C’est l’espoir des dirigeants du RN et la crainte de ses adversaires. La disparition de Jean-Marie Le Pen va-t-elle effacer un peu plus le souvenir du parti qu’il a fondé et l’éloigner davantage de celle qui en a hérité ? Éléments de réponse avec Patrick Cohen.
Retrouvez « L'édito politique de Patrick Cohen » sur France Inter et sur : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique
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00:00Le 6-9, sur France Inter.
00:04L'édito politique avec vous, donc Patrick Cohen, bonjour.
00:07Bonjour Marion.
00:08La diabolisation est-elle morte avec le diable ?
00:10C'est l'espoir des dirigeants du RN et la crainte de ses adversaires, la disparition
00:14de Jean-Marie Le Pen va-t-elle effacer un peu plus le souvenir du parti qu'il a fondé
00:18et l'éloigner davantage de celle qui en a hérité ? La page qui se tourne, avec la
00:23mort du Patriarche, est-elle le dernier acte de la dédiabolisation du RN, libérée, délivrée
00:28de son plus encombrant fantôme, en passe de devenir enfin un parti, comme les autres ?
00:33La réponse n'a rien d'évident, je vous propose de la faire en plusieurs temps.
00:37En essayant d'abord de définir la diabolisation.
00:39Oui, premier temps, si on considère que la diabolisation, c'est avoir contre soi la totalité
00:44de la classe politique et les médias, alors on doit constater que c'est fini depuis longtemps.
00:47Si Jean-Marie Le Pen avait vécu 10 ans de moins, il n'aurait sûrement pas eu les panégyriques
00:52entendues sur les chaînes où le RN est désormais comme chez lui.
00:55Autre mise au point, si on considère que la diabolisation du vieux chef trouve son
00:59origine dans le point de détail de 87, ou dans le dur à four crématoire de 88, dans
01:05son antisémitisme compulsif et obsessionnel, alors on se trompe, parce que le refus des
01:10alliances et le cordon sanitaire décrété par Jacques Chirac sont antérieurs à cela,
01:16ils datent des premiers slogans xénophobes et antirépublicains du FN, la France et les
01:21Français d'abord, submersion étrangère, préférence nationale, tout ce qui n'a pas
01:25changé depuis 40 ans, si Marine Le Pen a bazardé le programme économique libéral
01:30et les outrances racistes de son père, elle n'a pas produit de rupture idéologique.
01:35La rupture, c'est Nicolas Sarkozy qui l'a faite à droite, en légitimant une partie
01:40du programme du FN sur l'identité nationale, en liant immigration et délinquance dans
01:45son discours de Grenoble en 2010, l'ancien président a été de ce point de vue un puissant
01:49moteur de dédiabolisation du FN.
01:52Mais il n'y a pas eu un effet diabolisation lors du second tour des législatives le 7
01:55juillet dernier ?
01:56Si, si, bien sûr, et on peut dire que c'est l'autre nom de ce front républicain qui
01:59a empêché le Rassemblement National d'accéder au pouvoir, alors que le premier tour lui
02:03en donnait l'espoir.
02:04Il y eut finalement d'un côté 10 millions d'électeurs du RN, on répète souvent ce
02:08chiffre, contre 17 millions qui ne voulaient pas que Jordan Bardella devienne Premier ministre.
02:14Personne ne peut dire si après le désordre politique de ces derniers mois, ce réflexe
02:19de rejet se reproduira encore une fois, mais c'est bien la diabolisation, le refus absolu
02:24du RN, qui ont mobilisé une majorité de français contre le parti pourtant le plus
02:28nombreux.
02:29Et s'il y a eu cette levée en masse, cela est dû aussi à cette profusion de candidats
02:35douteux qui ont réactivé l'image d'un RN extrémiste et pas au niveau pour gouverner
02:40dans une sorte de rediabolisation.
02:43Qui, elle, ne doit rien à Jean-Marie Le Pen.
02:44Oui, oui, sauf à considérer que les paroles racistes et antisémites de ces candidats
02:48font partie de son héritage.
02:49Voilà sans doute la bonne définition, la dédiabolisation, c'est ce qui fait croire
02:55que le parti a changé, qu'il n'est plus celui de son fondateur, ce qui n'est toujours
02:59pas le cas, ni pour une partie de son programme, ni pour certains de ses cadres et de ses militants.