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Le procès des viols de Mazan a mis en pleine lumière le viol sous soumission chimique, une forme de criminalité, souvent sous-estimée, voire ignorée. Dans ce type d’affaires, la victime est droguée par son agresseur, un fléau qui n'a jamais fait l'objet d'une vaste enquête, jusqu’au documentaire diffusé ce mardi soir sur France 2, titré “Pour que la honte change de camp”. Il montre à quel point ce procédé n’est ni rare ni récent mais très courant, or les faits sont très peu documentés, et on ne sait pas exactement combien il y a de victimes.

“Je parle de phénomène systémique parce qu'en faisant mes recherches dans la presse, je me suis rendu compte que dans énormément de cas, c'était un mode opératoire assez banalisé. Régulièrement, on se rend compte que des victimes se plaignent de ne pas avoir de souvenirs, de ne pas savoir ce qui leur est arrivé, d'être inconscientes et, à aucun moment, le terme de soumission chimique n'a été posé”, constate sa co-réalisatrice Linda Bendali.

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00:006h21, le procès des viols de Mazan a mis en pleine lumière une forme de criminalité,
00:05souvent sous-estimée, voire ignorée, le viol sous soumission chimique, c'est quand
00:09la victime est droguée par son agresseur, un fléau qui n'a jamais fait l'objet d'une
00:13vaste enquête.
00:14D'où l'intérêt du documentaire que diffuse France 2 ce soir, un documentaire que vous
00:18co-réalisez Linda Bendali.
00:20Bonjour.
00:21Bonjour.
00:22Soumission chimique pour que la honte change de camp, c'est le nom de votre film et ce
00:26que vous montrez c'est que malheureusement c'est courant, c'est ni rare, ni récent
00:31et pourtant les faits sont très peu documentés, on ne sait pas exactement combien il y a
00:34de victimes.
00:35Mais vous, vous parlez de phénomène systémique, pourquoi ?
00:38Oui, en fait je parle de phénomène systémique parce qu'en faisant mes recherches je me
00:42suis rendu compte que dans énormément de cas, j'ai fait des recherches dans la presse,
00:47j'ai découvert que c'était un mode opératoire assez banalisé, c'est-à-dire que régulièrement
00:51on se rend compte que des victimes se plaignent de ne pas avoir de souvenirs, de ne pas savoir
00:55ce qui leur est arrivé, d'être inconsciente et à aucun moment le terme de soumission
01:01chimique n'a été posé.
01:02C'est grâce à Caroline Darian, la fille de Gisèle Pellicot qu'à un moment le focus
01:06a été mis sur ce phénomène, sur ce fléau, moi j'appelle ça un fléau, aussi pourquoi
01:11? Parce qu'il est complètement invisibilisé.
01:13Dans la presse, il n'y a pas les mots soumission chimique, on parle de drogue, de viol sous
01:17drogue, drogue pour violer, c'est ça les mots qui apparaissent mais jamais soumission
01:20chimique.
01:21En fait le GHB, la drogue du violeur, a été un peu ce qui a tout caché, on s'est dit
01:26en fait c'est uniquement dans les bars, les boîtes de nuit, c'est un inconnu, en fait
01:31non, c'est comme dans les viols, ça se passe dans la sphère privée, amicale, familiale,
01:35c'est son père, c'est son mari, c'est son collègue de travail, son patron parfois,
01:40il y a une femme qui témoigne dans votre documentaire, c'est son propre patron qui l'a violé.
01:45Dans des situations les plus anodines qui soient, moi j'ai rencontré une dame, elle prenait
01:48l'apéro chez son voisin.
01:50En fait ce qui est terrible, c'est que le mode opératoire est toujours le même, c'est
01:55établir la confiance, c'est toujours prémédité parce que l'agresseur a préparé sa dose,
02:00il sait quels sont les effets du médicament et la proie en face, la victime, elle n'a
02:04aucune possibilité d'échapper à son filet.
02:08Et vous parliez du GHB, c'est rarement finalement du GHB, il y a plein d'autres choses et vous
02:13dites que c'est l'armoire à pharmacie familiale, des produits qu'on trouve hyper facilement
02:15en vente libre.
02:16Tout à fait, dans les chiffres qui existent, les rares chiffres qui existent, on parle
02:20de 5%, des affaires où le GHB intervient, sinon c'est deux affaires sur trois, c'est
02:26des médicaments.
02:27C'est-à-dire des anxiolytiques, des tranquillisants, des antidouleurs, des anti-allergiques parfois
02:31sans ordonnance.
02:32Des somnifères.
02:33Des somnifères.
02:34Des choses qu'on trouve vraiment hyper facilement en pharmacie.
02:38Et justement, vous le disiez, le témoin fil rouge de votre documentaire, c'est Caroline
02:42la fille de Gisèle Pellicot, une fille de victime mais aussi fille d'un bourreau qu'elle
02:46n'appelle plus papa mais son géniteur.
02:48Elle a accepté facilement de parler, de témoigner, d'être ce fil rouge de votre documentaire ?
02:54Oui, parce que pour elle, l'important c'était de tirer l'alarme, d'être lanceuse d'alerte
03:00sur ce phénomène de la soumission chimique.
03:02Et elle acceptait aussi en disant qu'il ne faut pas que ce soit l'affaire Pellicot
03:06qui est au devant de la scène, il faut que ce soit d'autres victimes et qu'on montre
03:11parce que justement c'est un mode opératoire systémique et banalisé.
03:14Donc la condition c'était le service public et plusieurs cas qui montrent le phénomène
03:20systémique.
03:21Vous faites témoigner six autres personnes à visage découvert.
03:24C'est l'affaire Pellicot qui a libéré leur parole ?
03:26Pas du tout.
03:27Parce que c'était un an avant l'affaire Pellicot.
03:29En fait, je crois qu'on est dans un temps où aujourd'hui les victimes veulent renverser
03:33la honte.
03:34Un an avant, elles ont accepté évidemment que Gisèle Pellicot ouvre les débats au
03:40public, les a renforcées dans leur conviction mais elle voulait déjà changer les choses
03:44bien avant.
03:45Ce qui est terrible, c'est qu'il y a deux choses à cause desquelles il n'y a pas
03:50beaucoup de plaintes.
03:51C'est l'amnésie.
03:52Il y a une victime sur deux qui ne se souvient de rien.
03:54D'ailleurs, il y en a une qui a une formule que je trouve vraiment très dure à entendre.
03:58Elle dit carrément, c'est le viol parfait, le viol qui ne laisse pas de traces.
04:01Et puis les autres s'en souviennent mais se rendent compte de ce qui est en train d'arriver
04:06mais ne peuvent rien faire.
04:07Il y a un homme, parce qu'il y a aussi un homme qui témoigne, qui dit « il me manipule
04:11comme un morceau de viande, je vois tout mais je ne peux plus réagir ». Et donc, c'est
04:14à la fois cette amnésie et la honte qui expliquent le peu de plaintes.
04:17Oui, tout à fait, parce qu'il y a aussi la société qui renvoie aussi et encore plus
04:23dans le cas de la soumission chimique à une forme de culpabilité, une forme de responsabilité.
04:27« Mais tu aurais dû surveiller ton verre, mais pourquoi tu as fait confiance ? » Et
04:31effectivement, dans le cas de la soumission chimique, il y a cette forme de forte culpabilité,
04:36cette forme de honte qui empêche les victimes de porter plainte et en plus, pour raconter
04:39quoi ? Pour raconter un viol dont elles n'ont pas de souvenirs ? C'est très compliqué.
04:43Et c'est difficile de prouver la soumission chimique parce que ces médicaments, les traces
04:47disparaissent très vite du corps et qu'en plus, vous le dites, les médecins et les
04:52forces de l'ordre ne sont quasiment jamais formés à ça.
04:54Oui, c'est très compliqué aussi pour les victimes là-dessus, c'est effectivement
04:57la seule façon pour elles, si elles dépassent le délai de trois jours, de prouver la soumission
05:02chimique, de prouver qu'elles ont été droguées, c'est d'avoir un prélèvement capillaire.
05:05Seulement aujourd'hui, les forces de police, les médecins ne le savent pas tous.
05:09Donc aujourd'hui, le documentaire, il a vraiment vocation à sensibiliser pour que tous ces
05:14professionnels de santé, de justice et de police se forment et repèrent les cas et
05:19les aident à s'orienter.
05:20Aujourd'hui, il y a des réflexions, des missions parlementaires, des missions gouvernementales
05:24qui sont menées.
05:25Il y en a notamment une mission parlementaire qui doit rendre ses conclusions ce matin.
05:29Alors l'un des enjeux, c'est de savoir s'il faut ou non inscrire le consentement dans
05:32le Code pénal.
05:33C'est un débat en France sur le sujet.
05:35Vous en pensez quoi ?
05:36Oulah ! Vaste débat, je ne pourrais pas me prononcer assez vite là-dessus, mais effectivement,
05:43il faut ouvrir le débat là-dessus parce que, pour moi, le vrai problème, c'est sûr
05:49que changer l'esprit de la loi est intéressant, mais le vrai problème, c'est d'abord de
05:52former les policiers dans le dépôt de plainte au début et les gendarmes quand la première
05:59porte qu'on ouvre, c'est là que les choses sont les plus importantes à faire.
06:03Merci Linda Bendali.
06:04Sous-mission chimique pour que la honte change de camp, c'est votre documentaire qui est
06:09diffusé ce soir à 21h sur France 2, documentaire produit par Andréa Rollings-Gaston.
06:14Merci à vous d'être venue sur France Inter.
06:15Merci.

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