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00:00Bonjour Emmanuelle Ducrot, bonjour Dimitri et bonjour à tous.
00:03Vous nous parlez ce matin de la dernière sucrerie familiale de France.
00:07Ouvrez, fils, elle est à soupes sur loin, c'est en Seine-et-Marne, et bien cette sucrerie va fermer.
00:12Elle avait un siècle et demi d'existence et elle était passée dans les mains de six générations successives.
00:17Elle a accumulé les soucis techniques et le coût pour remettre les installations à niveau est prohibitif.
00:21Les banques ne vont pas suivre, sa fermeture laisse 109 salariés et 300 planteurs de betteraves sur le carreau.
00:27Alors, si elle ferme, c'est aussi parce que le secteur est en difficulté, qu'il a du mal à trouver de l'argent.
00:32Le secteur sucrier français vient de vivre une série noire.
00:35C'est la sixième sucrerie qui ferme en France depuis 2019.
00:39Nous avons perdu en cinq ans un quart de notre capacité industrielle.
00:42Je ne sais pas si on se rend bien compte, c'est massif.
00:44Et ça alors que la France est le premier producteur de sucre européen, une place aujourd'hui menacée.
00:49Alors ce qu'il faut bien comprendre, c'est que quand une sucrerie ferme, les autres sucreries ne peuvent pas forcément prendre le relais.
00:55Les betteraves sont transformées au plus près de l'endroit où elles poussent, parce que c'est cher de les transporter.
01:00Une sucrerie qui ferme, c'est tout un pan de l'économie locale en rideau.
01:03C'est des cultures qui ne se font plus, et puis c'est aussi une part de notre richesse nationale qui disparaît.
01:07C'est une succession de crises qui laminent le secteur sucrier français.
01:11Des crises nées de décisions politiques mal gérées.
01:13Il a connu une première crise économique à la fin des quotas sucriers européens en 2017 avec un effondrement du prix du sucre.
01:20Ensuite, il y a eu la crise sanitaire de la jaunise des betteraves en 2020.
01:24Là, c'était la faute du duo Ségolène-Royal-Barbara-Pompili qui avait imposé dans la loi l'interdiction franco-française d'un traitement contre les pucerons encore autorisé ailleurs en Europe.
01:34On avait perdu cette année-là 30 à 50% de la récolte des betteraves pour des choix politiques irréfléchis, et 4 sucreries avaient fermé à cause de ça.
01:42Et pour ne rien arranger, il y a eu depuis un afflux massif de sucre ukrainien sur le marché européen depuis le début de la guerre.
01:48Les prix ont été divisés par 2 depuis fin 2023.
01:52On leur avait levé les droits de douane, c'est ça, pour aider l'économie ukrainienne.
01:55Bon, est-ce que c'est si grave finalement de produire moins de sucre ? Parce qu'après tout, c'est pas terrible pour la santé, on sait qu'on en mange trop.
02:01Il faut tourner le coup aux idées reçues. Le sucre, ce n'est pas seulement des bonbons et du soda.
02:05Il a aussi d'autres usages cruciaux pour la souveraineté française.
02:08En pharmacie et en chimie par exemple, ça c'est 10% des volumes.
02:11Pour la production d'alcool et de carburant à base d'éthanol, ça c'est 20% de nos usages.
02:16Et c'est crucial quand on veut décarboner les transports.
02:19Vous ne le savez peut-être pas, mais votre essence contient de l'éthanol de betterave.
02:22Et ça contribue à faire baisser la facture fossile de la France et aussi sa facture carbone.
02:28Et ça, on peut faire beaucoup mieux.
02:29Alors oui, c'est la mode de dire que le sucre, c'est une industrie dispensable, mais c'est totalement idiot.
02:35Arrêter la production de sucre en France, ça ne fera pas baisser les usages, ça fera simplement augmenter les importations.
02:40L'alternative disponible, c'est du sucre d'Amérique du Sud, du sucre de Cannes, qui augmente la déforestation,
02:46qui est produite dans des conditions environnementales infiniment plus sales que les nôtres.
02:49Alors, il faut toujours tirer jusqu'au bout le fil des conséquences de nos renoncements.
02:53Renoncer au sucre, ça nous promet un futur amer.
02:56Signature Europe 1, Emmanuel Ducrot. Merci beaucoup Emmanuel.