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D’après une étude récente d’Opinion Way, 53% des Français ayant visité un lieu touristique au cours de l’été 2024 ont été confrontés à la surfréquentation. Les deux tiers déclarent avoir été gênés par la foule, et 17% ont décidé d’annuler leur visite, soit huit points de plus que l’année précédente. Si le surtourisme peut dégrader le plaisir de découvrir, il pose également la question du mépris de classe. Jean Pinard, consultant en progrès touristique et président de Fu-tourism et Benoît Parraud, directeur Département Mobilité, Tourisme, Loisirs d'Opinion Way, nous l'expliquent.

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Transcription
00:00Générique
00:06Le sur-tourisme au programme de notre débat avec Benoît Parot, bonjour.
00:10Bonjour.
00:11Bienvenue, vous êtes directeur du département Mobilité, Tourisme et Loisirs chez OpinionWay.
00:15Avec nous en duplex également Jean Pinard, bonjour.
00:18Vous êtes consultant en progrès touristique, président de Futourisme.
00:22Merci d'avoir accepté notre invitation.
00:25Vous avez publié il y a quelques semaines, c'est au mois de septembre, une étude sur les Français le sur-tourisme.
00:30C'est une sorte de baromètre, si je comprends bien, qui se renouvelle depuis quelques années.
00:34Peut-être la leçon principale pour commencer.
00:36La leçon principale, c'est que la perception de la surfréquentation est très importante aujourd'hui
00:43quand on interroge les Français qui sont partis en vacances durant le mois de juin, juillet, août et première quinzaine de septembre.
00:51En fait, dans notre baromètre, on a cette année, au mois de septembre, intégré une question sur, effectivement,
00:56est-ce que vous avez été exposé à la surfréquentation quand vous visitez un lieu touristique ?
01:00Et la réponse est assez cinglante, puisque 53% des Français ayant visité un lieu touristique au cours de l'été 2024
01:08déclarent effectivement avoir été confrontés à cette surfréquentation.
01:13Alors, le problème d'être exposé à la surfréquentation n'est pas un problème en soi, sauf qu'elle l'est.
01:19Pourquoi ? Parce que deux tiers de ces Français ayant été exposés à la surfréquentation
01:24se déclarent avoir été gênés par la foule, par le trop de monde.
01:29Et on voit bien qu'elle dégrade de façon relativement importante l'expérience de visite, en fait.
01:35Ça veut dire que l'argument environnemental, dont on va beaucoup parler dans ce débat,
01:40il est peut-être présent, mais il se double de l'expérience moins sympa.
01:46Exactement. Pendant très longtemps, on a associé le surtourisme à la problématique environnementale.
01:51Elle est présente, elle est importante.
01:53Et on sait également que, par exemple, dans les Calanques, à Marseille,
01:57ils ont instauré un système de quotas justement pour protéger aussi ces lieux touristiques naturels.
02:02Mais au-delà de ça, elle se double, vous avez tout à fait raison, d'une mauvaise expérience du point de vue des touristes.
02:09Et le plaisir de découvrir des lieux touristiques par nature un peu exceptionnels,
02:13qu'ils soient naturels, des monuments ou des villes, par exemple,
02:16est en train de se dégraner.
02:18C'est pour ça que le chiffre est très présent et beaucoup plus fort cette année que lors des autres vagues.
02:23J'en veux pour preuve que cette année, 17% des personnes ayant été confrontées à la surfréquentation du tourisme
02:29déclarent avoir préféré refuser et fait demi-tour, sont rentrés chez eux dans leurs lieux de visite.
02:35Oui, on avait prévu ce chiffre, effectivement.
02:37Et ce qui est intéressant, on va le voir, 17% des visiteurs confrontés ont décidé d'annuler leur visite.
02:42C'est la progression.
02:43Absolument.
02:44C'est 8 points de plus par rapport à l'an dernier.
02:47Absolument. Cette proportion a doublé par rapport à l'année dernière.
02:50On était à 9% l'année dernière, on passe cette année à 17%.
02:54Donc on voit bien que le phénomène prend de l'ampleur.
02:57Et c'est quand même, il me semble, des chiffres qui doivent interpeller les professionnels du tourisme aujourd'hui.
03:02Oui. Jean Pinard, je reviens vers vous une première fois.
03:05Vous disiez dans une tribune publiée dans Le Monde, c'était je crois au mois de septembre dernier justement,
03:09que cette notion de surtourisme, elle pouvait parfois relever du mépris de classe.
03:15Expliquez-nous.
03:17Oui, parce que ceux qui l'ont abordé, alors je ne parle pas de l'étude qui vient d'être faite,
03:22mais souvent, ceux qui commentent le surtourisme sont des gens qui auraient envie de passer des vacances
03:31là où les autres ne le passent pas.
03:33Moi, l'étude qui vient d'être faite, quand les gens disent voilà, on est victime du surtourisme, ils en sont acteurs.
03:38Ils sont acteurs du surtourisme. C'est pas un phénomène nouveau.
03:43Le phénomène nouveau, c'est qu'il y a moins de tolérance par rapport au fait qu'il y a du monde là où on vient passer ses vacances.
03:49Il y a du monde sur les endroits qu'on visite.
03:52Mais moi, ce que je constate, c'est que sur ces cinq dernières années, puisqu'on va reprendre jusqu'à la crise de la Covid,
03:59la fréquentation touristique française, elle n'a quasiment pas bougé.
04:05Et au niveau mondial, c'est un secteur émetteur de gaz à effet de serre et plutôt en progression.
04:13Qu'est-ce qu'on peut en dire, Jean-Pinard ?
04:14Ça, c'est clair que le tourisme est le mauvais élève de l'économie d'une manière générale.
04:19C'est la filière qui a fait le moins d'efforts.
04:22C'est la filière qui continue à faire progresser ses émissions de gaz à effet de serre.
04:26Donc c'est assez dramatique de ce point de vue-là.
04:29Alors il y a des causes qui sont purement démographiques.
04:31Il y a de plus en plus d'habitants dans le monde.
04:34Donc il y a de plus en plus de gens qui font du tourisme.
04:37Et puis il y a l'idée qu'il faut toujours se déplacer plus loin et surtout plus rapidement.
04:44Donc ce qui n'est pas durable dans le tourisme, c'est le transport.
04:48Et ce qui n'est pas durable dans le transport, c'est l'avion.
04:50Or, comme les vols à vocation touristique ne font que progresser, on est loin d'avoir réglé le problème du tourisme durable.
04:59Je reste avec vous Jean-Pierre.
05:01La France reste la première destination touristique mondiale.
05:05Comment prendre en main cette problématique du surtourisme sans se tirer une balle dans le pied ?
05:14Vous voyez ce que je veux dire ?
05:16En tout cas, sur le sujet du durable, ce qui est sûr, c'est qu'on ne peut pas...
05:20Je sais que le « en même temps » est un terme très à la mode.
05:23Enfin, un peu moins maintenant.
05:26En tout cas, on ne peut pas être en même temps la première destination mondiale en termes de fréquentation
05:31et en même temps la première destination durable puisque c'est un des objectifs assignés à l'économie touristique.
05:37On ne peut pas le faire.
05:38Donc ça veut dire qu'il va falloir faire des choix.
05:40Moi, je regrette qu'on n'ait jamais validé un certain nombre d'objectifs,
05:44qu'on n'ait jamais fait finalement une sorte de COP tourisme qui aurait permis de dire ce qu'on ne veut plus faire
05:49ou en tout cas ce qu'on veut faire baisser.
05:51Ce qui est sûr, c'est que plus on accueille de monde, plus on va être confronté à des problèmes de surtourisme.
05:56Mais je le redis, il n'y a pas d'augmentation de fréquentation notoire.
06:02Mais j'ai envie de dire pour une image un peu rigolote,
06:08si je surfe à mes courses aujourd'hui dans les magasins pour acheter mes cadeaux de Noël,
06:13je vais me plaindre qu'il y ait beaucoup de monde.
06:14Mais c'est la période qui veut ça.
06:16Au mois d'août, il y a beaucoup de monde qui part en vacances
06:20parce que les entreprises sont fermées, parce que c'est les vacances scolaires,
06:23et puis parce qu'il fait beau tout simplement.
06:25Le jour où on sera capable de faire changer les saisons
06:29et d'avoir l'hiver à 25 degrés au mois de novembre,
06:31il y aura plus de monde sur la plage au mois de novembre.
06:33J'ai envie de dire qu'il y aura beaucoup de soleil.
06:35Je reprends la main. On s'en plaint, Jean Pinard, et on y participe.
06:37C'est effectivement ce paradoxe.
06:39Ce qui est intéressant, Benoît Paroud, dans votre étude,
06:41c'est à quel point les Français sont prêts à modifier éventuellement leurs habitudes.
06:47Tout à fait, Thomas. C'est aussi ça qui est intéressant cette année.
06:50Déjà en 2022-2023, on voyait dans notre baromètre que les Français étaient prêts à faire des efforts
06:55pour ne pas renoncer aussi au tourisme.
06:58D'ailleurs, dans les arbitrages, le poste de tourisme et des vacances,
07:02c'est celui où il y a des arbitrages au dernier moment.
07:05C'est vraiment le dernier poste qu'on touche quand on doit faire des arbitrages financiers.
07:09Et là, ce qui est intéressant dans notre enquête cette année,
07:11c'est que justement les Français sont en faveur de mettre en place,
07:16de déployer des solutions dans la gestion d'aménagements
07:20et dans l'anticipation de cette fréquentation des lieux touristiques.
07:25On en veut pour preuve différents résultats.
07:28Par exemple, 89% des Français sont favorables à la mise en place d'horaires élargis
07:34au niveau des ouvertures des lieux touristiques.
07:37Alors effectivement, l'idée c'est de lisser un peu la fréquentation dans la journée,
07:46d'avoir la possibilité de venir un peu plus tôt, de venir un peu plus tard.
07:50Donc on voit déjà première action relativement simple à mettre en place
07:55et concrète, les Français adhèrent massivement à cette solution.
07:58Autre élément, 87% sont également favorables à l'idée de circuits alternatifs au niveau touristique.
08:05Alors c'est des choses qui sont déjà mises en pratique dans un certain nombre de régions touristiques,
08:09mais pour autant peut-être qu'elles ne sont pas assez mises en avant
08:12pour permettre justement à des gens pour lesquels le ressenti de la surfréquentation
08:18devient aussi un peu plus intolérable.
08:21On va prendre d'autres chiffres, mais là-dessus, Jean Pinard, je reviens vers vous,
08:24parce que les circuits alternatifs, c'est très bien,
08:28mais tout le monde voudra toujours visiter le Mont-Saint-Michel,
08:31même si la région propose plein d'autres sites et villages qui sont magnifiques.
08:36Vous voyez ce que je veux dire ?
08:37C'est ça l'ambiguïté, c'est qu'en fait, dans cette problématique telle qu'elle est posée aujourd'hui sur le surtourisme,
08:44on a l'impression qu'il faudrait qu'il y ait des endroits qui soient réservés à des gens
08:48qui auraient les codes et la culture pour visiter les sites les plus emblématiques
08:52et ceux qui n'auraient pas les codes devront se contenter d'autre chose.
08:55C'est pour ça que je parle de mépris de place, parce que finalement c'est un peu vers ça que l'on va.
09:00Donc oui, on a envie de visiter ce qui est connu, mais on a envie de visiter ce qui est beau.
09:05Alors juste sur cet exemple du Mont-Saint-Michel, la problématique de la surfréquentation du Mont-Saint-Michel,
09:11c'est quoi ? C'est quatre week-ends par an.
09:13C'est au mois de mai quand il commence à faire beau, quand on sort de chez soi,
09:16et qu'on dit, tiens, et si on allait visiter ou revisiter le Mont-Saint-Michel ?
09:20Donc moi je pense qu'il faut être un peu prudent et un peu modéré sur ce sujet du surtourisme,
09:26même si, sur la question des horaires, et les 80% de Français qui voudraient qu'on élargisse les horaires,
09:32si vous ouvrez le Louvre le mardi, vous donnez une capacité de fréquentation de 16% supplémentaire
09:39par rapport à ce qui se fait aujourd'hui, parce que c'est ouvert 7 jours sur 7.
09:42Donc effectivement, ouvrir 7 jours sur 7 les musées, ne plus fermer le mardi,
09:47ouvrir de 8h le matin mais surtout fermer à 22h voire à 23h des sites aussi emblématiques que le Louvre,
09:53c'est une première réponse, et moi il me semble assez facile à mettre en oeuvre.
09:57Il y a d'autres solutions, je vais donner les chiffres, parce que ça ouvre la question du prix, je trouve ça intéressant.
10:0379% favorables à la mise en place de tarifs modulés selon les saisons, 72% favorables à l'interdiction de la visite
10:11sur certaines périodes de l'année, là c'est coercitif, et 69% favorables au système de quotas.
10:18Il y a une question qui rejoint l'idée de mépris classe, c'est la sélection par le prix.
10:23Vous voyez ce que je veux dire, parce que oui on peut se dire mettons des tarifs tellement chers
10:28que moins de gens pourront se le payer.
10:30En fait je ne suis pas tout à fait d'accord avec cette idée de mépris classe, pourquoi ?
10:35Parce que l'enquête montre que toutes les solutions que nous avons testées sont partagées par globalement tous les français.
10:40Qu'ils soient de classe sociale aisée, qu'ils soient de classe sociale avec un peu plus de difficultés,
10:47qu'ils soient jeunes, qu'ils soient un peu plus âgés, quel que soit le genre, quelle que soit leur région d'habitation.
10:53Les réponses sont assez équilibrées.
10:55Oui, et c'est ça qui est fort si vous voulez, c'est que finalement l'ensemble, la grande majorité des français,
11:00quel que soit leur profil, attendent justement des solutions de régulation par rapport à ce type de soucis et de surfréquentations.
11:09Mais quand on parle de quota, il y a toujours quand on fait des études comme ça,
11:13c'est-à-dire qu'on dit bon bah oui super c'est un bon principe sauf le jour où on y est confronté.
11:17Vous voyez ce que je veux dire ?
11:18Oui sauf que si vous voulez il y a aussi une pratique de plus en plus régulière maintenant qui consiste à réserver pour pouvoir accéder.
11:26Vous prenez l'exemple du musée d'Orsay par exemple.
11:28Ma femme hier soir est allée voir l'exposition, la fameuse exposition qui est en ce moment,
11:32elle a forcément réservé et c'est une démarche qui est aujourd'hui très habituelle.
11:37Dans toute notre façon de consommer, on a de plus en plus l'habitude de réserver en avance pour pouvoir accéder à quelque chose.
11:45Et donc cette nécessité de mettre en place des quotas, de réserver, n'est plus un frein majeur aujourd'hui dans l'organisation de ces vacances.
11:54On planifie finalement, on planifie pour prendre le train, on planifie pour prendre l'avion, on va planifier aussi sa visite des lieux touristiques.
12:01Alors il y a juste un dernier mot oui, c'est que quand même on voit qu'il y a une petite séparation entre les moins de 50 ans et les personnes un peu plus seniors.
12:08Les personnes un peu plus seniors de plus de 50 ans sont un peu moins prêtes à faire des efforts et appellent un peu moins à la mise en place de solutions.
12:15Voilà c'était le seul élément un peu distinctif.
12:18Merci beaucoup, merci à tous les deux et à bientôt sur Be Smart For Change.
12:21On passe à notre rubrique start-up tout de suite.

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