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00:00Bonjour Sébastien Lecornu. Bonjour, merci pour votre invitation.
00:04Et bienvenue à la grande interview sur CNews et Europe 1.
00:06Vous êtes le ministre des Armées, de nouveau reconduit à la tête de ce ministère
00:10ô combien stratégique dans la défense de nos intérêts.
00:13Vous êtes aussi l'auteur du livre « Vers la guerre, la France face au réarmement du monde »
00:17chez Plon, nous allons en parler.
00:18Mais tout d'abord Sébastien Lecornu, l'actualité c'est la mort de Jean-Marie Le Pen.
00:22Il y a eu hier soir des manifestations de joie à Marseille, à Lyon, à Paris, place de la République,
00:28avec des tirs de feux d'artifices et des slogans antifascistes.
00:31Quoi qu'on pense du personnage, de tel rassemblement,
00:34est-ce qu'il vous indigne, comme Bruno Retailleau qui a dit ceci,
00:37« La mort d'un homme fut-il un adversaire politique, ne devrait inspirer que de la retenue et de la dignité ? »
00:43Le combat politique c'est pour les vivants.
00:45Et donc il faut poursuivre le combat politique avec les vivants, mais il faut respecter les morts.
00:49C'est une affaire de dignité, je crois.
00:51C'est quelque chose de même civilisationnel, et Bruno Retailleau a raison de le dire.
00:54Évidemment, Jean-Marie Le Pen a été, vous ne l'avez peut-être pas connue personnellement, un adversaire politique.
01:00Non, j'étais jeune en 2002, c'est un adversaire politique.
01:02Mais une fois de plus, je pense que dans le champ civilisationnel,
01:05en tout cas dans le rapport personnel que j'entretiens, et avec les morts, et à la mort,
01:10il y a une forme de respect qu'il faut avoir.
01:12Les scènes de Liès, je crois, disent quelque chose d'assez dégradant
01:16sur le rapport que les vivants doivent entretenir avec les morts.
01:19Mais une fois de plus, on a ces opinions politiques,
01:21et le combat politique continue avec les vivants.
01:23Ça me semble simple et de bon sens.
01:25Dans l'actualité, justement, ce sont les hommages et les commémorations
01:28des dix ans des attentats de Charlie Hebdo, l'Hyper Cacher et Montrouge,
01:32qui occupent nos pensées, nos mémoires, dans un contexte de menaces terroristes prégnants.
01:36Une menace, Sébastien Lecornu, endogène, dont parle beaucoup le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau,
01:41mais aussi exogène, et donc une menace liée à une capacité de projection,
01:46liée à des groupes djihadistes au Sahel et proche au Moyen-Orient.
01:49D'où vient, selon vous, le risque le plus important, aujourd'hui, par rapport à notre pays ?
01:53Menace exogène, par définition, souvent plus militarisée, plus durcie, davantage planifiée.
01:59Et en fait, ce qu'il faut bien comprendre, c'est qu'aujourd'hui,
02:01on a une mouvance djihadiste qui est en train de muter,
02:03et dont les canaux numériques, d'ailleurs, sont en train de la réorganiser.
02:06On a une plaque africaine sur le Sahel, avec différents groupes,
02:09d'ailleurs, tous ne sont pas liés à l'État islamique,
02:11il y a aussi des branches, évidemment, d'Al-Qaïda,
02:14une plaque sur l'Afrique de l'Est, une plaque sur le proche et le Moyen-Orient,
02:17on y reviendra, parce que c'est tout l'enjeu, c'est ce qui se passe en Irak,
02:20mais aussi en Syrie, liée évidemment aux prisons et à la bataille assyrienne,
02:25et de manière beaucoup plus significative,
02:27et de manière, je le crois, beaucoup plus préoccupante,
02:30des réseaux russophones, qui partent globalement de l'Iran,
02:35toute la branche du Haut Khorasan, et qui va d'ailleurs jusqu'aux Philippines.
02:38Et cette branche-là, russophone, on l'a vu avec l'attentat, d'ailleurs, même à Moscou,
02:42rappelez-vous, du Khokus City Hall, l'attentat à Téhéran,
02:45maintenant de cela quasiment un an,
02:48on a une branche de l'État islamique qui est en train de se réorganiser,
02:50qui est beaucoup plus déconcentrée qu'avant.
02:52Avant, il y avait quelque chose de très central avec Daesh,
02:54lorsque notamment le califat existait en Syrie et en Irak,
02:58et désormais, on voit des cellules se réorganiser,
03:01d'ici en Turquie, d'ici d'ailleurs en Iran,
03:04et qui, objectivement, sont particulièrement préoccupantes.
03:06L'activité des services, des GSI,
03:08Gérard Darmanin a été ministre de l'Intérieur à l'époque, pendant les Jeux Olympiques,
03:11des GSE nous ont permis, pendant les Jeux Olympiques,
03:14de mener beaucoup d'opérations, y compris d'ailleurs avec les armées françaises.
03:17J'ai communiqué encore récemment, d'ailleurs, entre Noël et le Jour de l'An,
03:20nous avons mené l'armée française dans le cadre de l'opération dite « Chamal »,
03:24l'opération que François Hollande avait déclenchée en 2015,
03:27justement, en 2015-2016, avec Jean-Yves Le Drian, à la suite des attentats.
03:31Nous avons encore frappé récemment des emprises de Daesh en Syrie,
03:34dans la bataille syrienne.
03:36Et quand vous dites que les cellules se réorganisent, Sébastien Lecornu,
03:37ça veut dire que cette menace exogène est de nouveau réactivée ?
03:40Oui, mais si vous voulez, des cellules...
03:42C'est important, oui ?
03:43C'est-à-dire qu'elle est revenue sur le devant de la tête ?
03:45Je crois qu'elle n'a jamais complètement disparue, point-virgule,
03:48même si la plupart des attentats que nous avons connus depuis dix ans
03:51étaient davantage liés à des menaces endogènes ou des radicalisations individuelles.
03:57Et c'est vrai qu'avec Bruno Retailleau, dans le moment dans lequel nous sommes,
04:00on est en train de redoubler d'efforts et de vigilance,
04:02c'est ce qu'Emmanuel Macron nous a demandé,
04:04parce qu'on voit bien que là, on peut avoir de nouveau
04:06une conjugaison d'un risque terroriste domestique,
04:09d'une radicalisation individuelle,
04:12mais aussi, évidemment, une menace dite projetée.
04:15Et ces cellules, comme je vous le disais, sont plus petites,
04:18plus autonomes, parfois plus difficiles à détecter.
04:21C'est d'ailleurs pour ça qu'en 2025, je remets beaucoup de moyens sur la DGSE.
04:24On communique peu, évidemment, sur notre service de renseignement,
04:27mais pour garder un plateau de lutte antiterroriste,
04:30de contre-terrorisme très important et très soutenu.
04:32Menace projetée, bien sûr.
04:33Alors, du Sahel, du Proche et du Moyen-Orient.
04:35À ce sujet, sur la Syrie,
04:37on a vu que la diplomatie européenne, française et allemande,
04:39s'est rendue en Syrie à la rencontre de l'islamiste au pouvoir,
04:43Abou Mohamed Al-Jolani, qui se fait appeler, c'est son nom,
04:46Ahmed Al-Shara.
04:48Est-ce que pour vous, Sébastien Lecornu, un islamiste peut-être inclusif ?
04:51Je pense qu'il faudra juger aux actes.
04:53Alors après, comme il se trouve que je suis ministre...
04:55Vous avez des doutes ?
04:56Moi, il se trouve que je suis ministre de la sécurité extérieure des Français.
04:59Donc, j'essaie de regarder très froidement nos intérêts.
05:04Qu'est-ce qu'on a comme intérêt en Syrie ?
05:06Le terrorisme, on vient de le dire.
05:07Badilles assyriennes, mais également la plupart des prisons
05:12dans lesquelles vous avez un certain nombre de détenus Daesh.
05:14Ça, quel que soit le régime qui va venir en Syrie,
05:18nous, de toute nationalité, et donc français aussi.
05:21Donc, par définition, c'est pour nous une préoccupation majeure.
05:24La deuxième des choses, elle est liée au terrorisme, c'est le Cap Tagon.
05:27Trafic de drogue qui, en général, finance le terrorisme.
05:30Deuxième enjeu majeur.
05:31Troisième enjeu majeur pour nous, Français,
05:33la dissémination d'armes chimiques,
05:35car, comme vous le savez, le régime de Bachar Al-Assad
05:37disposait de stocks importants d'armes chimiques.
05:39Et puis, le quatrième enjeu, c'est évidemment la réaction russe et iranienne
05:44qui viennent d'accuser un coup terrible avec la chute du régime de Bachar Al-Assad
05:49et qui emporte un sujet que vous connaissez bien,
05:50qui est le sujet de la sécurité de la frontière entre la Syrie et le Liban.
05:53Ça, pour le ministère des Armées, c'est quatre sujets clés
05:56et qui ne sont pas que des sujets diplomatiques ou de pétitions morales,
06:00mais qui sont des sujets qui touchent à la sécurité française.
06:02Vous écrivez un bourbier sécuritaire dans un tel bourbier.
06:05Pardonnez-moi, El Jolani, je repose ma question.
06:07Vous dites que vous attendez les actes.
06:09Il y a eu des actes passés.
06:10Daesh, il a quand même participé à des actions en Irak et en Syrie.
06:14J'imagine que pour nos armées, le voir arriver au pouvoir, ça doit...
06:17Non, mais de toute façon, il y a un bourbier syrien.
06:19Je crois qu'on aurait une carte ici pour montrer les différentes forces en Syrie.
06:22Les bases russes d'un côté, les bases américaines de l'autre,
06:25les forces démocratiques syriennes à un endroit,
06:28les incursions turques à un autre,
06:30la badia qui n'est pas...
06:31Oui, il y a un chaos syrien depuis maintenant de nombreuses années.
06:35Il est lié à Daesh, il est lié à Bachar Al-Assad.
06:37Comme ministre des Armées, je ne suis pas là pour faire la morale.
06:40Je crois que ça va rassurer tout le monde.
06:41Je suis là pour regarder très froidement nos intérêts de sécurité.
06:44Et donc, on jugera aux actes.
06:45Jean-Noël Barreau y est allé le week-end dernier.
06:48Et les premiers mots qu'il a eus, d'ailleurs, pour ses interlocuteurs,
06:51c'était de parler de Daesh. On ne peut pas être plus clair.
06:53Face aux ambassadeurs avant-hier, Emmanuel Macron,
06:55évoquant justement les groupes djihadistes, cette fois-ci en Afrique,
06:57a affirmé que les dirigeants africains avaient oublié de nous dire merci,
07:01estimant qu'aucun d'entre eux ne gérerait aujourd'hui un pays souverain
07:04sans cette intervention française.
07:06Ce n'est pas grave, ça viendra avec le temps à ironiser le président français.
07:10Cette déclaration, Sébastien Lecornu a été jugée comme méprisante
07:13par différents pays africains.
07:15Le Tchad a appelé au respect des Africains.
07:17Quant au Sénégal, il a rappelé que la France a contribué
07:19à déstabiliser une partie de l'Afrique avec l'intervention en Libye.
07:23Que répondez-vous à ces dirigeants africains ?
07:25Déjà, il n'y a pas eu d'opération de lutte contre le terrorisme au Sénégal,
07:28donc il ne faut pas tomber dans tous les pièges informationnels
07:31qui nous sont tendus.
07:32Qu'est-ce qu'a dit le président de la République lundi ?
07:34Que globalement, le Mali, le Niger et le Burkina Faso,
07:37s'il n'y avait pas eu l'armée française,
07:38ces pays seraient tombés aux mains des islamistes.
07:41C'est vrai.
07:42Qu'est-ce qu'on constate par ailleurs ?
07:43Qu'en général, lorsque nous sommes partis,
07:46la lutte contre le terrorisme ne se poursuit pas.
07:48Ce qui est d'ailleurs, du reste, un enjeu majeur pour nous,
07:51parce que vous avez des pressions migratoires qui peuvent venir du Sahel
07:54et remonter par le Maghreb,
07:55qui sont à redouter dans les années qui viennent.
07:57Mais ça veut dire soit qu'on est partis trop tôt,
07:59soit que les dirigeants africains ne sont pas investis dans la lutte contre le terrorisme.
08:02Les jeunes militaires de Burkina Faso,
08:042500 morts, civils,
08:08tombés sur des attentats terroristes depuis que nous sommes partis.
08:11C'est un drame.
08:12Le sujet, ce n'est pas ce qu'on a déménagé nos bases.
08:14Le sujet, il est sécuritaire et il est humanitaire.
08:17Je lis aussi beaucoup dans la presse depuis trois jours qu'on dit
08:19nous avons été remplacés par les Russes et les Chinois.
08:21Bon, il n'en est rien déjà.
08:22Les Chinois ont un agenda économique très dur en Afrique,
08:26mais absolument pas d'agenda militaire.
08:27Il y a une base à Djibouti, mais elle sert à autre chose.
08:29Et les Russes, là où ils ont tenté de nous remplacer,
08:32n'y sont pas arrivés.
08:33On va parler de notre influence.
08:34Je vais vous dire une chose juste sur le Tchad.
08:35Qu'est-ce que vous dites notamment aux dirigeants tchadiens ?
08:37Parce que ces mots, en fait, en réalité,
08:39ils vous accusent de néocolonialisme.
08:41Si j'étais mon propre interviewer,
08:43vous me pardonnez cette coquetterie,
08:45vous savez combien de fois nous avons quitté le Tchad
08:48depuis maintenant de cela,
08:50quatre décennies ou cinq décennies ?
08:52Quatre fois.
08:54Et la vraie question, en fait, c'est
08:56si demain, après être partis,
08:58un nouveau régime,
08:59parce que les alternances politiques sont là dans ces pays,
09:01un nouveau régime nous demande d'y retourner,
09:04qu'est-ce qu'il faudra faire ?
09:05Eh bien, je n'ai pas la réponse à cette question.
09:07Et en fait, c'est ça dont, à mon avis,
09:09les forces politiques françaises,
09:10parce que parlons de nous, parlons de nos intérêts.
09:12Le Tchad, la base au Tchad,
09:13c'est 300 millions d'euros par an pour le contribuable français.
09:15Donc ça mérite, à mon avis,
09:17un combat aussi entre les forces politiques.
09:19C'est, au fond, quelle est notre bonne présence en Afrique ?
09:21Et ça, le président Macron y a répondu en disant
09:23on a des bases, on y est resté parfois trop longtemps
09:26et nous nous sommes substitués
09:28à des dirigeants politiques dans la lutte contre le terrorisme
09:31croyant bien faire en faisant le travail à leur place.
09:33Et, pardon, parce que je ne suis pas que ministre des Armées,
09:36je considère aussi que l'influence française en Afrique,
09:38elle n'est pas que militaire,
09:39si elle se résume à une base,
09:40très franchement, c'est, à mon avis,
09:43complètement une vision du XIXe siècle,
09:45culturelle, économique.
09:47Le vrai agenda, il est, à mon avis, économique.
09:49Et je vais vous dire une chose,
09:50je pense aussi que nous ferions bien de regarder
09:52l'Afrique lusophone, l'Afrique anglophone.
09:55On a vu ce que nous avons fait récemment en Éthiopie
09:57avec le Nigeria,
09:58qui sont des pays sur lesquels
09:59il y a une attente de France absolument énorme.
10:01Mais regardons déjà l'Afrique francophone
10:03où nous avions quand même une influence.
10:06Alors, vous niez aujourd'hui l'implantation
10:08de l'influence chinoise et russe, mais elle est réelle.
10:10D'ailleurs, en capacité...
10:12L'influence russe actuelle...
10:13L'influence économique, les entreprises,
10:14la liste est impressionnante.
10:16Pour la langue, la francophonie a reculé.
10:18C'est un sujet que je connais particulièrement.
10:20Sur les sujets de sécurité,
10:22je dois vous dire de la manière la plus clinique qui soit,
10:25là où les Russes et notamment la SMP Wagner,
10:27qui d'ailleurs connaît des difficultés importantes,
10:30ou le ministère de la Défense russes
10:31ont voulu nous remplacer,
10:33c'est un échec.
10:34C'est un échec tactique
10:35et c'est même un échec de coopération
10:36dans la manière de travailler avec les armes africaines.
10:38Mais je ne suis pas là pour donner
10:39les bons points et les mauvais points.
10:40Reparlons de nos propres intérêts.
10:42Président Hollande a eu raison
10:44d'envoyer les forces françaises au Mali
10:46lorsque Bamako était à deux doigts de tomber
10:48aux mains des djihadistes.
10:49Est-ce qu'ensuite nous sommes restés peut-être trop longtemps
10:51dans cette opération qu'on appelait Barkhane
10:53avec quand même pratiquement 60 morts pour la France
10:56dans cette opération ?
10:57C'est probable.
10:58Et je pense que là on revient lucidement à un bilan.
11:01On ne peut pas faire le travail
11:03à la place des pays concernés,
11:05qui sont des pays souverains.
11:06Alors Sébastien Lecornu
11:07poursuit notre entretien sur ces news européens.
11:09Il y a l'influence, il y a aussi l'ingérence.
11:11Emmanuel Macron a parlé de la France et des Etats-Unis
11:13lors de cette conférence devant les ambassadeurs
11:15et donc évidemment de Donald Trump
11:17en dénonçant au sujet cette fois-ci d'Elon Musk
11:20une internationale réactionnaire.
11:23D'abord, quel est l'objectif d'une telle internationale ?
11:25Je pense qu'il y a un projet politique
11:27défendu par Elon Musk
11:29mais ça à la rigueur comme ministre des Armées
11:31je n'ai pas d'appréciation particulière à avoir.
11:32Moi ce qui m'intéresse beaucoup c'est
11:34qu'il y a toujours eu une influence américaine
11:36par les GAFA, par les grandes entreprises.
11:39Ce n'est pas de ce dont parle le Président.
11:41Non mais j'essaie d'aller plus loin devant vous
11:43parce que c'est la première fois que je m'exprime sur ce sujet
11:45et de dire en fait que je pense que
11:47au-delà des tweets de Monsieur Musk
11:48on ferait mieux surtout de regarder de très près
11:50ce qui va se passer sur la stratégie spatiale.
11:52Je pense que le vrai enjeu...
11:53C'est l'une des batailles.
11:54Pardon de parler de moi à chaque fois
11:56et de parler des intérêts français
11:57mais je pense que c'est ce qu'on attend de moi.
11:59De voir SpaceX et de voir le patron de SpaceX
12:02rentrer dans l'administration américaine
12:04pour la première fois
12:05vous allez avoir des intérêts américains privés
12:07qui vont quasiment se juxtaposer
12:09à l'administration américaine.
12:10Pour autant je ne pense pas d'ailleurs
12:12qu'il y ait une confusion, une fusion
12:14des entreprises et cette administration.
12:16Comment vont réagir les Européens
12:18notamment dans notre souveraineté,
12:19notre capacité à garder un accès à l'espace ?
12:21C'est vrai pour les lancements en courte orbite
12:23comme en haute orbite.
12:25Ça je pense que c'est un sujet clé.
12:27Donc il y a ce que le Président de la République a dit
12:29je renvoie mes affaires étrangères
12:31à s'exprimer sur le sujet.
12:32Moi je mets un autre sujet sur la table en même temps.
12:34La bataille spatiale.
12:35La bataille spatiale.
12:36Mais je pose la question toujours autour d'Elon Musk
12:38cette supposée ou réelle ingérence.
12:41Est-ce qu'il n'y a pas deux poids, deux mesures ?
12:42Vous parliez justement de l'action d'Elon Musk
12:44quand il s'est agi d'un autre milliardaire.
12:46Je pense à George Soros et ça nous concerne tous
12:48puisqu'il a financé des ONG en Europe.
12:50Personne, en tous les cas, n'en a pas entendu
12:52le gouvernement français s'indigner
12:54de son ingérence.
12:55Je ne pense pas qu'il y ait deux poids, deux mesures.
12:57Moi une fois de plus je respecte la souveraineté
12:59de chaque pays.
13:00Donc ça ne me viendrait pas à l'esprit que...
13:02Pendant la campagne américaine
13:03j'ai été très prudent sur ce que j'ai dit.
13:05Tout le monde ne l'a pas fait d'ailleurs.
13:06Moi je fais attention à ça.
13:07Donald Trump qui continue, Sébastien Lecornu
13:09de promettre la fin de la guerre en Ukraine.
13:11À ce sujet Emmanuel Macron a appelé l'Ukraine
13:13à des discussions, je cite,
13:14réalistes sur son territoire.
13:16Au sujet du territoire ukrainien.
13:18Est-ce un appel lucide à acter de concession territoriale
13:22alors que Kiev est en difficulté sur le champ de bataille ?
13:25Difficulté c'est certain.
13:27Avec une ligne de front qui évolue
13:31très lentement, à vrai dire.
13:33Avec une érosion, je pense que ces dix derniers jours
13:35on parle de 85 à 90 kilomètres carrés
13:38qui ont été grignotés.
13:39Sur Kursk, les Ukrainiens ont tenté une contre-offensive
13:41depuis dimanche sur lequel ils reprennent un peu du terrain.
13:43Ce qu'il faut comprendre dans ce qu'a dit le président de la République
13:45c'est que de fait au fond on voit bien que
13:47dans les discussions qui pourraient exister
13:50vous avez au fond plein de critères
13:52mais vous avez deux familles de sujets
13:54qui retiennent l'attention de toutes les capitales.
13:56La première c'est évidemment le sort des territoires
13:58occupés par la Russie.
14:00C'est ce qu'a dit le président de la République
14:01en précisant que c'est à la main des Ukrainiens
14:03et que c'est aux Ukrainiens de décider ces paramètres.
14:05Mais ça veut dire que ce n'est plus un totem.
14:07Mais en fait ça ne l'a jamais été.
14:09Ça dépendait de la situation tactique et militaire.
14:11Parce qu'en fait vous voyez bien que dès lors que la ligne de front
14:13est en train de sécher, de se durcir
14:15elle s'installe dans la durée.
14:17Donc c'est le principe de réalité militaire.
14:19Nos démocraties médiatiques, il faut qu'on ait perdu de sa vue
14:21mais enfin c'est la situation tactique sur le terrain militaire
14:23qui donne ça.
14:24Donc la première famille de sujets
14:25c'est évidemment les questions territoriales
14:27et le président Macron n'a pas dit quelque chose de très nouveau au fond.
14:29Il l'a dit publiquement c'est certain
14:31mais en disant que ça reste à la main des Ukrainiens.
14:33Et il y a une deuxième série de sujets
14:35qui sont clés, qui nous concernent très directement
14:38c'est quelles sont les garanties de sécurité
14:40que l'on peut apporter à l'Ukraine demain.
14:42Traduction plus claire,
14:44comment on fait en sorte que ça ne recommence pas ?
14:46Pour l'Europe ?
14:47Oui, parce que Géorgie, parce que Crimée,
14:49parce qu'Ukraine, on ne peut pas ne pas voir les dix dernières années
14:52et donc Moldavie, point d'interrogation,
14:54Pays Baltes, point d'interrogation,
14:56et l'Ukraine, le reste de l'Ukraine, demain.
14:58Et un autre point d'interrogation, M. le ministre des Armées,
15:00l'Europe de la Défense, et à chaque fois la même question,
15:02c'est avec qui ? L'Allemagne ?
15:04On considère l'Allemagne comme un partenaire
15:06dans cette Europe de la Défense, mais la réalité,
15:08est-ce que vous pouvez nous le dire ouvertement et officiellement
15:10si je puis dire, l'Allemagne ne nous considère pas
15:12comme un partenaire dans l'Europe de la Défense,
15:14elle regarde toujours vers l'OTAN.
15:15Oui, alors, le Général de Gaulle disait dans ses conversations
15:18avec Alain Peyrefitte que les Allemands étaient naïfs
15:20et qu'il n'en finissait pas de s'en remettre
15:22indéfiniment aux Etats-Unis, lesquels Américains
15:25ne viendraient jamais complètement au secours de l'Allemagne.
15:27Vous voyez, c'est en 1962 ou 1963 qu'il dit ça
15:30à son ministre de l'Information de l'époque.
15:32Donc le problème, il est ancien.
15:33Vous avez une part des Européens
15:35qui sont dans une relation transatlantique
15:37que je pourrais qualifier de naïve.
15:39Elle est ancienne, elle est liée à l'histoire,
15:41et il ne semble pas comprendre dans ses capitales
15:44qu'au fond, démocrate comme républicain d'ailleurs,
15:46on parle beaucoup du président Trump,
15:48mais Mme Harris disait des choses peut-être de manière...
15:50Oui, peut-être plus diplomatiquement en tout cas,
15:53mais globalement qui consiste à dire
15:55qu'il y a un pivot qui est en train de se faire
15:57de l'Europe vers le Pacifique Nord.
15:59La question chinoise monopolise
16:01toutes les attentions à Washington.
16:03Donc les Européens n'ont pas d'autre choix désormais
16:05que de se prendre en main sur les sujets
16:07de sécurité et de défense.
16:08Et dans les différentes capitales,
16:10vous avez des réactions qui sont différentes,
16:12mais vous savez qu'il y a un débat électoral
16:13actuellement en Allemagne, et on voit bien
16:15que ce sujet est un sujet de campagne électorale
16:17en Allemagne.
16:18Du reste, ça ne l'a pas été suffisamment
16:20chez nous, je le crois, en juin dernier.
16:22Peut-être reviendra-t-il à l'occasion.
16:24L'armée française qui a formé des soldats ukrainiens,
16:26M. le ministre des Armées, au sein de la brigade
16:28appelée Anne de Kiev,
16:30et on a financé cette brigade,
16:32brigade de laquelle des centaines de soldats ukrainiens
16:34auraient déserté. Vous le confirmez ?
16:36Alors, 55 désertions
16:38lorsque la demi-brigade était
16:40en formation sur le territoire national.
16:42Les chiffres qui ont circulé,
16:44notamment de la part de journalistes ukrainiens,
16:46ne sont absolument pas confirmés.
16:48Qu'est-ce qui s'est passé ? Le principe de la
16:50formation de la brigade, c'est de faire sa cohérence.
16:52Vous prenez 2000 hommes,
16:54vous formez l'état-major,
16:56tous les systèmes de
16:58bataillons et de compagnie, et vous donnez
17:00les armes qui vont avec, et la formation qui va
17:02avec ces armes, et la doctrine qui va avec.
17:04Ça s'appelle mettre en cohérence tout ça.
17:06Il se trouve que pour des raisons de besoins
17:08tactiques, visiblement, l'armée ukrainienne a
17:10explosé cette brigade lorsqu'elle est retournée
17:12en Ukraine. Mais nous avons financé.
17:14Pourquoi ils l'ont fait-ils ?
17:16C'est la guerre. Pourquoi nous l'avons
17:18financé dans ce cas-là ? Parce qu'il fallait le faire.
17:20Je crois que l'aide à l'Ukraine n'est pas à débattre.
17:22On peut en débattre, mais votre question, ce n'est pas ça.
17:24Qu'est-ce qui s'est passé sur la brigade ukrainienne ?
17:26Ils ont reventilé les différentes
17:28compagnies de cette brigade sur différentes
17:30lignes de front. Souvent, sur
17:32les plateaux de CNews, il y a des débats sur faut-il
17:34rétablir le service militaire ? Je pense
17:36qu'on a une bonne illustration aussi de ce qu'est une armée
17:38de conscrits, c'est-à-dire une armée
17:40avec des gens qui ne sont pas volontaires, qui ne sont pas
17:42professionnels, qui doivent être formés très rapidement,
17:44et pour lequel, lorsqu'on a un combat
17:46de haute intensité face à l'armée russe,
17:48eh bien, évidemment, il y a des sujets
17:50de faiblesse. Et bien sûr que c'est important,
17:52parce que, dans le livre,
17:54quand je défends l'armée de métiers, quand je défends
17:56l'armée professionnelle, il faut que celles et ceux
17:58qui nous regardent comprennent que les combats
18:00d'aujourd'hui, dans des univers dans lesquels
18:02il y a des drones, il y a de la guerre électronique,
18:04il y a un combat en trois dimensions,
18:06tout ça a changé. On dit que c'est 14-18
18:08en Ukraine, c'est 14-18 avec beaucoup
18:10de technologie. Et donc, il y a une professionnalisation.
18:12Et donc, c'est un enjeu. La question de la conscription
18:14en Ukraine est d'ailleurs un grand débat politique.
18:16Et des moyens, monsieur le ministre. Est-ce que vous êtes
18:18en mesure de nous confirmer ce matin la sanctuarisation
18:20des augmentations du budget de la Défense ?
18:22Vous avez averti que si ces évolutions
18:24n'étaient pas... Enfin, vous avez averti
18:26que ces négociations, plutôt,
18:28que ces évolutions n'étaient pas négociables.
18:30Est-ce que, ce matin, vous avez eu la confirmation
18:32que tout sera bien ? Non, mais c'était déjà
18:34sanctuarisé dans la copie que Michel Barnier
18:36avait arrêtée, et François Bayrou a décidé
18:38de repartir de la copie de Michel Barnier.
18:40Vous voyez... Même copie,
18:42même évolution, même... Mais je l'ai toujours dit,
18:44de toute façon, c'est pas un plafond,
18:46c'est un plancher. On va arriver à
18:4850,5 milliards d'euros
18:50pour 2025. C'est juste
18:52suffisant. Pour ?
18:54Pour répondre aux besoins de sécurité.
18:56Sinon ? De suite, ce qu'on ne comprend pas,
18:58on est arrivé à 31
19:00milliards d'euros en 2017.
19:02On arrivera aux alentours de 69
19:04milliards d'euros en 2030.
19:06Point d'étape à 50,5 milliards d'euros.
19:08Oui, parce que la modernisation de la dissuasion nucléaire
19:10nécessite des moyens, parce que la
19:12modernisation sans précédent de notre armée
19:14de terre depuis la fin de la Guerre froide nécessite
19:16des moyens. On parlait du spatial, vous avez
19:18désormais des sceaux technologiques qui nécessitent
19:20des moyens. Et comme, en plus, on souhaite protéger
19:22notre souveraineté, c'est-à-dire ne pas dépendre d'autres
19:24puissances, quelles qu'elles soient, forcément,
19:26ça mérite un investissement
19:28important. J'ajoute du reste que
19:30cet argent, c'est quand même beaucoup de milliards pour
19:32celles et ceux qui nous écoutent, a en plus
19:34ce qu'il mérite, c'est qu'au-delà de nous protéger, ce qu'il mérite
19:36essentiel, les répercussions en termes
19:38d'emploi, de croissance et de balance
19:40commerciale extérieure sont énormes, parce que
19:42derrière, évidemment, ce succès en appelle
19:44d'autres et appelle aussi à des points de
19:46croissance et de l'emploi. On va conclure, Sébastien Lecornu,
19:48avec une question sur votre livre, Vers la
19:50guerre, la France face au réarmement du monde,
19:52qui rencontre un véritable succès,
19:54preuve qu'il y a une appétence pour ces
19:56sujets. Vous livrez une analyse incisive
19:58sur la position de la France face aux
20:00crises géopolitiques. Tout à l'heure, à la question de notre
20:02influence, vous avez répondu qu'on n'avait pas
20:04perdu notre influence, mais est-ce que vous reconnaissez
20:06qu'on a un retour, quand même, des États puissants,
20:08ce que Kissinger avait appelé un monde néo-westphalien ?
20:10La France fait face aujourd'hui
20:12à des nations comme la Turquie, qui rêvent
20:14de l'Empire ottoman, de l'Iran, qui rêvent
20:16de l'Empire perse, etc.
20:18Que pesons-nous face à tout cela ?
20:20Le livre n'est jamais
20:22que la mise en page de mes notes depuis deux ans et demi,
20:24et de fait, j'essaie de montrer ça. Alors après, ce qui est intéressant,
20:26c'est de voir que cet ensemble-là n'est cohérent
20:28et ne s'unit que par le refus
20:30du monde occidental, en tout cas du monde,
20:32on va dire, tel qu'il a été imaginé
20:34au XXe siècle. Après, ils sont quand même...
20:36C'est tout le sud global, pas juste le monde occidental.
20:38Oui, mais une fois qu'on a dit ça, ce qui est intéressant, c'est de regarder deux choses.
20:40Un, de voir que tous ces pays ont des problèmes
20:42internes énormes. Vous voyez, les quatre heures de conversation
20:44de Vladimir Poutine avec
20:46les différents auditeurs russes, vous avez
20:48la moitié de cette conversation
20:50qui repose sur l'inflation
20:52et les questions migratoires. Et l'autre phénomène
20:54important et intéressant, c'est de voir au fond qu'une vieille
20:56théocratie désormais, comme l'Iran, n'a
20:58quand même pas que des choses à voir
21:00avec un pays comme la Russie, qui vient
21:02d'une ère post-soviétique,
21:04ou la relation entre l'Inde et la Chine,
21:06dont on sait qu'elle est complexe. Donc, à la fois, il faut bien comprendre
21:08qu'il y a une alliance de circonstances
21:10pour réfuter ceux que nous sommes,
21:12que pour autant, ce n'est pas un monde monolithique.
21:14Et pour conclure, c'est là où...
21:16C'est pour ça que je suis beaucoup plus optimiste sur la France. Il ne faut pas
21:18qu'on fasse de France bashing. Alliés mais
21:20non-alignés, on a un rôle particulier.
21:22Et vous voyez, la relation particulière
21:24qu'on a avec Pékin, on n'a pas la même diplomatie
21:26que Washington, de toutes les évidences,
21:28pour aborder le défi chinois.
21:30La relation de grande proximité que nous avons
21:32avec l'Inde, et ça, quels que soient
21:34les échéances à venir, quels que soient les gouvernements,
21:36la vie politique intérieure française,
21:38il faut qu'on conserve impérativement
21:40cette singularité française qui nous
21:42protège dans la durée, en plus de notre rare moment.
21:44Merci Sébastien. Alors, on est
21:46vers la guerre. Alors, point d'interrogation,
21:48on peut l'enlever, puisque la guerre est aux confins
21:50de l'Europe. Merci d'avoir été notre... Il y a un débat quand même.
21:52C'est pour ça que j'ai mis le point d'interrogation. Tout à fait. Bonne journée à vous.