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Fiacre Ragninwendyele Kientega, alias Awassa, est un jeune conteur burkinabè. Dans ses spectacles de contes, il s’inspire des faits qui l’entourent, des faits de sa société, que ce soit bien ou mauvais. Même si les plus jeunes sont les cibles privilégiées de ses créations, les plus anciens trouvent aussi leur compte et se sentent interpellés. Le jeune conteur est en pleine préparation d’un spectacle de près d’1h30. Dans cette interview qu’il a bien voulu nous accorder, Awassa revient sur ses débuts dans le conte, sa source d’inspiration et les difficultés qu’il rencontre dans le métier.

#burkinafaso #Conte
Transcription
00:00Les anciens disent que toute parole est parole.
00:03Mais la parole n'est belle que dans la bouche de ceux qui savent d'une forme, fond, sens et vie.
00:11Les anciens disent aussi que le taureau qui s'échappe se rattrape.
00:15Mais la parole qui s'échappe ne se rattrape guère, la parole échappe et peut conduire à la guerre.
00:20La parole en lui-même est celle qui est claire, qui enseigne et qui conseille.
00:26Ce n'est pas les anciens, c'est moi-même.
00:29Je m'appelle Awassa, je suis un artiste, conteur, comédien bouddhinabe et consultant
00:58chargé de prolifier les communications.
01:01J'ai fait mon bac en Côte d'Ivoire, je suis arrivé au Bouddhina ici, je me suis inscrit dans une université publique,
01:07l'université Thomas Sankara, d'où je suis sorti avec une licence en droits privés.
01:13D'abord il faut dire que moi, de base, je suis un amuseur public.
01:19J'aime faire rigoler mes amis et tout ça.
01:22Et c'est quand j'étais inscrit à l'université, avec mes amis, je racontais des blagues comme ça
01:27et je faisais rire mes camarades.
01:31Et c'est eux qui me disaient que je suis comédien, voilà, qu'est-ce que tu veux dire, je ne suis pas comédien.
01:37Et ça m'a donné en fait une idée.
01:40Et en 2019, j'ai créé mon groupe de web comédien, qui s'appelait à l'époque Les Deux Cafés Comédiques.
01:49Et on a commencé à tourner des vidéos comme ça, on a même eu un réalisateur qui vit désormais à Bijan.
01:55On a eu des vidéos même qui ont franchi la barre de 200 000 vues et tout ça.
01:59Et ça a été comme ça, avec l'équipe et tout ça, tout ça.
02:03Et puis après, on a été confronté à des difficultés comme vous-même, vous savez que dans le milieu c'est pas facile.
02:10Il y a notre réalisateur qui a perdu son père, qui est rentré en Côte d'Ivoire et il n'est plus revenu.
02:17Donc ça a cassé en fait le moral de l'équipe.
02:21Et moi j'ai acheté une caméra pour faire revenir en fait le maman de l'équipe.
02:27Mais ce n'était pas facile parce que chacun était de l'autre côté et tout ça.
02:31Donc voilà, c'était comme ça.
02:34Et puis il y a mon grand frère aussi qui est dans le domaine depuis.
02:39Et moi quand j'étais en Côte d'Ivoire, on s'appelait et tout ça, qui s'appelle KPG.
02:51Kaïto, dans mon village il y a deux lois.
02:55La première loi dit qu'il est strictement interdit d'appeler le prénom de qui que ce soit au cimetière.
03:01Parce que si on vous appelle par votre prénom, le lendemain vous allez mourir.
03:06Il organisait comme ça un concours de comptes réinventés.
03:10Et moi je lui ai envoyé un texte où j'ai dit à grand frère moi je veux participer à ce concours-là.
03:14Et puis il m'a dit que si ça me dit je peux venir participer.
03:17Et c'est comme ça que je commence à connaître en fait.
03:22Je connaissais les comptes.
03:24Parce que quand on était petit on nous racontait des histoires.
03:27Notre papa nous racontait des histoires, la maman.
03:29Chaque soir on nous racontait des histoires comme ça.
03:32Mais je ne savais pas que compter comme ça pouvait être un métier en fait.
03:38Moi mon frère je pensais que c'était un comédien comme ça.
03:42Il ne savait pas que compter c'était un métier.
03:45Donc je participe au concours de comptes réinventés.
03:48Je pense que je suis sorti.
03:53Je ne sais pas mais je pense que je n'ai pas été à la hauteur.
03:58Parce que c'était ma première fois de m'arrêter devant un public.
04:04Après ce concours-là, je passais du temps avec lui.
04:09Il nous donnait des cours sur les comptes.
04:12Il nous a appris à raconter des histoires.
04:15Et quand il avait des spectacles, il nous permettait de faire les premières parties.
04:19Donc moi ça m'a forgé.
04:21Et ça m'a donné encore la force de connaître encore les comptes.
04:27Quels sont les éléments qui composent un compte et tout ça.
04:31Donc c'est à partir de là que je commence à rentrer dans la peau d'un compteur.
04:42Il y a très très longtemps.
04:44Je m'inspire du bon et du mauvais.
04:47Si je vois un comportement, un bon comportement,
04:50je peux m'inspirer de ça pour écrire une histoire pour la raconter.
04:55Si je vois un mauvais comportement,
04:58je peux m'inspirer de ça pour écrire une histoire et la raconter.
05:03Maintenant, je raconte mes histoires en français.
05:08Maintenant, je raconte mes histoires en fonction du public qui est en face de moi.
05:15Si ce sont des enfants, je trouve des histoires traditionnelles comme ça pour les raconter.
05:24Mais je crée beaucoup.
05:26Je fais des comptes de création.
05:28Et les comptes de création, c'est plus pour les grandes personnes.
05:33Donc au-delà du voisinage,
05:37au-delà du voisinage,
05:39quelque part, le vivre ensemble n'est pas l'affaire de quelque part, de nulle part.
05:43Je suis celui-là qui cherche toujours à m'améliorer.
05:49Donc ça m'amène à écouter beaucoup de compteurs.
05:54Notamment, il y a une grande compteuse qui est notre grand-mère,
05:59qui s'appelle Amoine, qui est en Côte d'Ivoire.
06:03Elle, je l'écoutais beaucoup.
06:05Quand je commençais, je l'écoutais beaucoup.
06:07Je voyais ce qu'elle faisait avec les enfants et ça m'a beaucoup influencé.
06:12Et aussi, mon grand-frère qui m'a beaucoup influencé aussi par sa manière de créer ses projets artistiques.
06:23Lui m'a beaucoup influencé aussi.
06:26Et j'écoute aussi des compteurs qui sont aussi légales.
06:33J'écoute plein de compteurs pour me permettre de me perfectionner davantage.
06:41Je m'inspire de ce que je vois.
06:43Là, actuellement, par exemple, je suis en train de travailler sur mon tout premier spectacle
06:49qui va durer une durée de 1h30.
06:53Et je me suis inspiré de la situation actuelle du pays pour sortir cette création-là.
07:01J'ai déjà fini l'étape de l'écriture
07:03et actuellement, je suis en train de voir avec le métier d'enseigne des sonographes
07:08pour structurer encore ce projet artistique-là.
07:13Sinon, moi, mon inspiration, je n'ai pas...
07:16Non, je m'inspire de ce qu'il y a autour de moi, de ce que je vois.
07:21Je travaille beaucoup aussi avec les enfants dans les écoles, dans les espaces culturels.
07:27Si le public est en face de moi, c'est les enfants,
07:31il y a des thématiques que j'utilise pour permettre aux enfants de comprendre ce que je veux dire.
07:39Et les thématiques, je peux les citer.
07:43Le bien, le mal, il faut faire ça, il ne faut pas faire ça.
07:47Parce que la base même du compte, c'est la transmission, c'est l'éducation.
07:53Donc, je choisis des thèmes comme ça.
07:56Souvent aussi, on nous recommande, les promoteurs qui nous contactent aussi nous recommandent,
08:00ils nous donnent des thèmes.
08:02Mais nous, on a déjà nos comptes et quand on nous demande, est-ce que vous pouvez...
08:07Nous, on a déjà tout ça.
08:09Même si on nous demande de créer une histoire tout à l'heure pour la raconter,
08:14on nous donne un thème.
08:16En ce moment, on va commencer à écrire, on a déjà des comptes qui sont là et voilà.
08:22Alors, je vais vous raconter une toute petite histoire.
08:25C'est l'histoire de la gomme et du créneau.
08:29Un jour, la gomme en avait marre de rester toujours chez elle.
08:33Et la gomme voulait se faire des amis.
08:35Alors, la gomme s'est fait son abri voyage et a commencé à marcher, marcher, marcher.
08:42Et, c'est son chemin, la gomme appelait soi le créneau.
08:46Et la gomme était joyeuse et tellement contente de voir enfin un ami.
08:50Et la gomme qui a dit, bonjour mon ami, le créneau et le créneau qui s'est retrouvé comme ça,
08:56qui a dit à la gomme, qui est ton ami ?
08:58Est-ce que quand tu me regardes, je ressemble à ton ami ?
09:02Petite ministre gomme.
09:05Et la gomme dit, mais pourquoi tu ne m'aimes pas ?
09:11Mon public cible, c'est tout le monde.
09:15Mon public cible, c'est tout le monde de façon générale.
09:19Maintenant, l'enfant c'est l'avenir.
09:30Et qui dit conte, il parle de l'enfant.
09:33Parce que si on voit bien le conte, avant nos grands-mères racontaient,
09:39autour du feu, nos grands-mères racontaient les histoires aux enfants.
09:43Pour éduquer les enfants, transmettre ces valeurs-là aux enfants.
09:48Mais aujourd'hui, le conte a évolué.
09:51Et avant, ce n'était pas évident de voir en fait un jeune comme ça,
09:54qui va s'asseoir, qui va dire que non, je suis un conteur.
09:57On va lui demander c'est quoi un conteur et tout ça.
09:59Parce qu'on voyait que c'était des grands-mères qui racontaient les histoires.
10:02Mais aujourd'hui, le conte est devenu un métier où on voit des jeunes qui deviennent des conteurs.
10:11On voit des jeunes filles, on voit des personnes comme ça qui sont des conteurs.
10:16Donc ça veut dire que le conte a quitté le village, même s'il est toujours au village.
10:21Et aujourd'hui le conte est arrivé en ville.
10:24Donc quand je dis que mon public cible, c'est tout le monde de façon générale.
10:28D'abord, je travaille aussi plus avec les enfants, les jeunes publics.
10:33Je travaille avec les jeunes de mon âge.
10:38Parce que moi je suis jeune aussi.
10:39C'est pour ça que vous n'allez pas me voir porter un boubou comme ça en train de raconter des histoires.
10:47Si on me dit que je vais rentrer par exemple dans une boîte de nuit pour raconter une histoire,
10:51je vais raconter cette histoire-là.
10:53Et je vais m'inspirer de ce que je vois dans la boîte pour raconter des histoires et savoir rentrer.
11:01Et je peux raconter aussi des histoires à des personnes âgées.
11:07Donc moi, de façon générale, je raconte des histoires pour tout le monde.
11:11Même si je raconte des histoires pour les enfants,
11:14s'il y a des grandes personnes qui sont là, ils vont trouver des éléments qui eux les intéressent.
11:20Un adulte assis, voire plus loin qu'un jeune.
11:23Un adulte assis, voire plus loin qu'un jeune.
11:26Des histoires.
11:28Et il y a Coco qui dit à sa mère,
11:30« Alors écoute maman, de toutes les façons, moi je vais m'aventurer dans la savane.
11:34Je vais quitter ici parce que je m'étouffe. »
11:37Et sa mère qui lui dit encore,
11:40« Écoute Coco, tu n'as pas à me parler comme ça parce que je suis ta mère.
11:44Ne t'aventure pas dans la savane. Dans la savane, il y a des animaux dangereux.
11:48Dans la savane, il y a des lions.
11:52Dans la savane, il y a des guépards.
11:54Dans la savane, il y a des serpents.
11:57Il n'y a pas encore des loups.
12:00Il n'y a pas encore des panthères.
12:04Des cobras.
12:06Nous les jeunes fronteurs, on a besoin de soutien.
12:10Parce que ce n'est pas facile.
12:13On a besoin de soutien de nos dévancés.
12:16On a besoin de soutien de nos dévancés.
12:19Si on nous soutient,
12:22dans le temps, je pense que nous, les jeunes, on peut créer encore plus.
12:26Moi, ça fait depuis trois ans que je prépare mon spectacle et je n'ai pas encore fini.
12:31Ça veut dire que ça demande en fait des moyens.
12:36Il faut mobiliser les gens, il faut payer les gens et tout ça.
12:41Je n'ai même pas de partenaire.
12:44C'est ma structure qui porte le projet.
12:47Je n'ai pas de partenaire.
12:49Donc, j'avance comme je peux.
12:52Et ça, ce sont les difficultés que nous, on rencontre.
12:58Sinon, si on dit par exemple qu'il y a un spectacle de contes,
13:03les gens veulent écouter le conte.
13:07Je ne peux pas dire qu'ils ne respectent pas le conte,
13:11mais je vais dire en fait que,
13:14de la manière qu'ils voient le rappeur qui vient faire son show,
13:17c'est comme ça qu'on est venu nous voir venir.
13:21Parce que nous, avant de venir raconter, il faut crier,
13:24il faut écrire des répétitions et tout ça.
13:27Donc, c'est un gros travail d'abord avant de monter sur scène.
13:31Mais je me dis qu'il n'y a pas trop d'élévation pour les conteurs.
13:38On ne soutient pas trop les conteurs.
13:41Mais je pense que ça va venir.
13:45Nous, c'est notre défi aussi comme ça.
13:49Malgré les difficultés, on doit toujours bosser, bosser.
13:53Et les gens finissent par comprendre le travail que nous faisons.
13:58Et à ce moment-là, je pense qu'ils vont respecter,
14:01ils n'auront même pas le choix.
14:03Il ne faudrait pas qu'on fasse de la pépère.
14:05Il ne faudrait pas qu'on fasse de la pépère.
14:07Si on veut, par exemple, sortir un spectacle de contes,
14:10il faut qu'on fasse de telle sorte que ça soit vraiment du jour,
14:13comme disent les rappeurs.
14:16Quand c'est comme ça, quand les gens voient le travail qui est derrière,
14:19même si on a besoin de toi pour un spectacle,
14:22le cassez, ça va se discuter.
14:24Et aussi, il faut aussi, ça c'est une suggestion,
14:27que le promoteur arrive à se faire valoriser.
14:35Moi, par exemple, j'ai décidé de bosser avec mon équipe,
14:39deux musiciens, quand on a besoin de moi.
14:42Je suis avec ces deux musiciens-là.
14:45Et si on a besoin de moi, il y a une barrière que j'ai mise.
14:49Si le promoteur n'a pas ce travail, je ne peux pas aller.
14:53Donc, je pense que ça aussi, c'est des petits éléments
14:56que nous, le promoteur, on peut mettre en place
14:59pour permettre au promoteur de respecter encore notre travail.
15:06Alors, je vais vous raconter une toute petite histoire.
15:08C'est l'histoire de la gomme et du créneau.
15:12Un jour, la gomme en avait marre de rester toujours saisie.
15:16Et la gomme voulait se faire des amis.
15:18Alors, la gomme s'est fait son charcuterie
15:22et a commencé à marcher, marcher, marcher.
15:25Et chez elle, la gomme a appelé son ami.
15:29Et la gomme était joyeuse, tellement contente de voir l'ami.
15:33Et la gomme a dit, « Bonjour, mon ami, le créneau, le créneau. »
15:37C'est un retour comme ça qu'elle a dit à la gomme,
15:40« Qui est ton ami ? Est-ce que quand tu me regardes,
15:43je ressemble à ton ado ? »
15:45Petite gomme, petite gomme.
15:49Et la gomme dit, « Mais, pourquoi tu ne m'aimes pas ? »
15:53Et le créneau dit, « Je ne t'aime pas parce que tu effaces ce que j'écris. »
15:57Et la gomme a dit au créneau,
16:00« Effacez les erreurs et viens t'écrire ce qui est juste. »
16:04Moi, c'est mon rôle en tant que gomme d'effacer les erreurs.
16:08Et il y avait le créneau qui continuait de dire,
16:10« Est-ce que tu sais comment moi, je gagne mon inspiration pour écrire,
16:14et toi, tu ne fais qu'effacer, tu ne fais qu'effacer.
16:17J'aime ma petite minuscule gomme. »
16:20Et la gomme a dit au créneau encore,
16:24« Cher ami, effacez les erreurs, reviens t'écrire ce qui est juste. »
16:30Et le créneau est resté si intense.
16:34Le créneau a passé quelques moments de silence,
16:37et après le créneau a commencé à observer la gomme.
16:41Et la gomme observe aussi le créneau.
16:43Et après le créneau a dit à la gomme,
16:45« Je vois que tu diminues chaque jour quand tu effaces. »
16:49Et le créneau a dit,
16:51« Effectivement, je diminue chaque jour quand j'efface les erreurs,
16:55parce que je sacrifie une partie de moi pour effacer tes erreurs. »
17:00Le créneau est resté encore silencieux.
17:04Chez nous, à Naurio, on dit,
17:06« Gomme d'effacer les erreurs. »
17:08Le créneau est resté silencieux.
17:11Et après, le créneau a commencé à s'observer lui-même.
17:14Et le créneau a regardé sa tête, sa poitrine, ses pieds, et tout.
17:18Et le créneau a dit à la gomme,
17:21« Et je constate aussi que moi, je diminue quand je crie. »
17:26Et la gomme a souri.
17:29Et la gomme a regardé le créneau et a demandé au créneau,
17:35« Tu me détestes toujours ? »
17:38Et le créneau a dit à la gomme,
17:40« Je ne peux te détester si nos sacrifices nous ont tués. »
17:45Alors, je voudrais, à travers ce conte,
17:50dire dans ma vie,
17:54si vous ne pouvez pas être une gomme
18:00pour effacer les erreurs des autres,
18:05soyez un créneau pour écrire le bonheur.
18:12Et que la paix et la stabilité
18:16gagnent à jamais notre ciel.
18:19Merci beaucoup.

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