Début de "l'âge d'or de l'Amérique", récupération du canal du Panama , renvoie de millions de migrants : retour sur l'investiture de Donald Trump avec Philippe Etienne, ancien ambassadeur de France à Washington de 2019 à 2023.
Regardez L'invité de RTL avec Thomas Sotto du 21 janvier 2025.
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00:00Et tout de suite, l'invité de RTL Matin, Thomas, vous recevez aujourd'hui Philippe
00:07Etienne, ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis.
00:09Il a aussi été conseiller diplomatique d'Emmanuel Macron et dans les deux cas, il a eu affaire
00:14à Donald Trump.
00:15Bonjour et bienvenue sur RTL, Philippe Etienne.
00:17Bonjour.
00:18On vient d'écouter attentivement François Langlais.
00:19Il y a le fond, il y a la forme, pardonnez le caractère un peu direct de ma première
00:22question, mais est-ce que c'est un cinglé qui vient de se réinstaller à la Maison-Blanche?
00:26C'est un président qui a un fonctionnement qu'on connaît de son premier mandat mais
00:30qui a décidé cette fois de passer à la vitesse supérieure.
00:34Ce qu'il veut dire?
00:35Parce qu'il n'a que deux ans avant la prochaine élection au Congrès où il pourrait perdre
00:39éventuellement sa majorité, au moins dans une des deux chambres, parce qu'aussi il
00:45vient avec ce sentiment qu'il a été empêché de faire ce qu'il voulait pendant son premier
00:49mandat et d'avoir un deuxième mandat immédiatement.
00:53Pour prendre sa revanche?
00:54Je crois que c'est simplement pour mener des politiques qu'il considère comme étant
01:02celles pour lesquelles il a été élu par le peuple américain.
01:05Et la première d'entre elles, c'est fermer la frontière et lutter contre l'immigration illégale.
01:08Vous l'avez connu, Amandine Houdier, dans deux contextes différents, conseiller diplomatique
01:11d'Emmanuel Macron et ambassadeur de France à Washington, vous aviez, pardon de vous
01:16reposer la question, l'impression d'avoir à faire quelqu'un de normal, de structuré
01:20ou un berlut insaisissable?
01:24Quand j'étais ambassadeur à Washington, et effectivement avant, quand je traitais
01:29ces affaires depuis Paris, nous avions l'impression d'avoir effectivement un mode de gestion
01:34des affaires assez différent de la transition américaine, qui est très structurée, qu'on
01:41a retrouvée d'ailleurs sous Joe Biden, presque encore plus, parce que là il s'agissait
01:44de protéger le nouveau président démocrate.
01:47Là, au contraire, on a un processus où il y a des priorités claires, il y a des annonces,
01:53mais on ne sait pas du tout, et même les proches conseillers du président Trump ne
01:56savent pas, ce qu'il va in fine décider, donc il y a cet aspect d'imprévisibilité
02:01et donc un fonctionnement de l'administration effectivement assez différent.
02:05Quel est le premier souvenir que vous gardez, vous, de Donald Trump?
02:09Alors, le premier souvenir, c'est quand j'étais à l'Elysée, les premières rencontres
02:13entre Emmanuel Macron et Donald Trump, c'est donc la rencontre, il y a eu trois rencontres
02:19qui se sont succédées très rapidement, la rencontre en marge du sommet de l'OTAN
02:23en juin, puis toujours en juin, le premier sommet G7 des deux présidents, qui était
02:28en Sicile, à Taormina, et puis la fameuse visite le 14 juillet, et l'enthousiasme du
02:34président américain devant le défilé de notre fête nationale.
02:37Et vous aviez l'impression d'avoir une cohérence du personnage à chaque fois que vous le revoyez,
02:41vous vous dites, tiens, il est différent, il a changé, il a tourné sa veste...
02:45C'est une question intéressante, parce qu'il y a à la fois des sauts, je dirais, des sauts
02:50d'humeur, la visite qu'il a faite le 11 novembre 2018, à l'époque, il venait de perdre les
02:56élections, donc, assez normalement, il n'était pas de très bonne humeur.
03:00L'élection de mi-mandat.
03:01Oui, mais les autres visites, parce qu'il y a eu quatre visites du président Trump
03:06lors de son premier mandat en deux ans en France, elles se sont très bien passées,
03:10en général.
03:11Mais avec ces variations, il y a aussi quand même une certaine permanence dans les priorités
03:20qu'il poursuit.
03:21Pour vous, c'est un idéologue, Trump ?
03:23Je ne dirais pas que c'est un idéologue, je dirais que c'est quelqu'un qui peut être
03:28entouré d'idéologues, il y a des idéologues autour de lui, mais il a plutôt, à la fois
03:36des priorités politiques, une méthode, en tout cas une façon de faire, mais je dirais
03:40qu'il est aussi assez pragmatique, c'est l'art, comme cela vient d'être dit, à
03:47partir d'un rapport de force, l'art de la négociation, l'art du deal, il a même écrit
03:50un livre là-dessus.
03:51Vous parliez des personnes qui l'entourent, qui sont parfois des idéologues, on a l'impression
03:55que c'est un homme de passion successif, Trump en ce moment c'est Musk, est-ce qu'il
03:59est influencé à chaque fois par ses idoles du moment ?
04:02Oui, certainement, il est certainement influencé, ce qui peut conduire d'ailleurs à des
04:10tendances différentes, voire contradictoires dans ses entourages, là on voit par exemple
04:16que la tendance dite MAGA commence à s'émouvoir de l'influence jugée trop grande de la tendance
04:24TEC, symbolisée par Zuckerberg et par Elon Musk d'abord, on l'a vu sur l'immigration,
04:31mais je ne pense pas que ça le dérange d'avoir différents avis, puisqu'à la fin de toute
04:37façon c'est lui qui décide et après effectivement, on l'a vu dans son premier mandat, je l'ai
04:43vu avec les conseillers à la sécurité nationale qu'il a eus successivement, il a nommé des
04:47gens dont il s'était senti très proche et avec lesquels il s'est assez violemment
04:52disputé ensuite.
04:53En général quand ils se disputent c'est vraiment des gros... c'est dehors quoi.
04:56Oui, là je pense à John Bolton par exemple, qui était son conseiller à la sécurité
05:02nationale, l'un de ses conseillers.
05:03On connaît tous et on voit tous le Trump showman, micro en main, qui adore faire campagne,
05:09qui fait campagne même quand il est président, qui fait campagne la veille de son investiture
05:12puisqu'il avait encore un meeting avant hier soir.
05:14Est-ce que quand on est dans un bureau enfermé avec lui, c'est le même bonhomme ? Est-ce
05:19que c'est le même ton ?
05:20Non, non, non, la plupart du temps, enfin d'après mon expérience du premier mandat,
05:27je n'ai pas d'expérience récente, le contact est tout à fait cordial, la discussion se
05:35fait sur des sujets à l'heure du jour, on passe les sujets en revue.
05:42Il a son style, il a ses objectifs, il a sa façon de parler, incontestablement.
05:47Mais non, ce n'est pas forcé, on n'a pas l'impression d'être dans un meeting, mais
05:53comme il en fait aussi quand il est président.
05:55C'est quelqu'un qui, hier soir, alors qu'il était déjà président, il est retourné
06:03voir ses supporters dans la salle.
06:05Emmanuel Macron a souvent joué, voire surjoué la carte de la virilité avec lui, on se souvient
06:09des poignées de main.
06:10Encore même au moment de la réouverture de Notre-Dame, ils font presque un bras de
06:14fer pour se dire bonjour, les rodeaux montades, ça, ça fonctionne avec lui, la stratégie
06:17du mal dominant ?
06:19Moi, je pense que ce qui fonctionne avec lui, et c'est normal après tout, c'est qu'il
06:24attache beaucoup d'importance à ses relations personnelles avec les autres dirigeants.
06:29Précisément parce que, comme je le disais, il veut faire des deals, il estime que sur
06:34les sujets importants pour lui, ce n'est pas son administration de décider.
06:39Et donc, il tient beaucoup à pouvoir le faire, et ça vaut pour les dirigeants de puissance
06:46dites autoritaires, et c'est ça qu'on met souvent en avant, il veut avoir ses relations
06:51directes avec Poutine.
06:52Mais pas ce qu'il met de l'affect, parce qu'il pense que c'est plus efficace.
06:54Mais ça vaut en fait pour tous les dirigeants, parce que c'est comme ça que lui, il fonctionne.
06:59Et donc, il y a effectivement certainement un peu d'affect, mais c'est tout simplement
07:03comme ça qu'il entend, parce qu'il entend décider lui-même sur beaucoup de choses,
07:08et il estime que, alors que c'est une question internationale, c'est dans son dialogue
07:13avec l'autre dirigeant qu'il va pouvoir arriver à un accord.
07:17Il est impressionnant ou pas ? Est-ce que vous pensez que Poutine peut être impressionné
07:20par Trump ? Est-ce que Macron était impressionné par Trump ?
07:22Alors, ce que l'on dit souvent à juste titre, c'est que c'est l'imprévisibilité de ses
07:31décisions qui lui donne un certain atout.
07:34Et effectivement, comme il n'est pas comme les autres présidents, cela interpelle ses
07:41interlocuteurs.
07:42Après, la relation entre lui et les autres dirigeants dépend aussi chaque fois de qui
07:49il est en face de lui.
07:50Mais vous, vous vous impressionnez ou pas ?
07:51Comment dire ? Je ne sais pas ce que ça veut dire, impressionner au sens strict, faire
07:58une impression, oui, mais une fois que, vous savez, c'est quelqu'un, c'est un être humain,
08:04donc une fois qu'on essaie de comprendre comment il fonctionne, voilà, et puis on le prend
08:11pour ce qu'il est.
08:12Ce n'est pas un président comme un autre, c'est sûr, et on essaie de s'adapter.
08:19En tout cas, vous, il ne vous a pas empêché de dormir cette nuit, visiblement ?
08:21Non, j'ai l'air reposé.
08:24Vous avez l'air en forme.
08:25Non, j'ai quand même essayé de suivre tous les décrets qu'il a signés, et je vous dirais
08:31que ce n'est pas tout à fait facile, parce qu'il en a signé beaucoup, effectivement,
08:34sur beaucoup de sujets.
08:35Merci beaucoup, Philippe Etienne, d'être revenu sur l'air.