Quelle difficile question… J’ai envie de répondre que je ne sais pas…
Car d’un côté le savoir est la condition de la sagesse, et on se dit que plus on connait son histoire, son passé notamment, plus on va être capable de se donner un avenir. Ne pas connaître un secret de famille, par exemple, peut entraver notre bonheur et notre santé mentale… Ne pas savoir ce qui est bon pour soi peut entraver considérablement notre manière de construire notre vie… D’un côté, donc, il faut savoir pour être libre – Spinoza ou Hegel verront même dans le savoir la plus haute des libertés…
Mais de l’autre, comme l’écrit avec génie Paul Valery… « Que de choses il faut ignorer pour agir »… !
La question philo par Charles Pépin dans le 6/9 de France Inter (11 Janvier 2025)
Retrouvez toutes les chroniques de Charles Pépin sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-chronique-de-charles-pepin
Car d’un côté le savoir est la condition de la sagesse, et on se dit que plus on connait son histoire, son passé notamment, plus on va être capable de se donner un avenir. Ne pas connaître un secret de famille, par exemple, peut entraver notre bonheur et notre santé mentale… Ne pas savoir ce qui est bon pour soi peut entraver considérablement notre manière de construire notre vie… D’un côté, donc, il faut savoir pour être libre – Spinoza ou Hegel verront même dans le savoir la plus haute des libertés…
Mais de l’autre, comme l’écrit avec génie Paul Valery… « Que de choses il faut ignorer pour agir »… !
La question philo par Charles Pépin dans le 6/9 de France Inter (11 Janvier 2025)
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00:00Place à la question philo à Charles Pépin, et avec une question aujourd'hui que vous pose André sur l'appli d'Inter.
00:08Est-il toujours préférable de savoir ?
00:11Difficile question. J'ai envie de répondre à André, à sa question.
00:15Est-il toujours préférable de savoir que je ne sais pas ?
00:18Bon, il y a le jeu de mots, mais d'un côté, le savoir est la condition de la sagesse.
00:23Et on se dit que plus on connaît son histoire, son passé notamment, plus on va être capable de se donner un avenir.
00:28Ne pas connaître un secret de famille, par exemple, peut entraver notre bonheur et même notre santé mentale.
00:33Ne pas savoir ce qui est bon pour soi peut entraver considérablement notre manière de construire notre vie.
00:38Donc d'un côté, il faut savoir pour être libre.
00:40Spinoza ou Hegel, par exemple, verront dans le savoir la plus haute des libertés.
00:44Mais de l'autre, comme l'écrit avec génie Paul Valéry, que de choses il faut t'ignorer pour agir.
00:50C'est-à-dire qu'il est bon de ne pas tout savoir.
00:53Que de choses il faut t'ignorer pour agir, c'est entre guillemets.
00:56C'est pas un simple bon mot ? C'est pas seulement une provocation de Paul Valéry ?
01:00Non, je crois pas. Je crois que c'est une phrase vraiment puissante.
01:02Parfois, ne pas savoir certaines choses peut libérer notre capacité d'action.
01:07On peut par exemple se lancer dans un projet, d'autant plus qu'on ignore toutes les tentatives qui ont déjà échoué et qui ressemblent à la nôtre.
01:13Se lancer dans un projet, d'autant plus qu'on ignore toutes les raisons de ne pas se lancer dans l'aventure.
01:18Et parfois, ça va marcher quand même.
01:20Alors que si on avait eu plus de savoir, plus de connaissances, on ne se serait jamais lancé.
01:24De toute façon, agir, c'est reconfigurer le réel.
01:27Alors à quoi bon tout savoir de ce réel si c'est pour le reconfigurer par notre action ?
01:33On écoute Paul Valéry. Que de choses il faut t'ignorer pour agir.
01:37On peut aussi voir dans cette belle phrase une invitation à la décision.
01:40Si nous attendions pour décider de tout savoir, nous ne déciderions jamais.
01:45Dans toute grande décision, on trouve le courage de se lancer malgré l'incertitude et donc de se lancer dans un relatif non-savoir.
01:52C'est assez pertinent et vous avez l'air de distinguer ce qui relève de la sagesse,
01:57de la connaissance qu'on peut avoir de soi-même ou en l'occurrence, c'est quand même mieux d'en savoir le plus possible sur soi,
02:04de ce qui relève de l'action.
02:06Exactement, on peut le voir comme ça.
02:07Je crois que sur le plan personnel ou familial ou social, sur le plan de nos névroses et de notre possible bonheur,
02:12ce qui peut nous libérer, c'est quand même de monter en conscience et de se connaître mieux.
02:18Mais lorsqu'il nous faut agir dans le monde, oser nous lancer dans le réel incertain du monde,
02:23alors nous pouvons aussi être libérés par ce que nous ne savons pas.
02:27Cela ne veut pas dire que nous faisons n'importe quoi.
02:29Il y a bien sûr des choses à savoir avant d'agir.
02:31Mais ce savoir, c'est là le point important, ne fait pas tout.
02:34L'action comporte également sa vérité en elle-même.
02:37C'est le résistant par exemple qui s'engage sans connaître l'issue de la guerre ou de son combat.
02:43Ou même sans connaître le niveau de risque en fait.
02:45On reprend la question, est-il toujours préférable de savoir ?
02:48Très bien, il y a une autre résonance.
02:50On change de plan.
02:52Et s'il était préférable parfois, non pas de savoir, mais de croire.
02:57Croire en Dieu n'est pas savoir qu'il existe.
03:00Croire que nous allons nous aimer encore longtemps n'est pas le savoir.
03:03Dans la croyance, il y a une dimension de doute.
03:06Croire au sens propre, que l'on parle de croire en Dieu ou de croire en l'amour,
03:09c'est accorder du crédit à un objet dont la réalité est hypothétique.
03:13Dans la réalité, il n'est pas certain.
03:16Et c'est ça qui est beau.
03:17Ce qui est beau, c'est de croire en Dieu alors que Dieu peut-être n'existe pas.
03:21Ce qui est beau, c'est de croire en notre amour alors que nous ne pouvons pas savoir s'il durera toujours.
03:26Cette croyance, distinction importante, n'est pas une foi absolue.
03:29C'est une croyance qui se sait croyance et incorpore une dimension de doute.
03:33Savoir que Dieu existe ne serait-ce pas être complètement fou et possiblement fanatique ?
03:40Mais croire en Dieu, en sachant que ce n'est qu'une croyance et pas un savoir, c'est une autre histoire.
03:45Savoir que notre amour durera toujours, n'est-ce pas ici aussi folie et possible aveuglément,
03:50alors qu'y croire et œuvrer à ce que le réel donne raison à cette croyance, c'est une autre histoire.
03:59Je réponds à André, clairement, il n'est pas toujours préférable de savoir.
04:03Parfois, c'est de ne pas savoir qui libère.
04:06Parfois, c'est de croire qui libère.
04:08Si nous savions tout, nous n'aurions plus rien en quoi croire.