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Avec Mathieu Souquière, expert associé auprès de la Fondation Jean-Jaurès

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##SUD_RADIO_VOUS_EXPLIQUE-2025-01-08##

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Transcription
00:00Le Grand Matin Sud Radio, 7h-9h, Jean-Jacques Bourdin.
00:04— Bien, parlons de Jean-Marie Le Pen avec notre invité Mathieu Souquier qui est expert associé auprès de la Fondation Jean Jaurès.
00:10Mathieu Souquier, bonjour. — Bonjour.
00:12— Merci d'être avec nous. Alors vous, dans un éditorial précédent, il y a quelques mois, vous disiez...
00:20On se posait la question en 2017. Marine Le Pen peut-elle gagner ?
00:24Et maintenant, en 2027, pour 2027, on se pose la question. Marine Le Pen peut-elle encore perdre ?
00:32— C'est le grand héritage de Jean-Marie Le Pen, avoir réussi en réalité à opérer la renaissance de l'extrême-droite dans ce pays,
00:38et plus que sa renaissance, sa prospérité. Rappelons que Jean-Marie Le Pen fonde le FN à l'époque, en 1972,
00:46quelques décennies après le naufrage moral et politique du régime de Vichy,
00:50à une époque où pendant plusieurs décennies, l'extrême-droite avait totalement disparu du paysage politique français.
00:56Précisément à cause de la Seconde Guerre mondiale, précisément à cause de la Shoah et de l'extrême-droite
01:00qu'on rendait responsable de cette actualité tragique, de cette histoire tragique.
01:04En 1972, Jean-Marie Le Pen crée donc le FN, réussissant en fait la fusion, la fédération de tous les courants groupusculaires de l'extrême-droite,
01:14les nostalgiques de Pétain, les nostalgiques de l'Algérie française. En 1974, il se présente à l'élection présidentielle,
01:20il fait un score microscopique, 0,74%, mais dix années après, précisément, il permet à l'extrême-droite
01:26d'engranger ses premiers succès électoraux, au milieu des années 80.
01:30Précisément au moment où la gauche, au pouvoir, confrontée aux difficiles exercices du pouvoir et à la crise économique et sociale,
01:37voit les catégories populaires se détourner d'elle, et donc l'extrême-droite se trouve voir s'ouvrir un boulevard devant elle.
01:43– Oui, et Jean-Marie Le Pen a poursuivi son parcours politique, souligné d'ailleurs, l'histoire jugera, dit l'Élysée,
01:52l'histoire jugera, a poursuivi son parcours politique et il a atteint le second tour de l'élection présidentielle.
01:58Moi je me souviens de Jacques Chirac disant, il n'est pas question pour moi de débattre entre les deux tours avec Jean-Marie Le Pen.
02:06– Alors l'Élysée a dit l'histoire jugera, on peut dire que la justice a déjà jugé.
02:10Rappelons que Jean-Marie Le Pen est l'homme politique le plus condamné de la vie politique française.
02:15Il a été condamné à près de 25 reprises pour à chaque fois incitation à la haine raciale, apologie de crime de guerre, etc.
02:23Donc Jean-Marie Le Pen a par ailleurs un casier judiciaire, il a un casier politique mais aussi un casier judiciaire lourdement rempli.
02:30Je disais que c'était l'homme de la renaissance de l'extrême-droite en France, c'est aussi, puisque vous faites référence à Jacques Chirac,
02:35l'homme du 21 avril. Le 21 avril dans notre histoire politique et sociale, c'est ce que Lionel Jospin avait qualifié de coup de tonnerre.
02:42Alors pourquoi un coup de tonnerre ? Parce que précisément pour la première fois, l'extrême-droite accède au second tour de l'élection présidentielle
02:49après des décennies d'éclipses politiques. Voilà, Jean-Marie Le Pen surclasse la gauche et pire que cela, deuxième effet,
02:56l'extrême-droite est pour la première fois devant la gauche dans l'électorat populaire.
03:01Et par ailleurs, rappelons que, puisque je disais que Jean-Marie Le Pen avait été multi-condamné, rappelons qu'à l'époque encore,
03:07l'extrême-droite, le FN, est un parti totalement sulfureux, totalement sulfureux. On a parlé de stratégie de dédiabolisation pour Marine Le Pen,
03:14si précisément il y a eu dédiabolisation, c'est parce que Jean-Marie Le Pen incarnait aux yeux de beaucoup la figure du diable.
03:21— Oui, Jean-Marie Le Pen incarnait la figure du diable. Est-ce qu'on peut dire que c'était un provocateur, c'était un extrémiste de droite,
03:30que les choses soient très claires ? C'était aussi peut-être un anarchiste de droite ? Parce qu'il était capable de tous les contrepieds ?
03:43— Oui. Alors, pour être tout à fait clair, effectivement, sa matrice idéologique, c'est celle de l'extrême-droite la plus classique,
03:49avec un fond raciste, un fond antisémite, un fond colonialiste, matinée de Poujadis, c'est-à-dire une rhétorique anti-système.
03:56C'est ça, le lepénisme. C'est l'extrême-droite la plus classique, matinée de Poujadis.
04:00— Il disait « Je suis économiquement de droite, socialement de gauche et nationalement de France ».
04:04— Alors ça, c'était effectivement son slogan de 2002. On parle de provocation. En réalité, c'est parce qu'au-delà de ce fond d'extrême-droite classique,
04:15réactionnaire et Poujadiste, Jean-Marie Le Pen incarnait en réalité un mouvement contestataire.
04:20La grosse différence entre Jean-Marie Le Pen et Marine Le Pen, c'est que Jean-Marie Le Pen n'a jamais cherché à accéder au pouvoir.
04:26Et il n'a même pas imaginé que cela lui... En tout cas, il considérait, je ne le connaissais pas personnellement,
04:32mais il considérait que précisément l'équation politique et la tâche du régime de Vichy, en fait, empêchait le courant qu'il incarnait de réaccéder au pouvoir.
04:42Sa tâche à lui a été de la faire renaître et de la réinscrire dans le paysage politique français, en gagnant une bataille culturelle majeure,
04:49mettre la question identitaire au cœur du débat. Il y a quelques décennies, on ne parlait pas de cela ou pas de cela toute la journée.
04:55Et la grande victoire de Jean-Marie Le Pen, c'est d'avoir même confondu, amalgamé la question identitaire, la question de l'identité française et la question migratoire.
05:03Et même, à jautre âge, la question sécuritaire. C'est la grande victoire idéologique de Jean-Marie Le Pen.
05:08Et c'est Éric Zemmour qui se revendique comme étant l'héritier de Jean-Marie Le Pen, plus finalement que Marine Le Pen.
05:15Oui, alors, y compris parce qu'Éric Zemmour est l'autre homme politique, le plus condamné de la classe politique, pour les mêmes dérapages que Jean-Marie Le Pen, en réalité.
05:23Et sur le plan économique, effectivement, il incarne l'ultra-libéralisme de Jean-Marie Le Pen.
05:28Là où Marine Le Pen a dû opérer un virage, effectivement, dans les années 2010, pour une raison tout à fait pragmatique.
05:34Le socle électoral de l'extrême droite dans ce pays, depuis Poujade, ce sont les classes moyennes, le monde de la boutique, les artisans et les commerçants.
05:41La grande victoire de Jean-Marie Le Pen, c'est d'avoir élargi cette base-là aux catégories populaires, en siphonnant précisément une partie de l'électorat de la gauche.
05:49À partir du moment où Marine Le Pen s'est retrouvée à la tête d'un parti qui était le premier parti auprès des ouvriers de France, elle a dû changer de logiciel en matière économique et sociale.
05:57Et alors, je ne dirais pas que le programme de l'extrême droite, du RN aujourd'hui, rejoint le programme de la France Insoumise.
06:03Marine Le Pen n'a jamais parlé d'augmentation du SMIC ou de lutte contre les inégalités sociales.
06:07En revanche, elle parle évidemment de pouvoir d'achat.
06:09Parce qu'elle sait qu'elle a au cœur de son électorat des gens qui sont autant attachés à la question sociale qu'à la question migratoire.
06:16— Merci beaucoup Mathieu Souquier d'être venu nous voir pour cette analyse ce matin.

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