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« Mieux vaut tard que jamais », dit l’adage. Âgée de 82 ans, Jeanne Somé/ Dombwa a dédicacé son premier livre intitulé « Bohan ou la fille des Rochers ». À travers cette œuvre autobiographique, elle souhaite laisser des traces de son existence et inspirer les générations actuelles et futures. Dans cette interview qu’elle a accordée au journal Lefaso.net, celle qui est connue pour son franc-parler n’a pas dérogé à la règle. Installez-vous confortablement et abreuvez-vous à l’école de la vie, pour ne pas dire de sa vie.
#burkinafaso
Transcription
00:00Musique d'ambiance
00:24Musique d'ambiance
00:35Je me suis lancée dans l'enseignement et en 1980, il y avait le concours de recrutement des inspecteurs de l'enseignement du premier degré.
00:52Je l'ai passé en 1980, j'ai réussi et je suis venue faire la formation à l'école des cadres de l'éducation nationale.
01:04Et à la fin de la formation, qui a duré deux ans, je suis sortie avec mon diplôme d'inspecteur de l'enseignement du premier degré.
01:13C'est un diplôme qui me donnait droit à l'encadrement dans les écoles primaires, les enseignants, les élèves et tout.
01:25Je me suis sortie avec ce diplôme et première affectation, je me suis retrouvée à la direction de l'enseignement du premier degré.
01:36C'est la direction à l'époque qui coiffait toutes les écoles primaires de la Haute-Volta à l'école de Dijon.
01:44Puis ensuite au Burkina. Et j'ai commencé à travailler comme adjointe au directeur de l'enseignement.
01:53On a fini la formation en 1962, j'ai été affectée, en fait on n'était même pas affectée, on était nommée par décret présidentiel à la direction de l'enseignement du premier degré.
02:10Et j'ai commencé à travailler là-bas. Et entre temps, sur le conseil d'un ancien qui m'a dit un jour comme ça,
02:22il m'a dit, Jeanne tu ferais mieux d'aller te spécialiser en enseignement plus scolaire.
02:29Parce que je sens que tu en as la capacité et je sens que tu aimes les enfants.
02:36Ça m'est resté en tête, j'ai commencé à travailler.
02:40Et puis Jeanne a parlé comme ça un jour par hasard à mon directeur, et qu'elle a trouvé que c'était une bonne idée.
02:48Et ensemble on est allé voir le ministre de l'éducation nationale, qui a trouvé que c'était une bonne idée,
02:54qui a saisi son colère de la fonction publique.
02:57Et donc il y a eu une décision qui m'a mise en stage pour deux ans, pour me spécialiser en enseignement de plus scolaire,
03:06encadrement de tout petit. Je suis partie donc en France.
03:12Bon, au lieu de faire deux ans, parce que bon, là où on m'a envoyé en fait c'était pas spécialisé pour la petite enfance.
03:26C'était pour perfectionner les inspecteurs en général.
03:31Moi j'ai demandé d'aller dans un coin où on parlait spécialement de la petite enfance.
03:37C'est là qu'on m'a envoyé à Orléans, et il y avait une association qu'on appelle le CIMEA,
03:44le centre d'entraînement aux méthodes d'éducation active, qui avait leur centre de formation de plus scolaire là-bas.
03:53Donc j'ai fait une année scolaire là-bas, j'ai fait la formation, et à la fin de l'année j'ai eu mon diplôme en spécialiste de l'enseignement de plus scolaire.
04:05Et j'ai demandé à rentrer. Je suis rentrée donc, et j'ai repris mon travail à la direction de l'enseignement.
04:13Mais on m'avait chargé entre-temps de tout l'enseignement primaire privé et de l'enseignement plus scolaire.
04:21Donc j'ai repris mon travail à la direction, et puis bon voilà quoi, je m'occupais de ça.
04:28J'ai signalé le pays pour voir les centres d'éducation plus scolaire, et en même temps les écoles primaires privées, etc.
04:40Et puis bon, finalement en décembre 88, j'ai été nommée à la direction de l'enseignement de premier degré.
04:51Je me suis retrouvée donc à cette direction-là, en train de coiffer tout l'enseignement primaire et plus scolaire du Burkina Faso.
05:02Et donc je suis restée là-bas de 88 à 92.
05:09Et puis en temps, bon, je suis...
05:16Quand on te nomme, il faut savoir aussi qu'on peut te dénommer.
05:20Quand on m'a nommée, et puis un bonjour, on m'a dit non, on va te remplacer.
05:26J'ai dit il n'y a pas de problème.
05:28Donc je suis partie de là-bas, et on m'a affectée à l'école de cadres, là où on formait les inspecteurs et les conseillers pédagogiques.
05:38Je suis allée là-bas pour enseigner.
05:42Et entre-temps, il y a l'ONG plein international qui s'occupe des enfants dans certaines zones du pays, qui cherchait des cadres pour s'occuper de son volet ou d'éducation.
05:57C'est ainsi que le représentant, qui était un Canadien à l'époque, m'a approchée et m'a demandé si je voulais venir travailler avec lui.
06:08J'ai dit oui.
06:10Donc je suis allée là-bas en 93 ou 94, je ne sais plus.
06:20En tout cas, je suis allée travailler là-bas.
06:23Nous étions deux.
06:25Ils ont récolté deux anciens inspecteurs, mais l'autre était plus âgé que moi, plus expérimenté que moi.
06:34C'était un peu en plus.
06:36Peul, Boubou, de la varendée à Blaisanderie.
06:40Mais on a formé une bonne équipe et on travaillait.
06:43On a enlevé le représentant qui était là.
06:46Et c'est quelqu'un d'autre qui est venu.
06:49Et quand il est venu, il a trouvé qu'il n'avait pas besoin de nos services.
06:55Je suis repartie au ministère.
06:58Arrivé au ministère, on m'a mise à la direction du secrétaire général pour étudier des dossiers, des choses.
07:06Finalement, le ministre m'a pris comme son conseiller technique, deuxième conseiller technique.
07:12J'ai travaillé là-bas jusqu'à ma retraite qui était en 98 normalement.
07:24Et quand la date de la retraite est arrivée, on a sorti mon arrêté de mise à la retraite.
07:30Mais en même temps, on a sorti un arrêté de réquisition pour deux ans.
07:35Vous travaillez au président-ministre.
07:40Parce qu'on m'avait confié un dossier.
07:43Le dossier de la mise en place des directions régionales de l'éducation nationale.
07:50Donc j'ai travaillé sur ce dossier. Il fallait que j'arrive à mettre en place ces directions-là.
07:56C'est pour cela qu'on m'a recommis deux ans de travailler sur ce dossier.
08:01Au bout de deux ans, on a mis en place les directions.
08:06Et comme la réquisition arrivait à terme, je me suis dit au revoir.
08:13Je m'ai libérée au niveau du ministère de l'éducation nationale.
08:17Et je suis partie.
08:19Et puis, je ne sais pas par quelle acrobatie.
08:24En novembre 2000, on m'appelle.
08:29On me dit voilà, on est entrés.
08:34Vous êtes trop jeunes, vous n'avez pas suivi les turbulences politiques autour de l'époque.
08:40Avec l'assassinat des journalistes norvèges, hongos.
08:44La situation était vraiment difficile.
08:48Et le président de l'époque, Blinz Konpari, cherchait à apaiser les choses.
08:54Et donc, il a décidé de former un gouvernement d'union nationale, d'ouverture.
09:01Faire entrer des gens, des choses pour essayer de calmer la situation.
09:07Moi j'étais là, retraitée, je rangeais mes affaires.
09:11Et je reçois un coup de fil du premier ministre, nommé, qui veut me voir.
09:17Je vais, bon, pour s'entretien.
09:20Et il me dit voilà, qu'on veut me confier dans le gouvernement la charge de l'enseignement non formel.
09:29Donc, c'était à l'alphabétisation et tout, etc.
09:34Bon, j'ai accepté.
09:38Je ne connaissais pas du tout ces domaines-là.
09:41Parce que moi, toute ma carrière, j'ai travaillé au formel.
09:45Donc, on me demande de travailler au non formel.
09:49Donc, je suis allée entrer là-bas au gouvernement,
09:54comme secrétaire d'État chargée de l'alphabétisation et de l'éducation non formel.
10:01Je me suis mise au travail.
10:04Je me suis renseignée, lire, voir, etc.
10:09Pour essayer de mettre ça en marche.
10:13Il n'y avait pas de document qui définissait le non formel au Burkina.
10:19C'était quoi.
10:20Et donc, je me suis attelée à ça.
10:23J'ai dit, mais on ne peut pas travailler ici.
10:25On ne sait pas ce qu'on veut de quoi on veut.
10:28Donc, j'ai pu faire récruter deux enseignants expérimentés, inspecteurs, etc.
10:35Et puis, je leur ai dit de réfléchir sur la question et de nous sortir un document
10:40qui définisse l'éducation non formelle au Burkina.
10:43Le public cible, et éventuellement, le programme.
10:49C'est à quoi on va suivre.
10:51Donc, ils ont fait le travail.
10:54Et la suite, c'était justement maintenant,
10:58dans la mesure où nous avions les grandes lignes de ce que nous voulions dans le non formel,
11:03il fallait à partir de là, développer un programme.
11:08J'ajoute, je précise que le non formel, c'était une idée qui voulait que les enfants
11:17qui n'ont pas pu aller à l'école entre 9 et 15 ans,
11:22puissent fréquenter ces centres-là et apprendre,
11:26non seulement parler de la langue, mais aussi apprendre le français.
11:33Et apprendre à faire quelque chose que, à la fin de leur formation,
11:39qui devait durer 2, 3, 4 ans, ils puissent faire quelque chose.
11:46On a fait ce travail.
11:48Puis l'alphabétisation, il y avait beaucoup de gens qui travaillaient dans le domaine de l'alphabétisation.
11:53Ce n'était pas organisé.
11:55Il a fallu aussi.
11:57J'ai dit, mais on ne peut pas non plus laisser les gens, chacun faire ce qu'il veut.
12:03Donc, j'ai proposé au premier ministre qu'on essaye de mettre en place quelque chose
12:10qui définisse l'alphabétisation.
12:14Qui peut alphabétiser, dans quelles conditions, quoi, etc.
12:20Il y avait des financements qui venaient un peu partout, des partenaires techniques et financiers.
12:26J'ai dit, il faut organiser tout ça, etc.
12:29Et donc, j'ai dit, bon, il faut créer un fonds.
12:33Tous ces partenaires-là qui veulent nous aider, ils vont mettre l'argent dedans.
12:37L'État va mettre l'argent dedans et on va organiser les alphabétiseurs.
12:43C'est, disons, les opérateurs en alphabétisation.
12:46C'est comme ça qu'on les appelait, les opérateurs en alphabétisation.
12:50Que ce soit des ONG, que ce soit des individus.
12:55L'État était chargé de définir le programme, le profil.
13:01Et eux, ils étaient chargés d'appliquer ce que l'État avait décidé.
13:06On a réussi à créer, donc, ce fonds-là.
13:09Le fonds pour l'éducation, l'alphabétisation et l'éducation non formelle.
13:14Et on a mis ça en place.
13:16Le gouvernement, à un moment donné, ça n'allait pas.
13:20Ils ont dû changer de gouvernement, reconstituer le gouvernement.
13:27Et moi, dès le départ, en rentrant au gouvernement, j'avais précisé au Premier ministre
13:33que pour des raisons de famille, parce que mon mari était vraiment malade,
13:37qu'on ne me demande pas de prendre une carte politique.
13:40Parce que je ne pourrais pas mener le travail.
13:44Bon, si c'est le travail, tout ça, je peux le faire.
13:47Mais je ne peux pas m'engager dans un parti politique.
13:50Donc, on ne me demande pas de prendre une carte politique.
13:53Et comme je n'avais pas de carte politique, et avec plein de partis politiques,
13:59quand on a renouvelé le gouvernement, on m'a libérée.
14:03Les partis politiques se sont battagés, les postes ministériels.
14:07Et c'est comme ça qu'en 2002, finalement, j'ai pris la retraite.
14:18Et quand j'ai pris la retraite, pour moi, je me reposais.
14:23C'était fini, quoi.
14:25Ma carrière était arrivée à bout.
14:28Et puis, en novembre 2002, j'ai reçu encore un appel du président de l'Assemblée nationale.
14:36Il dit qu'il veut me voir.
14:39Je vais le voir.
14:41Il me dit, oui, au niveau de l'État, on est en train de réorganiser la justice.
14:47Et puis, on veut mettre en place un conseil constitutionnel
14:53avec une cour de compte à part et une cour de quoi-là même, je ne sais plus.
14:59Bref.
15:00Et il dit, oui, on a pensé à toi pour faire partie du conseil constitutionnel.
15:05Je dis, mais moi, je n'ai pas fait de droits, je n'ai rien fait.
15:09Conseil constitutionnel, là, ça, c'est les lois, c'est les quoi.
15:13Il me dit, non, non, non, avec ton expérience, tu peux servir.
15:16Je dis, ah oui, comme vous voulez.
15:19Et donc, c'est comme ça qu'en novembre, octobre, je me suis retrouvée,
15:24quand ils ont nommé le premier conseil constitutionnel,
15:27je me suis retrouvée membre du conseil constitutionnel.
15:32Et bon, donc, on était trois femmes et puis six hommes.
15:40Donc, on a travaillé.
15:48C'est une nouvelle institution qu'il fallait mettre sur pied et ce n'était pas facile.
15:54Mais grâce à Dieu, on a réussi à mettre le conseil en place.
15:59On a dirigé, on a managé les élections présidentielles.
16:06Moi, j'avais un mandat de six ans, conseil constitutionnel.
16:10Donc, en 2008, mon mandat arrivait à expiration.
16:14Donc, on m'a libérée.
16:17Et puis là, je dis, cette fois-ci, c'est fini.
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