À l'occasion du 50e anniversaire de la loi Veil, la présidente du Planning familial des Pyrénées-Orientales était l'invitée de "ici Roussillon" ce vendredi. Marie-France Taurinya dénonce notamment l'inégalité d'accès à l'avortement sur le territoire, et les attaques dont sont victimes les militants.
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00:007h45, c'est ici Roussillon. La loi veille, faite aujourd'hui, c'est 50 ans depuis les femmes en France ont le droit de recourir à l'IVG,
00:08l'interruption volontaire de grossesse. L'an dernier, ce droit à l'IVG a même été inscrit dans la constitution.
00:13Mais il est toujours difficile d'accès à certains endroits, notamment dans les Pyrénées-Orientales.
00:17On en parle avec notre invitée Suzanne Chaudjahi. Bonjour Marie-France Torrugna. Bonjour. Vous êtes la présidente du planning familial des Pyrénées-Orientales.
00:24Merci d'être avec nous ce matin.
00:26C'était donc il y a 50 ans, jour pour jour, le 17 janvier 1975,
00:31la loi pour le droit à l'IVG était promulguée en France, et pour la défendre, la ministre de la Santé de l'époque,
00:37Simone Veil, avait prononcé ces mots à l'Assemblée Nationale.
00:40Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l'avortement.
00:44Il suffit d'écouter les femmes. C'est toujours un drame, cela restera toujours un drame.
00:4950 ans plus tard, Marie-France Torrugna, ces mots sont toujours d'actualité.
00:53Alors pour certaines femmes, oui. Pour d'autres, bien moins.
00:56Puisque l'accès à l'IVG est quand même inégal pour certaines femmes, selon les territoires où elles vivent.
01:06Et le planning familial déclare de chaque année les difficultés d'accès à l'IVG par rapport aux territoires qui sont éloignés des centres-villes,
01:17où on a accès aux deux méthodes d'IVG, instrumentales et médicamenteuses,
01:21mais on a l'impression de ne pas être toujours très entendues.
01:25Donc c'est pour ça que cette année, le planning familial national a mené une enquête avec l'IFOP,
01:30cette année en 2024, auprès d'un panel de femmes qui ont eu accès à l'IVG et de femmes qui n'ont pas eu d'IVG,
01:38et on se rend compte, pour moins réaliser une synthèse d'accès à l'IVG en Occitanie, que les résultats sont les mêmes.
01:44Et que les premières impactées, ce sont les femmes en zone rurale.
01:47Si on prend les Pyrénées-Orientales, il y a deux ans, le taux de recours à l'avortement des femmes entre 15 et 49 ans,
01:54qui habitent ici, était de 22 pour 1000.
01:58Ça fait des Pyrénées-Orientales l'un des départements métropolitains avec le taux le plus élevé.
02:02Est-ce que c'est positif ça ou pas ?
02:04Alors pour moi, je me dis que, puisque vous savez qu'on est doté d'un outil qui s'appelle le numéro vert national gratuit,
02:11ça veut dire qu'aujourd'hui, les femmes ont de plus en plus accès à l'information, et c'est très bien.
02:15Et à partir de ces informations, elles nous appellent, puisque c'est anonyme, puisque c'est le planning
02:20dans tous les départements qui répondent, et on pense que cet accès à l'information permet aux femmes, effectivement,
02:27d'être mieux orientées, et de réfléchir à ce qu'elles ont envie de faire après, ce qu'elles ont la capacité de faire,
02:32selon ce qu'elles vivent chez elles.
02:34Mais vous l'avez dit, il y a encore des disparités dans le département, notamment en zone rurale.
02:38En gros, quand on n'habite pas en plaine, autour de Perpignan, c'est compliqué ?
02:41Bien sûr que c'est compliqué, puisque vous savez que nous avons une zone très étendue en montagne,
02:48où les femmes n'ont pas le choix de la méthode.
02:51Ça veut dire que la loi qui permet le choix de la méthode aux femmes n'est pas appliquée.
02:57Mais il y a l'hôpital de Puissardat, par exemple.
02:59Mais l'hôpital de Puissardat ne fait pas d'IVG instrumentale, contrairement à ce qu'ils disent.
03:03Alors que les femmes, si elles ont envie d'avoir une IVG instrumentale,
03:06normalement, l'État doit répondre à cette demande-là.
03:09Comment ça ils ne la font pas à l'hôpital de Puissardat ? Ils disent qu'on ne la fait pas, ils disent non ?
03:13Non, ils disent qu'ils peuvent la faire avec médicaments jusqu'à un certain terme, voilà.
03:17Ce qui est complètement différent.
03:18Tout à fait, parce qu'il y a des femmes qui n'ont pas envie.
03:20Vous imaginez bien qu'une IVG à 10 semaines de grossesse avec des médicaments,
03:23ce n'est pas la même chose qu'une IVG instrumentale.
03:26Est-ce que vous estimez que certaines personnes remettent ces droits en cause aujourd'hui en France ?
03:33Mais tout à fait.
03:34Qui par exemple ?
03:35Vous avez des syndicats qui remettent l'IVG.
03:40Nous, on a été attaqué, ne serait-ce qu'en Occitanie, les plannings,
03:44par plusieurs mails, par plusieurs agressions verbales lorsqu'on tient des stands.
03:49Et ce sont ces mêmes personnes qui ont des propos délétères et des affichages,
03:55y compris dans ce département, contre l'éducation à la sexualité.
03:59Ce sont les mêmes.
04:00Moi, j'ai fait un signalement au prix de la délégation territoriale de l'agence régionale de santé à ce propos,
04:05parce que ça va à l'encontre de la loi.
04:07Vous-même, vous vous sentez en danger ?
04:09On se sent en danger, on se sent attaqué.
04:11Ne pas pouvoir faire notre travail comme on devrait le faire.
04:15Il est 7h48, c'est ici Roussillon.
04:17Suzanne Chaudjahi, notre invitée, Marie-France Thorignia, présidente du planning familial des Pyrénées-Orientales.
04:23On en a beaucoup parlé l'an dernier au moment où le droit à l'avortement a été inscrit dans la constitution.
04:28On s'est dit, voilà, c'est gravé dans le marbre.
04:30Finalement, quand on vous entend, on se dit que peut-être ce n'est pas si sécurisé que ça.
04:34C'est ce que le baromètre qui a été fait avec l'IFOP révèle.
04:39Ce n'est pas parce que le droit est inscrit à la constitution que les choses vont mieux sur le terrain.
04:43Vous recevez beaucoup de jeunes femmes, je suppose que c'est souvent des jeunes femmes qui n'ont pas accès à l'IVG parce que c'est trop loin dans le département ?
04:51On les a au téléphone, surtout.
04:53Qu'est-ce que vous leur dites ?
04:55Ce qu'il faut quand même révéler aujourd'hui, c'est qu'il y a des avancées et il faut les noter.
05:00Parce qu'il y a de plus en plus de cabinets libéraux qui offrent l'accès à l'IVG médicamenteuse dans tout le département.
05:07Et ça permet effectivement d'avoir au moins une réponse quand on s'y prend assez tôt.
05:13Le problème, c'est l'accès à l'IVG chirurgical ?
05:15Tout à fait.
05:17Ça a été un vrai tournant, selon vous, cette loi veille dans l'histoire des droits des femmes ?
05:22Effectivement, oui. Bien sûr.
05:24Moi, je fais partie de celles qui ont fait une IVG clandestine en 1970.
05:29Je peux vous assurer que ce n'était pas quand même une belle route à prendre.
05:34Alors justement, c'était comment ?
05:35C'était très compliqué.
05:37Parce qu'aujourd'hui, ce que révèle ce baromètre et ce que nous on peut dire aussi au planning, c'est que l'IVG est toujours tabou.
05:44Et que c'est un frais irréfutable par rapport au fait que ce soit encore tabou.
05:50On ne peut pas en parler librement.
05:52Et là, encore au moins, j'ai eu une IVG en 1970.
05:57Donc, je peux vous assurer qu'on n'en parlait même pas à la famille.
06:00Si on ne se débrouillait pas tout seul entre nous, ce n'était pas possible.
06:03Avec des risques importants pour la santé aussi.
06:04Avec des risques. Moi, j'ai fini à l'hôpital.
06:06Parce que ça s'est mal passé ?
06:08Tout à fait.
06:10Donc, on peut dire que c'est quand même une bonne chose, cette loi sur l'IVG.
06:14Vous parliez des attaques que vous subissiez sur Internet, notamment.
06:18Est-ce que, selon vous, il y a de la désinformation sur Internet à propos de l'avortement de l'IVG ?
06:23Tout à fait. Et c'est surtout que la loi contre les personnes qui parlent de l'IVG en ces termes n'est pas appliquée.
06:32Mais comment on fait pour lutter contre ça, alors ?
06:34Il faut que les pouvoirs publics s'en saisissent.
06:36Nous, on le signale. Si les pouvoirs publics ne s'en saisissent pas, nous, on n'a pas autorité là-dessus.
06:41On ne peut qu'alerter.
06:43Chaque fois que vous voyez de fausses informations sur l'IVG, vous signalez les sites Internet.
06:47Selon vous, ce n'est pas assez ?
06:49Nous, on le fait à l'agence régionale de santé qui est sur Toulouse.
06:51Chaque année, j'édite une synthèse d'accès à l'IVG en Occitanie, puisque je suis aussi trésorière de la Fédération Occitanie.
07:01Et il n'y a pas grand-chose qui bouge.
07:03En revanche, il y a quand même des commissions qui se sont mises en place où on peut parler de cela.
07:09Avec le RPO, qui est le Réseau Périnatalité Occitanie, qui se trouve sur Montpellier.
07:15Je ne vois pas tellement de changement.
07:18Vous êtes optimiste quand même ou pas ?
07:20Oui, parce qu'on ne baissera pas les bras.
07:22Et vous êtes nombreuse au planning familial ?
07:25On est un peu comme toutes les associations, on perd un peu de bénévolat, c'est normal.
07:31Moi j'ai 76 ans, et les anciennes qui étaient là jusqu'à maintenant, elles commencent un peu à partir, c'est normal.
07:38Donc maintenant, on va un peu draguer les jeunes pour qu'elles puissent prendre notre place.
07:43Aujourd'hui, ça fait 50 ans jour pour jour que la loi Veil a été promulguée en France.
07:48Merci beaucoup Marie-France Torreña.
07:49Je voulais rajouter quand même une petite chose.
07:51C'est que le planning familial fait partie du collectif Droits des Femmes.
07:54Et que ce soir, on organise un rassemblement au Palmarium pour interpeller le public sur les 50 ans de la loi Veil.
08:02Et le fait d'avoir le choix et de faire exercer ce droit-là, qui est un droit fondamental.
08:08Voilà, c'est annoncé.
08:09Merci beaucoup Marie-France Torreña.
08:11Merci d'être la présidente du planning familial dans les Pyrénées-Orientales.
08:14Très bonne journée.
08:15Merci vous aussi.