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00:00Europe 1, matin, week-end. 6h, 9h, l'Enaïc Monier.
00:06Europe 1, 8h15, c'est l'heure de l'interview actue d'Europe 1, matin, week-end.
00:10Et alors que les relations sont venimes entre la France et l'Algérie,
00:13l'Enaïc Monier vous recevez l'ancien ambassadeur de France en Algérie, Xavier de Riancourt.
00:17Oui, Boalem Sansal qu'on n'arrive pas à faire revenir,
00:20influenceurs algériens arrêtés et des expulsions ratées,
00:24Sahara occidental depuis l'été dernier,
00:26les troubles diplomatiques entre Paris et Alger n'en finissent pas.
00:30Bonjour Xavier de Riancourt.
00:32Oui, bonjour.
00:33Vous êtes ancien ambassadeur de France en Algérie par deux périodes,
00:362008-2012, 2017-2020,
00:39époque où les relations avec l'Algérie n'étaient pas celles d'aujourd'hui justement.
00:42A quel moment avez-vous vu le point de bascule ?
00:45Est-ce que ça date de la visite d'Emmanuel Macron au Maroc cet été ou est-ce que c'est plus antécédent ?
00:50Alors d'abord, première chose, les relations ont toujours été compliquées,
00:54et même dans les périodes que vous avez évoquées,
00:57les relations étaient déjà difficiles pendant le Hirak,
01:00notamment qui a abouti à la chute de Bouteflika en 2019.
01:04Le début de la période Tebboune a été déjà compliqué,
01:08mais jamais effectivement au point où nous en sommes aujourd'hui.
01:11Nous sommes dans une dégradation à la fois durable et très forte de la relation franco-algérienne,
01:19et le point de bascule ça a été non pas la visite du Président Macron,
01:23mais la lettre du 30 juillet 2024,
01:28dans laquelle le Président de la République reconnaissait la marocanité du Sahara occidental.
01:35C'est cela qui a été le point de départ,
01:37c'est ce moment-là qu'Alger a choisi pour rappeler son ambassadeur à Alger.
01:43Il n'y a plus d'ambassadeur d'Algérie à Paris depuis le 30 juillet,
01:47et ensuite il y a une séquence assez longue avec le voyage du Président de la République à Rabat,
01:54l'attribution du prix Goncourt à Kamel Daoud,
01:57qui a été vu à Alger comme là encore un élément d'un complot anti-algérien,
02:03et puis après la séquence actuelle que nous vivons aujourd'hui,
02:07l'arrestation de Boalem Sansal.
02:10Alors dans le langage diplomatique dont vous êtes maître,
02:14on parle de conflit, on parle de dissension, on parle de crise.
02:17Quel mot emploie-t-on ?
02:18Oui, on est dans une crise profonde,
02:22effectivement violente même avec l'Algérie,
02:27et assez durable, puisqu'encore une fois depuis six mois,
02:30depuis le 30 juillet exactement,
02:33les relations sont quasiment gelées,
02:35et on voit surtout que chaque semaine il y a un élément nouveau malheureusement.
02:39Il y a une escalade.
02:40Vous avez entendu le discours du Président Tebboune il y a dix jours maintenant,
02:44un discours d'une rare violence à l'égard de la France.
02:48Vous avez entendu ensuite les réponses de Monsieur Barreau,
02:51ministre des Affaires étrangères, tentant de minimiser un peu les choses.
02:55La réponse de Monsieur Retaillou,
02:57la réponse du Président de la République lundi,
03:01donc il y a cinq jours devant les ambassadeurs,
03:03où il parlait du déshonneur de l'Algérie.
03:06Donc vous voyez, il y a une sorte d'escalade.
03:08Alors est-ce qu'il doit y avoir une escalade également dans la riposte ?
03:12Alors Bruno Retaillou hier il a haussé le ton,
03:14il veut une diminution des autorisations de visa de ressortissants algériens.
03:18Si on doit aller plus loin encore Xavier Dréencourt,
03:21est-ce que la France doit tout simplement dénoncer les accords de 68
03:24sur l'entrée et le séjour des Algériens en France ?
03:26Alors il y a une escalade,
03:28mais il y a une escalade pour l'instant qui est verbale.
03:31Vous parlez de riposte, en réalité pour l'instant il n'y a pas eu de riposte.
03:34Nous n'avons rien fait, il n'y a que Alger qui a agi.
03:37Alger a agi notamment hier en refoulant l'Algérien qui retournait dans son pays,
03:44l'influenceur en question.
03:46Mais nous du côté français nous avons parlé,
03:48pour l'instant nous n'avons rien fait.
03:50Alors je réponds, j'en viens à votre question,
03:52l'accord de 68 c'est une solution, j'allais dire, qui n'est pas immédiate,
03:58c'est à moyen terme.
04:02C'est pas ça qui demain va calmer l'Algérie.
04:05Mais il faut effectivement prendre un certain nombre de mesures.
04:08Monsieur Retailleau l'a dit, monsieur Barrault hier soir.
04:11Donc maintenant il faut passer aux actes, effectivement.
04:14Mais alors comment passer aux actes justement ?
04:16Parce qu'il y a toujours, comme on dit, les paroles et les actes de Xavier Gris.
04:19Quels sont les leviers qu'a la France pour mettre la pression véritablement sur le gouvernement algérien ?
04:25Il y a toute une gamme d'actions, on peut doser.
04:29Alors il y a effectivement l'accord de 2007 sur les passeports diplomatiques,
04:34il y a le lycée français d'Alger où sont inscrits beaucoup d'enfants de la nomenclature algérienne,
04:42il y a les accords de sécurité sociale, la dette hospitalière,
04:47l'accord de 68 évidemment, la mosquée de Paris et les différents réseaux algériens,
04:53les consulats d'Algérie en France, 20 consulats qui ne jouent pas le rôle
04:59puisqu'ils délivrent normalement des laissés-passer consulaires,
05:03et puis en ce moment ils ne font rien.
05:05Donc voilà, il faut se poser, il faut voir la gamme des moyens dont nous disposons.
05:11Et ça, j'imagine que ça fait l'objet de réunions en ce moment
05:16entre le quai d'Orsay, le Premier ministre, le ministre de l'Intérieur, etc.
05:20Est-ce que vous soulevez ce point, Xavier Gris, en cours ?
05:22Effectivement, cet influenceur dont on a parlé il y a un instant,
05:25qui a fait un aller-retour Paris-Alger, Alger-Paris, et qui se retrouve dans un cras désormais,
05:31il n'y avait absolument aucune raison juridique pour qu'il n'aurait pas dû revoir un revenu en France.
05:36Aucune raison juridique parce qu'il est Algérien.
05:39Ça a été démontré par un passeport bionétrique.
05:41Il est Algérien et il avait un passeport algérien, donc il n'y avait aucune raison.
05:46Et en plus, l'Algérie a fait application à son endroit d'une loi sur la sécurité intérieure
05:54comme quoi ce monsieur menaçait la sécurité intérieure algérienne.
05:58Mais apparemment, il ne menace pas la sécurité intérieure française, sous-entend l'Algérie.
06:03Et cette loi, elle s'applique pour les étrangers et non pas pour les Algériens.
06:07Donc, il n'y avait aucune raison de ne pas recevoir cette personne.
06:11Avec cette impression, effectivement, et comme l'a d'ailleurs appelé Bruno Retailleau,
06:16que l'Algérie cherche véritablement à humilier la France.
06:19C'est votre sentiment, vous également qui connaissez bien le terrain ?
06:22C'est une formule assez forte, effectivement, que d'humilier la France.
06:27Mais ça correspond à un état d'esprit qui est celui dont nous parlions au début de cet entretien.
06:33C'est-à-dire qu'il y a une escalade et notamment une escalade verbale.
06:37Et la réponse de M. Retailleau participe à cette relation actuellement extrêmement difficile.
06:46Je note aussi qu'hier, Gabriel Attal, l'ancien Premier ministre, s'est prononcé publiquement,
06:53comme l'avait fait Édouard Philippe il y a quelques mois, en faveur de la dénonciation de l'accord de 68.
06:59Donc, vous voyez, il y a une prise de conscience aussi en France
07:05sur la complexité de la relation franco-algérienne et sur les mesures à prendre.
07:11Et on imagine également, Xavier Driancourt, parce que vous, vous avez été ambassadeur,
07:15la difficulté qu'il y a parfois à maintenir des relations diplomatiques de la part du Quai d'Orsay
07:22et du ministère de l'Intérieur qui veut réguler les flux migratoires.
07:26Est-ce que vous pouvez nous donner un peu les coulisses des discussions dans ces cas-là ?
07:30Est-ce qu'on est sur la même ligne ?
07:33Le problème avec l'Algérie, c'est que c'est une relation très particulière.
07:40Avec, par exemple, l'Allemagne ou avec l'Italie ou avec les États-Unis, il n'y a pas ce genre de discussion.
07:46Mais avec l'Algérie, c'est une relation particulière parce que c'est de la politique étrangère
07:52et c'est de la politique intérieure française.
07:54C'est de la politique étrangère parce que l'Algérie, c'est un État indépendant,
07:58donc le Quai d'Orsay a son mot à dire, mais c'est de la politique intérieure
08:03parce qu'il y a 10% de la population française qui a un lien avec l'Algérie
08:08entre les Pieds-Noirs, les Harkis, les Français d'origine algérienne, les Algériens de France.
08:15Donc il y a à la fois des questions d'ordre public, de sécurité intérieure et des questions de diplomatie.
08:22Donc c'est très très compliqué.
08:24Que pensez-vous de l'attitude d'Emmanuel Macron dans cette crise, monsieur l'ambassadeur ?
08:30Écoutez, le Président de la République, il est dans son rôle.
08:36C'est lui qui a, en juillet, décidé de reconnaître le Sahara marocain.
08:44Mais en même temps, c'est le cas de le dire, pendant 7 ans, il a fait beaucoup de gestes à l'égard de l'Algérie.
08:51Il y avait des gestes qui étaient nécessaires, notamment dans le domaine mémoriel, je le pense.
08:56Mais il y a toute une série de gestes et, j'allais dire, une certaine bienveillance vis-à-vis de l'Algérie
09:03qui a fortement irrité le Maroc.
09:05Donc aujourd'hui, nous payons à la fois ce revirement du mois de juillet dont nous parlions,
09:12mais également cette année de bienveillance à l'égard de l'Algérie qui ont déplu au Maroc.
09:20Est-ce que vous pensez, Xavier Dry, en cours, que la situation peut s'apaiser ?
09:25Ou est-ce que, véritablement, une riposte se prépare ?
09:29Il y a certainement des mesures qui sont en cours d'examen, mais non seulement la situation peut s'apaiser,
09:36mais elle doit s'apaiser. Elle doit s'apaiser.
09:39Parce qu'il faut que la France ait des relations normales, et non pas peut-être exceptionnelles,
09:45comme elles l'ont toujours été, des relations normales avec ses voisins d'Afrique du Nord,
09:51notamment le Maroc et l'Algérie.
09:54Sans se soumettre.
09:55Voilà, exactement.
09:56Eh bien, je vous remercie de nous avoir porté votre expertise d'ancien ambassadeur de France en Algérie
10:02en deux périodes. Xavier Dry, en cours, invité d'Europe 1 matin au week-end. Merci à vous.

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