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  • 1/20/2025
On a demandé à Clément Viktorovitch de décrypter les répliques et punchlines les plus cultes de nos politiques français ! 🇫🇷📺

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Transcript
00:00Pour convaincre, les politiques usent, évidemment, de rhétorique.
00:04Eh bien, pour Néo, je décrypte quelques punchlines de nos chers élus.
00:08Ce soir, je ne suis pas le Premier ministre et vous n'êtes pas le Président de la République.
00:16Nous sommes deux candidats à égalité.
00:19Vous me permettrez donc de vous appeler Monsieur Mitterrand.
00:22Mais vous avez tout à fait raison, Monsieur le Premier ministre.
00:25Ce qui se joue ici, c'est ce qu'en rhétorique on appelle un jeu autour de l'éthos.
00:30L'éthos, c'est l'image que les orateurs et les oratrices renvoient d'elles-mêmes
00:33et d'eux-mêmes à travers leur discours.
00:35En 1988, Jacques Chirac est Premier ministre depuis deux ans, depuis 1986.
00:40François Mitterrand est le Président de la République.
00:42Il s'affronte lors des élections.
00:44Du point de vue des Françaises et des Français, quand les téléspectateurs
00:47et les téléspectatrices ont regardé leur télévision, ce qui se joue est clair.
00:50Ils voient d'un côté un Premier ministre, de l'autre un Président.
00:54En termes d'image, d'éthos, le poids de François Mitterrand
00:57est écrasant sur celui de Jacques Chirac.
00:59Donc, ce que tente de faire Jacques Chirac, c'est de neutraliser cette situation en la verbalisant.
01:05Il tente de rétablir une équité.
01:07Et la réplique de François Mitterrand est d'une extrême cruauté.
01:10Jacques Chirac ne peut pas refuser à François Mitterrand le fait de l'appeler Premier ministre.
01:15Mais vous avez tout à fait raison, Monsieur le Premier ministre.
01:18Voilà François Mitterrand qui, en une phrase, remet les compteurs à zéro,
01:22pulvérise la stratégie d'éthos de Jacques Chirac, reprend l'ascendant.
01:27Charles Pasquoie, qui était l'un des proches conseillers de Jacques Chirac en 1988,
01:30raconte que Jacques Chirac rentre dans son bureau, lui dit
01:34« Bon ben, allons-y, préparons le débat d'entre-deux-tours.
01:38Sois mon sparring-partner, élaborons des stratégies. »
01:41Et Charles Pasquoie aurait éclaté de rire en disant
01:43« Mais Jacques, qu'est-ce que tu veux qu'on prépare ? »
01:45Tu vas lui serrer la main, tu vas lui dire « Bonjour, Monsieur le Président. »
01:47Il va te répondre « Bonjour, Monsieur le Premier ministre. »
01:49Et tu auras déjà perdu.
01:51Donc ça, c'est la prédiction de Charles Pasquoie qui, in fine, s'est révélée exacte.
01:55L'éthos était au cœur de ce débat et c'était clair pour les deux parties,
01:59les deux adversaires, dès la première minute.
02:01Moi, Président de la République, je ne traiterai pas mon Premier ministre de collaborateur.
02:06Moi, Président de la République, je ne participerai pas à des...
02:11Bon, c'est l'anaphore classique de François Hollande dans son débat présidentiel
02:15face à Nicolas Sarkozy, 2012, bien évidemment.
02:19Moi, Président de la République, François Hollande utilise une anaphore.
02:22Une anaphore, c'est une succession de phrases
02:24qui commencent toutes par le même mot ou le même groupe de mots,
02:26qui permet de construire une montée en intensité,
02:30un crescendo dans son discours.
02:32Là, c'est efficace clairement pour l'effet d'accumulation.
02:34Nicolas Sarkozy semble ployé sous le poids des critiques,
02:39sous l'accumulation des reproches.
02:41C'est simplement donner l'impression que le Président de la République en exercice,
02:46Nicolas Sarkozy, est littéralement réduit au silence
02:49sous le poids et l'accumulation des critiques.
02:51À l'époque, des sarkozistes ont eu le sentiment de voir une séquence ridicule.
02:55Ce n'est pas complètement faux.
02:56C'est-à-dire qu'effectivement, d'un point de vue rhétorique,
02:58l'anaphore est assez mal maîtrisée.
02:59Elle décroît alors qu'elle devrait aller crescendo.
03:02Au contraire, quand on le regarde in extinso,
03:05on se rend compte que plus ça va, plus ça s'étiole.
03:07Moins on est dans des choses claires et probantes,
03:10et donc plus on perd en intensité,
03:12l'anaphore, c'était clairement, incontestablement,
03:16la signature rhétorique de Nicolas Sarkozy.
03:18Quand on écoute les discours de meeting de Nicolas Sarkozy à l'époque,
03:21c'est bien souvent une succession d'anaphores
03:24qui piègent les auditeurs et les auditrices
03:26dans des montées en intensité successives.
03:29Et on ne peut qu'imaginer sa détresse de voir ainsi,
03:33sur le plateau de ce débat si important, retourner contre lui.
03:36Et en plus, avec maladresse, retourner contre lui l'arme
03:39qui était pourtant sa signature,
03:41et qui en l'occurrence a participé à causer sa perte.
03:44Je dis participé parce qu'en réalité,
03:46quand on regarde le débat dans son intégralité,
03:49François Hollande a le dessus très largement
03:51et sur une très large part de cet échange.
03:55Qu'est-ce que tu lui conseilles ?
03:56Faire un peu de footing, un peu de vélo, du sport ?
03:58Et là, il aura les dents longues comme il peut les avoir.
04:02Et puis, comme toi dans Paris-Tour,
04:06tout droit, le peloton derrière, voilà, jamais il te rattrapera.
04:09Tout à fait.
04:09Il faut juste arriver devant.
04:12Ah, la bonne vieille communication du début des années 2000,
04:17c'est vraiment une construction d'images de la part de Nicolas Sarkozy.
04:22Il n'est pas encore président de la République à l'époque,
04:24il est en pré-campagne.
04:25Ce que cherche Nicolas Sarkozy, c'est quelque chose d'assez classique,
04:28c'est ce qu'on appelle de l'étose par translation.
04:30C'est-à-dire, il cherche certes lui-même à se montrer sous son meilleur jour,
04:35comme quelqu'un d'assez cool, comme quelqu'un de sportif.
04:38Mais bien sûr, ce qu'il cherche aussi, c'est l'association avec l'image de Richard Wierink,
04:43un homme pour qui la France avait à l'époque une forme de sympathie,
04:46en dépit évidemment des affaires de dopage qui l'ont accablée.
04:50Et ça, c'est quelque chose qui fonctionne.
04:52On le sait en marketing.
04:53Est-ce que les capsules Nespresso auraient eu un tel devenir sans le What Else de Georges Clooney ?
04:58Peut-être pas.
04:59On voit bien que là, l'étose par translation fonctionne.
05:02Il n'y avait pas plus de raisons d'acheter des capsules Nespresso après qu'avant.
05:06Mais la simple association avec l'image de Clooney avait fonctionné.
05:09C'est exactement ce que cherche ici Nicolas Sarkozy.
05:12Et ce qui est intéressant, ce qu'on voit, c'est cet échange,
05:15où Richard Wierink lui dit, voilà, on s'entraîne, on garde le rythme,
05:19et il pourra voir bien les dents qui rayent le parquet.
05:21Ça, c'est terrible pour Nicolas Sarkozy.
05:23C'est-à-dire que là, pour le coup, c'est une attaque directe sur son propre étose.
05:27Les dents qui rayent le parquet, c'est ce qu'on disait de Sarkozy.
05:30Là, ce qui est très intéressant, c'est qu'on voit une tactique de désarmement
05:34qu'utilise Nicolas Sarkozy, qui est non pas de contester, non pas de protester.
05:39Il embrasse le mouvement, il éclate de rire.
05:42C'est une vanne, ça le fait rire.
05:43Et il réembraye même.
05:45Il reprend la métaphore pour en faire une arme.
05:48Et ça, c'est l'œuvre de ceux qui ont une grande répartie,
05:51qui sont capables, et c'est surprenant de la part de Sarkozy,
05:54d'avoir un peu d'autodérision.
05:55Il va montrer que l'image du président de la République,
05:59elle peut rentrer en résonance avec l'image des Français ordinaires.
06:02Et cet extrait d'ailleurs de Sarko qui fait du vélo,
06:05comme vous et moi, c'est une étape,
06:09c'est un pion supplémentaire dans cette stratégie
06:11qui a été celle de la proximité et de l'authenticité.

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