maladie comme ça,
10:06ça coûte cher. » Il est de plus en plus décontracté, l'horloger, et de plus en plus
10:09sûr de lui. Les femmes passent, Albert demeure. Et neuf mois après, il se remarie. Angèle Murat
10:18lui rapporte 5000 francs de dot et une nouvelle belle-mère qui a du bien. Albert est un gendre
10:24adorable. Il insiste pour que sa belle-mère habite sous son toit. « Mais si, mais si,
10:28mais si, mais si, venez ! » Il insiste pour qu'elle fasse un testament en faveur de sa
10:31fille. « Mais si, mais si, on ne sait jamais ! » Et il insiste ensuite pour que la fille fasse un
10:36testament en faveur du mari. Alors, si la belle-mère meurt, c'est la fille qui hérite. Si
10:40la fille meurt, c'est lui qui hérite. Deux précautions valent mieux qu'une. Il en aurait
10:44fallu trois. Car la belle-mère tombe malade, la fille aussi. Mais la belle-mère se sauve,
10:51poussée par on ne sait quel pressentiment. Et la belle-mère guérit. Elle ne meurt pas,
10:55elle n'a pas l'intention de mourir. Alors, alors à quoi bon avoir une femme malade dans
11:00ces conditions ? Car même si la femme meurt, l'argent reste à la belle-mère. Ce qui fait
11:05que la fille guérit. Elle guérit aussi soudainement que la mère. Albert lui fait
11:09une vie impossible. Il a touché la dot. Si elle n'est pas contente, elle peut partir. Et alors,
11:14elle part. Elle part retrouver sa maman. Et le temps que la dite maman meurt de sa belle-mère,
11:19Albert Pelle a autre chose à faire. Il a rencontré une nouvelle Eugénie, la troisième de sa vie.
11:26Eugénie Rabulle. Douze cents francs d'économie à porter de la main, car Eugénie est domestique
11:31dans la maison d'en face. Mais Eugénie est belle. C'est un problème sérieux pour l'horloger.
11:37Comment faire pour séduire, avec cet imblème, ces yeux rouges, ce cou groitreux, cette maigre
11:43barbiche, même quand on est le diable, comment faire pour séduire ? Albert écrit. Il écrit
11:49à n'en plus finir. Et je ne vais pas résister à vous lire le dernier petit mot exquis de précision
11:55subtile, de tentation flatteuse, qu'il adresse à sa belle. Écoutez bien. « Mademoiselle,
12:00pardonnez, je vous prie, cette dernière lettre, motivée par l'appréciation de votre personne,
12:06et que m'on suggérait la réputation dont vous jouissez et les qualités que l'on s'accorde à
12:10vous attribuer. Je puis me tromper, mais peut-être, estimez-vous, avec trop d'indifférence,
12:15ma situation modeste sans doute, mais dans laquelle vous trouverez un abri contre les
12:19vicissitudes de votre condition actuelle, une liberté, une joie, en un mot, un bonheur tel
12:24que vous n'osiez l'espérer. Venez me voir. Nous pourrions dissiper ensemble les craintes que,
12:29bien à tort, vous avez pu concevoir, etc., etc., etc. » Eugénie Rabulle lit. Eugénie Rabulle
12:36dégire et déclare, bien haut dans le voisinage, « Il a une tête qui ne me revient pas. » Mortifiée,
12:43c'est son premier échec, Albert se rabat avec rage et promptitude sur la première femme,
12:50laide et vieille, qui passe à sa portée. Ce n'est plus une épouse qu'il cherche,
12:54mais une associée. Elisa, beaumère, adhérente, parfaite. Elle veut bien s'installer chez lui,
12:59encore parfaite. C'est maintenant une habitude. Il déménage, s'installe à Montreuil,
13:03ferme les portes et joue de l'orgue. Mais le temps n'est pas loin où Albert Pell va devenir
13:10célèbre. On l'appellera l'horloger de Montreuil. Il joue sa dernière partition, sans le savoir.
13:17Elisa Beaumère est enfermée à Montreuil et ne tarde pas à s'en mordre les doigts.
13:23Elle est, vous l'avez dit pour moi, malade. Malade comme Mme Pell, malade comme Eugénie
13:28numéro un, malade comme Marie Labonne, comme Eugénie numéro deux et sa mère,
13:32comme toutes les femmes qui se laissent approcher par l'horloger de Montreuil. Elle est tellement
13:37malade qu'une voisine, puis deux, l'aperçoivent se traînant dans le jardin, pliée par la douleur.
13:41On lit conversation, on s'étonne que le médecin ne soit pas venu. À bout de force, Elisa ne peut
13:47que répondre. Que voulez-vous ? Il ne veut pas. Cela se passait le 7 juillet. À partir du 12 juillet,
13:55on ne vit plus du tout Elisa Beaumère. Et les voisines prévirent la police, car la maison était
14:00close. Albert Pell n'était pas là, du moins semblait-il. Et enfin, tout cela était bien
14:04bizarre. La police fit des recherches. Asile, hôpitaux, état civil, pompe funèbre, en province,
14:09en Belgique. En Belgique, c'était le pays d'Elisa. Rien. Le 15 juillet, une odeur épouvantable infesta
14:19la maison de l'horloger. Le 16 juillet, une odeur de chair brûlée se répandit alentour. Le 17 juillet,
14:27une odeur de chlore. Assez moins gênant, voire rafraîchissant, mais c'est suspect. Une délégation
14:35de voisins se rend chez la concierge en palabre et on expédie un rentier, terrorisé mais vindicatif,
14:40s'informer chez l'horloger qui manifeste avec trop de désavolture son retour à domicile.
14:44M. Klein, le rentier, frappe à la porte du logement. « Ces odeurs sont insupportables,
14:50monsieur. Vous pourriez respecter vos voisins. » Albert Pell en trouve à la porte,
14:54poigne sa barbiche et grogne. « Qu'est-ce que vous voulez ? » « Madame Elisa n'est pas là,
14:59c'est... Vous comprenez, c'est à cause de ces odeurs. » « Elisa est partie, je désinfecte.
15:05Cette dame a laissé de mauvaises odeurs derrière elle. » Terrorisé, M. Klein repart faire son
15:10rapport mais le grand conseil des voisins n'est pas satisfait. D'autant plus que toute la nuit,
15:13le fourneau de l'horloger ne cesse d'illuminer les persiennes pourtant closes. Le lendemain,
15:18une voisine, plus hardie que les autres, décide d'en avoir le cœur net. Elle grimpe sur une
15:23échelle jusqu'à la fenêtre de la chambre qu'occupait Elisa et par les fentes dévolées,
15:26elle aperçoit le lit vide, en désordre, le plancher couvert de chlore et devant le fourneau,
15:33une large couche de cendres. En dégringolant de l'échelle aussi vite que son émotion ne
15:39lui permettait, la voisine, échevelée, s'écrit « Il a fait cuire Mme Elisa ! » Cette fois-ci,
15:45le grand conseil des voisins alla tenir sa réunion au commissariat le plus proche et Albert Pell,
15:49l'horloger, est arrêté. Permettez-moi à ce point du dossier de vous fournir un petit résumé. 1.
15:55Mme Pell meurt mystérieusement au domicile de son fils. 2. Marie Labonne tombe malade chez
16:01l'horloger, en sort et guérit rapidement. 3. Eugénie Meyer, sa maîtresse, tombe malade et
16:05disparaît. 4. Eugénie Buffraud, sa première femme, meurt après deux mois de mariage. 5.
16:10Angèle Murat, sa seconde femme, tombe malade. 6. La mère d'Angèle Murat aussi, elle s'éloigne
16:15toutes deux à temps. 7. Elisa Baumer, sa dernière conquête, tombe malade et disparaît.
16:19Lorsque l'enquête de la police arrive aussi à ce petit résumé, qu'elle apprend que l'horloger a
16:25vendu des biens et des bijoux de toutes ses femmes, elle a, comme on dit, de fortes présomptions
16:30morales de soupçonner l'horloger de Montreuil d'être un nouveau barbe bleue. Que faisait-il
16:35enfermé chez lui ? Il jouait de l'orgue, c'est vrai, mais il fabriquait le curieux mélange de
16:41substances chimiques dont il avait obtenu officiellement à Prenton la détention et
16:46l'utilisation, tenez-vous bien, par la préfecture. Pour quoi faire ? Des recherches. Albert Pell est
16:53un génie méconnu, ne l'oublions pas. Que sont devenues les femmes qui ont disparu de chez lui ?
16:57Elles sont parties, tout simplement. Les femmes partent souvent et ne reviennent plus. On ne peut
17:01rien contre ça, ça se voit tous les jours. On lui reproche d'avoir annoncé la mort de sa mère et de
17:06ses compagnes avec une désinvolture anormale. Mais Albert Pell s'étonne. Y a-t-il une façon
17:11spéciale d'annoncer la mort de quelqu'un ? Pourquoi n'a-t-il pas rendu la dot que lui réclamer sa
17:16belle-mère ? Je trouvais ça inconvenant. Comment se fait-il qu'il ait laissé partir Elisa, sa dernière
17:22conquête, sans lui demander où elle allait ? Par discrétion, elle me devait 37 francs. Bref, les
17:28sept femmes de l'horloger de Montreuil ont vécu leur vie comme elles l'entendaient, elles sont mortes
17:32comme elles l'entendaient, elles ont disparu de même. Mais il y a quand même de quoi faire un procès. On
17:38ne retient contre lui au cours du procès que deux crimes. L'empoisonnement de Génie Buffraud, sa
17:42première femme, et la disparition suspecte d'Elisa, sa dernière associée. Motif ? On a trouvé de
17:49l'arsenic dans le corps exhumé de la première, on a trouvé dans la chambre d'Elisa un tas de cendres
17:54fort intéressants. Pied à pied, argument contre argument, calme, voire ironique, l'horloger de
18:00Montreuil l'endrut avant la lettre, ni tout, et tourne en ridicule les experts et les médecins
18:06dont il estime les analyses et le diagnostic bien tardif. Et d'ailleurs, il n'y a pas de preuves
18:11palpables. Un bout d'argument, le président du tribunal se fâche. Mais enfin, enfin, vos deux
18:17belles-mères vous accusent. Et l'horloger triomphe. Quand les belles-mères seront crues en justice, ce
18:23sera la mort de tous les gendres. On ne retrouva jamais le corps de sa dernière victime. On ne
18:29put jamais prouver que l'énorme tas de cendres s'appelait Elisabe Aumer et Albert Pelle ne fut
18:36pas guillotiné. Le jury le condamna aux travaux forcés à perpétuité et il termina sa vie au
18:43bagne. La justice avait fait confiance aux belles-mères, mais à moitié seulement.
18:48Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Bellemare. Un podcast issu des archives
19:14d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio. Réalisation et composition musicale, Julien
19:20Tarot. Production, Raphaël Mariat. Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova,
19:27Antoine Reclus. Remerciements à Roselyne Bellemare. Les récits extraordinaires sont disponibles sur le
19:34site et l'appli Europe 1. Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre
19:41plateforme d'écoute préférée.

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